#160 Comment gérer la violence actuelle de la société? avec Marie Robert

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GRÉGORY : Alors en fait, on a discuté ensemble pendant la trêve hivernale, et en fait, on est tous les deux tombés d’accord sur l’idée qu’il y avait un sujet qui était majeur à traiter, qui était la violence. Je vois beaucoup autour de moi, mais aussi sur les réseaux sociaux, des personnes qui sont dans une détresse assez forte. On a vu les événements aux États-Unis et en fait, il y a en France aussi d’ailleurs, une violence inouïe en ce moment dans la société. Je crois que c’est important d’en parler et de voir comment traverser cette violence parce que malheureusement, je ne suis pas certain qu’elle s’en aille tout de suite. Toi, pourquoi c’est un sujet qui te tient autant à cœur la violence ?

MARIE : Alors pour tout un tas de raisons, déjà je te rejoins tout à fait sur le fait qu’il y a de plus en plus de violence, mais je crois surtout qu’on s’habitue de plus en plus à la violence. Ce n’est pas tant qu’il y en ait plus, parce qu’au fond, si on prend toute l’histoire de l’humanité, sans doute qu’on a traversé des périodes beaucoup plus violentes. C’est juste le paradoxe entre notre degré prétendu d’évolution et en fait cette violence pernicieuse, je pense qu’on aura l’occasion de le développer, notamment dans nos échanges et dans nos discussions. C’est une chose, la violence physique, évidemment, mais c’est aussi une chose d’être tous les jours habitués à des décharges en fait de violence dans toutes nos sphères de conversations. Effectivement, les réseaux sociaux sont une tribune parmi d’autres, parce que ce n’est pas la seule, il y a aussi la violence dans la rue, dans la circulation, dans les magasins, etc, et pourquoi ça me tient à cœur ? Parce qu’évidemment, encore une fois, je suis professeure et également directrice d’école et en fait à chaque fois qu’il se passe quelque chose, j’ai envie de dire aux gens, stop, tu sais, la main ne sert pas à taper, non, tu ne peux pas t’adresser de cette façon-là à ton camarade, etc.

GRÉGORY : Alors effectivement, quand tu parles de violence physique, c’est vrai qu’il n’y a jamais eu aussi peu de morts tués. Donc en fait, c’est vrai qu’il y a moins de violence physique dans le monde dans l’absolu, statistiquement en tout cas, il y a moins de violence. Néanmoins, il y a effectivement une violence morale extrêmement forte et moi je me bats beaucoup avec ces idées un peu binaires. J’entendais ce matin sur France Inter une citation d’Hannah Arendt autour de la démocratie et le fait de discuter les idées, et ça, ça m’a fait réagir. J’imagine que c’est une chose que tu connais bien, mais je ne sais pas si tu vois à quelle phrase je fais référence.

MARIE : Je ne sais pas la phrase exactement, mais évidemment, Hannah Arendt fait partie de ces auteurs qui nous alertent, en tout cas, sur le fait que la discussion et la participation à cet espace public, la capacité à discuter, à recréer ce qu’on est en train de faire, à recréer des espaces d’échanges, de nuances, de vraiment d’être capable de poser sa discussion. Il y a un autre auteur qui parle de l’éthique, de la discussion, etc. Alors moi, ce n’est pas du tout une accusation des réseaux sociaux dans l’absolu, puisque ce sont aussi des espaces merveilleux et qui peuvent être des espaces d’échanges. Mais ça l’est si on s’accorde sur des modalités, la capacité à s’écouter, la capacité à nuancer, la capacité à accepter que peut être, on n’a pas vu ce prisme-là où ce point de vue là. Et en fait, je crois que la violence n’est pas seulement de la peur et effectivement, on est dans des peurs médiatiques alors plus ou moins justifiées, mais en tout cas alimentée par les médias et ensuite de la peur, génère des positions extrêmement rigides et le résultat est la violence.

GRÉGORY : Qu’est-ce que ça dit de la société cette violence ? La violence, elle est liée à ce que tu disais, elle est liée aussi à une forme de défiance des autorités, de la politique, des médias, des patrons, d’un certain nombre d’autorités en fait. Qu’est-ce que ça dit de notre société ? Est-ce que c’est une société en décadence quand il y a autant de violence ou c’est une société en transformation ?

MARIE : Moi, j’ai toujours plus envie de te répondre par la transformation. J’ai envie de te dire, mais non, c’est juste qu’on est en train de s’ajuster, non ? Je vais reprendre encore l’exemple des enfants pour les avoir beaucoup observés. Tu vois les enfants violents alors que ce soit physiquement ou moralement, tu vois qu’ils sont toujours un peu en train d’insulter les uns les autres, c’est souvent quand il leur manque des outils ou de la place ou une reconnaissance. En fait, c’est troublant parce que dans un espace de classe, dans une ambiance de classe, tu te rends bien compte que ces enfants-là, c’est juste qu’ils n’ont pas complètement l’impression d’être écoutés, d’être considérés, d’être regardés. Je crois que c’est aussi ça, alors, sans rentrer dans la polémique, mais tout ce qu’on peut voir autour d’une idée du complot, d’une idée dont on cache des choses, une défiance envers la confiance d’ailleurs, qui est encore une fois plus ou moins justifiée à l’égard d’un gouvernement. C’est aussi un appel en fait à trouver sa place. Alors, évidemment, les raisonnements sont parfois extrêmement précaires, fragiles, mais c’est une volonté de trouver sa place et sans doute plus que de la décadence, c’est un ajustement et c’est un ajustement qui est d’autant plus surprenant par rapport à l’année qu’on vient de vivre et la crise qu’on est encore en train de traverser.

La suite a écouté sur VLAN !

Description de l’épisode

Marie Robert est philosophe, autrice du compte Instagram @philosophyissexy et est déjà venue sur Vlan!

Pour être sincère, un des sentiments qui m’a traversé durant l’année 2020 et le début de cette année 2021, c’est la violence dans la société et naturellement je me suis demandé comment traverser cette période au mieux, comment gérer cette violence.

Evidemment, il ne s’agit pas nécessairement de violence létale, il n’y a jamais eu aussi peu de violence létale dans l’histoire de l’humanité mais plutôt cette violence insidueuse, celle de rester enfermé .e chez soi ou tout du moins de ne plus avoir de vie sociale, la violence des propos binaires dans les médias et dans les conversations, la violence des informations sur les crises à venir.
Alors que la Covid a remplacé la météo dans nos conversations, devenant ainsi le 1er et parfois l’unique sujet de conversation, une détresse émotionnelle se fait ressentir.
Cette période est difficile à vivre, Hugo Travers (que j’ai reçu sur ce podcast – épisode 33) a créé cette vidéo qui démontre la détresse des jeunes adultes sur son compte Instagram Hugo Decrypte et a reçu plus de 6 millions de vues. Cette détresse émotionnelle ne concerne pas que les plus jeunes, elle est partout.

La violence est partout alors comment se positionner?
C’est le sujet que nous traitons avec Marie et comme Marie sera toujours Marie, nous la traitons avec le sourire malgré tout.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Alors en fait, on a discuté ensemble pendant la trêve hivernale, et en fait, on est tous les deux tombés d’accord sur l’idée qu’il y avait un sujet qui était majeur à traiter, qui était la violence. Je vois beaucoup autour de moi, mais aussi sur les réseaux sociaux, des personnes qui sont dans une détresse assez forte. On a vu les événements aux États-Unis et en fait, il y a en France aussi d’ailleurs, une violence inouïe en ce moment dans la société. Je crois que c’est important d’en parler et de voir comment traverser cette violence parce que malheureusement, je ne suis pas certain qu’elle s’en aille tout de suite. Toi, pourquoi c’est un sujet qui te tient autant à cœur la violence ?

MARIE : Alors pour tout un tas de raisons, déjà je te rejoins tout à fait sur le fait qu’il y a de plus en plus de violence, mais je crois surtout qu’on s’habitue de plus en plus à la violence. Ce n’est pas tant qu’il y en ait plus, parce qu’au fond, si on prend toute l’histoire de l’humanité, sans doute qu’on a traversé des périodes beaucoup plus violentes. C’est juste le paradoxe entre notre degré prétendu d’évolution et en fait cette violence pernicieuse, je pense qu’on aura l’occasion de le développer, notamment dans nos échanges et dans nos discussions. C’est une chose, la violence physique, évidemment, mais c’est aussi une chose d’être tous les jours habitués à des décharges en fait de violence dans toutes nos sphères de conversations. Effectivement, les réseaux sociaux sont une tribune parmi d’autres, parce que ce n’est pas la seule, il y a aussi la violence dans la rue, dans la circulation, dans les magasins, etc, et pourquoi ça me tient à cœur ? Parce qu’évidemment, encore une fois, je suis professeure et également directrice d’école et en fait à chaque fois qu’il se passe quelque chose, j’ai envie de dire aux gens, stop, tu sais, la main ne sert pas à taper, non, tu ne peux pas t’adresser de cette façon-là à ton camarade, etc.

GRÉGORY : Alors effectivement, quand tu parles de violence physique, c’est vrai qu’il n’y a jamais eu aussi peu de morts tués. Donc en fait, c’est vrai qu’il y a moins de violence physique dans le monde dans l’absolu, statistiquement en tout cas, il y a moins de violence. Néanmoins, il y a effectivement une violence morale extrêmement forte et moi je me bats beaucoup avec ces idées un peu binaires. J’entendais ce matin sur France Inter une citation d’Hannah Arendt autour de la démocratie et le fait de discuter les idées, et ça, ça m’a fait réagir. J’imagine que c’est une chose que tu connais bien, mais je ne sais pas si tu vois à quelle phrase je fais référence.

MARIE : Je ne sais pas la phrase exactement, mais évidemment, Hannah Arendt fait partie de ces auteurs qui nous alertent, en tout cas, sur le fait que la discussion et la participation à cet espace public, la capacité à discuter, à recréer ce qu’on est en train de faire, à recréer des espaces d’échanges, de nuances, de vraiment d’être capable de poser sa discussion. Il y a un autre auteur qui parle de l’éthique, de la discussion, etc. Alors moi, ce n’est pas du tout une accusation des réseaux sociaux dans l’absolu, puisque ce sont aussi des espaces merveilleux et qui peuvent être des espaces d’échanges. Mais ça l’est si on s’accorde sur des modalités, la capacité à s’écouter, la capacité à nuancer, la capacité à accepter que peut être, on n’a pas vu ce prisme-là où ce point de vue là. Et en fait, je crois que la violence n’est pas seulement de la peur et effectivement, on est dans des peurs médiatiques alors plus ou moins justifiées, mais en tout cas alimentée par les médias et ensuite de la peur, génère des positions extrêmement rigides et le résultat est la violence.

GRÉGORY : Qu’est-ce que ça dit de la société cette violence ? La violence, elle est liée à ce que tu disais, elle est liée aussi à une forme de défiance des autorités, de la politique, des médias, des patrons, d’un certain nombre d’autorités en fait. Qu’est-ce que ça dit de notre société ? Est-ce que c’est une société en décadence quand il y a autant de violence ou c’est une société en transformation ?

MARIE : Moi, j’ai toujours plus envie de te répondre par la transformation. J’ai envie de te dire, mais non, c’est juste qu’on est en train de s’ajuster, non ? Je vais reprendre encore l’exemple des enfants pour les avoir beaucoup observés. Tu vois les enfants violents alors que ce soit physiquement ou moralement, tu vois qu’ils sont toujours un peu en train d’insulter les uns les autres, c’est souvent quand il leur manque des outils ou de la place ou une reconnaissance. En fait, c’est troublant parce que dans un espace de classe, dans une ambiance de classe, tu te rends bien compte que ces enfants-là, c’est juste qu’ils n’ont pas complètement l’impression d’être écoutés, d’être considérés, d’être regardés. Je crois que c’est aussi ça, alors, sans rentrer dans la polémique, mais tout ce qu’on peut voir autour d’une idée du complot, d’une idée dont on cache des choses, une défiance envers la confiance d’ailleurs, qui est encore une fois plus ou moins justifiée à l’égard d’un gouvernement. C’est aussi un appel en fait à trouver sa place. Alors, évidemment, les raisonnements sont parfois extrêmement précaires, fragiles, mais c’est une volonté de trouver sa place et sans doute plus que de la décadence, c’est un ajustement et c’est un ajustement qui est d’autant plus surprenant par rapport à l’année qu’on vient de vivre et la crise qu’on est encore en train de traverser.

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