JEAN CHARLES : En effet, dans ma première boite, qu’on avait créé en 2010, on était repartis de la feuille blanche pour créer un siège d’avion de classe éco, parce qu’on pensait que les technologies, l’expérience, la masse était complètement déconnante par rapport à ce qu’on était capable de faire. On a réussi en effet à créer un siège d’avion, le premier au monde en composite et en titane, qui divisait la masse par plus de deux, donc énormément d’économie de kérosène et de CO2. Ça, c’était en partant à contre-courant de plein de supposés de l’industrie, de gens très puissant qui avaient essayé avant nous et qui avaient raté. Juste en ayant l’ambition de se dire, on peut transformer ce truc-là, peut-être un peu la folie aussi, mais je pense que les deux sont nécessaires, et après en décomposant très bien les problèmes pour arriver à avoir l’impression d’avoir fait des progrès, des progrès, des progrès jusqu’à arriver au résultat final.
JEAN CHARLES : Je pense qu’il faut repartir de la manière dont le système s’est construit, qui a plein de vertu et à la fois plein de dysfonctionnements. Déjà si on parle de chiffres, en Europe, on dépense 10.5 % du PIB en santé, en France et 11.5%, c’est plus de 270 milliards par an, donc c’est un montant qui commence à être relativement conséquent. On a un système qui est magnifique dans certains de ses aspects. Il est une vision très universaliste, tout le monde est couvert d’une manière ou d’une autre. On a des médecins qui sont excellents, des experts qui sont reconnus de manière mondiale. Donc ça, c’est très bien. Mais à la fois, il y a une fracture, une sorte de paradoxe qui est de plus en plus fort, qui est que du côté utilisateur, nous les citoyens, on a des temps d’attente de plus en plus long, on a une confiance dans le système qui se dégrade, on a des inégalités, des inégalités géographiques, des inégalités selon nos connexions, notre revenu, notre âge et qui sont assez fortes et on l’a vu pendant la Covid, d’une région à l’autre, les chiffres étaient complètement différents, et on a aussi envie de reprendre le contrôle sur notre santé. Il y a de plus en plus une approche plus holistique, plus large et juste de comprendre ce qui nous arrive, parce qu’on a de plus en plus de contrôle dans toutes les autres industries, dans le smartphone par exemple et pas dans la santé. Mais aussi d’un côté des professionnels de santé et du système, c’est de plus en plus catastrophique. Le volume de burn out est assez hallucinant, les infrastructures sont plutôt très vétustes, c’est gens qui ont signé pour essayer de sauver des vies et qui se retrouvent à gérer de l’administratif sans technologie comme si on était en 1980. Cet écart, en fait, il crée une sorte de dysfonctionnement, et en fait, comme on nous a tambouriné depuis qu’on est enfant, qu’on a le meilleur système de santé au monde, on arrête de réfléchir et on ne se dit pas qu’est-ce qu’on pourrait faire différemment ? Qu’est-ce qu’on pourrait faire de mieux ? Comment l’État, qui a un rôle hyper important et ce tissu de sécurité sociale est très important, peut-on travailler aussi avec le privé pour mettre de la technologie et transformer ça ? Je pense que l’enjeu du coup, c’est qu’on part d’un système qui a été en fait quasiment taylorisme, c’est-à-dire que ça fait 50 ans qu’on essaye d’industrialiser le système, quand tu essayes de faire un truc qui est censé être valable pour tout le monde, bah du coup industrialise, mais ça déshumanise. On a l’impression en tant qu’individu qu’on doit essayer de s’adapter à un système et un labyrinthe pour essayer de comprendre notre santé, et si on n’a pas les clés comme la plupart des gens, bah en fait, on se fait noyer dans cette machine, broyée dans cette machine. Je pense que repenser le système, c’est avoir l’audace et l’ambition de dire, “le système devrait s’adapter et se personnaliser aux gens”. Toi, tu ne devrais pas avoir te poser des milliers de questions, tu devrais avoir la bonne réponse à chaque étape qui t’a amené. C’est un peu ce qu’on essaye de construire avec Alan, c’est donner l’impression et le sentiment aux gens que le système est construit pour eux, que ce soit au niveau de l’information, au niveau de la prévention et au niveau de l’accès aux soins qui soit digitale ou physique, qui soit le meilleur pour eux et que tu n’as plus besoin d’avoir ton oncle Bernard qui est médecin pour avoir ta réponse à 22h le soir et qu’on trouve des moyens qui font que tout le monde a un oncle Bernard dans sa poche.