#153 Egalité femmes – hommes: Où en sommes nous? Avec Delphine O

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#153 Egalité femmes - hommes: Où en sommes nous? Avec Delphine O
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GRÉGORY : Tu es ambassadrice de France, tu es en train de mettre en place un forum Génération Égalité pour l’égalité des femmes. On en est où aujourd’hui de l’égalité des femmes en France, mais aussi dans le monde puisque c’est le sujet qui nous intéresse ici.

DELPHINE : Vaste sujet. Alors, je dirais que depuis, on va dire, les 50 dernières années, il y a eu énormément de progrès, à la fois en France, en Europe, mais dans le monde entier aussi. Donc moi, le forum que j’organise et que tu évoquais, il est à l’initiative de l’ONU et de l’agence de l’ONU qui s’occupent de l’égalité entre les femmes et les hommes et des droits des femmes, donc ONU femmes. À ce titre, on a un certain nombre de chiffres et de statistiques qui nous montrent que globalement, dans le monde entier, l’accès par exemple des filles et des femmes à l’éducation, les droits sexuels et reproductifs, la place des femmes dans l’économie, le nombre de femmes ministres au parlementaire, tout cela a augmenté et plutôt sur la bonne voie. Donc, on observe qu’il y a eu de nombreux progrès. Mais on observe aussi qu’aujourd’hui il y a une double régression qui est due de manière conjoncturelle à la pandémie, je pense qu’on va en parler à la crise de la Covid. On sait que très souvent les crises, qu’elle soit politique, économique, sanitaire ou sociale, creusent immédiatement les inégalités entre différents groupes de la société et notamment entre les femmes et les hommes. La régression, elle est aussi due, bien malheureusement, à une montée en force de puissances conservatrices, que ce soit de la part de certains gouvernements, de certaines organisations, de la société civile, de certaines entreprises et d’une pensée un peu rétrograde qui voudrait remettre les femmes à la maison, nous recentrer sur les valeurs de la famille entre une mère et un père, etc. Donc, on est à la fois une sorte de push back politique et en même temps une régression qui est due à la crise sanitaire, donc économique et sociale.

GRÉGORY : Effectivement, il y a plein de sujets à évoquer. Il faut dire aussi que c’est la première fois depuis 25 ans qu’un tel forum va avoir lieu. Est-ce que tu peux nous rappeler les dates et peut être aussi l’enjeu ? Parce qu’avant même qu’on rentre dans le sujet, de l’impact de la crise sanitaire, de la signature de ces 35 pays contre le droit à l’avortement, etc. Est-ce que tu peux nous parler un peu du forum et du fait effectivement que ça fait 25 ans que ça n’a pas eu lieu et que c’est quand même assez fou, et du coup, c’est à l’initiative de l’ONU, mais la France joue aussi un rôle assez prépondérant dans ce forum si je comprends bien.

DELPHINE : Exactement, je dirais même que c’est assez scandaleux. Alors pour faire un petit point d’histoire sans être trop geek, d’abord, c’est intéressant puisque depuis en gros la construction des Nations-Unies, donc depuis la fin de la seconde guerre mondiale et du système international tel qu’on le connaît en réalité, il a fallu attendre le milieu des années 90 pour que les droits des femmes soient reconnus à part entière et qu’il ne soit pas simplement considéré, on va dire, dans la masse des droits humains et pour qu’il y ait une véritable conférence mondiale de l’ONU sur les femmes, alors la toute première a eu lieu à Mexico en 1975 et la 4ᵉ, la plus importante, a eu lieu à Pékin, en Chine, en 1995. Il faut attendre 1995 pour que la communauté internationale se rassemble et se mette d’accord à la fois sur une déclaration qui tout simplement reconnait qu’il existe des inégalités structurelles entre les femmes et les hommes, que certes, si certains progrès ont été réalisés, il reste encore de très nombreux obstacles à surmonter et que les États de la communauté internationale s’engagent donc à mettre en œuvre un programme d’action pour surmonter ces obstacles et atteindre une égalité réelle. Donc, 1995, c’est une conférence de Pékin qui est fondatrice puisqu’elle crée un cadre normatif international qui n’existait pas pour les droits des femmes avant. Elle est aussi connue parce que, symboliquement, à l’époque, celle qui n’était que l’épouse du président américain Bill Clinton, donc Hillary Clinton a eu cette phrase qui est devenue légendaire “Women’s rights of Human Rights”. Aaujourd’hui, en français, on traduit “Les droits des femmes sont des droits humains”, ce qui peut sembler tout à fait évident, mais cela n’avait jamais été vraiment singularisé en tant que tel. Depuis 1995, on n’a pas eu de grandes conférences mondiales de l’ONU sur l’égalité, alors que si on compare avec d’autres domaines tout aussi importants, et je pense notamment à l’environnement, vous savez qu’on a des COP tous les ans, certaines plus connues que d’autres, notamment la COP21 à Paris, mais il y a un grand rassemblement international chaque année pour faire avancer la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement. Il n’y a pas un grand rassemblement international chaque année pour faire avancer les droits des femmes, il y a des réunions à l’ONU, évidemment, il y a des États comme la France qui se battent pour faire progresser les droits des femmes, à la fois dans les résolutions, dans les textes, donc dans les droits et aussi dans les actions. Mais je crois que ce forum Génération Égalité était attendu depuis longtemps. Le rôle de la France dans cela, c’est que la France est cohôte et coprésidente de cette conférence qui est à l’initiative de l’ONU, ONU Femmes, et la France accueillera donc la plus grande partie du forum qui aura lieu en juin 2021 à Paris et la première partie aura lieu à Mexico puisque le Mexique est également cohôte et coorganisateur en mars 2021.

GRÉGORY : C’est vrai qu’il y a plein mal de mecs en particulier qui disent, mais le droit des femmes, on en entend donc parler tous les jours sans qu’ils se rendent compte nécessairement qu’en fait, ces évolutions de droits des femmes, c’est quand même quelque chose de très fragile. Est-ce que tu peux revenir là-dessus ? En particulier revenir sur cette pétition qui a été signée tout de même par 35 pays, dont les États-Unis.

DELPHINE : Oui. Alors moi j’aimerais bien qu’on en parle encore plus des droits des femmes tous les jours. Je me réjouis notamment que depuis la vague MeeToo, qui a bouleversé beaucoup de choses, on en parle de plus en plus. C’est vrai qu’il se passe rarement une semaine ou une journée sans qu’un média ne mentionne la question de l’égalité femmes hommes. Mais ce n’est pas non plus un sujet de réjouissance puisqu’en général, c’est plutôt sous un angle négatif pour nous dire que telle femme a été assassinée par son conjoint ou son partenaire, pour nous dire que plus de femmes vont passer sous le seuil de pauvreté à cause de la pandémie de la Covid-19, et pour nous dire notamment qu’aujourd’hui, ce qu’on appelle en langage onusien les droits et santé sexuels et reproductifs, c’est-à-dire le droit des femmes à disposer librement de leur corps, à disposer de leur sexualité, à disposer d’accès à la contraception et à disposer enfin du droit à l’avortement, ces droits-là sont aujourd’hui plus que jamais menacés par un certain nombre d’États très puissants, avec des gouvernements conservateurs qui ont été élus pour la plupart démocratiquement et qui essayent de revenir sur ces droits que nous, la France, mais aussi la communauté internationale reconnaissent comme fondamentaux. On parle beaucoup du droit à l’avortement qui a été fortement remis en cause par l’actuelle administration américaine, mais a priori pas la prochaine qui vient d’être élue, par des pays comme la Pologne et la Hongrie, au sein même de l’Union européenne, mais aussi par d’autres pays un peu partout dans le monde. Cette déclaration à laquelle tu fais référence, c’est une déclaration initiée par l’administration de Donald Trump, auquel ont souscrit plus d’une trentaine d’États un peu partout dans le monde, qui vise en fait à refuser de reconnaître un droit à l’avortement, de dire tout simplement qu’il n’y aura jamais de droit à l’avortement, de se recentrer sur des valeurs familiales et religieuses et sur une conception de la cellule familiale qui est autour d’un homme et une femme, et d’un père et d’une mère. Donc que, au-delà, en plus des atteintes aux droits fondamentaux des femmes qui est simplement de décider si elles veulent ou pas avoir des enfants et quand elles veulent avoir des enfants et combien d’enfants elles veulent avoir ou si elles ne désirent juste pas avoir d’enfant et disposer librement de leur sexualité, il y a aussi une attaque sur les droits LGBT.

La suite a écouté sur VLAN !

Description de l’épisode

C’est mon anniversaire aujourd’hui et je suis ravi de le célébrer en recevant Delphine O. Elle est ambassadrice et secrétaire générale du forum Génération égalité. Elle est en charge de l’organisation du plus grand sommet international pour les droits des femmes depuis 25 ans, co-organisé par la France et le Mexique sous l’ONU Femmes.
Je suis ravi de publier cet épisode pour mon anniversaire.
Avec Delphine nous abordons plusieurs sujets qui me semblent centraux : Où en est on vraiment de l’égalité entre les hommes et les femmes en France? Et dans le monde? Comment pouvons nous faire changer la donne?
Quelle est la fragilité des avancées obtenue?
Mais aussi pourquoi et comment la crise sanitaire nous a vu revenir à des valeurs “traditionnelles” (comprenez patriarcales)?

Nous sommes tout.e.s issu.e.s d’une société patriarcale et c’est bien naturel que nous ayons tout.e.s un fond de fonctionnement qui va dans ce sens là.
Mais c’est essentiel de s’en rendre compte pour se défaire de logiques qui ne devraient pas l’être.
Vous entendrez un discours modéré et non militant mais par contre très factuel qui permet de vraiment faire le point sur cette question qui peut tendre hommes et femmes.
J’espère que cela vous plaira et que l’épisode vous permettra de mieux vous positionner sur ce sujet.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Tu es ambassadrice de France, tu es en train de mettre en place un forum Génération Égalité pour l’égalité des femmes. On en est où aujourd’hui de l’égalité des femmes en France, mais aussi dans le monde puisque c’est le sujet qui nous intéresse ici.

DELPHINE : Vaste sujet. Alors, je dirais que depuis, on va dire, les 50 dernières années, il y a eu énormément de progrès, à la fois en France, en Europe, mais dans le monde entier aussi. Donc moi, le forum que j’organise et que tu évoquais, il est à l’initiative de l’ONU et de l’agence de l’ONU qui s’occupent de l’égalité entre les femmes et les hommes et des droits des femmes, donc ONU femmes. À ce titre, on a un certain nombre de chiffres et de statistiques qui nous montrent que globalement, dans le monde entier, l’accès par exemple des filles et des femmes à l’éducation, les droits sexuels et reproductifs, la place des femmes dans l’économie, le nombre de femmes ministres au parlementaire, tout cela a augmenté et plutôt sur la bonne voie. Donc, on observe qu’il y a eu de nombreux progrès. Mais on observe aussi qu’aujourd’hui il y a une double régression qui est due de manière conjoncturelle à la pandémie, je pense qu’on va en parler à la crise de la Covid. On sait que très souvent les crises, qu’elle soit politique, économique, sanitaire ou sociale, creusent immédiatement les inégalités entre différents groupes de la société et notamment entre les femmes et les hommes. La régression, elle est aussi due, bien malheureusement, à une montée en force de puissances conservatrices, que ce soit de la part de certains gouvernements, de certaines organisations, de la société civile, de certaines entreprises et d’une pensée un peu rétrograde qui voudrait remettre les femmes à la maison, nous recentrer sur les valeurs de la famille entre une mère et un père, etc. Donc, on est à la fois une sorte de push back politique et en même temps une régression qui est due à la crise sanitaire, donc économique et sociale.

GRÉGORY : Effectivement, il y a plein de sujets à évoquer. Il faut dire aussi que c’est la première fois depuis 25 ans qu’un tel forum va avoir lieu. Est-ce que tu peux nous rappeler les dates et peut être aussi l’enjeu ? Parce qu’avant même qu’on rentre dans le sujet, de l’impact de la crise sanitaire, de la signature de ces 35 pays contre le droit à l’avortement, etc. Est-ce que tu peux nous parler un peu du forum et du fait effectivement que ça fait 25 ans que ça n’a pas eu lieu et que c’est quand même assez fou, et du coup, c’est à l’initiative de l’ONU, mais la France joue aussi un rôle assez prépondérant dans ce forum si je comprends bien.

DELPHINE : Exactement, je dirais même que c’est assez scandaleux. Alors pour faire un petit point d’histoire sans être trop geek, d’abord, c’est intéressant puisque depuis en gros la construction des Nations-Unies, donc depuis la fin de la seconde guerre mondiale et du système international tel qu’on le connaît en réalité, il a fallu attendre le milieu des années 90 pour que les droits des femmes soient reconnus à part entière et qu’il ne soit pas simplement considéré, on va dire, dans la masse des droits humains et pour qu’il y ait une véritable conférence mondiale de l’ONU sur les femmes, alors la toute première a eu lieu à Mexico en 1975 et la 4ᵉ, la plus importante, a eu lieu à Pékin, en Chine, en 1995. Il faut attendre 1995 pour que la communauté internationale se rassemble et se mette d’accord à la fois sur une déclaration qui tout simplement reconnait qu’il existe des inégalités structurelles entre les femmes et les hommes, que certes, si certains progrès ont été réalisés, il reste encore de très nombreux obstacles à surmonter et que les États de la communauté internationale s’engagent donc à mettre en œuvre un programme d’action pour surmonter ces obstacles et atteindre une égalité réelle. Donc, 1995, c’est une conférence de Pékin qui est fondatrice puisqu’elle crée un cadre normatif international qui n’existait pas pour les droits des femmes avant. Elle est aussi connue parce que, symboliquement, à l’époque, celle qui n’était que l’épouse du président américain Bill Clinton, donc Hillary Clinton a eu cette phrase qui est devenue légendaire “Women’s rights of Human Rights”. Aaujourd’hui, en français, on traduit “Les droits des femmes sont des droits humains”, ce qui peut sembler tout à fait évident, mais cela n’avait jamais été vraiment singularisé en tant que tel. Depuis 1995, on n’a pas eu de grandes conférences mondiales de l’ONU sur l’égalité, alors que si on compare avec d’autres domaines tout aussi importants, et je pense notamment à l’environnement, vous savez qu’on a des COP tous les ans, certaines plus connues que d’autres, notamment la COP21 à Paris, mais il y a un grand rassemblement international chaque année pour faire avancer la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement. Il n’y a pas un grand rassemblement international chaque année pour faire avancer les droits des femmes, il y a des réunions à l’ONU, évidemment, il y a des États comme la France qui se battent pour faire progresser les droits des femmes, à la fois dans les résolutions, dans les textes, donc dans les droits et aussi dans les actions. Mais je crois que ce forum Génération Égalité était attendu depuis longtemps. Le rôle de la France dans cela, c’est que la France est cohôte et coprésidente de cette conférence qui est à l’initiative de l’ONU, ONU Femmes, et la France accueillera donc la plus grande partie du forum qui aura lieu en juin 2021 à Paris et la première partie aura lieu à Mexico puisque le Mexique est également cohôte et coorganisateur en mars 2021.

GRÉGORY : C’est vrai qu’il y a plein mal de mecs en particulier qui disent, mais le droit des femmes, on en entend donc parler tous les jours sans qu’ils se rendent compte nécessairement qu’en fait, ces évolutions de droits des femmes, c’est quand même quelque chose de très fragile. Est-ce que tu peux revenir là-dessus ? En particulier revenir sur cette pétition qui a été signée tout de même par 35 pays, dont les États-Unis.

DELPHINE : Oui. Alors moi j’aimerais bien qu’on en parle encore plus des droits des femmes tous les jours. Je me réjouis notamment que depuis la vague MeeToo, qui a bouleversé beaucoup de choses, on en parle de plus en plus. C’est vrai qu’il se passe rarement une semaine ou une journée sans qu’un média ne mentionne la question de l’égalité femmes hommes. Mais ce n’est pas non plus un sujet de réjouissance puisqu’en général, c’est plutôt sous un angle négatif pour nous dire que telle femme a été assassinée par son conjoint ou son partenaire, pour nous dire que plus de femmes vont passer sous le seuil de pauvreté à cause de la pandémie de la Covid-19, et pour nous dire notamment qu’aujourd’hui, ce qu’on appelle en langage onusien les droits et santé sexuels et reproductifs, c’est-à-dire le droit des femmes à disposer librement de leur corps, à disposer de leur sexualité, à disposer d’accès à la contraception et à disposer enfin du droit à l’avortement, ces droits-là sont aujourd’hui plus que jamais menacés par un certain nombre d’États très puissants, avec des gouvernements conservateurs qui ont été élus pour la plupart démocratiquement et qui essayent de revenir sur ces droits que nous, la France, mais aussi la communauté internationale reconnaissent comme fondamentaux. On parle beaucoup du droit à l’avortement qui a été fortement remis en cause par l’actuelle administration américaine, mais a priori pas la prochaine qui vient d’être élue, par des pays comme la Pologne et la Hongrie, au sein même de l’Union européenne, mais aussi par d’autres pays un peu partout dans le monde. Cette déclaration à laquelle tu fais référence, c’est une déclaration initiée par l’administration de Donald Trump, auquel ont souscrit plus d’une trentaine d’États un peu partout dans le monde, qui vise en fait à refuser de reconnaître un droit à l’avortement, de dire tout simplement qu’il n’y aura jamais de droit à l’avortement, de se recentrer sur des valeurs familiales et religieuses et sur une conception de la cellule familiale qui est autour d’un homme et une femme, et d’un père et d’une mère. Donc que, au-delà, en plus des atteintes aux droits fondamentaux des femmes qui est simplement de décider si elles veulent ou pas avoir des enfants et quand elles veulent avoir des enfants et combien d’enfants elles veulent avoir ou si elles ne désirent juste pas avoir d’enfant et disposer librement de leur sexualité, il y a aussi une attaque sur les droits LGBT.

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