#236 Comment réussir à improviser sa vie? avec Ibrahim Maalouf

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#236 Comment réussir à improviser sa vie? avec Ibrahim Maalouf
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GREGORY: Bonjour à toutes et bonjour à tous. Bonjour Ibrahim.
IBRAHIM : Bonjour
GREGORY : Est-ce que vous allez bien aujourd’hui?
IBRAHIM : Oui, très bien.
GREGORY : Bon, on va parler d’improvisation ensemble. Et dans votre livre, vous dites l’improvisation c’est une action hautement physique. J’aimerais comprendre pourquoi?
IBRAHIM : Physique, je ne sais pas si je dis ça précisément comme ça, mais en tous cas, ça sollicite énormément de choses, que ce soit physique comme comme de la force mentale. La liberté, c’est quelque chose qui s’acquiert avec beaucoup d’expérience, en général, et c’est quelque chose qui, pour être suffisamment libre, il faut avoir su casser la coque qu’il y a autour de nous, la coque de l’œuf. Alors, d’un coté cette coque, c’est symboliquement pour moi ces codes qu’on s’oblige à respecter parce que dès notre naissance, dès l’école il est nécessaire évidemment, mais que ça se passe de cette manière là. Mais on nous interdit de faire tout ce qu’il ne faut pas faire et on nous encourage en tous cas à faire un certain type de choses qui correspondent aux codes de ce qu’on est censé connaître et de notre fonctionnement social, global, et cetera ou artistique, ou peut importe. Or, se libérer de ça. Comme disait Einstein, c’est penser à côté, c’est réussir à bouleverser un peu ces codes là pour pour en créer de nouveaux. Sinon on stagne et c’est cette liberté là qui est difficile à acquérir, qui pourtant est innée chez nous. On naît avec cette liberté là, mais elle disparaît au fur et à mesure de notre éducation.
GREGORY : Et d’ailleurs, vous parlez beaucoup de vos parents et en particulier de votre père qui était lui, très rigoureux, très dur. Enfin, j’ai l’impression. En tout cas, c’est ça l’impression que ça m’a donné. Comment vous avez fait pour vous libérer? Parce qu’en fait vous dites il faut sortir de la coquille. Mais comment on fait pour faire ça quand on a un père qui est aussi rigoureux parce qu’il était musicien aussi, pour ceux qui qui nous écoutent et qui ne le savent pas.
IBRAHIM : Il est assez âgé aujourd’hui, mais il est toujours un peu musicien. Il n’a jamais arrêté. Mais la chance que j’ai eue d’abord, c’est que que ma mère n’était pas du tout dans cet état d’esprit là et qu’elle avait quelque chose de beaucoup plus innocent. Mais elle avait quelque chose de plus naturel. Elle a été moins figée par les codes de l’enseignement, de l’éducation, et cetera. Elle avait une éducation plus un peu plus plus contemporaine, plus moderne. Et donc ça l’a gênée. Pas que je puisse me mettre au piano et que je m’amuse sans forcément que j’y arrondissent les doigts, et cetera c’était elle. Elle était beaucoup plus libre en fait. Et donc enfin pouvoir avoir ces deux regards posés sur moi depuis ma petite enfance, celui de mon père qui avait beaucoup d’exigences et qui avait beaucoup d’attentes aussi parce que j’étais son fils en général. Mais en plus, c’est encore pire chez les Orientaux. Mais le fils c’est celui qui va reprendre le flambeau. Il a sauté un peu comme ça donc, donc il mettait beaucoup, beaucoup d’espoir dans son fils. C’est tout ça. Au détriment d’ailleurs de sa fille. Mais il y avait quelque chose comme ça, de la fierté et donc de l’exigence, et donc de ne jamais laisser passer quoi que ce soit de pas parfait. Donc il avait cette exigence là, qui était au départ quelque chose de bienveillant mais qui, bien sûr, quand il devient, quand ça devient trop bien, ça devient trop. Voilà. Et du côté de ma mère, du coup, il y avait cet autre équilibre. Et donc ces deux regards posés là sur moi ont fait que, peut être, j’ai trouvé un chemin entre les deux. J’imagine que j’ai dû creuser un chemin, une sorte de compromis entre les deux.
GREGORY : C’est ce qui vous a permis de lâcher prise parce que, en fait, je vous en parlez du lâcher prise et je me disais comment on fait pour s’entraîner enfin, comment on fait pour aller dans le sens du lâcher prise? On en parle beaucoup. Tout le monde en parle du lâcher prise. Faut lâcher prise, soit lâcher prise. Bon, quand en général, on y pense, en général on est, on n’y arrive pas très bien. Quand vous faites de la musique, par exemple, quand vous avez des étudiants, parce que quand on est dans l’improvisation, il faut justement effectivement lâcher prise. C’est ce que vous expliquez et comment on peut justement sortir de ces carcans après ça.
IBRAHIM : Encore une fois, moi, je ne suis pas un grand spécialiste, je ne suis pas un neuroscientifique. Je n’en a jamais été sûr d’une expérience personnelle. Mais de mon expérience, ce qui en ressort, c’est qu’il faut réussir à retrouver notre état premier. On naît avec une curiosité inouïe. Vis-à-vis de tout ce qui nous entoure et avec une méconnaissance totale de tout. C’est la naissance quoi. Et puis on a un instinct qui nous guide. C’est la seule chose qu’on ait. On n’a rien d’autre. On a un instinct qui nous guide. L’instinct nous dit Il faut manger, l’instinct nous dit à un moment donné, il faut faire ceci, il faut faire cela. Il y a des choses naturelles qu’on fait. Moi, je me souviens à la naissance de mes deux enfants. La première réaction qu’ils ont eu naturellement au moment où le cordon ombilical a été coupé, c’est d’aller chercher le sein de leur maman pour manger. Il y a des choses qui sont instinctives, mais pourtant, ils savaient rien. Ils n’avaient jamais vu ça de leur vie. Personne ne leur avait appris à le faire. Donc, il y a un instinct qu’il faut sculpter, qu’il faut nourrir, qu’il faut arroser pour qu’ils grandissent, pour qu’il se développe. Cet instinct là, on ne va jamais à l’école pour l’apprendre, il est là, il doit être exploité et travaillé. Encore une fois, je ne suis pas neuroscientifique, mais je suppose par expérience que nos cerveaux sont divisés en plusieurs parties. Il y a une partie, en tout cas c’est sûr, qui est très consciente, qui est celle de l’apprentissage, de l’analyse. Et il y en a une autre qui est celle dont on se sert lorsqu’on dort, qui est celle beaucoup plus, comme on dit, qui est inconsciente, mais qui travaille.

Description de l’épisode

Ibrahim Maalouf est un musicien hors pair, trompettiste il est surtout connu pour sa capacité à improviser. Il en d’ailleurs fait un livre “Petite philosophie de l’improvisation”.
Et improviser va devenir une compétence dont on va avoir de plus en plus besoin alors que la société.
On va parler ensemble de sujets beaucoup plus larges que la musique et en particulier d’éducation, de gestion de sa vie au quotidien en passant par la philosophie, les neurosciences, son expérience de la musique.

On en parle aussi de lâcher prise et de comment y arriver, du Liban et plus généralement d’être né dans un pays en guerre, on parle aussi des autodidactes, de la capacité à écouter l’autre, de vulnérabilité qui est une qualité très importante aux yeux d’Ibrahim mais aussi d’humilité.
On parle de techniques Vs d’émotions générés par la musique mais surtout il nous parle de son vécu, de l’expérience qu’il a accumulé tout au longs de sa vie évidemment pour finalement nous partager une partie de ce qu’il a retenu.

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Transcription partielle de l’épisode

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GREGORY: Bonjour à toutes et bonjour à tous. Bonjour Ibrahim.
IBRAHIM : Bonjour
GREGORY : Est-ce que vous allez bien aujourd’hui?
IBRAHIM : Oui, très bien.
GREGORY : Bon, on va parler d’improvisation ensemble. Et dans votre livre, vous dites l’improvisation c’est une action hautement physique. J’aimerais comprendre pourquoi?
IBRAHIM : Physique, je ne sais pas si je dis ça précisément comme ça, mais en tous cas, ça sollicite énormément de choses, que ce soit physique comme comme de la force mentale. La liberté, c’est quelque chose qui s’acquiert avec beaucoup d’expérience, en général, et c’est quelque chose qui, pour être suffisamment libre, il faut avoir su casser la coque qu’il y a autour de nous, la coque de l’œuf. Alors, d’un coté cette coque, c’est symboliquement pour moi ces codes qu’on s’oblige à respecter parce que dès notre naissance, dès l’école il est nécessaire évidemment, mais que ça se passe de cette manière là. Mais on nous interdit de faire tout ce qu’il ne faut pas faire et on nous encourage en tous cas à faire un certain type de choses qui correspondent aux codes de ce qu’on est censé connaître et de notre fonctionnement social, global, et cetera ou artistique, ou peut importe. Or, se libérer de ça. Comme disait Einstein, c’est penser à côté, c’est réussir à bouleverser un peu ces codes là pour pour en créer de nouveaux. Sinon on stagne et c’est cette liberté là qui est difficile à acquérir, qui pourtant est innée chez nous. On naît avec cette liberté là, mais elle disparaît au fur et à mesure de notre éducation.
GREGORY : Et d’ailleurs, vous parlez beaucoup de vos parents et en particulier de votre père qui était lui, très rigoureux, très dur. Enfin, j’ai l’impression. En tout cas, c’est ça l’impression que ça m’a donné. Comment vous avez fait pour vous libérer? Parce qu’en fait vous dites il faut sortir de la coquille. Mais comment on fait pour faire ça quand on a un père qui est aussi rigoureux parce qu’il était musicien aussi, pour ceux qui qui nous écoutent et qui ne le savent pas.
IBRAHIM : Il est assez âgé aujourd’hui, mais il est toujours un peu musicien. Il n’a jamais arrêté. Mais la chance que j’ai eue d’abord, c’est que que ma mère n’était pas du tout dans cet état d’esprit là et qu’elle avait quelque chose de beaucoup plus innocent. Mais elle avait quelque chose de plus naturel. Elle a été moins figée par les codes de l’enseignement, de l’éducation, et cetera. Elle avait une éducation plus un peu plus plus contemporaine, plus moderne. Et donc ça l’a gênée. Pas que je puisse me mettre au piano et que je m’amuse sans forcément que j’y arrondissent les doigts, et cetera c’était elle. Elle était beaucoup plus libre en fait. Et donc enfin pouvoir avoir ces deux regards posés sur moi depuis ma petite enfance, celui de mon père qui avait beaucoup d’exigences et qui avait beaucoup d’attentes aussi parce que j’étais son fils en général. Mais en plus, c’est encore pire chez les Orientaux. Mais le fils c’est celui qui va reprendre le flambeau. Il a sauté un peu comme ça donc, donc il mettait beaucoup, beaucoup d’espoir dans son fils. C’est tout ça. Au détriment d’ailleurs de sa fille. Mais il y avait quelque chose comme ça, de la fierté et donc de l’exigence, et donc de ne jamais laisser passer quoi que ce soit de pas parfait. Donc il avait cette exigence là, qui était au départ quelque chose de bienveillant mais qui, bien sûr, quand il devient, quand ça devient trop bien, ça devient trop. Voilà. Et du côté de ma mère, du coup, il y avait cet autre équilibre. Et donc ces deux regards posés là sur moi ont fait que, peut être, j’ai trouvé un chemin entre les deux. J’imagine que j’ai dû creuser un chemin, une sorte de compromis entre les deux.
GREGORY : C’est ce qui vous a permis de lâcher prise parce que, en fait, je vous en parlez du lâcher prise et je me disais comment on fait pour s’entraîner enfin, comment on fait pour aller dans le sens du lâcher prise? On en parle beaucoup. Tout le monde en parle du lâcher prise. Faut lâcher prise, soit lâcher prise. Bon, quand en général, on y pense, en général on est, on n’y arrive pas très bien. Quand vous faites de la musique, par exemple, quand vous avez des étudiants, parce que quand on est dans l’improvisation, il faut justement effectivement lâcher prise. C’est ce que vous expliquez et comment on peut justement sortir de ces carcans après ça.
IBRAHIM : Encore une fois, moi, je ne suis pas un grand spécialiste, je ne suis pas un neuroscientifique. Je n’en a jamais été sûr d’une expérience personnelle. Mais de mon expérience, ce qui en ressort, c’est qu’il faut réussir à retrouver notre état premier. On naît avec une curiosité inouïe. Vis-à-vis de tout ce qui nous entoure et avec une méconnaissance totale de tout. C’est la naissance quoi. Et puis on a un instinct qui nous guide. C’est la seule chose qu’on ait. On n’a rien d’autre. On a un instinct qui nous guide. L’instinct nous dit Il faut manger, l’instinct nous dit à un moment donné, il faut faire ceci, il faut faire cela. Il y a des choses naturelles qu’on fait. Moi, je me souviens à la naissance de mes deux enfants. La première réaction qu’ils ont eu naturellement au moment où le cordon ombilical a été coupé, c’est d’aller chercher le sein de leur maman pour manger. Il y a des choses qui sont instinctives, mais pourtant, ils savaient rien. Ils n’avaient jamais vu ça de leur vie. Personne ne leur avait appris à le faire. Donc, il y a un instinct qu’il faut sculpter, qu’il faut nourrir, qu’il faut arroser pour qu’ils grandissent, pour qu’il se développe. Cet instinct là, on ne va jamais à l’école pour l’apprendre, il est là, il doit être exploité et travaillé. Encore une fois, je ne suis pas neuroscientifique, mais je suppose par expérience que nos cerveaux sont divisés en plusieurs parties. Il y a une partie, en tout cas c’est sûr, qui est très consciente, qui est celle de l’apprentissage, de l’analyse. Et il y en a une autre qui est celle dont on se sert lorsqu’on dort, qui est celle beaucoup plus, comme on dit, qui est inconsciente, mais qui travaille.
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