Vlan #107 Peut on faire confiance à “l’avis populaire” sur Internet? avec Nicolas Vanderbiest

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Vlan #107 Peut on faire confiance à "l'avis populaire" sur Internet? avec Nicolas Vanderbiest
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GRÉGORY : Alors aujourd’hui, on va parler d’un concept que des gens connaissent, mais dont ils ne connaissent pas forcément le nom, qui est l’astroturfing. On pense à plein de choses, mais qu’est-ce que c’est ? 

NICOLAS : Alors, l’astroturfing, c’est un concept qui considère qu’on peut faire un soulèvement populaire qui en a en tout cas l’apparence, mais qui n’en est pas du tout dans la réalité. L’étymologie du mot ça vient d’astroturf, c’est-à-dire que c’est un produit de gazon synthétique, c’est-à-dire qu’à partir d’un certain moment, dans les stades de football américain, on a remplacé la pelouse qui n’était pas assez performante, qu’il fallait souvent changer par du gazon synthétique. En réalité, on appelle les mouvements citoyens, les grassroots movement. C’est cette opposition entre pelouses véritables (mouvements citoyens) et pelouses feintes (astroturf), et donc on utilise le mot astroturfing.

GRÉGORY : Donc ça implique, par exemple, d’acheter des followers, ce qu’on retrouve beaucoup. On connaît ça en tout cas sur Instagram ou autre, c’est-à-dire des gens qui achètent des followers pour faire croire que ce sont des influenceurs. C’est aussi vrai pour des entreprises, pour des fédérations ou des associations, et parfois dans la politique.

NICOLAS : Ce n’est pas non plus nouveau, mais c’est-à-dire qu’avec les réseaux sociaux et le web, ça s’est accentué parce qu’on peut donner l’illusion de majorité, on peut donner l’illusion d’influence, alors que derrière, il n’y en a rien, mais par exemple sur les réseaux sociaux, ça va être soit j’organise des grosses opérations, par exemple en Corée du Sud, il y a eu une opération d’Astroturfing où la présidente sortante avait fait envoyer plus de 24 millions de tweets contre son principal opposant. Mais, ça va être aussi des choses toutes bêtes, à un niveau très, très individuel, mais j’ai envie de faire croire que j’ai plus d’influence que j’en ai. On en parle beaucoup avec Instagram et autres, et je vais acheter des faux followers, donc ça va être complètement fin. C’est par exemple Faouzi Lamdaoui, qui est un ancien conseiller de François Hollande, qui avait utilisé ces techniques. Après, il y a des personnes qui n’achètent pas, qui vont aller chercher du vrai, mais qui ont utilisé des techniques pour se faire. C’était par exemple Xavier Couture, il a suivi un maximum de personnes, ces personnes ont vu, incroyable, je vais le suivre. Après, il a supprimé tous ces individus et il avait en une semaine 14 000 followers sur Twitter alors qu’il venait d’arriver. Après, ça va sur des degrés un peu plus sociétaux. Vous allez un peu monitorer les sondages qu’il y a sur différents sujets. L’Extrême-droite est très forte à ce petit jeu, sur le foulard, ils sont très actifs et c’est un blogueur de la sphère musulmane qui avait un jour dit “ah bah tiens, faut-il supprimer le voile ? Je vais voter 20 000 fois” et il s’était un peu moqué des médias comme ça parce que c’est très simple en réalité. Vous changez d’IP à chaque fois, vous avez un petit logiciel automatique qui feint un comportement, et vous pouvez voter comme ça 20 000 fois et faire croire qu’en fait la France entière veut la fin du foulard, et il est temps qu’on réagisse d’ailleurs. Donc c’est toute cette série de petites techniques qui vont être utilisés et qui petit à petit vont s’industrialiser. Les réseaux sociaux avançant, forcément, les agences de communication vont se dire tiens, c’est intéressant, je peux faire pas mal de choses, et on a comme ça dans ce rayon-là, vers les années 2010 je crois, l’agence de communication Havas, qui avait utilisé l’achat de fans sur Facebook, mais pour faire croire qu’en fait les Français voulaient un nouveau stade national de rugby, ils avaient oublié une petite chose, c’est qu’en fait on pouvait voir à propos de la page quelle était la ville qui était la plus représentée dans les fans et on était au Bangladesh, à Dakar. Donc, à part si là-bas, ils veulent un stade national de rugby, parce que c’est bien connu que là-bas le Rugby fonctionne particulièrement bien, eh ben voilà. Mais ça donne l’illusion finalement qu’il y a un intérêt, un support et ces types de choses. Ça va évoluer crescendo, on va avoir exactement la même chose, il n’y a pas longtemps, j’avais révélé le fait que les Jeux Olympiques de Los Angeles avaient triché aussi. En fait, leur parti pris, c’était quoi ? Ils voulaient prouver au CIO, donc ceux qui décidaient de l’organisation des JO, que la candidature de Los Angeles par rapport à Paris, il n’y avait que deux candidats, était davantage une candidature du pays, mais aussi qui concernait les jeunes, alors que Paris, c’étaient les vieux et pas les jeunes. Donc, ils avaient voulu faire croire qu’ils avaient beaucoup plus de followers sur Facebook, or, quand on observait les chiffres, on voyait le Bangladesh en deuxième position avec 104 000 fans, le Pakistan en troisième à 90 000 fans, etc. En fait, tout ça avait été fin, il avait été mis un peu en porte-à-faux juste avant la présentation, ce qui leur avait fait dire par exemple que j’étais un espion français et d’avoir des excuses aussi belle que “mais en fait, on voulait simplement des followers, donc on a demandé à Facebook une campagne de recrutement, mais pas cher et les campagnes de recrutement, c’est là-bas que ça se déroule”. Sauf que je veux bien qu’on aille dire à des personnes du Pakistan supporter la campagne de Los Angeles,mais à mon avis ça coûte cher quand même pour qu’ils se mettent à 100 000 à supporter le projet.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Nicolas Vanderbiest est chercheur et est déjà venu sur ce podcast mais dans cet épisode avec lui cette fois nous parlons de l’astroturfing.

Cette méthode permet de feindre des mouvements supposés de foules sur les réseaux sociaux. Ecoutez et vous allez tout comprendre.

Nous parlons avec Nicolas du fait que nous n’avons plus d’espace médiatique commun et que cela pose un grave souci démocratique évidemment.

On ne sait plus vraiment prendre le poul de la population.

Par ailleurs, en raison des réseaux sociaux et de l’optimisation de tout ,Il n’y a plus de complexité ni dans la communication des individus, des entreprises ou des politiques.

Alors que les questions sont de plus en plus complexes, les débats sont de plus en plus pauvres et c’est un vrai souci.

Comme Joel de Rosnay en parlait dans un épisode précédent, il faut aller vers une vision systémique. Mais comment faire quand tout va si vite et que chacun a son petit auditoire qui lui ait propre.

Nicolas décrypte parfaitement pourquoi les médias ne sont plus objectifs, comment ils sont manipulés et on essaie ensemble de trouver des solutions. Sans vouloir être négatif, c’est vrai que la problématique est tellement complexe que les pistes que nous avançons sont difficilement réalisables malgré tout.

Un épisode évidemment passionnant alors que les avis se déchirent sur Twitter à propos du port du voile ou sur d’autres sujets.

Comment tirer le vrai du faux, comment savoir si cela représente des vrais mouvements de foule?

C’est tout cela qu’on aborde avec Nicolas.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Alors aujourd’hui, on va parler d’un concept que des gens connaissent, mais dont ils ne connaissent pas forcément le nom, qui est l’astroturfing. On pense à plein de choses, mais qu’est-ce que c’est ? 

NICOLAS : Alors, l’astroturfing, c’est un concept qui considère qu’on peut faire un soulèvement populaire qui en a en tout cas l’apparence, mais qui n’en est pas du tout dans la réalité. L’étymologie du mot ça vient d’astroturf, c’est-à-dire que c’est un produit de gazon synthétique, c’est-à-dire qu’à partir d’un certain moment, dans les stades de football américain, on a remplacé la pelouse qui n’était pas assez performante, qu’il fallait souvent changer par du gazon synthétique. En réalité, on appelle les mouvements citoyens, les grassroots movement. C’est cette opposition entre pelouses véritables (mouvements citoyens) et pelouses feintes (astroturf), et donc on utilise le mot astroturfing.

GRÉGORY : Donc ça implique, par exemple, d’acheter des followers, ce qu’on retrouve beaucoup. On connaît ça en tout cas sur Instagram ou autre, c’est-à-dire des gens qui achètent des followers pour faire croire que ce sont des influenceurs. C’est aussi vrai pour des entreprises, pour des fédérations ou des associations, et parfois dans la politique.

NICOLAS : Ce n’est pas non plus nouveau, mais c’est-à-dire qu’avec les réseaux sociaux et le web, ça s’est accentué parce qu’on peut donner l’illusion de majorité, on peut donner l’illusion d’influence, alors que derrière, il n’y en a rien, mais par exemple sur les réseaux sociaux, ça va être soit j’organise des grosses opérations, par exemple en Corée du Sud, il y a eu une opération d’Astroturfing où la présidente sortante avait fait envoyer plus de 24 millions de tweets contre son principal opposant. Mais, ça va être aussi des choses toutes bêtes, à un niveau très, très individuel, mais j’ai envie de faire croire que j’ai plus d’influence que j’en ai. On en parle beaucoup avec Instagram et autres, et je vais acheter des faux followers, donc ça va être complètement fin. C’est par exemple Faouzi Lamdaoui, qui est un ancien conseiller de François Hollande, qui avait utilisé ces techniques. Après, il y a des personnes qui n’achètent pas, qui vont aller chercher du vrai, mais qui ont utilisé des techniques pour se faire. C’était par exemple Xavier Couture, il a suivi un maximum de personnes, ces personnes ont vu, incroyable, je vais le suivre. Après, il a supprimé tous ces individus et il avait en une semaine 14 000 followers sur Twitter alors qu’il venait d’arriver. Après, ça va sur des degrés un peu plus sociétaux. Vous allez un peu monitorer les sondages qu’il y a sur différents sujets. L’Extrême-droite est très forte à ce petit jeu, sur le foulard, ils sont très actifs et c’est un blogueur de la sphère musulmane qui avait un jour dit “ah bah tiens, faut-il supprimer le voile ? Je vais voter 20 000 fois” et il s’était un peu moqué des médias comme ça parce que c’est très simple en réalité. Vous changez d’IP à chaque fois, vous avez un petit logiciel automatique qui feint un comportement, et vous pouvez voter comme ça 20 000 fois et faire croire qu’en fait la France entière veut la fin du foulard, et il est temps qu’on réagisse d’ailleurs. Donc c’est toute cette série de petites techniques qui vont être utilisés et qui petit à petit vont s’industrialiser. Les réseaux sociaux avançant, forcément, les agences de communication vont se dire tiens, c’est intéressant, je peux faire pas mal de choses, et on a comme ça dans ce rayon-là, vers les années 2010 je crois, l’agence de communication Havas, qui avait utilisé l’achat de fans sur Facebook, mais pour faire croire qu’en fait les Français voulaient un nouveau stade national de rugby, ils avaient oublié une petite chose, c’est qu’en fait on pouvait voir à propos de la page quelle était la ville qui était la plus représentée dans les fans et on était au Bangladesh, à Dakar. Donc, à part si là-bas, ils veulent un stade national de rugby, parce que c’est bien connu que là-bas le Rugby fonctionne particulièrement bien, eh ben voilà. Mais ça donne l’illusion finalement qu’il y a un intérêt, un support et ces types de choses. Ça va évoluer crescendo, on va avoir exactement la même chose, il n’y a pas longtemps, j’avais révélé le fait que les Jeux Olympiques de Los Angeles avaient triché aussi. En fait, leur parti pris, c’était quoi ? Ils voulaient prouver au CIO, donc ceux qui décidaient de l’organisation des JO, que la candidature de Los Angeles par rapport à Paris, il n’y avait que deux candidats, était davantage une candidature du pays, mais aussi qui concernait les jeunes, alors que Paris, c’étaient les vieux et pas les jeunes. Donc, ils avaient voulu faire croire qu’ils avaient beaucoup plus de followers sur Facebook, or, quand on observait les chiffres, on voyait le Bangladesh en deuxième position avec 104 000 fans, le Pakistan en troisième à 90 000 fans, etc. En fait, tout ça avait été fin, il avait été mis un peu en porte-à-faux juste avant la présentation, ce qui leur avait fait dire par exemple que j’étais un espion français et d’avoir des excuses aussi belle que “mais en fait, on voulait simplement des followers, donc on a demandé à Facebook une campagne de recrutement, mais pas cher et les campagnes de recrutement, c’est là-bas que ça se déroule”. Sauf que je veux bien qu’on aille dire à des personnes du Pakistan supporter la campagne de Los Angeles,mais à mon avis ça coûte cher quand même pour qu’ils se mettent à 100 000 à supporter le projet.

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