#281 Comprendre l’effondrement des classes moyennes et populaires avec Esther Duflo

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#281 Comprendre l’effondrement des classes moyennes et populaires avec Esther Duflo
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Esther Duflo est une économiste qui a remporté le prix Nobel d’économie en 2019 conjointement avec son époux Abhijit Banerjee, elle également professeur d’économie au MIT.
Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit une prix Nobel sur Vlan et d’autant moins qu’elle sait totalement rester accessible.
Si nous parlons de sa collection de 10 livres pour enfants qui va leur permettre de mieux appréhender l’économie mais surtout la manière dont les enfants pauvres vivent, j’avoue que j’étais plus intéressé par l’effondrement des classes moyennes et populaires en France.
En effet, quand on pense à la pauvreté, on pense généralement aux personnes les plus démunies dans le monde, mais aussi en France. Cependant, il est de plus en plus évident que les personnes des classes moyennes et populaires en France ont également du mal à s’en sortir. Ce sujet est rarement abordé, mais il est, pour moi, à l’origine de la montée de l’extrême droite, des tensions sociales et des manifestations en France.

Comme nous le rapelle Esther Duflo, l’augmentation des inégalités n’est pas inévitable, mais plutôt le résultat de choix politiques et sociaux.

Les politiques économiques, les théories économiques simplistes et les décisions politiques ont tous contribué à cette situation.

Les politiques pourraient agir pour réduire les inégalités et soutenir les classes moyennes et populaires, mais cela nécessiterait de la confiance de la population et une communication efficace. Les politiques économiques et les réformes doivent être accompagnées de mesures de compensation pour les perdants, afin de rétablir la confiance et de garantir une transition équitable en particulier avec le commerce globalisé mais aussi avec l’arrivée de nouvelles technologies qui en lèsent certains.

On parle aussi d’écologie, du rapport à l’économie et de très nombreux autres sujets que je vous laisse découvrir ici.

Suggestion d’autres épisodes à écouter :

Transcription intégrale :

Quand on pense à la pauvreté, on pense tout de suite aux personnes les plus démunies dans le monde, mais aussi en France. Et c’est bien normal. Pourtant, ce que j’observe, c’est que les personnes des classes moyennes, mais aussi des classes populaires en France, ont de plus en plus de mal à s’en sortir. C’est un sujet dont on ne parle pas beaucoup. Et j’ai l’immense plaisir aujourd’hui de recevoir Esther Duflo, qui est prix Nobel d’économie, professeure d’économie au MIT.
Vous la connaissez sans doute. Et ensemble, on va se poser la question de savoir comment ça se fait qu’il y a un effondrement des classes moyennes et des classes populaires en Occident et particulièrement aux États-Unis. On n’en parle pas beaucoup comme je. Le disais, et pourtant pour moi c’est derrière la montée de l’extrême droite, c’est derrière la gang sociale, c’est derrière toutes les manifestations qu’on voit en France. Et donc on va se questionner.
Pourquoi ça arrive ? Comment ça arrive ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? Je vous laisse écouter l’épisode, j’espère que vous allez l’apprécier. Allez v’là, c’est parti !
Bonjour à tous, bonjour Esther. Bonjour. Comment ça va aujourd’hui ? Ça va bien. La première question qui me vient, c’est de me dire, quand je regarde l’état du monde et l’état des inégalités dans le monde, comment ça se fait qu’on en arrive à cette situation ?
Est-ce que c’est un problème autour de l’économie ? C’est-à-dire que l’économie, c’est une théorie pour faire en sorte qu’on… J’ai l’impression qu’il y a une sorte de partage des revenus. On réfléchit beaucoup à comment… fonctionne cette économie.
Et en même temps, on est dans une situation aujourd’hui où on a des profondes inégalités. Je ne sais pas si ce sont des inégalités qui n’ont jamais été vues depuis le XIXe siècle, comme le dit Thomas Piketty, mais en tout cas, qui sont très profondes et qui s’approfondissent, j’ai l’impression. Il n’y a pas de facialité dans l’augmentation des inégalités, il n’y a pas de loi économique qui dit que les inégalités doivent augmenter à chaque fois. En fait, c’est un choix, mais ce n’est pas vraiment un choix économique, c’est un choix de société, c’est un choix politique. comme le montre justement Thomas Piketty dans une brève histoire de l’inégalité, montre justement comment en fait les hommes sont parfaitement capables de s’organiser pour qu’il n’y ait pas une augmentation forte des inégalités.
Et là, on a vu l’augmentation des inégalités s’opérer à des rythmes et des intensités différentes selon les pays. en réponse à des choix de politiques différents. Donc, par exemple, au Royaume-Uni et en Angleterre pendant la période Thatcher-Reagan, il y a un choix conscient qui est de réduire les impôts, de réduire les syndicats ou de mettre les syndicats aux abois, de déréguler, etc.
Et c’est ces faits combinés qui conduisent à une augmentation très forte des inégalités qu’on ne retrouve pas à ce moment-là en Europe continentale. Mais en même temps, c’est aussi une théorie économique. Enfin, j’imagine, je ne la connais pas, mais j’imagine que dans sa tête, c’était quand même pour le bien commun qu’elle a fait ça. Il y a quand même des théories économiques derrière. Oui, il y avait une théorie économique qui était…
Enfin, il y avait… Je ne sais pas si c’est… En général, quand les théories économiques sont reprises par les hommes politiques, elles sont assez appauvries. Les hommes politiques, en général, sont esclaves de théories économiques qui datent d’au moins 10-15 ans, quand ils ont appris Econ 101 et qui ne sont pas forcément… Qui sont un peu…
En général, ils ne sont pas allés jusqu’à Econ 102, donc c’est un peu simpliste. Mais enfin bref, il y avait l’idée, à la fois aux États-Unis et au Royaume-Uni à l’époque, que ça pourrait faire redémarrer la croissance. Mais en fait, ça ne s’est pas fait. Et en parlant de simplification de théorie économique, je pense qu’il y a une immense simplification qui a été faite autour de Friedman, de son article des années 70 autour de les entreprises qui doivent uniquement faire du profit. Je ne sais pas si vous voyez.
Ce… Oui, bien sûr, la responsabilité sociale de l’entreprise est de faire du profit. Cette phrase a fêté ses 50 ans l’année dernière. Je ne sais pas si c’est une simplification de Friedman, parce que je crois que c’est vraiment ce qu’il y pensait. Je crois qu’il y pensait, mais c’est vraiment une vision de l’économie.
Par contre, c’est une vision de l’économie qui est très simpliste et qui est fausse et qui a d’ailleurs à contribuer, je pense, au fait que les gens n’aiment pas les économistes. En parlant de simplification, là, vous avez sorti toute une série de livres pour les enfants. Comment on fait pour expliquer ? Est-ce que c’est important d’expliquer l’économie aux enfants, déjà ? Et comment on fait pour leur expliquer ?
Étant donné que je viens juste de sortir dix livres sur les enfants, je ne vais pas vous dire que ce n’est pas important d’expliquer l’économie aux enfants. Mais plus que d’expliquer l’économie, je ne sais pas si l’objectif, c’est vraiment d’expliquer l’économie, mais plutôt de montrer comment les enfants pauvres vivent. Et justement, d’éviter la simplification. C’est pour ça que dix livres, c’est mieux que un. Parce qu’en un livre, pour faire passer quelques messages, on deviendrait très vite…
on sombrerait très vite dans les caricatures, les décisions à l’emporte-pièce, etc. Tandis que là, sur dix livres, on a le temps de bien se poser. Chaque livre est sur un thème. Et puis, en plus du thème, il y a un petit peu des incursions sur d’autres choses, des moments où ils vivent leur vie, etc. Les livres sont illustrés par Cheyenne Olivier, des illustrations qui sont à la fois magnifiques, mais aussi qui sont riches de détails.
Et au fur et à mesure que les enfants liront et reliront ces livres, ils pourront de plus en plus s’approprier ces détails. En fait, chacun de ces détails est vrai. Et chacun de ces détails amène, montre un petit aspect différent de ce que c’est que de vivre dans la pauvreté, dans les pays en développement. Donc ces livres, même s’ils sont aux destinations des enfants, donc qui sont Et ça passe par le ressort de l’illustration et le ressort de la fiction, avec des fictions qui, je l’espère, seront intéressantes. Tant que les histoires soient intéressantes, il y a des repondissements, elles sont séduisantes.
Et en même temps, elles veulent précisément éviter la simplification. Comment on explique aux parents que ça serait intéressant pour eux d’acheter ça à leurs enfants ? Parce qu’en fait, c’est les parents qui vont l’acheter par définition. Oui, à cet âge-là, parce que c’est plutôt destiné, c’est des livres qui sont destinés aux 5-8 ans, à cet âge-là, il y a beaucoup d’adultes prescripteurs, les parents, les enseignants, les bibliothécaires, les grands-parents. Et c’est vrai que c’est un public qui, en France, peut être un peu inquiet à l’idée de parler de pauvreté à ses enfants, parce que c’est des sujets qu’eux-mêmes ne connaissent pas forcément.
qui vont en général avec une petite dose de culpabilité, qu’on n’en fait pas assez, etc. Et avec une dose de tristesse et d’inquiétude… Peut-être… Les parents peuvent être inquiets d’amener de l’anxiété pour les enfants, soit l’éco-anxiété, parce qu’on parle d’environnement, soit d’anxiété vis-à-vis de la pauvreté en général. Et justement, l’idée de passer par l’histoire, la fiction et ces illustrations qui ne sont pas hyper réalistes ou sépia, un peu tristounes, etc.
C’est justement, ça permettra, je l’espère, à la fois aux enfants d’être attirés par les livres pour leur aspect physique et pour leurs histoires. Et du coup, aux parents de se laisser emporter. Et si ça a lieu, À la fin du livre, les parents trouveront un petit essai qui est sur le thème du livre, puisque chaque livre a un thème particulier. Par exemple, dans les livres qui viennent de sortir, là, il y en a un sur une inondation, il y a le problème de l’assurance, de la compensation vis-à-vis des risques climatiques. À la fin, il y a un petit essai pour les parents.
Et donc peut-être aussi pour toucher un public qui n’aurait pas forcément pris mes livres pour adultes dans la bibliothèque ou dans la librairie, ils pourront y arriver comme ça. Cela dit, je pense que ça peut se faire naturellement, ce serait évidemment le mieux, mais il est aussi possible qu’il faille un accompagnement dans la durée pour ces adultes prescripteurs. Les livres pour enfants c’est différent des livres pour adultes de ce point de vue-là, c’est-à-dire il n’y a pas un moment où ils sortent, on en parle pendant deux semaines puis c’est terminé. Ils ont une longue vie où peu à peu ils peuvent passer par exemple par l’éducation nationale, les éditions du seuil auxquelles les livres sont publiés prévoient de prévoir des fiches pour les enseignants. qui leur permettra d’aller encore plus loin que simplement la petite note documentaire à la fin pour quels sont les thèmes qui sont abordés dans le livre, au-delà du thème principal, comment ils peuvent intégrer l’histoire dans leur plan de travail en classe, etc.
Et on espère que comme ça, petit à petit, ça fera partie du paysage, des outils, de l’arsenal pour des adultes qui souhaiteraient exposer, que ce soit leurs enfants ou leurs élèves, à ce type de problématiques et qui, au départ, auraient peut-être été un petit peu inquiets de le faire. Et en plus, c’est ce que je trouve super, c’est que comme ce sont des histoires qui sont plutôt positives malgré tout, on peut s’y référer après qu’on explique. Et puis après, quand on explique à un enfant, quand on se retrouve dans une situation XY, on peut lui dire, tu te souviens ? C’est comme l’histoire d’un tel. Et voilà, tu te souviens comment ça s’est passé ?
Et oui, je pense que ça peut aussi générer des conversations intéressantes a posteriori, après la lecture. Oui, c’est un point intéressant que vous faites. En plus, toutes les histoires sont positives, tout en laissant toujours un petit peu d’ouverture. Il n’y a pas un Deus ex machina qui résout nécessairement tous les problèmes.
Mais ce qui est important, c’est aussi que toutes les solutions qui sont évoquées, elles sont réelles. C’est-à-dire, même si c’est de la fiction, c’est quand même de la fiction vraie, dans le sens où c’est un composé de solutions, de problèmes aussi, qui ont été expérimentés dans la vie réelle. Et en lisant les livres, on pourrait voir qu’ils ne sont pas situés géographiquement. Donc ça, c’est aussi vrai dans la fiction et dans l’illustration. C’était très important dans la décision qu’on a prise tout au début, dans ce que j’ai partagé avec Cheyenne-Olivier pour les illustrations, c’est de ne pas le localiser dans un endroit.
Parce qu’en fait, il y a plein de ressorts de la pauvreté qui sont pas liés à une géographie ou à un type de culture ou à un type de religion ou quoi que ce soit en particulier, mais qui sont des problèmes qu’on retrouve dans des environnements très différents. Donc les personnages, ils ont toutes les couleurs. Il y a des rouges, des verts, des violets, et c’est par famille dans le village. Et du coup, je pense que cette caractéristique-là, ça pourra peut-être aider le mécanisme dont vous venez de parler, c’est-à-dire de même de vouloir faire… que le même type de raisonnement pourra être adopté, pourra être appliqué à une situation que l’enfant découvrira dans sa propre vie.
Et il y a certains problèmes qui sont très différents et d’autres qui sont beaucoup plus similaires que les enfants auront pu expérimenter dans leur propre vie. Par exemple, dans les albums les plus récents, il y a un moment où une petite fille, Tumpa, décide d’essayer de sauver les arbres en s’attachant à un arbre.
Cette décision, elle l’a fait malgré sa grande timidité. Et donc ça, c’est quelque chose qu’un enfant pourra se dire dans un environnement tout à fait différent. Je ne sais pas, il y a quelqu’un. Je prends un exemple, quelqu’un à l’école se fait tabasser par une brute. Ça pourrait arriver dans une école française.
Un enfant qui est timide pourrait penser à cette histoire en se disant, c’est possible de faire quelque chose. Je ne peux pas résoudre tout le problème tout seul, mais au moins, je peux mettre un pas dans la direction d’une solution. Donc, c’est vrai qu’au-delà des des connaissances, disons, qui sont implicites dans l’histoire. Si on pouvait aussi faire passer un état d’esprit qui est un état d’esprit à la fois pragmatique, mais en même temps optimiste, ce serait une bonne chose. On a besoin d’optimisme.
Je ne sais pas si on va parler d’optimisme là tout de suite, avec l’axe que je vais vous poser. On en est où de la pauvreté ? Je vous disais tout à l’heure qu’on est dans des situations d’inégalités très profondes. On en est où de la pauvreté dans le monde ? Dans le monde, dans l’ensemble, ça c’est quelque chose, c’est une perspective qu’on n’a pas aussi forcément de nos perspectives de pays riches.
Parce que dans le monde, dans l’ensemble, au cours des 30 dernières années, c’est vrai qu’il y a eu une très forte augmentation des inégalités. en particulier avec les plus riches, les top 1%, 0,1%, etc., tirant de plus en plus leur épingle du jeu, s’accaparant une part du gâteau de plus en plus grand, du gâteau collectif de plus en plus grand. Mais en même temps, on a eu une diminution de la pauvreté extrême, avec la croissance, l’entrée dans le commerce international de la Chine et de l’Inde, mais pas seulement. Avec une diminution de pauvreté extrême dans plein de pays. Donc, en fait, c’est représenté parfois par la courbe de l’éléphant.
Ou d’un côté, au cours depuis les années 60, le revenu des riches est celui qui a augmenté le plus. C’est la trompe de l’éléphant. Mais en même temps, le revenu des pauvres a aussi augmenté. C’est le dos de l’éléphant. Et ceux qui se seront trouvés coincés au milieu, c’est les classes moyennes des pays riches.
Alors, qu’est-ce qui se passe ? Parce qu’effectivement, moi, je suis marqué J’ai 46 ans et je me souviens très bien que, bon, c’est pas vraiment classe moyenne, mais qu’en sortant d’école de commerce, je gagnais 37 000 euros par an à peu près. C’était il y a 20 ans. Et j’ai acheté un appartement à Paris qui coûtait 3 500 euros du mètre. Et aujourd’hui, on sort d’école, c’est le même salaire, sauf que c’est 12 000, 20 000 euros du mètre.
Et en fait, on voit bien que, là je parle de quelqu’un qui sort d’école de commerce, mais Mais en fait, on voit bien que pour des gens qui sont caissiers ou ouvriers, avant, ils pouvaient s’acheter une petite maison, un petit appartement, etc. Et aujourd’hui, c’est plus du tout possible, en fait. J’ai du mal à comprendre ce déclassement. Enfin, je sais pas si c’est un déclassement, d’ailleurs, je sais pas si c’est le bon terme, mais des classes moyennes et des classes populaires en France, mais dans les pays occidentaux de manière générale. Et vous parliez des 1%, mais j’ai l’impression que c’est même pas le problème des 1%, mais c’est vraiment des 0,01%.
Parce que 1% en France, je crois que c’est 7000 euros par mois de salaire. Et finalement, c’est un salaire qui est assez élevé, mais qui finalement, pour ceux qui les touchent, ils ont quand même des problématiques j’ai l’impression de classe moyenne ou anciennement classe moyenne. Et c’est ça que j’ai du mal à saisir en fait. J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’écrasement vers le bas de toute une classe de la population finalement. C’est sûr que l’augmentation des inégalités est fractale.
C’est-à-dire, plus on avance dans tous les travaux de Thomas Piketty, Gabriel Zuckman, Emmanuel Saez, etc., qui l’ont montré, c’est vrai pour les revenus, c’est encore plus vrai pour la richesse. c’est-à-dire le stock de ce que les gens ont à un moment donné. Donc le 1% s’est enrichi plus que le 10%, le 0,1% plus que le 1% et le 0,01% etc. Donc plus on avance dans les hauts revenus et après on arrive dans les très très très très hauts revenus où il n’y a plus que quelques personnes. Et on a vu, ça a été particulièrement massif pendant le Covid, mais ça datait d’avant, une explosion de ces revenus.
De ce fait, ce dont vous parlez pour les prix de l’immobilier, c’est une conséquence directe de cela, à la fois nationalement et internationalement. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de très fortes fortunes et qu’elles cherchent quelque part où s’installer, que les gens ne peuvent pas consommer tout cet argent. Ça met de la pression sur les prix immobiliers, en particulier dans des villes comme Paris où il n’y a pas tant de logements que ça. d’où une augmentation des prix parce qu’il y a peu d’appartements sur lesquels il y a toutes les fortunes du monde qui deviennent de plus en plus riches, qui sont prêts à payer de plus en plus. On trouve des gens, par exemple dans une ville comme Vancouver, Il y a tellement d’investissements chinois, d’appartements chinois, que les gens n’arrivent plus du tout à se loger en gouvernement.
Donc, c’est un exemple pour montrer Paris, pareil, vous parlez. À Lisbonne, c’est la même chose de manière plus récente, c’est-à-dire jusqu’à assez récemment, c’est là où on pouvait encore aller pour trouver un logement. Et maintenant, ça devient… C’est les cryptomillionnaires qui se sont installés à Lisbonne et qui font pousser les… Mais au Pays Basque ou à Bidjeïn, c’est pareil.
c’est les gens du Pays Basque qui ne peuvent plus se loger parce qu’il y a une pression forte sur les Parisiens et même d’autres. Il y a juste beaucoup de fortunes qui cherchent des endroits à s’installer, qui font la pression sur tout le monde. En Bretagne, c’est pareil. Donc, l’immobilier, c’est quand même très… C’est quand même particulièrement…
particulièrement appropriée pour ce genre de problème. C’est-à-dire qu’il y en a une quantité fixe. Et après, on trouve des situations comme ce qu’on trouve en Californie aujourd’hui, où il n’y a tout simplement pas assez de logements pour le nombre de gens qui habitent dans les villes en Californie, d’où une énorme explosion du nombre de personnes qui vivent à la rue. Et quoi qu’on fasse, finalement, il y a quand même un problème de chaises musicales. Il n’y a pas assez de chaises pour les gens qu’il y a.
Donc, l’immobilier, c’est vrai que c’est un symptôme de ce déclassement, mais c’est plus qu’un symptôme parce que c’est vraiment le… Comme il y a un facteur fixe. Les lois changent très lentement. Il faudrait pouvoir construire plus haut en Californie où il faudrait… C’est clair qu’il faudrait construire plus haut, il faudrait construire plus de logements.
Là, la régulation ne change pas parce que les gens qui sont déjà là, et qu’ils sont déjà dans leur maison, ils n’ont aucun intérêt. Donc il y a un phénomène de « not in my backyard » qui est que les gens ne veulent pas de logements sociaux, ne veulent même pas de logements collectifs à côté d’eux, ne veulent pas de trains, ne veulent pas de… Parce que pour eux, ça déclasse leur bien. Donc c’est très difficile politiquement. Justement, j’allais vous poser la question sur la politique.
Quand j’écoute typiquement Emmanuel Macron, mais ça peut être d’autres, typiquement quand il y a eu la réforme des retraites ou un peu plus tôt les Gilets jaunes, C’est comme si, en fait, sur la réforme de Rotedge, j’étais frappé de voir que le discours était sur est-ce qu’il faut travailler plus longtemps, moins longtemps, etc. Alors que fondamentalement, le problème, il est là. C’est-à-dire qu’en fait, il y a un déclassement des classes moyennes et des classes populaires. Elles se rendent compte. Elles ne sont pas vraiment capables de, j’imagine, de tip-point.
Elles n’ont pas de connaissances économiques particulières, mais elles comprennent bien que maintenant, on met des antivols sur la viande dans certaines régions, dans certaines zones. Clairement, il y a un problème. Donc, elle le voit, ça. Et je pense que tout le monde est d’accord pour dire que le système, il y a un vieillissement des populations, etc. Donc, je pense que tout le monde…
Mais ce que je ne comprends pas, c’est comment un gouvernement n’est pas capable de dire, oui, en fait, concrètement, il y a un problème sur les classes moyennes et les classes populaires. Ou alors, ils mentent, tout simplement, parce qu’ils le savent. Enfin, j’imagine qu’ils sont au courant, quand même. Et j’ai du mal à saisir. Alors, déjà, est-ce que les politiques peuvent faire quelque chose ?
A priori, ce que vous disiez par rapport à Margaret Thatcher, c’est que oui, ils peuvent avoir des politiques qui vont dans le sens d’une meilleure redistribution. Mais moi, j’ai l’impression que parfois, ils sont un peu pieds et mains liés avec l’économie aussi, d’une certaine manière.
Non, il y a des marges d’action, c’est-à-dire l’économie, à nouveau, l’économie n’est jamais une fatalité. L’économie, elle fonctionne dans une série de règles et de lois, etc., qu’on décide de se fixer, qui ont des effets différents. Par exemple, si on compare les pays scandinaves avec les États-Unis, on voit bien que Ils ont fait des choix différents qui se traduisent en résultats différents, que ce soit sur les inégalités, mais aussi sur des choses aussi fondamentales que la mortalité maternelle. On voit que les États-Unis, qui sont par certaines mesures le pays le plus riche du monde, est aussi un des pays de l’OCDE où la mortalité maternelle est la plus forte. Donc on voit bien qu’il y a des choix de politique, des priorités politiques qui ont des impacts sur la vie des gens.
Pour revenir aux classes moyennes, je pense que là où il y a potentiellement une situation difficile pour les politiques, qu’on a pu voir dans les efforts désespérés de faire la pédagogie sur la réforme des retraites, moins celle-là que celle d’avant.
Parce que si vous vous souvenez, cette réforme des retraites, là, c’était la deuxième. Il y avait déjà eu un essai qui avait raté. Et ce qui était intéressant, c’est que le premier essai était en fait mieux fait. Cette deuxième réforme des retraites, c’était juste… C’était pas grand-chose, c’était pas très utile, c’était pas très bien fait.
C’était vraiment ni fait ni à faire. Tandis que la première réforme des retraites, il y avait quand même une idée qui était juste, qui était de dire, on a des dizaines de systèmes de retraite en France qui sont en cloisonnement, ce qui fait qu’il y a des gens qui ont changé de carrière au milieu de leur vie, qui se trouvent avec des retraites miniatures des deux côtés, puisque forcément, plus on contribue dans un système, plus on a de retraites, mais ce n’est pas linéaire. Pour encourager les gens à travailler plus longuement. Mais du coup, on les force à rester dans une carrière. Ce qui n’est pas bon pour le fait que les gens peuvent changer d’avis sur ce qu’ils veulent faire de leur vie au fur et à mesure du temps.
Il faudrait que les gens puissent avoir cette flexibilité. Puis de toute façon, il est absurde d’organiser, d’avoir 150 systèmes de caisses de retraite différents. Ça n’a pas de sens. Donc là, l’idée qu’il y avait dans la première réforme des retraites, il y avait cette idée-là qui était une bonne idée. Or cette bonne idée, elle est tombée à la trappe parce que…
pour deux raisons. D’abord parce qu’elle a été…
a collé avec un effort très important de gagner de l’argent, c’est-à-dire, je crois que c’était surtout le Premier ministre à l’époque et qui voulait absolument, pour lui sa priorité c’était de dépenser moins, alors que la priorité aurait été sans doute de changer l’organisation du système et le faire de manière sensible avant de se poser la question de l’équilibre budgétaire. Mais la deuxième raison pour laquelle elle a échoué, c’est l’incapacité d’expliquer pourquoi ça faisait sens et surtout le manque de confiance de la population vis-à-vis de la réforme. C’est-à-dire l’attitude, la réponse assez naturelle et automatique des gens, et c’est pas juste en France, vis-à-vis d’une réforme d’un gouvernement, c’est on vous fait pas confiance, si vous faites ça, il y a forcément quelque chose derrière qui est mauvais pour nous. Et en l’occurrence, je crois profondément que réformer, mettre à plat le système de retraite et le réformer, ça aurait été une bonne idée. Ça aurait été plus facile d’obtenir la confiance si ça n’avait pas été accompagné d’un effort de réduire les budgets.
Mais même sans ça, ça aurait été difficile. Il y a d’autres exemples. Par exemple, pour revenir à un exemple dont on traite dans les livres, qui est la question d’utiliser trop d’eau. Dans un des albums de Céline, il y a un fermier qui utilise trop d’eau.
La raison pour laquelle il utilise trop d’eau, c’est que l’eau est gratuite pour lui. Et ça correspond à une situation qu’on trouve dans plusieurs pays en développement, par exemple en Inde, où les fermiers ont accès à l’eau gratuitement. Y compris dans des endroits où ils ont accès à l’électricité gratuitement pour pomper. Donc non seulement l’eau est gratuite, mais l’électricité pour la pomper est gratuite. Donc forcément, lui, dans l’image, il voit absolument pas les aspects négatifs.
Il voit pas le problème. Il a besoin d’eau pour son riz. Donc ça lui coûte rien et il va en utiliser le plus possible. Par contre, il gagne de l’argent avec. Et plus il y a de riz, plus il gagne de l’argent.
Donc de son point de vue, c’est clair qu’il n’y a que ça à faire. Donc on voit bien que c’est un système qu’il faudrait changer. non seulement pour le changement climatique, parce que ça fait gaspiller de l’énergie, mais de manière beaucoup plus immédiate et urgente, parce que ça conduit à une baisse du niveau de la nappe phréatique. C’est illustré dans le livre par « Les enfants n’ont plus à boire ». Et c’est réel.
À nouveau, c’est un vrai problème.
Mais il y a gouvernement après gouvernement au Punjab qui pourrait, ça pourrait se produire au Punjab, ça pourrait se produire ailleurs mais disons que c’est au Punjab. Gouvernement après gouvernement au Punjab ont essayé de changer le système en faisant payer aux fermiers l’eau et en échange en les compensant par des revenus fixes. On vous donne temps par mois, quoi qu’il arrive. Maintenant, par contre, si vous utilisez plus d’électricité, on vous fait payer l’électricité. C’est une réforme qui fait sens.
Oui. Aucun gouvernement… — Sauf pour les fermiers. — Non, non. Pour les fermiers, ça peut aussi faire sens, parce qu’on peut leur…
On les compense. — C’est vrai. — On les compense avec un revenu fixe. On pourrait même les compenser plus que… Alors la première fois que ça a été fait, la compensation était insuffisante.
Donc bon, ça n’a pas marché. Mais la deuxième fois que ça a été fait, la proposition de compensation était très généreuse. Donc ça fait sens même pour les fermiers. Après, une fois qu’ils ont les sous, de toute façon, ils peuvent se dire, puisque je dois payer pour l’électricité, je vais plutôt faire autre chose que du riz, par exemple. Mais ça n’a pas marché, il y a eu effort après effort, gouvernements sont tombés les uns après les autres, parce qu’il n’y a aucune confiance dans le fait que c’est vraiment une bonne chose.
Et les fermiers pensent que tout ça c’est contre nous. Donc finalement, oui, ils nous payent maintenant, mais ils le feront pas dans le futur. Donc quand il n’y a pas de confiance dans la politique publique, C’est très très difficile de mettre en œuvre des politiques où il y a forcément des gagnants et des perdants et des nécessités de compenser les perdants dans le système. C’est-à-dire qu’il n’y a presque aucune réforme qui va rendre tout le monde content. Il y a forcément toute réforme économique qui va risquer de créer des gagnants et des perdants.
Mais si la réforme est bonne, ça génère un surplus qui permet de compenser les perdants. Mais s’il n’y a pas de confiance dans la population que cette compensation aura lieu, qu’on soit dans un pays riche comme la France ou dans un pays moins riche comme l’Inde, alors la réforme ne peut pas avoir lieu. où la première réforme des retraites n’a pas eu lieu, et la deuxième elle a eu lieu au Forceps, mais de toute façon elle avait sacrifié l’aspect intéressant qui aurait été la mise en place d’un système unique. Mais en même temps c’est tellement lié, c’est impossible de ne pas faire le lien, mais quand on regarde les différents pays de l’Occident, pas qu’en Occident d’ailleurs, on voit une montée d’extrême droite, ou en tout cas des parties extrêmes, justement en raison de ce manque de confiance, mais est-ce que c’est pas lié aussi au système économique ? J’ai l’impression, mais encore une fois je me trompe peut-être, que les Français, mais ça peut être dans les autres pays évidemment, ils voient leur situation économique se dégrader.
Et c’est la raison pour laquelle ils vont, principalement, moi je crois pas que tous les gens qui votent extrême droite soient racistes, mais ils vont aller vers des politiques… Et je sais même pas pourquoi ils arrivent à leur faire plus confiance, parce qu’on sait bien que… Enfin, l’histoire nous a prouvé quand même qu’il n’y a pas besoin de leur faire plus confiance, c’est toujours pire. Mais n’empêche que… Et même Trump, moi je suis choqué parce qu’en fait Trump a passé quatre ans qui a favorisé les plus riches et c’est quand même les plus pauvres qui votent pour lui.
C’est quand même choquant. Enfin moi ça m’échappe en fait. Et il y a forcément un lien entre économie et politique. C’est-à-dire qu’en fait les gens sont déclassés et ils votent dans des parties extrêmes en réponse en fait. Oui, on en parle avec Abhijit Banerjee dans Économie utile pour des temps difficiles, de cette connexion.
Mais là, à nouveau, il n’y a pas de fatalité dans ce déclassement économique. Il y a des choix politiques qui sont faits ou qui ne sont pas faits à un moment donné. Par exemple, aux États-Unis, une cause non seulement du déclassement économique, mais du déclassement social fort C’est l’arrivée de la Chine dans le commerce international qui a décimé certaines industries aux États-Unis.
En même temps, il n’y avait pas de raison a priori que ces gens dont les jobs ont été décimés ne puissent pas être compensés. Et donc là, il y a eu d’abord un choix politique de laisser la Chine entrer dans l’organisation du commerce, très bien. Mais une fois qu’on a fait ça, on a oublié que ce serait positif pour tout le monde seulement s’il y avait une redistribution directe vers les gens qui seraient en compétition directe avec la Chine. En principe, les outils étaient en place puisque aux États-Unis, ils avaient mis en place un transfert qui s’appelle Trade Adjustment Assistance, T-A-A, assistance pour le commerce. auxquels les gens qui ont été déplacés, qui ont perdu leur job à cause du commerce, pouvaient en principe candidater.
Et s’ils avaient accès, ça leur donnait une assurance chômage prolongée, des bourses pour la formation, de l’aide pour déménager, tout ça. Donc en principe, il y avait même le programme. Et ce programme, d’ailleurs, il a été évalué. Et ce qui a permis de l’évaluer, c’est qu’il a été mis en place à un système tellement… à un niveau tellement bas que très, très peu de gens ont pu en bénéficier et que c’était un peu un hasard si quelqu’un en bénéficiait ou non, selon si la personne qui s’en occupait se sentait généreuse ce matin ou pas.
Et donc on peut voir que les gens qui ont eu la chance de bénéficier de ce programme se sont sortis plutôt bien, dix ans plus tard ont plus de chance d’avoir un emploi, de gagner leur vie bien, etc. Mais le programme est resté à un niveau absolument minime. C’est-à-dire les dépenses de ce programme, en comparaison avec les pertes de revenus qui ont eu lieu dans les endroits qui ont été touchés par la concurrence avec la Chine, sont extrêmement faibles. Donc parce que, comme l’industrie était assez concentrée, quand il y a eu un choc sur une industrie particulière, par exemple les meubles, Non seulement les gens perdent leur emploi dans les meubles, mais en plus, tous ceux qui les servaient dans les restaurants, ils perdent aussi leurs emplois. Et c’est comme ça qu’on arrive à une espèce d’effondrement d’une ville.
Donc les revenus, on peut… Il y a eu une recherche de David Hotter qui montre à quel point les gens ont perdu des revenus. Et on peut comparer ce que les gens ont perdu comme revenus dans ces régions affectées avec l’assistance du Trade Adjustment Assistance qui est miniature. Et dans la mesure où les gens ont reçu de l’aide, c’était presque exclusivement sous la forme de l’assurance handicap. Donc la seule manière, une fois comme l’assurance chômage est très limitée aux États-Unis, la seule manière d’être compensée, c’est de dire j’ai mal au dos ou j’ai un handicap de santé mentale.
Donc déjà, la personne, elle a perdu son emploi. Elle n’a plus de job. Elle a perdu sa dignité qui est allée avec l’emploi. Et la seule manière qu’elle a de survivre, c’est de dire qu’en plus, elle est handicapée. Donc c’est vraiment, comme ils disent en anglais, rajouter une insulte à la blessure.
Oui, c’est ça. Et après, tout ça, ça a eu des implications sur, donc ça c’est l’exemple du commerce, mais il y a d’autres qu’on peut répéter, sur la mécanisation par exemple, la robotisation dans les entreprises, tout le fait que les transitions qui étaient nécessaires dans une économie au mouvement, n’ont pas été accompagnés. On a laissé les gens se débrouiller tout seuls. Ils sont très mal débrouillés tout seuls. Et tout ça a conduit à une crise morale, sociale très forte aux États-Unis.
Là, l’expérience de vie réduit aux États-Unis depuis avant le Covid. En Europe aussi, non ? Non. C’est très américain comme phénomène. Jusqu’au Covid, c’est vraiment que l’espérance de vie baisse.
C’est presque exclusivement dû aux Blancs. Et ça peut être attribué largement à des gens entre 40 et 50 ans qui meurent de d’overdoses, d’opioïdes, qui meurent d’oxy, qui meurent d’empoisonnement à l’alcool ou de suicides. C’est ce que Hankes et Angus Deaton ont appelé les morts de désespoir.
Quand on arrive dans un pays où les gens sont suffisamment acculés pour se laisser mourir d’une manière ou d’une autre, tellement que la mortalité augmente dans un pays riche, ce qui est quand même unique, c’est pas étonnant que les gens aient été suffisamment fâchés pour pouvoir essayer autre chose. Et justement, parce qu’il n’y a aucune confiance dans la… dans la politique traditionnelle. Mais on voit qu’à nouveau, il n’y a pas du tout de fatalité dans le sens où il y avait une politique qui aurait pu être employée, qui pourrait encore être mise en place. Bien sûr, bien sûr.
Donc, c’est toujours… C’est jamais… Il ne faut jamais se dire… C’est fichu. Non, non, oui.
Il ne faut jamais se dire c’est une espèce de… C’est les lois de l’économie qui sont comme ça. C’est toujours une combinaison entre ce qui se passe effectivement dans le domaine économique et comment on décide d’y répondre. Et je ne vous avais pas posé la question, mais on a réussi à quantifier cet appauvrissement des classes moyennes et des classes populaires en Occident ou pas ? Oui, il y a plusieurs manières de le quantifier.
Une façon de le voir, par exemple, c’est qu’aux Etats-Unis, le salaire médian n’a pas bougé depuis des dizaines d’années. C’est une façon… Pendant qu’il y avait de la croissance aux Etats-Unis, que les top 1%, le salaire médian reste fixe. Et comme vous le dites, il y a certains postes budgétaires qui ne font qu’augmenter, comme le logement. Et c’est marrant parce que quand on reprend sur le sujet des logements, donc c’est des gens très riches qui ont du coup plein de logements partout, donc ils vivent pas dedans, c’est des appartements qui sont vides.
A Paris ça arrive beaucoup, à Lisbonne aussi il y a plein de villes dans lesquelles il y a plein d’appartements qui sont vides en fait, qui sont achetés par des gens qui savent plus quoi faire de leur argent. Et de l’autre côté, il y a des gens qui, du coup, n’arrivent pas parce que ça fait monter le prix moyen du loyer. Enfin, le prix moyen du mètre carré. À Paris aujourd’hui, si on n’a pas un parent qui avait déjà un appartement, c’est très difficile. C’est très difficile.
Très difficile. Je vous ai entendu dire qu’il ne fallait pas tout mettre sur le dos du capitalisme, que ce n’était pas une question d’hypercapitalisme, etc. Est-ce qu’on a tendance à faire un petit peu quand même, parce que les gens qui ne sont pas économistes ont tendance à simplifier, moi y compris, en disant qu’il y a un vrai problème. Si je reprends la définition d’Adam Smith de capital travail et terre, on se dit qu’on a trop mis sur le capital et puis tout le reste, finalement, il n’y a plus rien. Le travail n’a pas de valeur et avec l’intelligence artificielle qui arrive, il y en a de moins en moins.
La terre, on voit bien que les agriculteurs ont beaucoup de mal à vivre. Mais vous dites, enfin je vous ai entendu dire en tout cas, faut pas tout mettre sur le dos du capitalisme, c’est pas ça, c’est pas juste ça, ou en tout cas c’est pas ça le problème. C’est quoi la part du capitalisme là-dedans, ou de l’hypercapitalisme ? Je sais même pas comment appeler ça. Ça me parait un petit peu des grands mots.
De la même façon que je pense pas que c’est le fonctionnement de l’économie naturellement, qu’il y a une… Il y a des lois qui disent qu’il faut que les…
Il y a des lois qui disent que les inégalités vont forcément augmenter suite aux changements technologiques, etc. Je crois que c’est toujours une combinaison entre le système économique et les institutions. Vous avez beaucoup parlé d’écologie. On a tendance à opposer écologie et économie quand on reprend la raci…
Un chouïa plus, je pense. Je peux faire 10 minutes ? 10 minutes max, parce qu’après je vais me déjeuner.
Vous avez beaucoup parlé d’écologie, on a tendance à opposer écologie-économie, alors que quand on reprend la racine des mots, c’est les mêmes racines. Donc on a la parole de la maison et puis de l’autre côté, la gestion de la maison. Vous, c’est quoi votre compréhension ou la manière dont vous regardez l’écologie aujourd’hui ? pas le combat politique, mais plutôt la situation dans laquelle on est aujourd’hui. Et pour reprendre, en fait, ce qui est très lié à Friedman, c’est-à-dire cette non-conscience, ou en tout cas ce non-intérêt pour les autres parties prenantes, comment vous regardez aujourd’hui la problématique de l’écologie par rapport à l’économie ?
— Oui, donc il n’y a aucune raison qu’il y ait une opposition entre écologie et économie. Ce qui est sûr, c’est que les entreprises laissées à elles-mêmes… Pas leur responsabilité, comme disait Friedman, mais leur tendance, c’est quand même de maximiser les revenus pour leurs actionnaires. au dépend du reste. Et on ne peut pas du tout compter sur les entreprises pour voir la lumière et tout d’un coup faire les bonnes choses.
Il faut que ce soit organisé par la société, il faut que ce soit organisé. C’est pour ça qu’on a des gouvernements et c’est pour ça qu’il nous faut aussi des institutions internationales parce que c’est un bien public mondial la qualité de notre planète. Et non seulement c’est un bien public mondial, mais l’importance de ce bien public est devenue disproportionnée dans les pays les plus pauvres. Puisque qu’aujourd’hui, si la planète se réchauffe, au fur et à mesure que la planète se réchauffe, les premières victimes, c’est les gens des pays du Sud. Donc on ne peut pas s’attendre à ce que les entreprises, il y a des entreprises individuelles qui décident que ça fait sens.
Mais de se dire, on va compter sur les fonds ESG, le bon vouloir des entreprises pour régler le problème, ça, ça me paraît complètement un plan sur la comète. Mais par contre, voilà ce que l’économie peut nous éclairer sur l’organisation d’une société qui serait, qui forcerait les entreprises à prendre en compte ces enjeux, ces enjeux climatiques. Par exemple, on les taxe en plus quand elles sont plus polluantes.
Je connais la réponse, mais j’aimerais bien avoir votre réponse quand même. Est-ce qu’il y a une théorie économique qui pourrait s’appliquer et qui pourrait, entre guillemets, résoudre tous les problèmes ? Non, il n’y a pas une théorie économique qui pourrait résoudre tous les problèmes. C’est beaucoup plus complexe que ça, en fait. C’est ça, la réalité ?
Et c’est forcément une mixité de choses. Voilà, il y a plein de choses. Il y a plein de problèmes auquel il faut… Réfléchir, apporter plein de solutions, puis les tester. Parce que souvent aussi, quand on essaye d’élaborer une solution, on oublie quelque chose au passage et ça ne marche pas comme on avait prévu.
En particulier, je vous ai entendu parler du microcrédit et des limites. Parce qu’en fait, le microcrédit, ça a été extrêmement mis en avant. Même gagner le prix Nobel de la paix. Ça a eu ses heures de gloire. Et en même temps, ce que vous dites, vous, c’est que ça a aussi ses limites.
Ça dépend comment on l’applique. Ça dépend des conditions. Justement, empiriquement, le microcredit c’était vraiment une de ces modes qui allaient tout régler. Et de toute façon, les modes, en particulier dans ce domaine un peu responsabilité sociale des entreprises, gagner de l’argent tout en faisant du bien, on va vraiment de mode en mode. Le microcredit c’en était une.
Juste empiriquement, il se trouve que les gens qui ont accès à un microcrédit, en moyenne, ne sortent pas de la pauvreté grâce à ça. Ça ne les rend pas plus pauvres non plus, mais ça ne les rend pas plus riches non plus. Ça a été évalué dans plein de pays différents, dans plein de contextes différents, et c’est ce qu’on trouve. Ça ne veut pas dire que c’est inutile, mais ça veut dire que pour certaines personnes, ce dont les ménages ont besoin, c’est plutôt un moyen d’épargner pour pouvoir accéder à des biens durables. ou d’un prêt de consommation à des taux beaucoup plus raisonnables que celui que le microcrédit pratique.
Et puis certaines personnes peuvent effectivement démarrer une activité, mais c’est pas tout le monde. D’ailleurs, il y a un de nos albums qui est sur la question du microcrédit, et justement on voit que la jeune fille, c’est une adolescente… — Elle n’y arrive pas. Elle n’y arrive pas. Elle essaie, elle prend du microcrédit parce qu’elle se dit super, je vais essayer de faire quelque chose.
Mais elle n’a pas d’idée et elle n’y arrive pas. Et ce qu’il lui faut, elle, c’est un emploi. Complètement. Et j’ai lu plusieurs études d’ailleurs, pas qu’une, sur les SDF. De mémoire, c’était en Grande-Bretagne, mais dans d’autres pays également, où plutôt que de dépenser de l’argent dans des aides, ils donnaient directement l’argent aux SDF.
Et on se rendait compte que, si je me souviens bien, que l’impact était plus positif. C’est-à-dire qu’en fait, les SDF, une fois qu’on leur donnait l’argent, ils arrivaient à en faire quelque chose. Certains, j’imagine qu’il y avait des conditions, etc. Mais je ne sais pas s’ils étaient familières avec ces études. Pas sur les SDF en Angleterre mais de manière générale il y a beaucoup d’études dans les dix dernières années sur les transferts directs financiers aux gens.
C’était quelque chose qui se faisait très très peu dans les pays en développement. La protection sociale n’était quasiment pas sous la forme de transferts financiers aux ménages et ça s’est vraiment développé autour au cours des deux dernières décennies. Il y a eu beaucoup d’évaluations et dans l’ensemble elles sont très positives, c’est-à-dire on montre que les gens on leur donne du cash, ils sont parfaitement capables de s’en occuper très bien. Par exemple, si on veut que les gens mangent plus, avant on pensait qu’il fallait leur donner de la nourriture, il se trouve que leur donner du cash est tout aussi efficace et ça coûte beaucoup moins cher, c’est beaucoup plus facile, il y a beaucoup moins de corruption, la logistique est beaucoup plus simple. Donc, de manière générale, on se déplace.
Il y a un consensus qui est en train de se développer sur le fait que c’est approprié de faire des transferts financiers, au moins dans certains cas, directement aux gens, au lieu de monter des usines à gaz. Parce qu’effectivement, il y a cette croyance que si les gens sont pauvres, c’est un peu de leur faute quelque part, parce qu’ils ne savent pas gérer leur argent. C’est un des préjugés sur les pauvres, oui. — Et par rapport à ce que vous disiez sur la politique aux États-Unis et sur les aides qui étaient quasiment impossibles à avoir, pour le coup, de mémoire, Macron, il a mis en place… Parce qu’une des raisons de la pauvreté aussi, en France, pour le coup, c’est que les gens ne demandent pas les aides.
C’est-à-dire que l’extrême droite n’arrête pas de parler du fait qu’il y a des aides dans tous les sens, qu’il y a beaucoup trop d’aides, etc. Mais la réalité, c’est qu’en fait, les gens, je ne connais plus les pourcentages, mais ne les demandent pas ces aides. Et je crois, si je ne me trompe pas, que maintenant, il a fait une sorte de distribution automatique, c’est-à-dire que quand les gens ont droit, ils y accèdent. Donc il y a un gros problème de non-recours en France qui s’est accéléré en plus avec la dématérialisation parce qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont pas compris comment… Et aussi qui va avec une certaine méfiance de…
un peu presque automatique des personnes qui sont chargées de donner cette aide qui va dire telle personne n’est pas justifiée ou n’est pas éligible ou pas. Donc l’idée du paiement à la source, je ne sais pas si c’est encore vraiment mis en place, mais c’est le projet en tout cas. Effectivement, c’est une bonne idée parce que ça réduit, plus on peut réduire les obstacles entre les gens et les aides qui les concernent, mieux c’est. Et en général, il y a un peu un parcours du combattant pour accéder à ces aides. Et plus les choses sont automatiques et transparentes, mieux c’est.
Donc ça, ça va vraiment dans le bon sens. Je vous pose une dernière question, qui est la question que je pose à tout le monde pour le podcast. Je ne vous avais pas prévenu d’ailleurs, donc ce n’est pas très grave. Le podcast s’appelle VLAN. L’idée, c’est claquer la porte, ouvrir la porte.
Et j’aimerais savoir à quoi vous voulez ouvrir et où claquer la porte. Alors ouvrir, c’est vraiment, donc pour revenir au thème des enfants, ouvrir la perspective des enfants sur le fait qu’il y a des problèmes peut-être auxquels ils n’ont jamais été confrontés, ouvrir leur esprit, leur laisser être curieux, pas forcément leur donner les solutions toutes clés en main, mais leur montrer au moins que ces problèmes existent et que des enfants qui sont un petit peu comme eux finalement, ils sont confrontés. à fermer la porte le plus possible aux idées toutes faites, aux caricatures et en particulier à tout ce qui concerne les caricatures sur les pauvres. Soit qu’ils soient paresseux et responsables de leur propre pauvreté, soit au contraire que c’est des entrepreneurs qui s’ignorent et qui pourraient tous devenir Bill Gates si seulement on leur donnait un peu d’argent et qu’on sortait de leur patate. Non, parce que ce que vous dites, c’est qu’effectivement, c’est des problèmes qui sont systémiques, en fait.
C’est-à-dire que la réalité, c’est que le système fait qu’aujourd’hui, quand on est pauvre, on est… Enfin, en ce moment, en tout cas, c’est la situation, plus on est pauvre, plus on est pauvre. Enfin, je veux dire, c’est de plus. En plus difficile de s’en sortir. Plus il y a de contraintes pour essayer de s’en sortir, donc il faut trouver les leviers sur lesquels…
En même temps, bien que ce soit le cas, il ne faut pas non plus en devenir fataliste. C’est-à-dire que dans cette situation-là, souvent, il y a des leviers sur lesquels on pourra appuyer qui ouvrent une solution possible. Donc, il faut les trouver et puis appuyer dessus. J’aime bien cette citation de Annie Arnaud qui dit, il n’y a pas d’ascenseur social, les pauvres prennent l’escalier de service. Et en même temps, il faut savoir où sont ces escaliers.
Exactement, il faut avoir de la chance. Moi, j’ai eu cette chance à ce moment-là, mais c’est vrai que c’est moche de prendre ces gens-là en exemple, parce qu’en fait, c’est un concours de circonstances qui font qu’ils ont réussi à prendre cet escalier, mais en fait… Il faut essayer de trouver le plus de points d’entrée où on peut ouvrir un petit peu ces trappes de pauvreté. Et quand il y a des mécanismes d’auto-entretien de la pauvreté, ça veut aussi dire qu’il peut y avoir des mécanismes vertueux. Donc pour ouvrir la porte aussi, c’est vraiment ouvrir la porte de ces trappes de pauvreté.
Parfait. Merci beaucoup Esther. Merci. Si vous avez aimé l’émission, n’hésitez pas à mettre des étoiles sur vos plateformes de podcast préférées. Vous pouvez aussi partager l’épisode sur vos réseaux sociaux, Instagram Stories, Facebook, LinkedIn, où vous voulez.
Je suis Grégory Pouilly, vous pouvez me retrouver sur l’intégralité des plateformes sous le nom Greg from Paris. Si vous avez des idées pour des invités, si vous avez des commentaires, n’hésitez surtout pas à m’envoyer un message. Allez, merci et à bientôt !
Quand on pense à la pauvreté, on pense tout de suite aux personnes les plus démunies dans le monde, mais aussi en France. Et c’est bien normal. Pourtant, ce que j’observe, c’est que les personnes des classes moyennes, mais aussi des classes populaires en France, ont de plus en plus de mal à s’en sortir. C’est un sujet dont on ne parle pas beaucoup. Et j’ai l’immense plaisir aujourd’hui de recevoir Esther Duflo, qui est prix Nobel d’économie, professeure d’économie au MIT. Vous la connaissez sans doute. Et ensemble, on va se poser la question de savoir comment ça se fait qu’il y a un effondrement des classes moyennes et des classes populaires en Occident et particulièrement aux États-Unis. On n’en parle pas beaucoup comme je. Le disais, et pourtant pour moi c’est derrière la montée de l’extrême droite, c’est derrière la gang sociale, c’est derrière toutes les manifestations qu’on voit en France. Et donc on va se questionner. Pourquoi ça arrive ? Comment ça arrive ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? Je vous laisse écouter l’épisode, j’espère que vous allez l’apprécier. Allez v’là, c’est parti ! Bonjour à tous, bonjour Esther. Bonjour. Comment ça va aujourd’hui ? Ça va bien. La première question qui me vient, c’est de me dire, quand je regarde l’état du monde et l’état des inégalités dans le monde, comment ça se fait qu’on en arrive à cette situation ? Est-ce que c’est un problème autour de l’économie ? C’est-à-dire que l’économie, c’est une théorie pour faire en sorte qu’on… J’ai l’impression qu’il y a une sorte de partage des revenus. On réfléchit beaucoup à comment… fonctionne cette économie. Et en même temps, on est dans une situation aujourd’hui où on a des profondes inégalités. Je ne sais pas si ce sont des inégalités qui n’ont jamais été vues depuis le XIXe siècle, comme le dit Thomas Piketty, mais en tout cas, qui sont très profondes et qui s’approfondissent, j’ai l’impression. Il n’y a pas de facialité dans l’augmentation des inégalités, il n’y a pas de loi économique qui dit que les inégalités doivent augmenter à chaque fois. En fait, c’est un choix, mais ce n’est pas vraiment un choix économique, c’est un choix de société, c’est un choix politique. comme le montre justement Thomas Piketty dans une brève histoire de l’inégalité, montre justement comment en fait les hommes sont parfaitement capables de s’organiser pour qu’il n’y ait pas une augmentation forte des inégalités. Et là, on a vu l’augmentation des inégalités s’opérer à des rythmes et des intensités différentes selon les pays. en réponse à des choix de politiques différents. Donc, par exemple, au Royaume-Uni et en Angleterre pendant la période Thatcher-Reagan, il y a un choix conscient qui est de réduire les impôts, de réduire les syndicats ou de mettre les syndicats aux abois, de déréguler, etc. Et c’est ces faits combinés qui conduisent à une augmentation très forte des inégalités qu’on ne retrouve pas à ce moment-là en Europe continentale. Mais en même temps, c’est aussi une théorie économique. Enfin, j’imagine, je ne la connais pas, mais j’imagine que dans sa tête, c’était quand même pour le bien commun qu’elle a fait ça. Il y a quand même des théories économiques derrière. Oui, il y avait une théorie économique qui était… Enfin, il y avait… Je ne sais pas si c’est… En général, quand les théories économiques sont reprises par les hommes politiques, elles sont assez appauvries. Les hommes politiques, en général, sont esclaves de théories économiques qui datent d’au moins 10-15 ans, quand ils ont appris Econ 101 et qui ne sont pas forcément… Qui sont un peu… En général, ils ne sont pas allés jusqu’à Econ 102, donc c’est un peu simpliste. Mais enfin bref, il y avait l’idée, à la fois aux États-Unis et au Royaume-Uni à l’époque, que ça pourrait faire redémarrer la croissance. Mais en fait, ça ne s’est pas fait. Et en parlant de simplification de théorie économique, je pense qu’il y a une immense simplification qui a été faite autour de Friedman, de son article des années 70 autour de les entreprises qui doivent uniquement faire du profit. Je ne sais pas si vous voyez. Ce… Oui, bien sûr, la responsabilité sociale de l’entreprise est de faire du profit. Cette phrase a fêté ses 50 ans l’année dernière. Je ne sais pas si c’est une simplification de Friedman, parce que je crois que c’est vraiment ce qu’il y pensait. Je crois qu’il y pensait, mais c’est vraiment une vision de l’économie. Par contre, c’est une vision de l’économie qui est très simpliste et qui est fausse et qui a d’ailleurs à contribuer, je pense, au fait que les gens n’aiment pas les économistes. En parlant de simplification, là, vous avez sorti toute une série de livres pour les enfants. Comment on fait pour expliquer ? Est-ce que c’est important d’expliquer l’économie aux enfants, déjà ? Et comment on fait pour leur expliquer ? Étant donné que je viens juste de sortir dix livres sur les enfants, je ne vais pas vous dire que ce n’est pas important d’expliquer l’économie aux enfants. Mais plus que d’expliquer l’économie, je ne sais pas si l’objectif, c’est vraiment d’expliquer l’économie, mais plutôt de montrer comment les enfants pauvres vivent. Et justement, d’éviter la simplification. C’est pour ça que dix livres, c’est mieux que un. Parce qu’en un livre, pour faire passer quelques messages, on deviendrait très vite… on sombrerait très vite dans les caricatures, les décisions à l’emporte-pièce, etc. Tandis que là, sur dix livres, on a le temps de bien se poser. Chaque livre est sur un thème. Et puis, en plus du thème, il y a un petit peu des incursions sur d’autres choses, des moments où ils vivent leur vie, etc. Les livres sont illustrés par Cheyenne Olivier, des illustrations qui sont à la fois magnifiques, mais aussi qui sont riches de détails. Et au fur et à mesure que les enfants liront et reliront ces livres, ils pourront de plus en plus s’approprier ces détails. En fait, chacun de ces détails est vrai. Et chacun de ces détails amène, montre un petit aspect différent de ce que c’est que de vivre dans la pauvreté, dans les pays en développement. Donc ces livres, même s’ils sont aux destinations des enfants, donc qui sont Et ça passe par le ressort de l’illustration et le ressort de la fiction, avec des fictions qui, je l’espère, seront intéressantes. Tant que les histoires soient intéressantes, il y a des repondissements, elles sont séduisantes. Et en même temps, elles veulent précisément éviter la simplification. Comment on explique aux parents que ça serait intéressant pour eux d’acheter ça à leurs enfants ? Parce qu’en fait, c’est les parents qui vont l’acheter par définition. Oui, à cet âge-là, parce que c’est plutôt destiné, c’est des livres qui sont destinés aux 5-8 ans, à cet âge-là, il y a beaucoup d’adultes prescripteurs, les parents, les enseignants, les bibliothécaires, les grands-parents. Et c’est vrai que c’est un public qui, en France, peut être un peu inquiet à l’idée de parler de pauvreté à ses enfants, parce que c’est des sujets qu’eux-mêmes ne connaissent pas forcément. qui vont en général avec une petite dose de culpabilité, qu’on n’en fait pas assez, etc. Et avec une dose de tristesse et d’inquiétude… Peut-être… Les parents peuvent être inquiets d’amener de l’anxiété pour les enfants, soit l’éco-anxiété, parce qu’on parle d’environnement, soit d’anxiété vis-à-vis de la pauvreté en général. Et justement, l’idée de passer par l’histoire, la fiction et ces illustrations qui ne sont pas hyper réalistes ou sépia, un peu tristounes, etc. C’est justement, ça permettra, je l’espère, à la fois aux enfants d’être attirés par les livres pour leur aspect physique et pour leurs histoires. Et du coup, aux parents de se laisser emporter. Et si ça a lieu, À la fin du livre, les parents trouveront un petit essai qui est sur le thème du livre, puisque chaque livre a un thème particulier. Par exemple, dans les livres qui viennent de sortir, là, il y en a un sur une inondation, il y a le problème de l’assurance, de la compensation vis-à-vis des risques climatiques. À la fin, il y a un petit essai pour les parents. Et donc peut-être aussi pour toucher un public qui n’aurait pas forcément pris mes livres pour adultes dans la bibliothèque ou dans la librairie, ils pourront y arriver comme ça. Cela dit, je pense que ça peut se faire naturellement, ce serait évidemment le mieux, mais il est aussi possible qu’il faille un accompagnement dans la durée pour ces adultes prescripteurs. Les livres pour enfants c’est différent des livres pour adultes de ce point de vue-là, c’est-à-dire il n’y a pas un moment où ils sortent, on en parle pendant deux semaines puis c’est terminé. Ils ont une longue vie où peu à peu ils peuvent passer par exemple par l’éducation nationale, les éditions du seuil auxquelles les livres sont publiés prévoient de prévoir des fiches pour les enseignants. qui leur permettra d’aller encore plus loin que simplement la petite note documentaire à la fin pour quels sont les thèmes qui sont abordés dans le livre, au-delà du thème principal, comment ils peuvent intégrer l’histoire dans leur plan de travail en classe, etc. Et on espère que comme ça, petit à petit, ça fera partie du paysage, des outils, de l’arsenal pour des adultes qui souhaiteraient exposer, que ce soit leurs enfants ou leurs élèves, à ce type de problématiques et qui, au départ, auraient peut-être été un petit peu inquiets de le faire. Et en plus, c’est ce que je trouve super, c’est que comme ce sont des histoires qui sont plutôt positives malgré tout, on peut s’y référer après qu’on explique. Et puis après, quand on explique à un enfant, quand on se retrouve dans une situation XY, on peut lui dire, tu te souviens ? C’est comme l’histoire d’un tel. Et voilà, tu te souviens comment ça s’est passé ? Et oui, je pense que ça peut aussi générer des conversations intéressantes a posteriori, après la lecture. Oui, c’est un point intéressant que vous faites. En plus, toutes les histoires sont positives, tout en laissant toujours un petit peu d’ouverture. Il n’y a pas un Deus ex machina qui résout nécessairement tous les problèmes. Mais ce qui est important, c’est aussi que toutes les solutions qui sont évoquées, elles sont réelles. C’est-à-dire, même si c’est de la fiction, c’est quand même de la fiction vraie, dans le sens où c’est un composé de solutions, de problèmes aussi, qui ont été expérimentés dans la vie réelle. Et en lisant les livres, on pourrait voir qu’ils ne sont pas situés géographiquement. Donc ça, c’est aussi vrai dans la fiction et dans l’illustration. C’était très important dans la décision qu’on a prise tout au début, dans ce que j’ai partagé avec Cheyenne-Olivier pour les illustrations, c’est de ne pas le localiser dans un endroit. Parce qu’en fait, il y a plein de ressorts de la pauvreté qui sont pas liés à une géographie ou à un type de culture ou à un type de religion ou quoi que ce soit en particulier, mais qui sont des problèmes qu’on retrouve dans des environnements très différents. Donc les personnages, ils ont toutes les couleurs. Il y a des rouges, des verts, des violets, et c’est par famille dans le village. Et du coup, je pense que cette caractéristique-là, ça pourra peut-être aider le mécanisme dont vous venez de parler, c’est-à-dire de même de vouloir faire… que le même type de raisonnement pourra être adopté, pourra être appliqué à une situation que l’enfant découvrira dans sa propre vie. Et il y a certains problèmes qui sont très différents et d’autres qui sont beaucoup plus similaires que les enfants auront pu expérimenter dans leur propre vie. Par exemple, dans les albums les plus récents, il y a un moment où une petite fille, Tumpa, décide d’essayer de sauver les arbres en s’attachant à un arbre. Cette décision, elle l’a fait malgré sa grande timidité. Et donc ça, c’est quelque chose qu’un enfant pourra se dire dans un environnement tout à fait différent. Je ne sais pas, il y a quelqu’un. Je prends un exemple, quelqu’un à l’école se fait tabasser par une brute. Ça pourrait arriver dans une école française. Un enfant qui est timide pourrait penser à cette histoire en se disant, c’est possible de faire quelque chose. Je ne peux pas résoudre tout le problème tout seul, mais au moins, je peux mettre un pas dans la direction d’une solution. Donc, c’est vrai qu’au-delà des des connaissances, disons, qui sont implicites dans l’histoire. Si on pouvait aussi faire passer un état d’esprit qui est un état d’esprit à la fois pragmatique, mais en même temps optimiste, ce serait une bonne chose. On a besoin d’optimisme. Je ne sais pas si on va parler d’optimisme là tout de suite, avec l’axe que je vais vous poser. On en est où de la pauvreté ? Je vous disais tout à l’heure qu’on est dans des situations d’inégalités très profondes. On en est où de la pauvreté dans le monde ? Dans le monde, dans l’ensemble, ça c’est quelque chose, c’est une perspective qu’on n’a pas aussi forcément de nos perspectives de pays riches. Parce que dans le monde, dans l’ensemble, au cours des 30 dernières années, c’est vrai qu’il y a eu une très forte augmentation des inégalités. en particulier avec les plus riches, les top 1%, 0,1%, etc., tirant de plus en plus leur épingle du jeu, s’accaparant une part du gâteau de plus en plus grand, du gâteau collectif de plus en plus grand. Mais en même temps, on a eu une diminution de la pauvreté extrême, avec la croissance, l’entrée dans le commerce international de la Chine et de l’Inde, mais pas seulement. Avec une diminution de pauvreté extrême dans plein de pays. Donc, en fait, c’est représenté parfois par la courbe de l’éléphant. Ou d’un côté, au cours depuis les années 60, le revenu des riches est celui qui a augmenté le plus. C’est la trompe de l’éléphant. Mais en même temps, le revenu des pauvres a aussi augmenté. C’est le dos de l’éléphant. Et ceux qui se seront trouvés coincés au milieu, c’est les classes moyennes des pays riches. Alors, qu’est-ce qui se passe ? Parce qu’effectivement, moi, je suis marqué J’ai 46 ans et je me souviens très bien que, bon, c’est pas vraiment classe moyenne, mais qu’en sortant d’école de commerce, je gagnais 37 000 euros par an à peu près. C’était il y a 20 ans. Et j’ai acheté un appartement à Paris qui coûtait 3 500 euros du mètre. Et aujourd’hui, on sort d’école, c’est le même salaire, sauf que c’est 12 000, 20 000 euros du mètre. Et en fait, on voit bien que, là je parle de quelqu’un qui sort d’école de commerce, mais Mais en fait, on voit bien que pour des gens qui sont caissiers ou ouvriers, avant, ils pouvaient s’acheter une petite maison, un petit appartement, etc. Et aujourd’hui, c’est plus du tout possible, en fait. J’ai du mal à comprendre ce déclassement. Enfin, je sais pas si c’est un déclassement, d’ailleurs, je sais pas si c’est le bon terme, mais des classes moyennes et des classes populaires en France, mais dans les pays occidentaux de manière générale. Et vous parliez des 1%, mais j’ai l’impression que c’est même pas le problème des 1%, mais c’est vraiment des 0,01%. Parce que 1% en France, je crois que c’est 7000 euros par mois de salaire. Et finalement, c’est un salaire qui est assez élevé, mais qui finalement, pour ceux qui les touchent, ils ont quand même des problématiques j’ai l’impression de classe moyenne ou anciennement classe moyenne. Et c’est ça que j’ai du mal à saisir en fait. J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’écrasement vers le bas de toute une classe de la population finalement. C’est sûr que l’augmentation des inégalités est fractale. C’est-à-dire, plus on avance dans tous les travaux de Thomas Piketty, Gabriel Zuckman, Emmanuel Saez, etc., qui l’ont montré, c’est vrai pour les revenus, c’est encore plus vrai pour la richesse. c’est-à-dire le stock de ce que les gens ont à un moment donné. Donc le 1% s’est enrichi plus que le 10%, le 0,1% plus que le 1% et le 0,01% etc. Donc plus on avance dans les hauts revenus et après on arrive dans les très très très très hauts revenus où il n’y a plus que quelques personnes. Et on a vu, ça a été particulièrement massif pendant le Covid, mais ça datait d’avant, une explosion de ces revenus. De ce fait, ce dont vous parlez pour les prix de l’immobilier, c’est une conséquence directe de cela, à la fois nationalement et internationalement. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de très fortes fortunes et qu’elles cherchent quelque part où s’installer, que les gens ne peuvent pas consommer tout cet argent. Ça met de la pression sur les prix immobiliers, en particulier dans des villes comme Paris où il n’y a pas tant de logements que ça. d’où une augmentation des prix parce qu’il y a peu d’appartements sur lesquels il y a toutes les fortunes du monde qui deviennent de plus en plus riches, qui sont prêts à payer de plus en plus. On trouve des gens, par exemple dans une ville comme Vancouver, Il y a tellement d’investissements chinois, d’appartements chinois, que les gens n’arrivent plus du tout à se loger en gouvernement. Donc, c’est un exemple pour montrer Paris, pareil, vous parlez. À Lisbonne, c’est la même chose de manière plus récente, c’est-à-dire jusqu’à assez récemment, c’est là où on pouvait encore aller pour trouver un logement. Et maintenant, ça devient… C’est les cryptomillionnaires qui se sont installés à Lisbonne et qui font pousser les… Mais au Pays Basque ou à Bidjeïn, c’est pareil. c’est les gens du Pays Basque qui ne peuvent plus se loger parce qu’il y a une pression forte sur les Parisiens et même d’autres. Il y a juste beaucoup de fortunes qui cherchent des endroits à s’installer, qui font la pression sur tout le monde. En Bretagne, c’est pareil. Donc, l’immobilier, c’est quand même très… C’est quand même particulièrement… particulièrement appropriée pour ce genre de problème. C’est-à-dire qu’il y en a une quantité fixe. Et après, on trouve des situations comme ce qu’on trouve en Californie aujourd’hui, où il n’y a tout simplement pas assez de logements pour le nombre de gens qui habitent dans les villes en Californie, d’où une énorme explosion du nombre de personnes qui vivent à la rue. Et quoi qu’on fasse, finalement, il y a quand même un problème de chaises musicales. Il n’y a pas assez de chaises pour les gens qu’il y a. Donc, l’immobilier, c’est vrai que c’est un symptôme de ce déclassement, mais c’est plus qu’un symptôme parce que c’est vraiment le… Comme il y a un facteur fixe. Les lois changent très lentement. Il faudrait pouvoir construire plus haut en Californie où il faudrait… C’est clair qu’il faudrait construire plus haut, il faudrait construire plus de logements. Là, la régulation ne change pas parce que les gens qui sont déjà là, et qu’ils sont déjà dans leur maison, ils n’ont aucun intérêt. Donc il y a un phénomène de « not in my backyard » qui est que les gens ne veulent pas de logements sociaux, ne veulent même pas de logements collectifs à côté d’eux, ne veulent pas de trains, ne veulent pas de… Parce que pour eux, ça déclasse leur bien. Donc c’est très difficile politiquement. Justement, j’allais vous poser la question sur la politique. Quand j’écoute typiquement Emmanuel Macron, mais ça peut être d’autres, typiquement quand il y a eu la réforme des retraites ou un peu plus tôt les Gilets jaunes, C’est comme si, en fait, sur la réforme de Rotedge, j’étais frappé de voir que le discours était sur est-ce qu’il faut travailler plus longtemps, moins longtemps, etc. Alors que fondamentalement, le problème, il est là. C’est-à-dire qu’en fait, il y a un déclassement des classes moyennes et des classes populaires. Elles se rendent compte. Elles ne sont pas vraiment capables de, j’imagine, de tip-point. Elles n’ont pas de connaissances économiques particulières, mais elles comprennent bien que maintenant, on met des antivols sur la viande dans certaines régions, dans certaines zones. Clairement, il y a un problème. Donc, elle le voit, ça. Et je pense que tout le monde est d’accord pour dire que le système, il y a un vieillissement des populations, etc. Donc, je pense que tout le monde… Mais ce que je ne comprends pas, c’est comment un gouvernement n’est pas capable de dire, oui, en fait, concrètement, il y a un problème sur les classes moyennes et les classes populaires. Ou alors, ils mentent, tout simplement, parce qu’ils le savent. Enfin, j’imagine qu’ils sont au courant, quand même. Et j’ai du mal à saisir. Alors, déjà, est-ce que les politiques peuvent faire quelque chose ? A priori, ce que vous disiez par rapport à Margaret Thatcher, c’est que oui, ils peuvent avoir des politiques qui vont dans le sens d’une meilleure redistribution. Mais moi, j’ai l’impression que parfois, ils sont un peu pieds et mains liés avec l’économie aussi, d’une certaine manière. Non, il y a des marges d’action, c’est-à-dire l’économie, à nouveau, l’économie n’est jamais une fatalité. L’économie, elle fonctionne dans une série de règles et de lois, etc., qu’on décide de se fixer, qui ont des effets différents. Par exemple, si on compare les pays scandinaves avec les États-Unis, on voit bien que Ils ont fait des choix différents qui se traduisent en résultats différents, que ce soit sur les inégalités, mais aussi sur des choses aussi fondamentales que la mortalité maternelle. On voit que les États-Unis, qui sont par certaines mesures le pays le plus riche du monde, est aussi un des pays de l’OCDE où la mortalité maternelle est la plus forte. Donc on voit bien qu’il y a des choix de politique, des priorités politiques qui ont des impacts sur la vie des gens. Pour revenir aux classes moyennes, je pense que là où il y a potentiellement une situation difficile pour les politiques, qu’on a pu voir dans les efforts désespérés de faire la pédagogie sur la réforme des retraites, moins celle-là que celle d’avant. Parce que si vous vous souvenez, cette réforme des retraites, là, c’était la deuxième. Il y avait déjà eu un essai qui avait raté. Et ce qui était intéressant, c’est que le premier essai était en fait mieux fait. Cette deuxième réforme des retraites, c’était juste… C’était pas grand-chose, c’était pas très utile, c’était pas très bien fait. C’était vraiment ni fait ni à faire. Tandis que la première réforme des retraites, il y avait quand même une idée qui était juste, qui était de dire, on a des dizaines de systèmes de retraite en France qui sont en cloisonnement, ce qui fait qu’il y a des gens qui ont changé de carrière au milieu de leur vie, qui se trouvent avec des retraites miniatures des deux côtés, puisque forcément, plus on contribue dans un système, plus on a de retraites, mais ce n’est pas linéaire. Pour encourager les gens à travailler plus longuement. Mais du coup, on les force à rester dans une carrière. Ce qui n’est pas bon pour le fait que les gens peuvent changer d’avis sur ce qu’ils veulent faire de leur vie au fur et à mesure du temps. Il faudrait que les gens puissent avoir cette flexibilité. Puis de toute façon, il est absurde d’organiser, d’avoir 150 systèmes de caisses de retraite différents. Ça n’a pas de sens. Donc là, l’idée qu’il y avait dans la première réforme des retraites, il y avait cette idée-là qui était une bonne idée. Or cette bonne idée, elle est tombée à la trappe parce que… pour deux raisons. D’abord parce qu’elle a été… a collé avec un effort très important de gagner de l’argent, c’est-à-dire, je crois que c’était surtout le Premier ministre à l’époque et qui voulait absolument, pour lui sa priorité c’était de dépenser moins, alors que la priorité aurait été sans doute de changer l’organisation du système et le faire de manière sensible avant de se poser la question de l’équilibre budgétaire. Mais la deuxième raison pour laquelle elle a échoué, c’est l’incapacité d’expliquer pourquoi ça faisait sens et surtout le manque de confiance de la population vis-à-vis de la réforme. C’est-à-dire l’attitude, la réponse assez naturelle et automatique des gens, et c’est pas juste en France, vis-à-vis d’une réforme d’un gouvernement, c’est on vous fait pas confiance, si vous faites ça, il y a forcément quelque chose derrière qui est mauvais pour nous. Et en l’occurrence, je crois profondément que réformer, mettre à plat le système de retraite et le réformer, ça aurait été une bonne idée. Ça aurait été plus facile d’obtenir la confiance si ça n’avait pas été accompagné d’un effort de réduire les budgets. Mais même sans ça, ça aurait été difficile. Il y a d’autres exemples. Par exemple, pour revenir à un exemple dont on traite dans les livres, qui est la question d’utiliser trop d’eau. Dans un des albums de Céline, il y a un fermier qui utilise trop d’eau. La raison pour laquelle il utilise trop d’eau, c’est que l’eau est gratuite pour lui. Et ça correspond à une situation qu’on trouve dans plusieurs pays en développement, par exemple en Inde, où les fermiers ont accès à l’eau gratuitement. Y compris dans des endroits où ils ont accès à l’électricité gratuitement pour pomper. Donc non seulement l’eau est gratuite, mais l’électricité pour la pomper est gratuite. Donc forcément, lui, dans l’image, il voit absolument pas les aspects négatifs. Il voit pas le problème. Il a besoin d’eau pour son riz. Donc ça lui coûte rien et il va en utiliser le plus possible. Par contre, il gagne de l’argent avec. Et plus il y a de riz, plus il gagne de l’argent. Donc de son point de vue, c’est clair qu’il n’y a que ça à faire. Donc on voit bien que c’est un système qu’il faudrait changer. non seulement pour le changement climatique, parce que ça fait gaspiller de l’énergie, mais de manière beaucoup plus immédiate et urgente, parce que ça conduit à une baisse du niveau de la nappe phréatique. C’est illustré dans le livre par « Les enfants n’ont plus à boire ». Et c’est réel. À nouveau, c’est un vrai problème. Mais il y a gouvernement après gouvernement au Punjab qui pourrait, ça pourrait se produire au Punjab, ça pourrait se produire ailleurs mais disons que c’est au Punjab. Gouvernement après gouvernement au Punjab ont essayé de changer le système en faisant payer aux fermiers l’eau et en échange en les compensant par des revenus fixes. On vous donne temps par mois, quoi qu’il arrive. Maintenant, par contre, si vous utilisez plus d’électricité, on vous fait payer l’électricité. C’est une réforme qui fait sens. Oui. Aucun gouvernement… — Sauf pour les fermiers. — Non, non. Pour les fermiers, ça peut aussi faire sens, parce qu’on peut leur… On les compense. — C’est vrai. — On les compense avec un revenu fixe. On pourrait même les compenser plus que… Alors la première fois que ça a été fait, la compensation était insuffisante. Donc bon, ça n’a pas marché. Mais la deuxième fois que ça a été fait, la proposition de compensation était très généreuse. Donc ça fait sens même pour les fermiers. Après, une fois qu’ils ont les sous, de toute façon, ils peuvent se dire, puisque je dois payer pour l’électricité, je vais plutôt faire autre chose que du riz, par exemple. Mais ça n’a pas marché, il y a eu effort après effort, gouvernements sont tombés les uns après les autres, parce qu’il n’y a aucune confiance dans le fait que c’est vraiment une bonne chose. Et les fermiers pensent que tout ça c’est contre nous. Donc finalement, oui, ils nous payent maintenant, mais ils le feront pas dans le futur. Donc quand il n’y a pas de confiance dans la politique publique, C’est très très difficile de mettre en œuvre des politiques où il y a forcément des gagnants et des perdants et des nécessités de compenser les perdants dans le système. C’est-à-dire qu’il n’y a presque aucune réforme qui va rendre tout le monde content. Il y a forcément toute réforme économique qui va risquer de créer des gagnants et des perdants. Mais si la réforme est bonne, ça génère un surplus qui permet de compenser les perdants. Mais s’il n’y a pas de confiance dans la population que cette compensation aura lieu, qu’on soit dans un pays riche comme la France ou dans un pays moins riche comme l’Inde, alors la réforme ne peut pas avoir lieu. où la première réforme des retraites n’a pas eu lieu, et la deuxième elle a eu lieu au Forceps, mais de toute façon elle avait sacrifié l’aspect intéressant qui aurait été la mise en place d’un système unique. Mais en même temps c’est tellement lié, c’est impossible de ne pas faire le lien, mais quand on regarde les différents pays de l’Occident, pas qu’en Occident d’ailleurs, on voit une montée d’extrême droite, ou en tout cas des parties extrêmes, justement en raison de ce manque de confiance, mais est-ce que c’est pas lié aussi au système économique ? J’ai l’impression, mais encore une fois je me trompe peut-être, que les Français, mais ça peut être dans les autres pays évidemment, ils voient leur situation économique se dégrader. Et c’est la raison pour laquelle ils vont, principalement, moi je crois pas que tous les gens qui votent extrême droite soient racistes, mais ils vont aller vers des politiques… Et je sais même pas pourquoi ils arrivent à leur faire plus confiance, parce qu’on sait bien que… Enfin, l’histoire nous a prouvé quand même qu’il n’y a pas besoin de leur faire plus confiance, c’est toujours pire. Mais n’empêche que… Et même Trump, moi je suis choqué parce qu’en fait Trump a passé quatre ans qui a favorisé les plus riches et c’est quand même les plus pauvres qui votent pour lui. C’est quand même choquant. Enfin moi ça m’échappe en fait. Et il y a forcément un lien entre économie et politique. C’est-à-dire qu’en fait les gens sont déclassés et ils votent dans des parties extrêmes en réponse en fait. Oui, on en parle avec Abhijit Banerjee dans Économie utile pour des temps difficiles, de cette connexion. Mais là, à nouveau, il n’y a pas de fatalité dans ce déclassement économique. Il y a des choix politiques qui sont faits ou qui ne sont pas faits à un moment donné. Par exemple, aux États-Unis, une cause non seulement du déclassement économique, mais du déclassement social fort C’est l’arrivée de la Chine dans le commerce international qui a décimé certaines industries aux États-Unis. En même temps, il n’y avait pas de raison a priori que ces gens dont les jobs ont été décimés ne puissent pas être compensés. Et donc là, il y a eu d’abord un choix politique de laisser la Chine entrer dans l’organisation du commerce, très bien. Mais une fois qu’on a fait ça, on a oublié que ce serait positif pour tout le monde seulement s’il y avait une redistribution directe vers les gens qui seraient en compétition directe avec la Chine. En principe, les outils étaient en place puisque aux États-Unis, ils avaient mis en place un transfert qui s’appelle Trade Adjustment Assistance, T-A-A, assistance pour le commerce. auxquels les gens qui ont été déplacés, qui ont perdu leur job à cause du commerce, pouvaient en principe candidater. Et s’ils avaient accès, ça leur donnait une assurance chômage prolongée, des bourses pour la formation, de l’aide pour déménager, tout ça. Donc en principe, il y avait même le programme. Et ce programme, d’ailleurs, il a été évalué. Et ce qui a permis de l’évaluer, c’est qu’il a été mis en place à un système tellement… à un niveau tellement bas que très, très peu de gens ont pu en bénéficier et que c’était un peu un hasard si quelqu’un en bénéficiait ou non, selon si la personne qui s’en occupait se sentait généreuse ce matin ou pas. Et donc on peut voir que les gens qui ont eu la chance de bénéficier de ce programme se sont sortis plutôt bien, dix ans plus tard ont plus de chance d’avoir un emploi, de gagner leur vie bien, etc. Mais le programme est resté à un niveau absolument minime. C’est-à-dire les dépenses de ce programme, en comparaison avec les pertes de revenus qui ont eu lieu dans les endroits qui ont été touchés par la concurrence avec la Chine, sont extrêmement faibles. Donc parce que, comme l’industrie était assez concentrée, quand il y a eu un choc sur une industrie particulière, par exemple les meubles, Non seulement les gens perdent leur emploi dans les meubles, mais en plus, tous ceux qui les servaient dans les restaurants, ils perdent aussi leurs emplois. Et c’est comme ça qu’on arrive à une espèce d’effondrement d’une ville. Donc les revenus, on peut… Il y a eu une recherche de David Hotter qui montre à quel point les gens ont perdu des revenus. Et on peut comparer ce que les gens ont perdu comme revenus dans ces régions affectées avec l’assistance du Trade Adjustment Assistance qui est miniature. Et dans la mesure où les gens ont reçu de l’aide, c’était presque exclusivement sous la forme de l’assurance handicap. Donc la seule manière, une fois comme l’assurance chômage est très limitée aux États-Unis, la seule manière d’être compensée, c’est de dire j’ai mal au dos ou j’ai un handicap de santé mentale. Donc déjà, la personne, elle a perdu son emploi. Elle n’a plus de job. Elle a perdu sa dignité qui est allée avec l’emploi. Et la seule manière qu’elle a de survivre, c’est de dire qu’en plus, elle est handicapée. Donc c’est vraiment, comme ils disent en anglais, rajouter une insulte à la blessure. Oui, c’est ça. Et après, tout ça, ça a eu des implications sur, donc ça c’est l’exemple du commerce, mais il y a d’autres qu’on peut répéter, sur la mécanisation par exemple, la robotisation dans les entreprises, tout le fait que les transitions qui étaient nécessaires dans une économie au mouvement, n’ont pas été accompagnés. On a laissé les gens se débrouiller tout seuls. Ils sont très mal débrouillés tout seuls. Et tout ça a conduit à une crise morale, sociale très forte aux États-Unis. Là, l’expérience de vie réduit aux États-Unis depuis avant le Covid. En Europe aussi, non ? Non. C’est très américain comme phénomène. Jusqu’au Covid, c’est vraiment que l’espérance de vie baisse. C’est presque exclusivement dû aux Blancs. Et ça peut être attribué largement à des gens entre 40 et 50 ans qui meurent de d’overdoses, d’opioïdes, qui meurent d’oxy, qui meurent d’empoisonnement à l’alcool ou de suicides. C’est ce que Hankes et Angus Deaton ont appelé les morts de désespoir. Quand on arrive dans un pays où les gens sont suffisamment acculés pour se laisser mourir d’une manière ou d’une autre, tellement que la mortalité augmente dans un pays riche, ce qui est quand même unique, c’est pas étonnant que les gens aient été suffisamment fâchés pour pouvoir essayer autre chose. Et justement, parce qu’il n’y a aucune confiance dans la… dans la politique traditionnelle. Mais on voit qu’à nouveau, il n’y a pas du tout de fatalité dans le sens où il y avait une politique qui aurait pu être employée, qui pourrait encore être mise en place. Bien sûr, bien sûr. Donc, c’est toujours… C’est jamais… Il ne faut jamais
C’est jamais… Il ne faut jamais se dire… C’est fichu. Non, non, oui. Il ne faut jamais se dire c’est une espèce de… C’est les lois de l’économie qui sont comme ça. C’est toujours une combinaison entre ce qui se passe effectivement dans le domaine économique et comment on décide d’y répondre. Et je ne vous avais pas posé la question, mais on a réussi à quantifier cet appauvrissement des classes moyennes et des classes populaires en Occident ou pas ? Oui, il y a plusieurs manières de le quantifier. Une façon de le voir, par exemple, c’est qu’aux Etats-Unis, le salaire médian n’a pas bougé depuis des dizaines d’années. C’est une façon… Pendant qu’il y avait de la croissance aux Etats-Unis, que les top 1%, le salaire médian reste fixe. Et comme vous le dites, il y a certains postes budgétaires qui ne font qu’augmenter, comme le logement. Et c’est marrant parce que quand on reprend sur le sujet des logements, donc c’est des gens très riches qui ont du coup plein de logements partout, donc ils vivent pas dedans, c’est des appartements qui sont vides. A Paris ça arrive beaucoup, à Lisbonne aussi il y a plein de villes dans lesquelles il y a plein d’appartements qui sont vides en fait, qui sont achetés par des gens qui savent plus quoi faire de leur argent. Et de l’autre côté, il y a des gens qui, du coup, n’arrivent pas parce que ça fait monter le prix moyen du loyer. Enfin, le prix moyen du mètre carré. À Paris aujourd’hui, si on n’a pas un parent qui avait déjà un appartement, c’est très difficile. C’est très difficile. Très difficile. Je vous ai entendu dire qu’il ne fallait pas tout mettre sur le dos du capitalisme, que ce n’était pas une question d’hypercapitalisme, etc. Est-ce qu’on a tendance à faire un petit peu quand même, parce que les gens qui ne sont pas économistes ont tendance à simplifier, moi y compris, en disant qu’il y a un vrai problème. Si je reprends la définition d’Adam Smith de capital travail et terre, on se dit qu’on a trop mis sur le capital et puis tout le reste, finalement, il n’y a plus rien. Le travail n’a pas de valeur et avec l’intelligence artificielle qui arrive, il y en a de moins en moins. La terre, on voit bien que les agriculteurs ont beaucoup de mal à vivre. Mais vous dites, enfin je vous ai entendu dire en tout cas, faut pas tout mettre sur le dos du capitalisme, c’est pas ça, c’est pas juste ça, ou en tout cas c’est pas ça le problème. C’est quoi la part du capitalisme là-dedans, ou de l’hypercapitalisme ? Je sais même pas comment appeler ça. Ça me parait un petit peu des grands mots. De la même façon que je pense pas que c’est le fonctionnement de l’économie naturellement, qu’il y a une… Il y a des lois qui disent qu’il faut que les… Il y a des lois qui disent que les inégalités vont forcément augmenter suite aux changements technologiques, etc. Je crois que c’est toujours une combinaison entre le système économique et les institutions. Vous avez beaucoup parlé d’écologie. On a tendance à opposer écologie et économie quand on reprend la raci… Un chouïa plus, je pense. Je peux faire 10 minutes ? 10 minutes max, parce qu’après je vais me déjeuner. Vous avez beaucoup parlé d’écologie, on a tendance à opposer écologie-économie, alors que quand on reprend la racine des mots, c’est les mêmes racines. Donc on a la parole de la maison et puis de l’autre côté, la gestion de la maison. Vous, c’est quoi votre compréhension ou la manière dont vous regardez l’écologie aujourd’hui ? pas le combat politique, mais plutôt la situation dans laquelle on est aujourd’hui. Et pour reprendre, en fait, ce qui est très lié à Friedman, c’est-à-dire cette non-conscience, ou en tout cas ce non-intérêt pour les autres parties prenantes, comment vous regardez aujourd’hui la problématique de l’écologie par rapport à l’économie ? — Oui, donc il n’y a aucune raison qu’il y ait une opposition entre écologie et économie. Ce qui est sûr, c’est que les entreprises laissées à elles-mêmes… Pas leur responsabilité, comme disait Friedman, mais leur tendance, c’est quand même de maximiser les revenus pour leurs actionnaires. au dépend du reste. Et on ne peut pas du tout compter sur les entreprises pour voir la lumière et tout d’un coup faire les bonnes choses. Il faut que ce soit organisé par la société, il faut que ce soit organisé. C’est pour ça qu’on a des gouvernements et c’est pour ça qu’il nous faut aussi des institutions internationales parce que c’est un bien public mondial la qualité de notre planète. Et non seulement c’est un bien public mondial, mais l’importance de ce bien public est devenue disproportionnée dans les pays les plus pauvres. Puisque qu’aujourd’hui, si la planète se réchauffe, au fur et à mesure que la planète se réchauffe, les premières victimes, c’est les gens des pays du Sud. Donc on ne peut pas s’attendre à ce que les entreprises, il y a des entreprises individuelles qui décident que ça fait sens. Mais de se dire, on va compter sur les fonds ESG, le bon vouloir des entreprises pour régler le problème, ça, ça me paraît complètement un plan sur la comète. Mais par contre, voilà ce que l’économie peut nous éclairer sur l’organisation d’une société qui serait, qui forcerait les entreprises à prendre en compte ces enjeux, ces enjeux climatiques. Par exemple, on les taxe en plus quand elles sont plus polluantes. Je connais la réponse, mais j’aimerais bien avoir votre réponse quand même. Est-ce qu’il y a une théorie économique qui pourrait s’appliquer et qui pourrait, entre guillemets, résoudre tous les problèmes ? Non, il n’y a pas une théorie économique qui pourrait résoudre tous les problèmes. C’est beaucoup plus complexe que ça, en fait. C’est ça, la réalité ? Et c’est forcément une mixité de choses. Voilà, il y a plein de choses. Il y a plein de problèmes auquel il faut… Réfléchir, apporter plein de solutions, puis les tester. Parce que souvent aussi, quand on essaye d’élaborer une solution, on oublie quelque chose au passage et ça ne marche pas comme on avait prévu. En particulier, je vous ai entendu parler du microcrédit et des limites. Parce qu’en fait, le microcrédit, ça a été extrêmement mis en avant. Même gagner le prix Nobel de la paix. Ça a eu ses heures de gloire. Et en même temps, ce que vous dites, vous, c’est que ça a aussi ses limites. Ça dépend comment on l’applique. Ça dépend des conditions. Justement, empiriquement, le microcredit c’était vraiment une de ces modes qui allaient tout régler. Et de toute façon, les modes, en particulier dans ce domaine un peu responsabilité sociale des entreprises, gagner de l’argent tout en faisant du bien, on va vraiment de mode en mode. Le microcredit c’en était une. Juste empiriquement, il se trouve que les gens qui ont accès à un microcrédit, en moyenne, ne sortent pas de la pauvreté grâce à ça. Ça ne les rend pas plus pauvres non plus, mais ça ne les rend pas plus riches non plus. Ça a été évalué dans plein de pays différents, dans plein de contextes différents, et c’est ce qu’on trouve. Ça ne veut pas dire que c’est inutile, mais ça veut dire que pour certaines personnes, ce dont les ménages ont besoin, c’est plutôt un moyen d’épargner pour pouvoir accéder à des biens durables. ou d’un prêt de consommation à des taux beaucoup plus raisonnables que celui que le microcrédit pratique. Et puis certaines personnes peuvent effectivement démarrer une activité, mais c’est pas tout le monde. D’ailleurs, il y a un de nos albums qui est sur la question du microcrédit, et justement on voit que la jeune fille, c’est une adolescente… — Elle n’y arrive pas. Elle n’y arrive pas. Elle essaie, elle prend du microcrédit parce qu’elle se dit super, je vais essayer de faire quelque chose. Mais elle n’a pas d’idée et elle n’y arrive pas. Et ce qu’il lui faut, elle, c’est un emploi. Complètement. Et j’ai lu plusieurs études d’ailleurs, pas qu’une, sur les SDF. De mémoire, c’était en Grande-Bretagne, mais dans d’autres pays également, où plutôt que de dépenser de l’argent dans des aides, ils donnaient directement l’argent aux SDF. Et on se rendait compte que, si je me souviens bien, que l’impact était plus positif. C’est-à-dire qu’en fait, les SDF, une fois qu’on leur donnait l’argent, ils arrivaient à en faire quelque chose. Certains, j’imagine qu’il y avait des conditions, etc. Mais je ne sais pas s’ils étaient familières avec ces études. Pas sur les SDF en Angleterre mais de manière générale il y a beaucoup d’études dans les dix dernières années sur les transferts directs financiers aux gens. C’était quelque chose qui se faisait très très peu dans les pays en développement. La protection sociale n’était quasiment pas sous la forme de transferts financiers aux ménages et ça s’est vraiment développé autour au cours des deux dernières décennies. Il y a eu beaucoup d’évaluations et dans l’ensemble elles sont très positives, c’est-à-dire on montre que les gens on leur donne du cash, ils sont parfaitement capables de s’en occuper très bien. Par exemple, si on veut que les gens mangent plus, avant on pensait qu’il fallait leur donner de la nourriture, il se trouve que leur donner du cash est tout aussi efficace et ça coûte beaucoup moins cher, c’est beaucoup plus facile, il y a beaucoup moins de corruption, la logistique est beaucoup plus simple. Donc, de manière générale, on se déplace. Il y a un consensus qui est en train de se développer sur le fait que c’est approprié de faire des transferts financiers, au moins dans certains cas, directement aux gens, au lieu de monter des usines à gaz. Parce qu’effectivement, il y a cette croyance que si les gens sont pauvres, c’est un peu de leur faute quelque part, parce qu’ils ne savent pas gérer leur argent. C’est un des préjugés sur les pauvres, oui. — Et par rapport à ce que vous disiez sur la politique aux États-Unis et sur les aides qui étaient quasiment impossibles à avoir, pour le coup, de mémoire, Macron, il a mis en place… Parce qu’une des raisons de la pauvreté aussi, en France, pour le coup, c’est que les gens ne demandent pas les aides. C’est-à-dire que l’extrême droite n’arrête pas de parler du fait qu’il y a des aides dans tous les sens, qu’il y a beaucoup trop d’aides, etc. Mais la réalité, c’est qu’en fait, les gens, je ne connais plus les pourcentages, mais ne les demandent pas ces aides. Et je crois, si je ne me trompe pas, que maintenant, il a fait une sorte de distribution automatique, c’est-à-dire que quand les gens ont droit, ils y accèdent. Donc il y a un gros problème de non-recours en France qui s’est accéléré en plus avec la dématérialisation parce qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont pas compris comment… Et aussi qui va avec une certaine méfiance de… un peu presque automatique des personnes qui sont chargées de donner cette aide qui va dire telle personne n’est pas justifiée ou n’est pas éligible ou pas. Donc l’idée du paiement à la source, je ne sais pas si c’est encore vraiment mis en place, mais c’est le projet en tout cas. Effectivement, c’est une bonne idée parce que ça réduit, plus on peut réduire les obstacles entre les gens et les aides qui les concernent, mieux c’est. Et en général, il y a un peu un parcours du combattant pour accéder à ces aides. Et plus les choses sont automatiques et transparentes, mieux c’est. Donc ça, ça va vraiment dans le bon sens. Je vous pose une dernière question, qui est la question que je pose à tout le monde pour le podcast. Je ne vous avais pas prévenu d’ailleurs, donc ce n’est pas très grave. Le podcast s’appelle VLAN. L’idée, c’est claquer la porte, ouvrir la porte. Et j’aimerais savoir à quoi vous voulez ouvrir et où claquer la porte. Alors ouvrir, c’est vraiment, donc pour revenir au thème des enfants, ouvrir la perspective des enfants sur le fait qu’il y a des problèmes peut-être auxquels ils n’ont jamais été confrontés, ouvrir leur esprit, leur laisser être curieux, pas forcément leur donner les solutions toutes clés en main, mais leur montrer au moins que ces problèmes existent et que des enfants qui sont un petit peu comme eux finalement, ils sont confrontés. à fermer la porte le plus possible aux idées toutes faites, aux caricatures et en particulier à tout ce qui concerne les caricatures sur les pauvres. Soit qu’ils soient paresseux et responsables de leur propre pauvreté, soit au contraire que c’est des entrepreneurs qui s’ignorent et qui pourraient tous devenir Bill Gates si seulement on leur donnait un peu d’argent et qu’on sortait de leur patate. Non, parce que ce que vous dites, c’est qu’effectivement, c’est des problèmes qui sont systémiques, en fait. C’est-à-dire que la réalité, c’est que le système fait qu’aujourd’hui, quand on est pauvre, on est… Enfin, en ce moment, en tout cas, c’est la situation, plus on est pauvre, plus on est pauvre. Enfin, je veux dire, c’est de plus. En plus difficile de s’en sortir. Plus il y a de contraintes pour essayer de s’en sortir, donc il faut trouver les leviers sur lesquels… En même temps, bien que ce soit le cas, il ne faut pas non plus en devenir fataliste. C’est-à-dire que dans cette situation-là, souvent, il y a des leviers sur lesquels on pourra appuyer qui ouvrent une solution possible. Donc, il faut les trouver et puis appuyer dessus. J’aime bien cette citation de Annie Arnaud qui dit, il n’y a pas d’ascenseur social, les pauvres prennent l’escalier de service. Et en même temps, il faut savoir où sont ces escaliers. Exactement, il faut avoir de la chance. Moi, j’ai eu cette chance à ce moment-là, mais c’est vrai que c’est moche de prendre ces gens-là en exemple, parce qu’en fait, c’est un concours de circonstances qui font qu’ils ont réussi à prendre cet escalier, mais en fait… Il faut essayer de trouver le plus de points d’entrée où on peut ouvrir un petit peu ces trappes de pauvreté. Et quand il y a des mécanismes d’auto-entretien de la pauvreté, ça veut aussi dire qu’il peut y avoir des mécanismes vertueux. Donc pour ouvrir la porte aussi, c’est vraiment ouvrir la porte de ces trappes de pauvreté. Parfait. Merci beaucoup Esther. Merci. Si vous avez aimé l’émission, n’hésitez pas à mettre des étoiles sur vos plateformes de podcast préférées. Vous pouvez aussi partager l’épisode sur vos réseaux sociaux, Instagram Stories, Facebook, LinkedIn, où vous voulez. Je suis Grégory Pouilly, vous pouvez me retrouver sur l’intégralité des plateformes sous le nom Greg from Paris. Si vous avez des idées pour des invités, si vous avez des commentaires, n’hésitez surtout pas à m’envoyer un message. Allez, merci et à bientôt !

Description de l’épisode

Esther Duflo est une économiste qui a remporté le prix Nobel d’économie en 2019 conjointement avec son époux Abhijit Banerjee, elle également professeur d’économie au MIT.
Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit une prix Nobel sur Vlan et d’autant moins …

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Transcription partielle de l’épisode

VLAN! Podcast
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#281 Comprendre l’effondrement des classes moyennes et populaires avec Esther Duflo
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Esther Duflo est une économiste qui a remporté le prix Nobel d’économie en 2019 conjointement avec son époux Abhijit Banerjee, elle également professeur d’économie au MIT.
Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit une prix Nobel sur Vlan et d’autant moins qu’elle sait totalement rester accessible.
Si nous parlons de sa collection de 10 livres pour enfants qui va leur permettre de mieux appréhender l’économie mais surtout la manière dont les enfants pauvres vivent, j’avoue que j’étais plus intéressé par l’effondrement des classes moyennes et populaires en France.
En effet, quand on pense à la pauvreté, on pense généralement aux personnes les plus démunies dans le monde, mais aussi en France. Cependant, il est de plus en plus évident que les personnes des classes moyennes et populaires en France ont également du mal à s’en sortir. Ce sujet est rarement abordé, mais il est, pour moi, à l’origine de la montée de l’extrême droite, des tensions sociales et des manifestations en France.

Comme nous le rapelle Esther Duflo, l’augmentation des inégalités n’est pas inévitable, mais plutôt le résultat de choix politiques et sociaux.

Les politiques économiques, les théories économiques simplistes et les décisions politiques ont tous contribué à cette situation.

Les politiques pourraient agir pour réduire les inégalités et soutenir les classes moyennes et populaires, mais cela nécessiterait de la confiance de la population et une communication efficace. Les politiques économiques et les réformes doivent être accompagnées de mesures de compensation pour les perdants, afin de rétablir la confiance et de garantir une transition équitable en particulier avec le commerce globalisé mais aussi avec l’arrivée de nouvelles technologies qui en lèsent certains.

On parle aussi d’écologie, du rapport à l’économie et de très nombreux autres sujets que je vous laisse découvrir ici.

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Transcription intégrale :

Quand on pense à la pauvreté, on pense tout de suite aux personnes les plus démunies dans le monde, mais aussi en France. Et c’est bien normal. Pourtant, ce que j’observe, c’est que les personnes des classes moyennes, mais aussi des classes populaires en France, ont de plus en plus de mal à s’en sortir. C’est un sujet dont on ne parle pas beaucoup. Et j’ai l’immense plaisir aujourd’hui de recevoir Esther Duflo, qui est prix Nobel d’économie, professeure d’économie au MIT.
Vous la connaissez sans doute. Et ensemble, on va se poser la question de savoir comment ça se fait qu’il y a un effondrement des classes moyennes et des classes populaires en Occident et particulièrement aux États-Unis. On n’en parle pas beaucoup comme je. Le disais, et pourtant pour moi c’est derrière la montée de l’extrême droite, c’est derrière la gang sociale, c’est derrière toutes les manifestations qu’on voit en France. Et donc on va se questionner.
Pourquoi ça arrive ? Comment ça arrive ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? Je vous laisse écouter l’épisode, j’espère que vous allez l’apprécier. Allez v’là, c’est parti !
Bonjour à tous, bonjour Esther. Bonjour. Comment ça va aujourd’hui ? Ça va bien. La première question qui me vient, c’est de me dire, quand je regarde l’état du monde et l’état des inégalités dans le monde, comment ça se fait qu’on en arrive à cette situation ?
Est-ce que c’est un problème autour de l’économie ? C’est-à-dire que l’économie, c’est une théorie pour faire en sorte qu’on… J’ai l’impression qu’il y a une sorte de partage des revenus. On réfléchit beaucoup à comment… fonctionne cette économie.
Et en même temps, on est dans une situation aujourd’hui où on a des profondes inégalités. Je ne sais pas si ce sont des inégalités qui n’ont jamais été vues depuis le XIXe siècle, comme le dit Thomas Piketty, mais en tout cas, qui sont très profondes et qui s’approfondissent, j’ai l’impression. Il n’y a pas de facialité dans l’augmentation des inégalités, il n’y a pas de loi économique qui dit que les inégalités doivent augmenter à chaque fois. En fait, c’est un choix, mais ce n’est pas vraiment un choix économique, c’est un choix de société, c’est un choix politique. comme le montre justement Thomas Piketty dans une brève histoire de l’inégalité, montre justement comment en fait les hommes sont parfaitement capables de s’organiser pour qu’il n’y ait pas une augmentation forte des inégalités.
Et là, on a vu l’augmentation des inégalités s’opérer à des rythmes et des intensités différentes selon les pays. en réponse à des choix de politiques différents. Donc, par exemple, au Royaume-Uni et en Angleterre pendant la période Thatcher-Reagan, il y a un choix conscient qui est de réduire les impôts, de réduire les syndicats ou de mettre les syndicats aux abois, de déréguler, etc.
Et c’est ces faits combinés qui conduisent à une augmentation très forte des inégalités qu’on ne retrouve pas à ce moment-là en Europe continentale. Mais en même temps, c’est aussi une théorie économique. Enfin, j’imagine, je ne la connais pas, mais j’imagine que dans sa tête, c’était quand même pour le bien commun qu’elle a fait ça. Il y a quand même des théories économiques derrière. Oui, il y avait une théorie économique qui était…
Enfin, il y avait… Je ne sais pas si c’est… En général, quand les théories économiques sont reprises par les hommes politiques, elles sont assez appauvries. Les hommes politiques, en général, sont esclaves de théories économiques qui datent d’au moins 10-15 ans, quand ils ont appris Econ 101 et qui ne sont pas forcément… Qui sont un peu…
En général, ils ne sont pas allés jusqu’à Econ 102, donc c’est un peu simpliste. Mais enfin bref, il y avait l’idée, à la fois aux États-Unis et au Royaume-Uni à l’époque, que ça pourrait faire redémarrer la croissance. Mais en fait, ça ne s’est pas fait. Et en parlant de simplification de théorie économique, je pense qu’il y a une immense simplification qui a été faite autour de Friedman, de son article des années 70 autour de les entreprises qui doivent uniquement faire du profit. Je ne sais pas si vous voyez.
Ce… Oui, bien sûr, la responsabilité sociale de l’entreprise est de faire du profit. Cette phrase a fêté ses 50 ans l’année dernière. Je ne sais pas si c’est une simplification de Friedman, parce que je crois que c’est vraiment ce qu’il y pensait. Je crois qu’il y pensait, mais c’est vraiment une vision de l’économie.
Par contre, c’est une vision de l’économie qui est très simpliste et qui est fausse et qui a d’ailleurs à contribuer, je pense, au fait que les gens n’aiment pas les économistes. En parlant de simplification, là, vous avez sorti toute une série de livres pour les enfants. Comment on fait pour expliquer ? Est-ce que c’est important d’expliquer l’économie aux enfants, déjà ? Et comment on fait pour leur expliquer ?
Étant donné que je viens juste de sortir dix livres sur les enfants, je ne vais pas vous dire que ce n’est pas important d’expliquer l’économie aux enfants. Mais plus que d’expliquer l’économie, je ne sais pas si l’objectif, c’est vraiment d’expliquer l’économie, mais plutôt de montrer comment les enfants pauvres vivent. Et justement, d’éviter la simplification. C’est pour ça que dix livres, c’est mieux que un. Parce qu’en un livre, pour faire passer quelques messages, on deviendrait très vite…
on sombrerait très vite dans les caricatures, les décisions à l’emporte-pièce, etc. Tandis que là, sur dix livres, on a le temps de bien se poser. Chaque livre est sur un thème. Et puis, en plus du thème, il y a un petit peu des incursions sur d’autres choses, des moments où ils vivent leur vie, etc. Les livres sont illustrés par Cheyenne Olivier, des illustrations qui sont à la fois magnifiques, mais aussi qui sont riches de détails.
Et au fur et à mesure que les enfants liront et reliront ces livres, ils pourront de plus en plus s’approprier ces détails. En fait, chacun de ces détails est vrai. Et chacun de ces détails amène, montre un petit aspect différent de ce que c’est que de vivre dans la pauvreté, dans les pays en développement. Donc ces livres, même s’ils sont aux destinations des enfants, donc qui sont Et ça passe par le ressort de l’illustration et le ressort de la fiction, avec des fictions qui, je l’espère, seront intéressantes. Tant que les histoires soient intéressantes, il y a des repondissements, elles sont séduisantes.
Et en même temps, elles veulent précisément éviter la simplification. Comment on explique aux parents que ça serait intéressant pour eux d’acheter ça à leurs enfants ? Parce qu’en fait, c’est les parents qui vont l’acheter par définition. Oui, à cet âge-là, parce que c’est plutôt destiné, c’est des livres qui sont destinés aux 5-8 ans, à cet âge-là, il y a beaucoup d’adultes prescripteurs, les parents, les enseignants, les bibliothécaires, les grands-parents. Et c’est vrai que c’est un public qui, en France, peut être un peu inquiet à l’idée de parler de pauvreté à ses enfants, parce que c’est des sujets qu’eux-mêmes ne connaissent pas forcément.
qui vont en général avec une petite dose de culpabilité, qu’on n’en fait pas assez, etc. Et avec une dose de tristesse et d’inquiétude… Peut-être… Les parents peuvent être inquiets d’amener de l’anxiété pour les enfants, soit l’éco-anxiété, parce qu’on parle d’environnement, soit d’anxiété vis-à-vis de la pauvreté en général. Et justement, l’idée de passer par l’histoire, la fiction et ces illustrations qui ne sont pas hyper réalistes ou sépia, un peu tristounes, etc.
C’est justement, ça permettra, je l’espère, à la fois aux enfants d’être attirés par les livres pour leur aspect physique et pour leurs histoires. Et du coup, aux parents de se laisser emporter. Et si ça a lieu, À la fin du livre, les parents trouveront un petit essai qui est sur le thème du livre, puisque chaque livre a un thème particulier. Par exemple, dans les livres qui viennent de sortir, là, il y en a un sur une inondation, il y a le problème de l’assurance, de la compensation vis-à-vis des risques climatiques. À la fin, il y a un petit essai pour les parents.
Et donc peut-être aussi pour toucher un public qui n’aurait pas forcément pris mes livres pour adultes dans la bibliothèque ou dans la librairie, ils pourront y arriver comme ça. Cela dit, je pense que ça peut se faire naturellement, ce serait évidemment le mieux, mais il est aussi possible qu’il faille un accompagnement dans la durée pour ces adultes prescripteurs. Les livres pour enfants c’est différent des livres pour adultes de ce point de vue-là, c’est-à-dire il n’y a pas un moment où ils sortent, on en parle pendant deux semaines puis c’est terminé. Ils ont une longue vie où peu à peu ils peuvent passer par exemple par l’éducation nationale, les éditions du seuil auxquelles les livres sont publiés prévoient de prévoir des fiches pour les enseignants. qui leur permettra d’aller encore plus loin que simplement la petite note documentaire à la fin pour quels sont les thèmes qui sont abordés dans le livre, au-delà du thème principal, comment ils peuvent intégrer l’histoire dans leur plan de travail en classe, etc.
Et on espère que comme ça, petit à petit, ça fera partie du paysage, des outils, de l’arsenal pour des adultes qui souhaiteraient exposer, que ce soit leurs enfants ou leurs élèves, à ce type de problématiques et qui, au départ, auraient peut-être été un petit peu inquiets de le faire. Et en plus, c’est ce que je trouve super, c’est que comme ce sont des histoires qui sont plutôt positives malgré tout, on peut s’y référer après qu’on explique. Et puis après, quand on explique à un enfant, quand on se retrouve dans une situation XY, on peut lui dire, tu te souviens ? C’est comme l’histoire d’un tel. Et voilà, tu te souviens comment ça s’est passé ?
Et oui, je pense que ça peut aussi générer des conversations intéressantes a posteriori, après la lecture. Oui, c’est un point intéressant que vous faites. En plus, toutes les histoires sont positives, tout en laissant toujours un petit peu d’ouverture. Il n’y a pas un Deus ex machina qui résout nécessairement tous les problèmes.
Mais ce qui est important, c’est aussi que toutes les solutions qui sont évoquées, elles sont réelles. C’est-à-dire, même si c’est de la fiction, c’est quand même de la fiction vraie, dans le sens où c’est un composé de solutions, de problèmes aussi, qui ont été expérimentés dans la vie réelle. Et en lisant les livres, on pourrait voir qu’ils ne sont pas situés géographiquement. Donc ça, c’est aussi vrai dans la fiction et dans l’illustration. C’était très important dans la décision qu’on a prise tout au début, dans ce que j’ai partagé avec Cheyenne-Olivier pour les illustrations, c’est de ne pas le localiser dans un endroit.
Parce qu’en fait, il y a plein de ressorts de la pauvreté qui sont pas liés à une géographie ou à un type de culture ou à un type de religion ou quoi que ce soit en particulier, mais qui sont des problèmes qu’on retrouve dans des environnements très différents. Donc les personnages, ils ont toutes les couleurs. Il y a des rouges, des verts, des violets, et c’est par famille dans le village. Et du coup, je pense que cette caractéristique-là, ça pourra peut-être aider le mécanisme dont vous venez de parler, c’est-à-dire de même de vouloir faire… que le même type de raisonnement pourra être adopté, pourra être appliqué à une situation que l’enfant découvrira dans sa propre vie.
Et il y a certains problèmes qui sont très différents et d’autres qui sont beaucoup plus similaires que les enfants auront pu expérimenter dans leur propre vie. Par exemple, dans les albums les plus récents, il y a un moment où une petite fille, Tumpa, décide d’essayer de sauver les arbres en s’attachant à un arbre.
Cette décision, elle l’a fait malgré sa grande timidité. Et donc ça, c’est quelque chose qu’un enfant pourra se dire dans un environnement tout à fait différent. Je ne sais pas, il y a quelqu’un. Je prends un exemple, quelqu’un à l’école se fait tabasser par une brute. Ça pourrait arriver dans une école française.
Un enfant qui est timide pourrait penser à cette histoire en se disant, c’est possible de faire quelque chose. Je ne peux pas résoudre tout le problème tout seul, mais au moins, je peux mettre un pas dans la direction d’une solution. Donc, c’est vrai qu’au-delà des des connaissances, disons, qui sont implicites dans l’histoire. Si on pouvait aussi faire passer un état d’esprit qui est un état d’esprit à la fois pragmatique, mais en même temps optimiste, ce serait une bonne chose. On a besoin d’optimisme.
Je ne sais pas si on va parler d’optimisme là tout de suite, avec l’axe que je vais vous poser. On en est où de la pauvreté ? Je vous disais tout à l’heure qu’on est dans des situations d’inégalités très profondes. On en est où de la pauvreté dans le monde ? Dans le monde, dans l’ensemble, ça c’est quelque chose, c’est une perspective qu’on n’a pas aussi forcément de nos perspectives de pays riches.
Parce que dans le monde, dans l’ensemble, au cours des 30 dernières années, c’est vrai qu’il y a eu une très forte augmentation des inégalités. en particulier avec les plus riches, les top 1%, 0,1%, etc., tirant de plus en plus leur épingle du jeu, s’accaparant une part du gâteau de plus en plus grand, du gâteau collectif de plus en plus grand. Mais en même temps, on a eu une diminution de la pauvreté extrême, avec la croissance, l’entrée dans le commerce international de la Chine et de l’Inde, mais pas seulement. Avec une diminution de pauvreté extrême dans plein de pays. Donc, en fait, c’est représenté parfois par la courbe de l’éléphant.
Ou d’un côté, au cours depuis les années 60, le revenu des riches est celui qui a augmenté le plus. C’est la trompe de l’éléphant. Mais en même temps, le revenu des pauvres a aussi augmenté. C’est le dos de l’éléphant. Et ceux qui se seront trouvés coincés au milieu, c’est les classes moyennes des pays riches.
Alors, qu’est-ce qui se passe ? Parce qu’effectivement, moi, je suis marqué J’ai 46 ans et je me souviens très bien que, bon, c’est pas vraiment classe moyenne, mais qu’en sortant d’école de commerce, je gagnais 37 000 euros par an à peu près. C’était il y a 20 ans. Et j’ai acheté un appartement à Paris qui coûtait 3 500 euros du mètre. Et aujourd’hui, on sort d’école, c’est le même salaire, sauf que c’est 12 000, 20 000 euros du mètre.
Et en fait, on voit bien que, là je parle de quelqu’un qui sort d’école de commerce, mais Mais en fait, on voit bien que pour des gens qui sont caissiers ou ouvriers, avant, ils pouvaient s’acheter une petite maison, un petit appartement, etc. Et aujourd’hui, c’est plus du tout possible, en fait. J’ai du mal à comprendre ce déclassement. Enfin, je sais pas si c’est un déclassement, d’ailleurs, je sais pas si c’est le bon terme, mais des classes moyennes et des classes populaires en France, mais dans les pays occidentaux de manière générale. Et vous parliez des 1%, mais j’ai l’impression que c’est même pas le problème des 1%, mais c’est vraiment des 0,01%.
Parce que 1% en France, je crois que c’est 7000 euros par mois de salaire. Et finalement, c’est un salaire qui est assez élevé, mais qui finalement, pour ceux qui les touchent, ils ont quand même des problématiques j’ai l’impression de classe moyenne ou anciennement classe moyenne. Et c’est ça que j’ai du mal à saisir en fait. J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’écrasement vers le bas de toute une classe de la population finalement. C’est sûr que l’augmentation des inégalités est fractale.
C’est-à-dire, plus on avance dans tous les travaux de Thomas Piketty, Gabriel Zuckman, Emmanuel Saez, etc., qui l’ont montré, c’est vrai pour les revenus, c’est encore plus vrai pour la richesse. c’est-à-dire le stock de ce que les gens ont à un moment donné. Donc le 1% s’est enrichi plus que le 10%, le 0,1% plus que le 1% et le 0,01% etc. Donc plus on avance dans les hauts revenus et après on arrive dans les très très très très hauts revenus où il n’y a plus que quelques personnes. Et on a vu, ça a été particulièrement massif pendant le Covid, mais ça datait d’avant, une explosion de ces revenus.
De ce fait, ce dont vous parlez pour les prix de l’immobilier, c’est une conséquence directe de cela, à la fois nationalement et internationalement. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de très fortes fortunes et qu’elles cherchent quelque part où s’installer, que les gens ne peuvent pas consommer tout cet argent. Ça met de la pression sur les prix immobiliers, en particulier dans des villes comme Paris où il n’y a pas tant de logements que ça. d’où une augmentation des prix parce qu’il y a peu d’appartements sur lesquels il y a toutes les fortunes du monde qui deviennent de plus en plus riches, qui sont prêts à payer de plus en plus. On trouve des gens, par exemple dans une ville comme Vancouver, Il y a tellement d’investissements chinois, d’appartements chinois, que les gens n’arrivent plus du tout à se loger en gouvernement.
Donc, c’est un exemple pour montrer Paris, pareil, vous parlez. À Lisbonne, c’est la même chose de manière plus récente, c’est-à-dire jusqu’à assez récemment, c’est là où on pouvait encore aller pour trouver un logement. Et maintenant, ça devient… C’est les cryptomillionnaires qui se sont installés à Lisbonne et qui font pousser les… Mais au Pays Basque ou à Bidjeïn, c’est pareil.
c’est les gens du Pays Basque qui ne peuvent plus se loger parce qu’il y a une pression forte sur les Parisiens et même d’autres. Il y a juste beaucoup de fortunes qui cherchent des endroits à s’installer, qui font la pression sur tout le monde. En Bretagne, c’est pareil. Donc, l’immobilier, c’est quand même très… C’est quand même particulièrement…
particulièrement appropriée pour ce genre de problème. C’est-à-dire qu’il y en a une quantité fixe. Et après, on trouve des situations comme ce qu’on trouve en Californie aujourd’hui, où il n’y a tout simplement pas assez de logements pour le nombre de gens qui habitent dans les villes en Californie, d’où une énorme explosion du nombre de personnes qui vivent à la rue. Et quoi qu’on fasse, finalement, il y a quand même un problème de chaises musicales. Il n’y a pas assez de chaises pour les gens qu’il y a.
Donc, l’immobilier, c’est vrai que c’est un symptôme de ce déclassement, mais c’est plus qu’un symptôme parce que c’est vraiment le… Comme il y a un facteur fixe. Les lois changent très lentement. Il faudrait pouvoir construire plus haut en Californie où il faudrait… C’est clair qu’il faudrait construire plus haut, il faudrait construire plus de logements.
Là, la régulation ne change pas parce que les gens qui sont déjà là, et qu’ils sont déjà dans leur maison, ils n’ont aucun intérêt. Donc il y a un phénomène de « not in my backyard » qui est que les gens ne veulent pas de logements sociaux, ne veulent même pas de logements collectifs à côté d’eux, ne veulent pas de trains, ne veulent pas de… Parce que pour eux, ça déclasse leur bien. Donc c’est très difficile politiquement. Justement, j’allais vous poser la question sur la politique.
Quand j’écoute typiquement Emmanuel Macron, mais ça peut être d’autres, typiquement quand il y a eu la réforme des retraites ou un peu plus tôt les Gilets jaunes, C’est comme si, en fait, sur la réforme de Rotedge, j’étais frappé de voir que le discours était sur est-ce qu’il faut travailler plus longtemps, moins longtemps, etc. Alors que fondamentalement, le problème, il est là. C’est-à-dire qu’en fait, il y a un déclassement des classes moyennes et des classes populaires. Elles se rendent compte. Elles ne sont pas vraiment capables de, j’imagine, de tip-point.
Elles n’ont pas de connaissances économiques particulières, mais elles comprennent bien que maintenant, on met des antivols sur la viande dans certaines régions, dans certaines zones. Clairement, il y a un problème. Donc, elle le voit, ça. Et je pense que tout le monde est d’accord pour dire que le système, il y a un vieillissement des populations, etc. Donc, je pense que tout le monde…
Mais ce que je ne comprends pas, c’est comment un gouvernement n’est pas capable de dire, oui, en fait, concrètement, il y a un problème sur les classes moyennes et les classes populaires. Ou alors, ils mentent, tout simplement, parce qu’ils le savent. Enfin, j’imagine qu’ils sont au courant, quand même. Et j’ai du mal à saisir. Alors, déjà, est-ce que les politiques peuvent faire quelque chose ?
A priori, ce que vous disiez par rapport à Margaret Thatcher, c’est que oui, ils peuvent avoir des politiques qui vont dans le sens d’une meilleure redistribution. Mais moi, j’ai l’impression que parfois, ils sont un peu pieds et mains liés avec l’économie aussi, d’une certaine manière.
Non, il y a des marges d’action, c’est-à-dire l’économie, à nouveau, l’économie n’est jamais une fatalité. L’économie, elle fonctionne dans une série de règles et de lois, etc., qu’on décide de se fixer, qui ont des effets différents. Par exemple, si on compare les pays scandinaves avec les États-Unis, on voit bien que Ils ont fait des choix différents qui se traduisent en résultats différents, que ce soit sur les inégalités, mais aussi sur des choses aussi fondamentales que la mortalité maternelle. On voit que les États-Unis, qui sont par certaines mesures le pays le plus riche du monde, est aussi un des pays de l’OCDE où la mortalité maternelle est la plus forte. Donc on voit bien qu’il y a des choix de politique, des priorités politiques qui ont des impacts sur la vie des gens.
Pour revenir aux classes moyennes, je pense que là où il y a potentiellement une situation difficile pour les politiques, qu’on a pu voir dans les efforts désespérés de faire la pédagogie sur la réforme des retraites, moins celle-là que celle d’avant.
Parce que si vous vous souvenez, cette réforme des retraites, là, c’était la deuxième. Il y avait déjà eu un essai qui avait raté. Et ce qui était intéressant, c’est que le premier essai était en fait mieux fait. Cette deuxième réforme des retraites, c’était juste… C’était pas grand-chose, c’était pas très utile, c’était pas très bien fait.
C’était vraiment ni fait ni à faire. Tandis que la première réforme des retraites, il y avait quand même une idée qui était juste, qui était de dire, on a des dizaines de systèmes de retraite en France qui sont en cloisonnement, ce qui fait qu’il y a des gens qui ont changé de carrière au milieu de leur vie, qui se trouvent avec des retraites miniatures des deux côtés, puisque forcément, plus on contribue dans un système, plus on a de retraites, mais ce n’est pas linéaire. Pour encourager les gens à travailler plus longuement. Mais du coup, on les force à rester dans une carrière. Ce qui n’est pas bon pour le fait que les gens peuvent changer d’avis sur ce qu’ils veulent faire de leur vie au fur et à mesure du temps.
Il faudrait que les gens puissent avoir cette flexibilité. Puis de toute façon, il est absurde d’organiser, d’avoir 150 systèmes de caisses de retraite différents. Ça n’a pas de sens. Donc là, l’idée qu’il y avait dans la première réforme des retraites, il y avait cette idée-là qui était une bonne idée. Or cette bonne idée, elle est tombée à la trappe parce que…
pour deux raisons. D’abord parce qu’elle a été…
a collé avec un effort très important de gagner de l’argent, c’est-à-dire, je crois que c’était surtout le Premier ministre à l’époque et qui voulait absolument, pour lui sa priorité c’était de dépenser moins, alors que la priorité aurait été sans doute de changer l’organisation du système et le faire de manière sensible avant de se poser la question de l’équilibre budgétaire. Mais la deuxième raison pour laquelle elle a échoué, c’est l’incapacité d’expliquer pourquoi ça faisait sens et surtout le manque de confiance de la population vis-à-vis de la réforme. C’est-à-dire l’attitude, la réponse assez naturelle et automatique des gens, et c’est pas juste en France, vis-à-vis d’une réforme d’un gouvernement, c’est on vous fait pas confiance, si vous faites ça, il y a forcément quelque chose derrière qui est mauvais pour nous. Et en l’occurrence, je crois profondément que réformer, mettre à plat le système de retraite et le réformer, ça aurait été une bonne idée. Ça aurait été plus facile d’obtenir la confiance si ça n’avait pas été accompagné d’un effort de réduire les budgets.
Mais même sans ça, ça aurait été difficile. Il y a d’autres exemples. Par exemple, pour revenir à un exemple dont on traite dans les livres, qui est la question d’utiliser trop d’eau. Dans un des albums de Céline, il y a un fermier qui utilise trop d’eau.
La raison pour laquelle il utilise trop d’eau, c’est que l’eau est gratuite pour lui. Et ça correspond à une situation qu’on trouve dans plusieurs pays en développement, par exemple en Inde, où les fermiers ont accès à l’eau gratuitement. Y compris dans des endroits où ils ont accès à l’électricité gratuitement pour pomper. Donc non seulement l’eau est gratuite, mais l’électricité pour la pomper est gratuite. Donc forcément, lui, dans l’image, il voit absolument pas les aspects négatifs.
Il voit pas le problème. Il a besoin d’eau pour son riz. Donc ça lui coûte rien et il va en utiliser le plus possible. Par contre, il gagne de l’argent avec. Et plus il y a de riz, plus il gagne de l’argent.
Donc de son point de vue, c’est clair qu’il n’y a que ça à faire. Donc on voit bien que c’est un système qu’il faudrait changer. non seulement pour le changement climatique, parce que ça fait gaspiller de l’énergie, mais de manière beaucoup plus immédiate et urgente, parce que ça conduit à une baisse du niveau de la nappe phréatique. C’est illustré dans le livre par « Les enfants n’ont plus à boire ». Et c’est réel.
À nouveau, c’est un vrai problème.
Mais il y a gouvernement après gouvernement au Punjab qui pourrait, ça pourrait se produire au Punjab, ça pourrait se produire ailleurs mais disons que c’est au Punjab. Gouvernement après gouvernement au Punjab ont essayé de changer le système en faisant payer aux fermiers l’eau et en échange en les compensant par des revenus fixes. On vous donne temps par mois, quoi qu’il arrive. Maintenant, par contre, si vous utilisez plus d’électricité, on vous fait payer l’électricité. C’est une réforme qui fait sens.
Oui. Aucun gouvernement… — Sauf pour les fermiers. — Non, non. Pour les fermiers, ça peut aussi faire sens, parce qu’on peut leur…
On les compense. — C’est vrai. — On les compense avec un revenu fixe. On pourrait même les compenser plus que… Alors la première fois que ça a été fait, la compensation était insuffisante.
Donc bon, ça n’a pas marché. Mais la deuxième fois que ça a été fait, la proposition de compensation était très généreuse. Donc ça fait sens même pour les fermiers. Après, une fois qu’ils ont les sous, de toute façon, ils peuvent se dire, puisque je dois payer pour l’électricité, je vais plutôt faire autre chose que du riz, par exemple. Mais ça n’a pas marché, il y a eu effort après effort, gouvernements sont tombés les uns après les autres, parce qu’il n’y a aucune confiance dans le fait que c’est vraiment une bonne chose.
Et les fermiers pensent que tout ça c’est contre nous. Donc finalement, oui, ils nous payent maintenant, mais ils le feront pas dans le futur. Donc quand il n’y a pas de confiance dans la politique publique, C’est très très difficile de mettre en œuvre des politiques où il y a forcément des gagnants et des perdants et des nécessités de compenser les perdants dans le système. C’est-à-dire qu’il n’y a presque aucune réforme qui va rendre tout le monde content. Il y a forcément toute réforme économique qui va risquer de créer des gagnants et des perdants.
Mais si la réforme est bonne, ça génère un surplus qui permet de compenser les perdants. Mais s’il n’y a pas de confiance dans la population que cette compensation aura lieu, qu’on soit dans un pays riche comme la France ou dans un pays moins riche comme l’Inde, alors la réforme ne peut pas avoir lieu. où la première réforme des retraites n’a pas eu lieu, et la deuxième elle a eu lieu au Forceps, mais de toute façon elle avait sacrifié l’aspect intéressant qui aurait été la mise en place d’un système unique. Mais en même temps c’est tellement lié, c’est impossible de ne pas faire le lien, mais quand on regarde les différents pays de l’Occident, pas qu’en Occident d’ailleurs, on voit une montée d’extrême droite, ou en tout cas des parties extrêmes, justement en raison de ce manque de confiance, mais est-ce que c’est pas lié aussi au système économique ? J’ai l’impression, mais encore une fois je me trompe peut-être, que les Français, mais ça peut être dans les autres pays évidemment, ils voient leur situation économique se dégrader.
Et c’est la raison pour laquelle ils vont, principalement, moi je crois pas que tous les gens qui votent extrême droite soient racistes, mais ils vont aller vers des politiques… Et je sais même pas pourquoi ils arrivent à leur faire plus confiance, parce qu’on sait bien que… Enfin, l’histoire nous a prouvé quand même qu’il n’y a pas besoin de leur faire plus confiance, c’est toujours pire. Mais n’empêche que… Et même Trump, moi je suis choqué parce qu’en fait Trump a passé quatre ans qui a favorisé les plus riches et c’est quand même les plus pauvres qui votent pour lui.
C’est quand même choquant. Enfin moi ça m’échappe en fait. Et il y a forcément un lien entre économie et politique. C’est-à-dire qu’en fait les gens sont déclassés et ils votent dans des parties extrêmes en réponse en fait. Oui, on en parle avec Abhijit Banerjee dans Économie utile pour des temps difficiles, de cette connexion.
Mais là, à nouveau, il n’y a pas de fatalité dans ce déclassement économique. Il y a des choix politiques qui sont faits ou qui ne sont pas faits à un moment donné. Par exemple, aux États-Unis, une cause non seulement du déclassement économique, mais du déclassement social fort C’est l’arrivée de la Chine dans le commerce international qui a décimé certaines industries aux États-Unis.
En même temps, il n’y avait pas de raison a priori que ces gens dont les jobs ont été décimés ne puissent pas être compensés. Et donc là, il y a eu d’abord un choix politique de laisser la Chine entrer dans l’organisation du commerce, très bien. Mais une fois qu’on a fait ça, on a oublié que ce serait positif pour tout le monde seulement s’il y avait une redistribution directe vers les gens qui seraient en compétition directe avec la Chine. En principe, les outils étaient en place puisque aux États-Unis, ils avaient mis en place un transfert qui s’appelle Trade Adjustment Assistance, T-A-A, assistance pour le commerce. auxquels les gens qui ont été déplacés, qui ont perdu leur job à cause du commerce, pouvaient en principe candidater.
Et s’ils avaient accès, ça leur donnait une assurance chômage prolongée, des bourses pour la formation, de l’aide pour déménager, tout ça. Donc en principe, il y avait même le programme. Et ce programme, d’ailleurs, il a été évalué. Et ce qui a permis de l’évaluer, c’est qu’il a été mis en place à un système tellement… à un niveau tellement bas que très, très peu de gens ont pu en bénéficier et que c’était un peu un hasard si quelqu’un en bénéficiait ou non, selon si la personne qui s’en occupait se sentait généreuse ce matin ou pas.
Et donc on peut voir que les gens qui ont eu la chance de bénéficier de ce programme se sont sortis plutôt bien, dix ans plus tard ont plus de chance d’avoir un emploi, de gagner leur vie bien, etc. Mais le programme est resté à un niveau absolument minime. C’est-à-dire les dépenses de ce programme, en comparaison avec les pertes de revenus qui ont eu lieu dans les endroits qui ont été touchés par la concurrence avec la Chine, sont extrêmement faibles. Donc parce que, comme l’industrie était assez concentrée, quand il y a eu un choc sur une industrie particulière, par exemple les meubles, Non seulement les gens perdent leur emploi dans les meubles, mais en plus, tous ceux qui les servaient dans les restaurants, ils perdent aussi leurs emplois. Et c’est comme ça qu’on arrive à une espèce d’effondrement d’une ville.
Donc les revenus, on peut… Il y a eu une recherche de David Hotter qui montre à quel point les gens ont perdu des revenus. Et on peut comparer ce que les gens ont perdu comme revenus dans ces régions affectées avec l’assistance du Trade Adjustment Assistance qui est miniature. Et dans la mesure où les gens ont reçu de l’aide, c’était presque exclusivement sous la forme de l’assurance handicap. Donc la seule manière, une fois comme l’assurance chômage est très limitée aux États-Unis, la seule manière d’être compensée, c’est de dire j’ai mal au dos ou j’ai un handicap de santé mentale.
Donc déjà, la personne, elle a perdu son emploi. Elle n’a plus de job. Elle a perdu sa dignité qui est allée avec l’emploi. Et la seule manière qu’elle a de survivre, c’est de dire qu’en plus, elle est handicapée. Donc c’est vraiment, comme ils disent en anglais, rajouter une insulte à la blessure.
Oui, c’est ça. Et après, tout ça, ça a eu des implications sur, donc ça c’est l’exemple du commerce, mais il y a d’autres qu’on peut répéter, sur la mécanisation par exemple, la robotisation dans les entreprises, tout le fait que les transitions qui étaient nécessaires dans une économie au mouvement, n’ont pas été accompagnés. On a laissé les gens se débrouiller tout seuls. Ils sont très mal débrouillés tout seuls. Et tout ça a conduit à une crise morale, sociale très forte aux États-Unis.
Là, l’expérience de vie réduit aux États-Unis depuis avant le Covid. En Europe aussi, non ? Non. C’est très américain comme phénomène. Jusqu’au Covid, c’est vraiment que l’espérance de vie baisse.
C’est presque exclusivement dû aux Blancs. Et ça peut être attribué largement à des gens entre 40 et 50 ans qui meurent de d’overdoses, d’opioïdes, qui meurent d’oxy, qui meurent d’empoisonnement à l’alcool ou de suicides. C’est ce que Hankes et Angus Deaton ont appelé les morts de désespoir.
Quand on arrive dans un pays où les gens sont suffisamment acculés pour se laisser mourir d’une manière ou d’une autre, tellement que la mortalité augmente dans un pays riche, ce qui est quand même unique, c’est pas étonnant que les gens aient été suffisamment fâchés pour pouvoir essayer autre chose. Et justement, parce qu’il n’y a aucune confiance dans la… dans la politique traditionnelle. Mais on voit qu’à nouveau, il n’y a pas du tout de fatalité dans le sens où il y avait une politique qui aurait pu être employée, qui pourrait encore être mise en place. Bien sûr, bien sûr.
Donc, c’est toujours… C’est jamais… Il ne faut jamais se dire… C’est fichu. Non, non, oui.
Il ne faut jamais se dire c’est une espèce de… C’est les lois de l’économie qui sont comme ça. C’est toujours une combinaison entre ce qui se passe effectivement dans le domaine économique et comment on décide d’y répondre. Et je ne vous avais pas posé la question, mais on a réussi à quantifier cet appauvrissement des classes moyennes et des classes populaires en Occident ou pas ? Oui, il y a plusieurs manières de le quantifier.
Une façon de le voir, par exemple, c’est qu’aux Etats-Unis, le salaire médian n’a pas bougé depuis des dizaines d’années. C’est une façon… Pendant qu’il y avait de la croissance aux Etats-Unis, que les top 1%, le salaire médian reste fixe. Et comme vous le dites, il y a certains postes budgétaires qui ne font qu’augmenter, comme le logement. Et c’est marrant parce que quand on reprend sur le sujet des logements, donc c’est des gens très riches qui ont du coup plein de logements partout, donc ils vivent pas dedans, c’est des appartements qui sont vides.
A Paris ça arrive beaucoup, à Lisbonne aussi il y a plein de villes dans lesquelles il y a plein d’appartements qui sont vides en fait, qui sont achetés par des gens qui savent plus quoi faire de leur argent. Et de l’autre côté, il y a des gens qui, du coup, n’arrivent pas parce que ça fait monter le prix moyen du loyer. Enfin, le prix moyen du mètre carré. À Paris aujourd’hui, si on n’a pas un parent qui avait déjà un appartement, c’est très difficile. C’est très difficile.
Très difficile. Je vous ai entendu dire qu’il ne fallait pas tout mettre sur le dos du capitalisme, que ce n’était pas une question d’hypercapitalisme, etc. Est-ce qu’on a tendance à faire un petit peu quand même, parce que les gens qui ne sont pas économistes ont tendance à simplifier, moi y compris, en disant qu’il y a un vrai problème. Si je reprends la définition d’Adam Smith de capital travail et terre, on se dit qu’on a trop mis sur le capital et puis tout le reste, finalement, il n’y a plus rien. Le travail n’a pas de valeur et avec l’intelligence artificielle qui arrive, il y en a de moins en moins.
La terre, on voit bien que les agriculteurs ont beaucoup de mal à vivre. Mais vous dites, enfin je vous ai entendu dire en tout cas, faut pas tout mettre sur le dos du capitalisme, c’est pas ça, c’est pas juste ça, ou en tout cas c’est pas ça le problème. C’est quoi la part du capitalisme là-dedans, ou de l’hypercapitalisme ? Je sais même pas comment appeler ça. Ça me parait un petit peu des grands mots.
De la même façon que je pense pas que c’est le fonctionnement de l’économie naturellement, qu’il y a une… Il y a des lois qui disent qu’il faut que les…
Il y a des lois qui disent que les inégalités vont forcément augmenter suite aux changements technologiques, etc. Je crois que c’est toujours une combinaison entre le système économique et les institutions. Vous avez beaucoup parlé d’écologie. On a tendance à opposer écologie et économie quand on reprend la raci…
Un chouïa plus, je pense. Je peux faire 10 minutes ? 10 minutes max, parce qu’après je vais me déjeuner.
Vous avez beaucoup parlé d’écologie, on a tendance à opposer écologie-économie, alors que quand on reprend la racine des mots, c’est les mêmes racines. Donc on a la parole de la maison et puis de l’autre côté, la gestion de la maison. Vous, c’est quoi votre compréhension ou la manière dont vous regardez l’écologie aujourd’hui ? pas le combat politique, mais plutôt la situation dans laquelle on est aujourd’hui. Et pour reprendre, en fait, ce qui est très lié à Friedman, c’est-à-dire cette non-conscience, ou en tout cas ce non-intérêt pour les autres parties prenantes, comment vous regardez aujourd’hui la problématique de l’écologie par rapport à l’économie ?
— Oui, donc il n’y a aucune raison qu’il y ait une opposition entre écologie et économie. Ce qui est sûr, c’est que les entreprises laissées à elles-mêmes… Pas leur responsabilité, comme disait Friedman, mais leur tendance, c’est quand même de maximiser les revenus pour leurs actionnaires. au dépend du reste. Et on ne peut pas du tout compter sur les entreprises pour voir la lumière et tout d’un coup faire les bonnes choses.
Il faut que ce soit organisé par la société, il faut que ce soit organisé. C’est pour ça qu’on a des gouvernements et c’est pour ça qu’il nous faut aussi des institutions internationales parce que c’est un bien public mondial la qualité de notre planète. Et non seulement c’est un bien public mondial, mais l’importance de ce bien public est devenue disproportionnée dans les pays les plus pauvres. Puisque qu’aujourd’hui, si la planète se réchauffe, au fur et à mesure que la planète se réchauffe, les premières victimes, c’est les gens des pays du Sud. Donc on ne peut pas s’attendre à ce que les entreprises, il y a des entreprises individuelles qui décident que ça fait sens.
Mais de se dire, on va compter sur les fonds ESG, le bon vouloir des entreprises pour régler le problème, ça, ça me paraît complètement un plan sur la comète. Mais par contre, voilà ce que l’économie peut nous éclairer sur l’organisation d’une société qui serait, qui forcerait les entreprises à prendre en compte ces enjeux, ces enjeux climatiques. Par exemple, on les taxe en plus quand elles sont plus polluantes.
Je connais la réponse, mais j’aimerais bien avoir votre réponse quand même. Est-ce qu’il y a une théorie économique qui pourrait s’appliquer et qui pourrait, entre guillemets, résoudre tous les problèmes ? Non, il n’y a pas une théorie économique qui pourrait résoudre tous les problèmes. C’est beaucoup plus complexe que ça, en fait. C’est ça, la réalité ?
Et c’est forcément une mixité de choses. Voilà, il y a plein de choses. Il y a plein de problèmes auquel il faut… Réfléchir, apporter plein de solutions, puis les tester. Parce que souvent aussi, quand on essaye d’élaborer une solution, on oublie quelque chose au passage et ça ne marche pas comme on avait prévu.
En particulier, je vous ai entendu parler du microcrédit et des limites. Parce qu’en fait, le microcrédit, ça a été extrêmement mis en avant. Même gagner le prix Nobel de la paix. Ça a eu ses heures de gloire. Et en même temps, ce que vous dites, vous, c’est que ça a aussi ses limites.
Ça dépend comment on l’applique. Ça dépend des conditions. Justement, empiriquement, le microcredit c’était vraiment une de ces modes qui allaient tout régler. Et de toute façon, les modes, en particulier dans ce domaine un peu responsabilité sociale des entreprises, gagner de l’argent tout en faisant du bien, on va vraiment de mode en mode. Le microcredit c’en était une.
Juste empiriquement, il se trouve que les gens qui ont accès à un microcrédit, en moyenne, ne sortent pas de la pauvreté grâce à ça. Ça ne les rend pas plus pauvres non plus, mais ça ne les rend pas plus riches non plus. Ça a été évalué dans plein de pays différents, dans plein de contextes différents, et c’est ce qu’on trouve. Ça ne veut pas dire que c’est inutile, mais ça veut dire que pour certaines personnes, ce dont les ménages ont besoin, c’est plutôt un moyen d’épargner pour pouvoir accéder à des biens durables. ou d’un prêt de consommation à des taux beaucoup plus raisonnables que celui que le microcrédit pratique.
Et puis certaines personnes peuvent effectivement démarrer une activité, mais c’est pas tout le monde. D’ailleurs, il y a un de nos albums qui est sur la question du microcrédit, et justement on voit que la jeune fille, c’est une adolescente… — Elle n’y arrive pas. Elle n’y arrive pas. Elle essaie, elle prend du microcrédit parce qu’elle se dit super, je vais essayer de faire quelque chose.
Mais elle n’a pas d’idée et elle n’y arrive pas. Et ce qu’il lui faut, elle, c’est un emploi. Complètement. Et j’ai lu plusieurs études d’ailleurs, pas qu’une, sur les SDF. De mémoire, c’était en Grande-Bretagne, mais dans d’autres pays également, où plutôt que de dépenser de l’argent dans des aides, ils donnaient directement l’argent aux SDF.
Et on se rendait compte que, si je me souviens bien, que l’impact était plus positif. C’est-à-dire qu’en fait, les SDF, une fois qu’on leur donnait l’argent, ils arrivaient à en faire quelque chose. Certains, j’imagine qu’il y avait des conditions, etc. Mais je ne sais pas s’ils étaient familières avec ces études. Pas sur les SDF en Angleterre mais de manière générale il y a beaucoup d’études dans les dix dernières années sur les transferts directs financiers aux gens.
C’était quelque chose qui se faisait très très peu dans les pays en développement. La protection sociale n’était quasiment pas sous la forme de transferts financiers aux ménages et ça s’est vraiment développé autour au cours des deux dernières décennies. Il y a eu beaucoup d’évaluations et dans l’ensemble elles sont très positives, c’est-à-dire on montre que les gens on leur donne du cash, ils sont parfaitement capables de s’en occuper très bien. Par exemple, si on veut que les gens mangent plus, avant on pensait qu’il fallait leur donner de la nourriture, il se trouve que leur donner du cash est tout aussi efficace et ça coûte beaucoup moins cher, c’est beaucoup plus facile, il y a beaucoup moins de corruption, la logistique est beaucoup plus simple. Donc, de manière générale, on se déplace.
Il y a un consensus qui est en train de se développer sur le fait que c’est approprié de faire des transferts financiers, au moins dans certains cas, directement aux gens, au lieu de monter des usines à gaz. Parce qu’effectivement, il y a cette croyance que si les gens sont pauvres, c’est un peu de leur faute quelque part, parce qu’ils ne savent pas gérer leur argent. C’est un des préjugés sur les pauvres, oui. — Et par rapport à ce que vous disiez sur la politique aux États-Unis et sur les aides qui étaient quasiment impossibles à avoir, pour le coup, de mémoire, Macron, il a mis en place… Parce qu’une des raisons de la pauvreté aussi, en France, pour le coup, c’est que les gens ne demandent pas les aides.
C’est-à-dire que l’extrême droite n’arrête pas de parler du fait qu’il y a des aides dans tous les sens, qu’il y a beaucoup trop d’aides, etc. Mais la réalité, c’est qu’en fait, les gens, je ne connais plus les pourcentages, mais ne les demandent pas ces aides. Et je crois, si je ne me trompe pas, que maintenant, il a fait une sorte de distribution automatique, c’est-à-dire que quand les gens ont droit, ils y accèdent. Donc il y a un gros problème de non-recours en France qui s’est accéléré en plus avec la dématérialisation parce qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont pas compris comment… Et aussi qui va avec une certaine méfiance de…
un peu presque automatique des personnes qui sont chargées de donner cette aide qui va dire telle personne n’est pas justifiée ou n’est pas éligible ou pas. Donc l’idée du paiement à la source, je ne sais pas si c’est encore vraiment mis en place, mais c’est le projet en tout cas. Effectivement, c’est une bonne idée parce que ça réduit, plus on peut réduire les obstacles entre les gens et les aides qui les concernent, mieux c’est. Et en général, il y a un peu un parcours du combattant pour accéder à ces aides. Et plus les choses sont automatiques et transparentes, mieux c’est.
Donc ça, ça va vraiment dans le bon sens. Je vous pose une dernière question, qui est la question que je pose à tout le monde pour le podcast. Je ne vous avais pas prévenu d’ailleurs, donc ce n’est pas très grave. Le podcast s’appelle VLAN. L’idée, c’est claquer la porte, ouvrir la porte.
Et j’aimerais savoir à quoi vous voulez ouvrir et où claquer la porte. Alors ouvrir, c’est vraiment, donc pour revenir au thème des enfants, ouvrir la perspective des enfants sur le fait qu’il y a des problèmes peut-être auxquels ils n’ont jamais été confrontés, ouvrir leur esprit, leur laisser être curieux, pas forcément leur donner les solutions toutes clés en main, mais leur montrer au moins que ces problèmes existent et que des enfants qui sont un petit peu comme eux finalement, ils sont confrontés. à fermer la porte le plus possible aux idées toutes faites, aux caricatures et en particulier à tout ce qui concerne les caricatures sur les pauvres. Soit qu’ils soient paresseux et responsables de leur propre pauvreté, soit au contraire que c’est des entrepreneurs qui s’ignorent et qui pourraient tous devenir Bill Gates si seulement on leur donnait un peu d’argent et qu’on sortait de leur patate. Non, parce que ce que vous dites, c’est qu’effectivement, c’est des problèmes qui sont systémiques, en fait.
C’est-à-dire que la réalité, c’est que le système fait qu’aujourd’hui, quand on est pauvre, on est… Enfin, en ce moment, en tout cas, c’est la situation, plus on est pauvre, plus on est pauvre. Enfin, je veux dire, c’est de plus. En plus difficile de s’en sortir. Plus il y a de contraintes pour essayer de s’en sortir, donc il faut trouver les leviers sur lesquels…
En même temps, bien que ce soit le cas, il ne faut pas non plus en devenir fataliste. C’est-à-dire que dans cette situation-là, souvent, il y a des leviers sur lesquels on pourra appuyer qui ouvrent une solution possible. Donc, il faut les trouver et puis appuyer dessus. J’aime bien cette citation de Annie Arnaud qui dit, il n’y a pas d’ascenseur social, les pauvres prennent l’escalier de service. Et en même temps, il faut savoir où sont ces escaliers.
Exactement, il faut avoir de la chance. Moi, j’ai eu cette chance à ce moment-là, mais c’est vrai que c’est moche de prendre ces gens-là en exemple, parce qu’en fait, c’est un concours de circonstances qui font qu’ils ont réussi à prendre cet escalier, mais en fait… Il faut essayer de trouver le plus de points d’entrée où on peut ouvrir un petit peu ces trappes de pauvreté. Et quand il y a des mécanismes d’auto-entretien de la pauvreté, ça veut aussi dire qu’il peut y avoir des mécanismes vertueux. Donc pour ouvrir la porte aussi, c’est vraiment ouvrir la porte de ces trappes de pauvreté.
Parfait. Merci beaucoup Esther. Merci. Si vous avez aimé l’émission, n’hésitez pas à mettre des étoiles sur vos plateformes de podcast préférées. Vous pouvez aussi partager l’épisode sur vos réseaux sociaux, Instagram Stories, Facebook, LinkedIn, où vous voulez.
Je suis Grégory Pouilly, vous pouvez me retrouver sur l’intégralité des plateformes sous le nom Greg from Paris. Si vous avez des idées pour des invités, si vous avez des commentaires, n’hésitez surtout pas à m’envoyer un message. Allez, merci et à bientôt !
Quand on pense à la pauvreté, on pense tout de suite aux personnes les plus démunies dans le monde, mais aussi en France. Et c’est bien normal. Pourtant, ce que j’observe, c’est que les personnes des classes moyennes, mais aussi des classes populaires en France, ont de plus en plus de mal à s’en sortir. C’est un sujet dont on ne parle pas beaucoup. Et j’ai l’immense plaisir aujourd’hui de recevoir Esther Duflo, qui est prix Nobel d’économie, professeure d’économie au MIT. Vous la connaissez sans doute. Et ensemble, on va se poser la question de savoir comment ça se fait qu’il y a un effondrement des classes moyennes et des classes populaires en Occident et particulièrement aux États-Unis. On n’en parle pas beaucoup comme je. Le disais, et pourtant pour moi c’est derrière la montée de l’extrême droite, c’est derrière la gang sociale, c’est derrière toutes les manifestations qu’on voit en France. Et donc on va se questionner. Pourquoi ça arrive ? Comment ça arrive ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? Je vous laisse écouter l’épisode, j’espère que vous allez l’apprécier. Allez v’là, c’est parti ! Bonjour à tous, bonjour Esther. Bonjour. Comment ça va aujourd’hui ? Ça va bien. La première question qui me vient, c’est de me dire, quand je regarde l’état du monde et l’état des inégalités dans le monde, comment ça se fait qu’on en arrive à cette situation ? Est-ce que c’est un problème autour de l’économie ? C’est-à-dire que l’économie, c’est une théorie pour faire en sorte qu’on… J’ai l’impression qu’il y a une sorte de partage des revenus. On réfléchit beaucoup à comment… fonctionne cette économie. Et en même temps, on est dans une situation aujourd’hui où on a des profondes inégalités. Je ne sais pas si ce sont des inégalités qui n’ont jamais été vues depuis le XIXe siècle, comme le dit Thomas Piketty, mais en tout cas, qui sont très profondes et qui s’approfondissent, j’ai l’impression. Il n’y a pas de facialité dans l’augmentation des inégalités, il n’y a pas de loi économique qui dit que les inégalités doivent augmenter à chaque fois. En fait, c’est un choix, mais ce n’est pas vraiment un choix économique, c’est un choix de société, c’est un choix politique. comme le montre justement Thomas Piketty dans une brève histoire de l’inégalité, montre justement comment en fait les hommes sont parfaitement capables de s’organiser pour qu’il n’y ait pas une augmentation forte des inégalités. Et là, on a vu l’augmentation des inégalités s’opérer à des rythmes et des intensités différentes selon les pays. en réponse à des choix de politiques différents. Donc, par exemple, au Royaume-Uni et en Angleterre pendant la période Thatcher-Reagan, il y a un choix conscient qui est de réduire les impôts, de réduire les syndicats ou de mettre les syndicats aux abois, de déréguler, etc. Et c’est ces faits combinés qui conduisent à une augmentation très forte des inégalités qu’on ne retrouve pas à ce moment-là en Europe continentale. Mais en même temps, c’est aussi une théorie économique. Enfin, j’imagine, je ne la connais pas, mais j’imagine que dans sa tête, c’était quand même pour le bien commun qu’elle a fait ça. Il y a quand même des théories économiques derrière. Oui, il y avait une théorie économique qui était… Enfin, il y avait… Je ne sais pas si c’est… En général, quand les théories économiques sont reprises par les hommes politiques, elles sont assez appauvries. Les hommes politiques, en général, sont esclaves de théories économiques qui datent d’au moins 10-15 ans, quand ils ont appris Econ 101 et qui ne sont pas forcément… Qui sont un peu… En général, ils ne sont pas allés jusqu’à Econ 102, donc c’est un peu simpliste. Mais enfin bref, il y avait l’idée, à la fois aux États-Unis et au Royaume-Uni à l’époque, que ça pourrait faire redémarrer la croissance. Mais en fait, ça ne s’est pas fait. Et en parlant de simplification de théorie économique, je pense qu’il y a une immense simplification qui a été faite autour de Friedman, de son article des années 70 autour de les entreprises qui doivent uniquement faire du profit. Je ne sais pas si vous voyez. Ce… Oui, bien sûr, la responsabilité sociale de l’entreprise est de faire du profit. Cette phrase a fêté ses 50 ans l’année dernière. Je ne sais pas si c’est une simplification de Friedman, parce que je crois que c’est vraiment ce qu’il y pensait. Je crois qu’il y pensait, mais c’est vraiment une vision de l’économie. Par contre, c’est une vision de l’économie qui est très simpliste et qui est fausse et qui a d’ailleurs à contribuer, je pense, au fait que les gens n’aiment pas les économistes. En parlant de simplification, là, vous avez sorti toute une série de livres pour les enfants. Comment on fait pour expliquer ? Est-ce que c’est important d’expliquer l’économie aux enfants, déjà ? Et comment on fait pour leur expliquer ? Étant donné que je viens juste de sortir dix livres sur les enfants, je ne vais pas vous dire que ce n’est pas important d’expliquer l’économie aux enfants. Mais plus que d’expliquer l’économie, je ne sais pas si l’objectif, c’est vraiment d’expliquer l’économie, mais plutôt de montrer comment les enfants pauvres vivent. Et justement, d’éviter la simplification. C’est pour ça que dix livres, c’est mieux que un. Parce qu’en un livre, pour faire passer quelques messages, on deviendrait très vite… on sombrerait très vite dans les caricatures, les décisions à l’emporte-pièce, etc. Tandis que là, sur dix livres, on a le temps de bien se poser. Chaque livre est sur un thème. Et puis, en plus du thème, il y a un petit peu des incursions sur d’autres choses, des moments où ils vivent leur vie, etc. Les livres sont illustrés par Cheyenne Olivier, des illustrations qui sont à la fois magnifiques, mais aussi qui sont riches de détails. Et au fur et à mesure que les enfants liront et reliront ces livres, ils pourront de plus en plus s’approprier ces détails. En fait, chacun de ces détails est vrai. Et chacun de ces détails amène, montre un petit aspect différent de ce que c’est que de vivre dans la pauvreté, dans les pays en développement. Donc ces livres, même s’ils sont aux destinations des enfants, donc qui sont Et ça passe par le ressort de l’illustration et le ressort de la fiction, avec des fictions qui, je l’espère, seront intéressantes. Tant que les histoires soient intéressantes, il y a des repondissements, elles sont séduisantes. Et en même temps, elles veulent précisément éviter la simplification. Comment on explique aux parents que ça serait intéressant pour eux d’acheter ça à leurs enfants ? Parce qu’en fait, c’est les parents qui vont l’acheter par définition. Oui, à cet âge-là, parce que c’est plutôt destiné, c’est des livres qui sont destinés aux 5-8 ans, à cet âge-là, il y a beaucoup d’adultes prescripteurs, les parents, les enseignants, les bibliothécaires, les grands-parents. Et c’est vrai que c’est un public qui, en France, peut être un peu inquiet à l’idée de parler de pauvreté à ses enfants, parce que c’est des sujets qu’eux-mêmes ne connaissent pas forcément. qui vont en général avec une petite dose de culpabilité, qu’on n’en fait pas assez, etc. Et avec une dose de tristesse et d’inquiétude… Peut-être… Les parents peuvent être inquiets d’amener de l’anxiété pour les enfants, soit l’éco-anxiété, parce qu’on parle d’environnement, soit d’anxiété vis-à-vis de la pauvreté en général. Et justement, l’idée de passer par l’histoire, la fiction et ces illustrations qui ne sont pas hyper réalistes ou sépia, un peu tristounes, etc. C’est justement, ça permettra, je l’espère, à la fois aux enfants d’être attirés par les livres pour leur aspect physique et pour leurs histoires. Et du coup, aux parents de se laisser emporter. Et si ça a lieu, À la fin du livre, les parents trouveront un petit essai qui est sur le thème du livre, puisque chaque livre a un thème particulier. Par exemple, dans les livres qui viennent de sortir, là, il y en a un sur une inondation, il y a le problème de l’assurance, de la compensation vis-à-vis des risques climatiques. À la fin, il y a un petit essai pour les parents. Et donc peut-être aussi pour toucher un public qui n’aurait pas forcément pris mes livres pour adultes dans la bibliothèque ou dans la librairie, ils pourront y arriver comme ça. Cela dit, je pense que ça peut se faire naturellement, ce serait évidemment le mieux, mais il est aussi possible qu’il faille un accompagnement dans la durée pour ces adultes prescripteurs. Les livres pour enfants c’est différent des livres pour adultes de ce point de vue-là, c’est-à-dire il n’y a pas un moment où ils sortent, on en parle pendant deux semaines puis c’est terminé. Ils ont une longue vie où peu à peu ils peuvent passer par exemple par l’éducation nationale, les éditions du seuil auxquelles les livres sont publiés prévoient de prévoir des fiches pour les enseignants. qui leur permettra d’aller encore plus loin que simplement la petite note documentaire à la fin pour quels sont les thèmes qui sont abordés dans le livre, au-delà du thème principal, comment ils peuvent intégrer l’histoire dans leur plan de travail en classe, etc. Et on espère que comme ça, petit à petit, ça fera partie du paysage, des outils, de l’arsenal pour des adultes qui souhaiteraient exposer, que ce soit leurs enfants ou leurs élèves, à ce type de problématiques et qui, au départ, auraient peut-être été un petit peu inquiets de le faire. Et en plus, c’est ce que je trouve super, c’est que comme ce sont des histoires qui sont plutôt positives malgré tout, on peut s’y référer après qu’on explique. Et puis après, quand on explique à un enfant, quand on se retrouve dans une situation XY, on peut lui dire, tu te souviens ? C’est comme l’histoire d’un tel. Et voilà, tu te souviens comment ça s’est passé ? Et oui, je pense que ça peut aussi générer des conversations intéressantes a posteriori, après la lecture. Oui, c’est un point intéressant que vous faites. En plus, toutes les histoires sont positives, tout en laissant toujours un petit peu d’ouverture. Il n’y a pas un Deus ex machina qui résout nécessairement tous les problèmes. Mais ce qui est important, c’est aussi que toutes les solutions qui sont évoquées, elles sont réelles. C’est-à-dire, même si c’est de la fiction, c’est quand même de la fiction vraie, dans le sens où c’est un composé de solutions, de problèmes aussi, qui ont été expérimentés dans la vie réelle. Et en lisant les livres, on pourrait voir qu’ils ne sont pas situés géographiquement. Donc ça, c’est aussi vrai dans la fiction et dans l’illustration. C’était très important dans la décision qu’on a prise tout au début, dans ce que j’ai partagé avec Cheyenne-Olivier pour les illustrations, c’est de ne pas le localiser dans un endroit. Parce qu’en fait, il y a plein de ressorts de la pauvreté qui sont pas liés à une géographie ou à un type de culture ou à un type de religion ou quoi que ce soit en particulier, mais qui sont des problèmes qu’on retrouve dans des environnements très différents. Donc les personnages, ils ont toutes les couleurs. Il y a des rouges, des verts, des violets, et c’est par famille dans le village. Et du coup, je pense que cette caractéristique-là, ça pourra peut-être aider le mécanisme dont vous venez de parler, c’est-à-dire de même de vouloir faire… que le même type de raisonnement pourra être adopté, pourra être appliqué à une situation que l’enfant découvrira dans sa propre vie. Et il y a certains problèmes qui sont très différents et d’autres qui sont beaucoup plus similaires que les enfants auront pu expérimenter dans leur propre vie. Par exemple, dans les albums les plus récents, il y a un moment où une petite fille, Tumpa, décide d’essayer de sauver les arbres en s’attachant à un arbre. Cette décision, elle l’a fait malgré sa grande timidité. Et donc ça, c’est quelque chose qu’un enfant pourra se dire dans un environnement tout à fait différent. Je ne sais pas, il y a quelqu’un. Je prends un exemple, quelqu’un à l’école se fait tabasser par une brute. Ça pourrait arriver dans une école française. Un enfant qui est timide pourrait penser à cette histoire en se disant, c’est possible de faire quelque chose. Je ne peux pas résoudre tout le problème tout seul, mais au moins, je peux mettre un pas dans la direction d’une solution. Donc, c’est vrai qu’au-delà des des connaissances, disons, qui sont implicites dans l’histoire. Si on pouvait aussi faire passer un état d’esprit qui est un état d’esprit à la fois pragmatique, mais en même temps optimiste, ce serait une bonne chose. On a besoin d’optimisme. Je ne sais pas si on va parler d’optimisme là tout de suite, avec l’axe que je vais vous poser. On en est où de la pauvreté ? Je vous disais tout à l’heure qu’on est dans des situations d’inégalités très profondes. On en est où de la pauvreté dans le monde ? Dans le monde, dans l’ensemble, ça c’est quelque chose, c’est une perspective qu’on n’a pas aussi forcément de nos perspectives de pays riches. Parce que dans le monde, dans l’ensemble, au cours des 30 dernières années, c’est vrai qu’il y a eu une très forte augmentation des inégalités. en particulier avec les plus riches, les top 1%, 0,1%, etc., tirant de plus en plus leur épingle du jeu, s’accaparant une part du gâteau de plus en plus grand, du gâteau collectif de plus en plus grand. Mais en même temps, on a eu une diminution de la pauvreté extrême, avec la croissance, l’entrée dans le commerce international de la Chine et de l’Inde, mais pas seulement. Avec une diminution de pauvreté extrême dans plein de pays. Donc, en fait, c’est représenté parfois par la courbe de l’éléphant. Ou d’un côté, au cours depuis les années 60, le revenu des riches est celui qui a augmenté le plus. C’est la trompe de l’éléphant. Mais en même temps, le revenu des pauvres a aussi augmenté. C’est le dos de l’éléphant. Et ceux qui se seront trouvés coincés au milieu, c’est les classes moyennes des pays riches. Alors, qu’est-ce qui se passe ? Parce qu’effectivement, moi, je suis marqué J’ai 46 ans et je me souviens très bien que, bon, c’est pas vraiment classe moyenne, mais qu’en sortant d’école de commerce, je gagnais 37 000 euros par an à peu près. C’était il y a 20 ans. Et j’ai acheté un appartement à Paris qui coûtait 3 500 euros du mètre. Et aujourd’hui, on sort d’école, c’est le même salaire, sauf que c’est 12 000, 20 000 euros du mètre. Et en fait, on voit bien que, là je parle de quelqu’un qui sort d’école de commerce, mais Mais en fait, on voit bien que pour des gens qui sont caissiers ou ouvriers, avant, ils pouvaient s’acheter une petite maison, un petit appartement, etc. Et aujourd’hui, c’est plus du tout possible, en fait. J’ai du mal à comprendre ce déclassement. Enfin, je sais pas si c’est un déclassement, d’ailleurs, je sais pas si c’est le bon terme, mais des classes moyennes et des classes populaires en France, mais dans les pays occidentaux de manière générale. Et vous parliez des 1%, mais j’ai l’impression que c’est même pas le problème des 1%, mais c’est vraiment des 0,01%. Parce que 1% en France, je crois que c’est 7000 euros par mois de salaire. Et finalement, c’est un salaire qui est assez élevé, mais qui finalement, pour ceux qui les touchent, ils ont quand même des problématiques j’ai l’impression de classe moyenne ou anciennement classe moyenne. Et c’est ça que j’ai du mal à saisir en fait. J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’écrasement vers le bas de toute une classe de la population finalement. C’est sûr que l’augmentation des inégalités est fractale. C’est-à-dire, plus on avance dans tous les travaux de Thomas Piketty, Gabriel Zuckman, Emmanuel Saez, etc., qui l’ont montré, c’est vrai pour les revenus, c’est encore plus vrai pour la richesse. c’est-à-dire le stock de ce que les gens ont à un moment donné. Donc le 1% s’est enrichi plus que le 10%, le 0,1% plus que le 1% et le 0,01% etc. Donc plus on avance dans les hauts revenus et après on arrive dans les très très très très hauts revenus où il n’y a plus que quelques personnes. Et on a vu, ça a été particulièrement massif pendant le Covid, mais ça datait d’avant, une explosion de ces revenus. De ce fait, ce dont vous parlez pour les prix de l’immobilier, c’est une conséquence directe de cela, à la fois nationalement et internationalement. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de très fortes fortunes et qu’elles cherchent quelque part où s’installer, que les gens ne peuvent pas consommer tout cet argent. Ça met de la pression sur les prix immobiliers, en particulier dans des villes comme Paris où il n’y a pas tant de logements que ça. d’où une augmentation des prix parce qu’il y a peu d’appartements sur lesquels il y a toutes les fortunes du monde qui deviennent de plus en plus riches, qui sont prêts à payer de plus en plus. On trouve des gens, par exemple dans une ville comme Vancouver, Il y a tellement d’investissements chinois, d’appartements chinois, que les gens n’arrivent plus du tout à se loger en gouvernement. Donc, c’est un exemple pour montrer Paris, pareil, vous parlez. À Lisbonne, c’est la même chose de manière plus récente, c’est-à-dire jusqu’à assez récemment, c’est là où on pouvait encore aller pour trouver un logement. Et maintenant, ça devient… C’est les cryptomillionnaires qui se sont installés à Lisbonne et qui font pousser les… Mais au Pays Basque ou à Bidjeïn, c’est pareil. c’est les gens du Pays Basque qui ne peuvent plus se loger parce qu’il y a une pression forte sur les Parisiens et même d’autres. Il y a juste beaucoup de fortunes qui cherchent des endroits à s’installer, qui font la pression sur tout le monde. En Bretagne, c’est pareil. Donc, l’immobilier, c’est quand même très… C’est quand même particulièrement… particulièrement appropriée pour ce genre de problème. C’est-à-dire qu’il y en a une quantité fixe. Et après, on trouve des situations comme ce qu’on trouve en Californie aujourd’hui, où il n’y a tout simplement pas assez de logements pour le nombre de gens qui habitent dans les villes en Californie, d’où une énorme explosion du nombre de personnes qui vivent à la rue. Et quoi qu’on fasse, finalement, il y a quand même un problème de chaises musicales. Il n’y a pas assez de chaises pour les gens qu’il y a. Donc, l’immobilier, c’est vrai que c’est un symptôme de ce déclassement, mais c’est plus qu’un symptôme parce que c’est vraiment le… Comme il y a un facteur fixe. Les lois changent très lentement. Il faudrait pouvoir construire plus haut en Californie où il faudrait… C’est clair qu’il faudrait construire plus haut, il faudrait construire plus de logements. Là, la régulation ne change pas parce que les gens qui sont déjà là, et qu’ils sont déjà dans leur maison, ils n’ont aucun intérêt. Donc il y a un phénomène de « not in my backyard » qui est que les gens ne veulent pas de logements sociaux, ne veulent même pas de logements collectifs à côté d’eux, ne veulent pas de trains, ne veulent pas de… Parce que pour eux, ça déclasse leur bien. Donc c’est très difficile politiquement. Justement, j’allais vous poser la question sur la politique. Quand j’écoute typiquement Emmanuel Macron, mais ça peut être d’autres, typiquement quand il y a eu la réforme des retraites ou un peu plus tôt les Gilets jaunes, C’est comme si, en fait, sur la réforme de Rotedge, j’étais frappé de voir que le discours était sur est-ce qu’il faut travailler plus longtemps, moins longtemps, etc. Alors que fondamentalement, le problème, il est là. C’est-à-dire qu’en fait, il y a un déclassement des classes moyennes et des classes populaires. Elles se rendent compte. Elles ne sont pas vraiment capables de, j’imagine, de tip-point. Elles n’ont pas de connaissances économiques particulières, mais elles comprennent bien que maintenant, on met des antivols sur la viande dans certaines régions, dans certaines zones. Clairement, il y a un problème. Donc, elle le voit, ça. Et je pense que tout le monde est d’accord pour dire que le système, il y a un vieillissement des populations, etc. Donc, je pense que tout le monde… Mais ce que je ne comprends pas, c’est comment un gouvernement n’est pas capable de dire, oui, en fait, concrètement, il y a un problème sur les classes moyennes et les classes populaires. Ou alors, ils mentent, tout simplement, parce qu’ils le savent. Enfin, j’imagine qu’ils sont au courant, quand même. Et j’ai du mal à saisir. Alors, déjà, est-ce que les politiques peuvent faire quelque chose ? A priori, ce que vous disiez par rapport à Margaret Thatcher, c’est que oui, ils peuvent avoir des politiques qui vont dans le sens d’une meilleure redistribution. Mais moi, j’ai l’impression que parfois, ils sont un peu pieds et mains liés avec l’économie aussi, d’une certaine manière. Non, il y a des marges d’action, c’est-à-dire l’économie, à nouveau, l’économie n’est jamais une fatalité. L’économie, elle fonctionne dans une série de règles et de lois, etc., qu’on décide de se fixer, qui ont des effets différents. Par exemple, si on compare les pays scandinaves avec les États-Unis, on voit bien que Ils ont fait des choix différents qui se traduisent en résultats différents, que ce soit sur les inégalités, mais aussi sur des choses aussi fondamentales que la mortalité maternelle. On voit que les États-Unis, qui sont par certaines mesures le pays le plus riche du monde, est aussi un des pays de l’OCDE où la mortalité maternelle est la plus forte. Donc on voit bien qu’il y a des choix de politique, des priorités politiques qui ont des impacts sur la vie des gens. Pour revenir aux classes moyennes, je pense que là où il y a potentiellement une situation difficile pour les politiques, qu’on a pu voir dans les efforts désespérés de faire la pédagogie sur la réforme des retraites, moins celle-là que celle d’avant. Parce que si vous vous souvenez, cette réforme des retraites, là, c’était la deuxième. Il y avait déjà eu un essai qui avait raté. Et ce qui était intéressant, c’est que le premier essai était en fait mieux fait. Cette deuxième réforme des retraites, c’était juste… C’était pas grand-chose, c’était pas très utile, c’était pas très bien fait. C’était vraiment ni fait ni à faire. Tandis que la première réforme des retraites, il y avait quand même une idée qui était juste, qui était de dire, on a des dizaines de systèmes de retraite en France qui sont en cloisonnement, ce qui fait qu’il y a des gens qui ont changé de carrière au milieu de leur vie, qui se trouvent avec des retraites miniatures des deux côtés, puisque forcément, plus on contribue dans un système, plus on a de retraites, mais ce n’est pas linéaire. Pour encourager les gens à travailler plus longuement. Mais du coup, on les force à rester dans une carrière. Ce qui n’est pas bon pour le fait que les gens peuvent changer d’avis sur ce qu’ils veulent faire de leur vie au fur et à mesure du temps. Il faudrait que les gens puissent avoir cette flexibilité. Puis de toute façon, il est absurde d’organiser, d’avoir 150 systèmes de caisses de retraite différents. Ça n’a pas de sens. Donc là, l’idée qu’il y avait dans la première réforme des retraites, il y avait cette idée-là qui était une bonne idée. Or cette bonne idée, elle est tombée à la trappe parce que… pour deux raisons. D’abord parce qu’elle a été… a collé avec un effort très important de gagner de l’argent, c’est-à-dire, je crois que c’était surtout le Premier ministre à l’époque et qui voulait absolument, pour lui sa priorité c’était de dépenser moins, alors que la priorité aurait été sans doute de changer l’organisation du système et le faire de manière sensible avant de se poser la question de l’équilibre budgétaire. Mais la deuxième raison pour laquelle elle a échoué, c’est l’incapacité d’expliquer pourquoi ça faisait sens et surtout le manque de confiance de la population vis-à-vis de la réforme. C’est-à-dire l’attitude, la réponse assez naturelle et automatique des gens, et c’est pas juste en France, vis-à-vis d’une réforme d’un gouvernement, c’est on vous fait pas confiance, si vous faites ça, il y a forcément quelque chose derrière qui est mauvais pour nous. Et en l’occurrence, je crois profondément que réformer, mettre à plat le système de retraite et le réformer, ça aurait été une bonne idée. Ça aurait été plus facile d’obtenir la confiance si ça n’avait pas été accompagné d’un effort de réduire les budgets. Mais même sans ça, ça aurait été difficile. Il y a d’autres exemples. Par exemple, pour revenir à un exemple dont on traite dans les livres, qui est la question d’utiliser trop d’eau. Dans un des albums de Céline, il y a un fermier qui utilise trop d’eau. La raison pour laquelle il utilise trop d’eau, c’est que l’eau est gratuite pour lui. Et ça correspond à une situation qu’on trouve dans plusieurs pays en développement, par exemple en Inde, où les fermiers ont accès à l’eau gratuitement. Y compris dans des endroits où ils ont accès à l’électricité gratuitement pour pomper. Donc non seulement l’eau est gratuite, mais l’électricité pour la pomper est gratuite. Donc forcément, lui, dans l’image, il voit absolument pas les aspects négatifs. Il voit pas le problème. Il a besoin d’eau pour son riz. Donc ça lui coûte rien et il va en utiliser le plus possible. Par contre, il gagne de l’argent avec. Et plus il y a de riz, plus il gagne de l’argent. Donc de son point de vue, c’est clair qu’il n’y a que ça à faire. Donc on voit bien que c’est un système qu’il faudrait changer. non seulement pour le changement climatique, parce que ça fait gaspiller de l’énergie, mais de manière beaucoup plus immédiate et urgente, parce que ça conduit à une baisse du niveau de la nappe phréatique. C’est illustré dans le livre par « Les enfants n’ont plus à boire ». Et c’est réel. À nouveau, c’est un vrai problème. Mais il y a gouvernement après gouvernement au Punjab qui pourrait, ça pourrait se produire au Punjab, ça pourrait se produire ailleurs mais disons que c’est au Punjab. Gouvernement après gouvernement au Punjab ont essayé de changer le système en faisant payer aux fermiers l’eau et en échange en les compensant par des revenus fixes. On vous donne temps par mois, quoi qu’il arrive. Maintenant, par contre, si vous utilisez plus d’électricité, on vous fait payer l’électricité. C’est une réforme qui fait sens. Oui. Aucun gouvernement… — Sauf pour les fermiers. — Non, non. Pour les fermiers, ça peut aussi faire sens, parce qu’on peut leur… On les compense. — C’est vrai. — On les compense avec un revenu fixe. On pourrait même les compenser plus que… Alors la première fois que ça a été fait, la compensation était insuffisante. Donc bon, ça n’a pas marché. Mais la deuxième fois que ça a été fait, la proposition de compensation était très généreuse. Donc ça fait sens même pour les fermiers. Après, une fois qu’ils ont les sous, de toute façon, ils peuvent se dire, puisque je dois payer pour l’électricité, je vais plutôt faire autre chose que du riz, par exemple. Mais ça n’a pas marché, il y a eu effort après effort, gouvernements sont tombés les uns après les autres, parce qu’il n’y a aucune confiance dans le fait que c’est vraiment une bonne chose. Et les fermiers pensent que tout ça c’est contre nous. Donc finalement, oui, ils nous payent maintenant, mais ils le feront pas dans le futur. Donc quand il n’y a pas de confiance dans la politique publique, C’est très très difficile de mettre en œuvre des politiques où il y a forcément des gagnants et des perdants et des nécessités de compenser les perdants dans le système. C’est-à-dire qu’il n’y a presque aucune réforme qui va rendre tout le monde content. Il y a forcément toute réforme économique qui va risquer de créer des gagnants et des perdants. Mais si la réforme est bonne, ça génère un surplus qui permet de compenser les perdants. Mais s’il n’y a pas de confiance dans la population que cette compensation aura lieu, qu’on soit dans un pays riche comme la France ou dans un pays moins riche comme l’Inde, alors la réforme ne peut pas avoir lieu. où la première réforme des retraites n’a pas eu lieu, et la deuxième elle a eu lieu au Forceps, mais de toute façon elle avait sacrifié l’aspect intéressant qui aurait été la mise en place d’un système unique. Mais en même temps c’est tellement lié, c’est impossible de ne pas faire le lien, mais quand on regarde les différents pays de l’Occident, pas qu’en Occident d’ailleurs, on voit une montée d’extrême droite, ou en tout cas des parties extrêmes, justement en raison de ce manque de confiance, mais est-ce que c’est pas lié aussi au système économique ? J’ai l’impression, mais encore une fois je me trompe peut-être, que les Français, mais ça peut être dans les autres pays évidemment, ils voient leur situation économique se dégrader. Et c’est la raison pour laquelle ils vont, principalement, moi je crois pas que tous les gens qui votent extrême droite soient racistes, mais ils vont aller vers des politiques… Et je sais même pas pourquoi ils arrivent à leur faire plus confiance, parce qu’on sait bien que… Enfin, l’histoire nous a prouvé quand même qu’il n’y a pas besoin de leur faire plus confiance, c’est toujours pire. Mais n’empêche que… Et même Trump, moi je suis choqué parce qu’en fait Trump a passé quatre ans qui a favorisé les plus riches et c’est quand même les plus pauvres qui votent pour lui. C’est quand même choquant. Enfin moi ça m’échappe en fait. Et il y a forcément un lien entre économie et politique. C’est-à-dire qu’en fait les gens sont déclassés et ils votent dans des parties extrêmes en réponse en fait. Oui, on en parle avec Abhijit Banerjee dans Économie utile pour des temps difficiles, de cette connexion. Mais là, à nouveau, il n’y a pas de fatalité dans ce déclassement économique. Il y a des choix politiques qui sont faits ou qui ne sont pas faits à un moment donné. Par exemple, aux États-Unis, une cause non seulement du déclassement économique, mais du déclassement social fort C’est l’arrivée de la Chine dans le commerce international qui a décimé certaines industries aux États-Unis. En même temps, il n’y avait pas de raison a priori que ces gens dont les jobs ont été décimés ne puissent pas être compensés. Et donc là, il y a eu d’abord un choix politique de laisser la Chine entrer dans l’organisation du commerce, très bien. Mais une fois qu’on a fait ça, on a oublié que ce serait positif pour tout le monde seulement s’il y avait une redistribution directe vers les gens qui seraient en compétition directe avec la Chine. En principe, les outils étaient en place puisque aux États-Unis, ils avaient mis en place un transfert qui s’appelle Trade Adjustment Assistance, T-A-A, assistance pour le commerce. auxquels les gens qui ont été déplacés, qui ont perdu leur job à cause du commerce, pouvaient en principe candidater. Et s’ils avaient accès, ça leur donnait une assurance chômage prolongée, des bourses pour la formation, de l’aide pour déménager, tout ça. Donc en principe, il y avait même le programme. Et ce programme, d’ailleurs, il a été évalué. Et ce qui a permis de l’évaluer, c’est qu’il a été mis en place à un système tellement… à un niveau tellement bas que très, très peu de gens ont pu en bénéficier et que c’était un peu un hasard si quelqu’un en bénéficiait ou non, selon si la personne qui s’en occupait se sentait généreuse ce matin ou pas. Et donc on peut voir que les gens qui ont eu la chance de bénéficier de ce programme se sont sortis plutôt bien, dix ans plus tard ont plus de chance d’avoir un emploi, de gagner leur vie bien, etc. Mais le programme est resté à un niveau absolument minime. C’est-à-dire les dépenses de ce programme, en comparaison avec les pertes de revenus qui ont eu lieu dans les endroits qui ont été touchés par la concurrence avec la Chine, sont extrêmement faibles. Donc parce que, comme l’industrie était assez concentrée, quand il y a eu un choc sur une industrie particulière, par exemple les meubles, Non seulement les gens perdent leur emploi dans les meubles, mais en plus, tous ceux qui les servaient dans les restaurants, ils perdent aussi leurs emplois. Et c’est comme ça qu’on arrive à une espèce d’effondrement d’une ville. Donc les revenus, on peut… Il y a eu une recherche de David Hotter qui montre à quel point les gens ont perdu des revenus. Et on peut comparer ce que les gens ont perdu comme revenus dans ces régions affectées avec l’assistance du Trade Adjustment Assistance qui est miniature. Et dans la mesure où les gens ont reçu de l’aide, c’était presque exclusivement sous la forme de l’assurance handicap. Donc la seule manière, une fois comme l’assurance chômage est très limitée aux États-Unis, la seule manière d’être compensée, c’est de dire j’ai mal au dos ou j’ai un handicap de santé mentale. Donc déjà, la personne, elle a perdu son emploi. Elle n’a plus de job. Elle a perdu sa dignité qui est allée avec l’emploi. Et la seule manière qu’elle a de survivre, c’est de dire qu’en plus, elle est handicapée. Donc c’est vraiment, comme ils disent en anglais, rajouter une insulte à la blessure. Oui, c’est ça. Et après, tout ça, ça a eu des implications sur, donc ça c’est l’exemple du commerce, mais il y a d’autres qu’on peut répéter, sur la mécanisation par exemple, la robotisation dans les entreprises, tout le fait que les transitions qui étaient nécessaires dans une économie au mouvement, n’ont pas été accompagnés. On a laissé les gens se débrouiller tout seuls. Ils sont très mal débrouillés tout seuls. Et tout ça a conduit à une crise morale, sociale très forte aux États-Unis. Là, l’expérience de vie réduit aux États-Unis depuis avant le Covid. En Europe aussi, non ? Non. C’est très américain comme phénomène. Jusqu’au Covid, c’est vraiment que l’espérance de vie baisse. C’est presque exclusivement dû aux Blancs. Et ça peut être attribué largement à des gens entre 40 et 50 ans qui meurent de d’overdoses, d’opioïdes, qui meurent d’oxy, qui meurent d’empoisonnement à l’alcool ou de suicides. C’est ce que Hankes et Angus Deaton ont appelé les morts de désespoir. Quand on arrive dans un pays où les gens sont suffisamment acculés pour se laisser mourir d’une manière ou d’une autre, tellement que la mortalité augmente dans un pays riche, ce qui est quand même unique, c’est pas étonnant que les gens aient été suffisamment fâchés pour pouvoir essayer autre chose. Et justement, parce qu’il n’y a aucune confiance dans la… dans la politique traditionnelle. Mais on voit qu’à nouveau, il n’y a pas du tout de fatalité dans le sens où il y avait une politique qui aurait pu être employée, qui pourrait encore être mise en place. Bien sûr, bien sûr. Donc, c’est toujours… C’est jamais… Il ne faut jamais
C’est jamais… Il ne faut jamais se dire… C’est fichu. Non, non, oui. Il ne faut jamais se dire c’est une espèce de… C’est les lois de l’économie qui sont comme ça. C’est toujours une combinaison entre ce qui se passe effectivement dans le domaine économique et comment on décide d’y répondre. Et je ne vous avais pas posé la question, mais on a réussi à quantifier cet appauvrissement des classes moyennes et des classes populaires en Occident ou pas ? Oui, il y a plusieurs manières de le quantifier. Une façon de le voir, par exemple, c’est qu’aux Etats-Unis, le salaire médian n’a pas bougé depuis des dizaines d’années. C’est une façon… Pendant qu’il y avait de la croissance aux Etats-Unis, que les top 1%, le salaire médian reste fixe. Et comme vous le dites, il y a certains postes budgétaires qui ne font qu’augmenter, comme le logement. Et c’est marrant parce que quand on reprend sur le sujet des logements, donc c’est des gens très riches qui ont du coup plein de logements partout, donc ils vivent pas dedans, c’est des appartements qui sont vides. A Paris ça arrive beaucoup, à Lisbonne aussi il y a plein de villes dans lesquelles il y a plein d’appartements qui sont vides en fait, qui sont achetés par des gens qui savent plus quoi faire de leur argent. Et de l’autre côté, il y a des gens qui, du coup, n’arrivent pas parce que ça fait monter le prix moyen du loyer. Enfin, le prix moyen du mètre carré. À Paris aujourd’hui, si on n’a pas un parent qui avait déjà un appartement, c’est très difficile. C’est très difficile. Très difficile. Je vous ai entendu dire qu’il ne fallait pas tout mettre sur le dos du capitalisme, que ce n’était pas une question d’hypercapitalisme, etc. Est-ce qu’on a tendance à faire un petit peu quand même, parce que les gens qui ne sont pas économistes ont tendance à simplifier, moi y compris, en disant qu’il y a un vrai problème. Si je reprends la définition d’Adam Smith de capital travail et terre, on se dit qu’on a trop mis sur le capital et puis tout le reste, finalement, il n’y a plus rien. Le travail n’a pas de valeur et avec l’intelligence artificielle qui arrive, il y en a de moins en moins. La terre, on voit bien que les agriculteurs ont beaucoup de mal à vivre. Mais vous dites, enfin je vous ai entendu dire en tout cas, faut pas tout mettre sur le dos du capitalisme, c’est pas ça, c’est pas juste ça, ou en tout cas c’est pas ça le problème. C’est quoi la part du capitalisme là-dedans, ou de l’hypercapitalisme ? Je sais même pas comment appeler ça. Ça me parait un petit peu des grands mots. De la même façon que je pense pas que c’est le fonctionnement de l’économie naturellement, qu’il y a une… Il y a des lois qui disent qu’il faut que les… Il y a des lois qui disent que les inégalités vont forcément augmenter suite aux changements technologiques, etc. Je crois que c’est toujours une combinaison entre le système économique et les institutions. Vous avez beaucoup parlé d’écologie. On a tendance à opposer écologie et économie quand on reprend la raci… Un chouïa plus, je pense. Je peux faire 10 minutes ? 10 minutes max, parce qu’après je vais me déjeuner. Vous avez beaucoup parlé d’écologie, on a tendance à opposer écologie-économie, alors que quand on reprend la racine des mots, c’est les mêmes racines. Donc on a la parole de la maison et puis de l’autre côté, la gestion de la maison. Vous, c’est quoi votre compréhension ou la manière dont vous regardez l’écologie aujourd’hui ? pas le combat politique, mais plutôt la situation dans laquelle on est aujourd’hui. Et pour reprendre, en fait, ce qui est très lié à Friedman, c’est-à-dire cette non-conscience, ou en tout cas ce non-intérêt pour les autres parties prenantes, comment vous regardez aujourd’hui la problématique de l’écologie par rapport à l’économie ? — Oui, donc il n’y a aucune raison qu’il y ait une opposition entre écologie et économie. Ce qui est sûr, c’est que les entreprises laissées à elles-mêmes… Pas leur responsabilité, comme disait Friedman, mais leur tendance, c’est quand même de maximiser les revenus pour leurs actionnaires. au dépend du reste. Et on ne peut pas du tout compter sur les entreprises pour voir la lumière et tout d’un coup faire les bonnes choses. Il faut que ce soit organisé par la société, il faut que ce soit organisé. C’est pour ça qu’on a des gouvernements et c’est pour ça qu’il nous faut aussi des institutions internationales parce que c’est un bien public mondial la qualité de notre planète. Et non seulement c’est un bien public mondial, mais l’importance de ce bien public est devenue disproportionnée dans les pays les plus pauvres. Puisque qu’aujourd’hui, si la planète se réchauffe, au fur et à mesure que la planète se réchauffe, les premières victimes, c’est les gens des pays du Sud. Donc on ne peut pas s’attendre à ce que les entreprises, il y a des entreprises individuelles qui décident que ça fait sens. Mais de se dire, on va compter sur les fonds ESG, le bon vouloir des entreprises pour régler le problème, ça, ça me paraît complètement un plan sur la comète. Mais par contre, voilà ce que l’économie peut nous éclairer sur l’organisation d’une société qui serait, qui forcerait les entreprises à prendre en compte ces enjeux, ces enjeux climatiques. Par exemple, on les taxe en plus quand elles sont plus polluantes. Je connais la réponse, mais j’aimerais bien avoir votre réponse quand même. Est-ce qu’il y a une théorie économique qui pourrait s’appliquer et qui pourrait, entre guillemets, résoudre tous les problèmes ? Non, il n’y a pas une théorie économique qui pourrait résoudre tous les problèmes. C’est beaucoup plus complexe que ça, en fait. C’est ça, la réalité ? Et c’est forcément une mixité de choses. Voilà, il y a plein de choses. Il y a plein de problèmes auquel il faut… Réfléchir, apporter plein de solutions, puis les tester. Parce que souvent aussi, quand on essaye d’élaborer une solution, on oublie quelque chose au passage et ça ne marche pas comme on avait prévu. En particulier, je vous ai entendu parler du microcrédit et des limites. Parce qu’en fait, le microcrédit, ça a été extrêmement mis en avant. Même gagner le prix Nobel de la paix. Ça a eu ses heures de gloire. Et en même temps, ce que vous dites, vous, c’est que ça a aussi ses limites. Ça dépend comment on l’applique. Ça dépend des conditions. Justement, empiriquement, le microcredit c’était vraiment une de ces modes qui allaient tout régler. Et de toute façon, les modes, en particulier dans ce domaine un peu responsabilité sociale des entreprises, gagner de l’argent tout en faisant du bien, on va vraiment de mode en mode. Le microcredit c’en était une. Juste empiriquement, il se trouve que les gens qui ont accès à un microcrédit, en moyenne, ne sortent pas de la pauvreté grâce à ça. Ça ne les rend pas plus pauvres non plus, mais ça ne les rend pas plus riches non plus. Ça a été évalué dans plein de pays différents, dans plein de contextes différents, et c’est ce qu’on trouve. Ça ne veut pas dire que c’est inutile, mais ça veut dire que pour certaines personnes, ce dont les ménages ont besoin, c’est plutôt un moyen d’épargner pour pouvoir accéder à des biens durables. ou d’un prêt de consommation à des taux beaucoup plus raisonnables que celui que le microcrédit pratique. Et puis certaines personnes peuvent effectivement démarrer une activité, mais c’est pas tout le monde. D’ailleurs, il y a un de nos albums qui est sur la question du microcrédit, et justement on voit que la jeune fille, c’est une adolescente… — Elle n’y arrive pas. Elle n’y arrive pas. Elle essaie, elle prend du microcrédit parce qu’elle se dit super, je vais essayer de faire quelque chose. Mais elle n’a pas d’idée et elle n’y arrive pas. Et ce qu’il lui faut, elle, c’est un emploi. Complètement. Et j’ai lu plusieurs études d’ailleurs, pas qu’une, sur les SDF. De mémoire, c’était en Grande-Bretagne, mais dans d’autres pays également, où plutôt que de dépenser de l’argent dans des aides, ils donnaient directement l’argent aux SDF. Et on se rendait compte que, si je me souviens bien, que l’impact était plus positif. C’est-à-dire qu’en fait, les SDF, une fois qu’on leur donnait l’argent, ils arrivaient à en faire quelque chose. Certains, j’imagine qu’il y avait des conditions, etc. Mais je ne sais pas s’ils étaient familières avec ces études. Pas sur les SDF en Angleterre mais de manière générale il y a beaucoup d’études dans les dix dernières années sur les transferts directs financiers aux gens. C’était quelque chose qui se faisait très très peu dans les pays en développement. La protection sociale n’était quasiment pas sous la forme de transferts financiers aux ménages et ça s’est vraiment développé autour au cours des deux dernières décennies. Il y a eu beaucoup d’évaluations et dans l’ensemble elles sont très positives, c’est-à-dire on montre que les gens on leur donne du cash, ils sont parfaitement capables de s’en occuper très bien. Par exemple, si on veut que les gens mangent plus, avant on pensait qu’il fallait leur donner de la nourriture, il se trouve que leur donner du cash est tout aussi efficace et ça coûte beaucoup moins cher, c’est beaucoup plus facile, il y a beaucoup moins de corruption, la logistique est beaucoup plus simple. Donc, de manière générale, on se déplace. Il y a un consensus qui est en train de se développer sur le fait que c’est approprié de faire des transferts financiers, au moins dans certains cas, directement aux gens, au lieu de monter des usines à gaz. Parce qu’effectivement, il y a cette croyance que si les gens sont pauvres, c’est un peu de leur faute quelque part, parce qu’ils ne savent pas gérer leur argent. C’est un des préjugés sur les pauvres, oui. — Et par rapport à ce que vous disiez sur la politique aux États-Unis et sur les aides qui étaient quasiment impossibles à avoir, pour le coup, de mémoire, Macron, il a mis en place… Parce qu’une des raisons de la pauvreté aussi, en France, pour le coup, c’est que les gens ne demandent pas les aides. C’est-à-dire que l’extrême droite n’arrête pas de parler du fait qu’il y a des aides dans tous les sens, qu’il y a beaucoup trop d’aides, etc. Mais la réalité, c’est qu’en fait, les gens, je ne connais plus les pourcentages, mais ne les demandent pas ces aides. Et je crois, si je ne me trompe pas, que maintenant, il a fait une sorte de distribution automatique, c’est-à-dire que quand les gens ont droit, ils y accèdent. Donc il y a un gros problème de non-recours en France qui s’est accéléré en plus avec la dématérialisation parce qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont pas compris comment… Et aussi qui va avec une certaine méfiance de… un peu presque automatique des personnes qui sont chargées de donner cette aide qui va dire telle personne n’est pas justifiée ou n’est pas éligible ou pas. Donc l’idée du paiement à la source, je ne sais pas si c’est encore vraiment mis en place, mais c’est le projet en tout cas. Effectivement, c’est une bonne idée parce que ça réduit, plus on peut réduire les obstacles entre les gens et les aides qui les concernent, mieux c’est. Et en général, il y a un peu un parcours du combattant pour accéder à ces aides. Et plus les choses sont automatiques et transparentes, mieux c’est. Donc ça, ça va vraiment dans le bon sens. Je vous pose une dernière question, qui est la question que je pose à tout le monde pour le podcast. Je ne vous avais pas prévenu d’ailleurs, donc ce n’est pas très grave. Le podcast s’appelle VLAN. L’idée, c’est claquer la porte, ouvrir la porte. Et j’aimerais savoir à quoi vous voulez ouvrir et où claquer la porte. Alors ouvrir, c’est vraiment, donc pour revenir au thème des enfants, ouvrir la perspective des enfants sur le fait qu’il y a des problèmes peut-être auxquels ils n’ont jamais été confrontés, ouvrir leur esprit, leur laisser être curieux, pas forcément leur donner les solutions toutes clés en main, mais leur montrer au moins que ces problèmes existent et que des enfants qui sont un petit peu comme eux finalement, ils sont confrontés. à fermer la porte le plus possible aux idées toutes faites, aux caricatures et en particulier à tout ce qui concerne les caricatures sur les pauvres. Soit qu’ils soient paresseux et responsables de leur propre pauvreté, soit au contraire que c’est des entrepreneurs qui s’ignorent et qui pourraient tous devenir Bill Gates si seulement on leur donnait un peu d’argent et qu’on sortait de leur patate. Non, parce que ce que vous dites, c’est qu’effectivement, c’est des problèmes qui sont systémiques, en fait. C’est-à-dire que la réalité, c’est que le système fait qu’aujourd’hui, quand on est pauvre, on est… Enfin, en ce moment, en tout cas, c’est la situation, plus on est pauvre, plus on est pauvre. Enfin, je veux dire, c’est de plus. En plus difficile de s’en sortir. Plus il y a de contraintes pour essayer de s’en sortir, donc il faut trouver les leviers sur lesquels… En même temps, bien que ce soit le cas, il ne faut pas non plus en devenir fataliste. C’est-à-dire que dans cette situation-là, souvent, il y a des leviers sur lesquels on pourra appuyer qui ouvrent une solution possible. Donc, il faut les trouver et puis appuyer dessus. J’aime bien cette citation de Annie Arnaud qui dit, il n’y a pas d’ascenseur social, les pauvres prennent l’escalier de service. Et en même temps, il faut savoir où sont ces escaliers. Exactement, il faut avoir de la chance. Moi, j’ai eu cette chance à ce moment-là, mais c’est vrai que c’est moche de prendre ces gens-là en exemple, parce qu’en fait, c’est un concours de circonstances qui font qu’ils ont réussi à prendre cet escalier, mais en fait… Il faut essayer de trouver le plus de points d’entrée où on peut ouvrir un petit peu ces trappes de pauvreté. Et quand il y a des mécanismes d’auto-entretien de la pauvreté, ça veut aussi dire qu’il peut y avoir des mécanismes vertueux. Donc pour ouvrir la porte aussi, c’est vraiment ouvrir la porte de ces trappes de pauvreté. Parfait. Merci beaucoup Esther. Merci. Si vous avez aimé l’émission, n’hésitez pas à mettre des étoiles sur vos plateformes de podcast préférées. 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