Vlan #134 Remettre en question ses croyances sur les psychédéliques avec Stéphanie Chayet

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Vlan #134 Remettre en question ses croyances sur les psychédéliques avec Stéphanie Chayet
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GRÉGORY : Tu as écrit un bouquin qui parle des psychédéliques. Généralement, en France, on associe les psychédéliques, donc le LSD et autres, au mot drogues. Dans ton livre, tu différencies les drogues et les psychédéliques. Est-ce que tu peux expliquer la différence ? Parce que c’est vrai que quand on parle de psychédéliques en France, j’ai la sensation que ça fait doucement rire tout le monde. On pense forcément à prendre des champignons et se marrer entre potes, etc, mais ce n’est jamais rien de sérieux. Sauf que toi, ton livre s’appelle “ces substances interdites qui guérissent donc des gens”, on est quasiment en opposition avec l’idée qu’on peut se faire des psychédéliques. Peut-être redéfinir ce que c’est qu’une drogue et la différence.

STÉPHANIE : Je ne différencie pas tellement drogues et psychédéliques. Ce que je dis, c’est que le mot drogue n’est pas adapté pour aucune substance psychoactive parce qu’il n’y a pas de définition scientifique ni même consensuelle du mot drogue. On ne sait pas si c’est la toxicité qui fait la drogue, si c’est l’illégalité qui fait la drogue, si c’est le potentiel d’abus qui fait la drogue. En fait, c’est une désignation arbitraire qui stigmatise. On sait qu’il y a des substances légales qui sont extrêmement toxiques, dangereuses, addictives, et il y a des substances qui ne sont pas légales, qui ne sont ni toxiques, ni dangereuses, ni addictives. Donc moi, j’aimerais bien qu’on arrête d’employer le mot drogue. Je préfère qu’on parle de substances psychoactives ou de psychotropes. C’est une définition qui est pour le coup indiscutable et scientifique. Dans cette grande famille des substances psychoactives, les substances psychédéliques sont une petite famille qui compte quelques substances. Alors, je ne parle pas de leurs dérivés et de leurs analogues synthétiques parce qu’il y avait beaucoup de ce qu’on appelle des NPS, ce sont de nouveaux produits de synthèse qui sont des dérivés des molécules psychédéliques classiques et qui, elles, ont une toxicité bien supérieure. Donc moi, je m’en tiens aux 4 principales substances psychédéliques dites “classiques” que sont : le LSD, la mescaline, la psilocybine et la DMT.

GRÉGORY : On retrouve tout ça dans les champignons ?

STÉPHANIE : Alors la psilocybine effectivement, c’est le principal alcaloïde psychoactif des champignons hallucinogènes. Il y a environ 200 espèces qui en contiennent. La mescaline est plutôt dans les cactus, plusieurs variétés de cactus du continent américain. La DMT, on la trouve dans beaucoup d’espèces végétales sur toute la planète. Le LSD, c’est la seule des 4 qui est née en laboratoire. Elle est dérivée d’une molécule naturelle, de l’ergot du seigle, mais c’est une molécule synthétique. Elle est née avant la guerre, mais ses propriétés psychoactives ont été redécouvertes en 1943 par Albert Hofmann, un chimiste suisse qui travaillait pour un laboratoire qui s’appelait à l’époque Sandoz.

GRÉGORY : Alors ton livre, il a été repris dans certains médias français, ça a généré énormément de critiques. Ce qui est intéressant, c’est de comprendre, selon toi, pourquoi ça génère autant de critiques ? Pourquoi les gens n’arrivent pas à saisir la différence entre la cocaïne, l’héroïne, peut-être l’alcool, le sucre et ces substances-là ? Pourquoi ils ont fait un amalgame total ? Est-ce que la France est un peu en retard sur ces sujets-là ? J’aimerais qu’on touche ce sujet-là, et après, on pourra rentrer dans le détail de ce à quoi ça sert et comment ça peut effectivement te guérir ou en tout cas te permettre d’aller mieux. 

STÉPHANIE : Alors, les sondages indiquent effectivement que les Français perçoivent les psychédéliques à peu près aussi dangereux que la cocaïne. Alors que tous les classements qui ont été établis de substances psychoactives par dangerosité les classent parmi les substances les plus inoffensives pour l’individu et la société. Donc il y a vraiment un décalage énorme entre les perceptions et la réalité. Je pense que ça tient au fait qu’il y a un énorme retard de connaissances en France sur ces substances, qui est multifactoriel, mais l’une des raisons, c’est que la littérature scientifique qui s’est accumulée depuis 20 ans à l’étranger est en anglais et que la communauté scientifique en France ne lit pas tellement la littérature scientifique en anglais. D’ailleurs, quand je me suis étonné que le congrès de l’encéphale ne parle pas des travaux anglo-américains récents sur le sujet, son son patron, Raphaël Gaillard, m’a dit que lui était au courant de ses travaux, mais qu’il il y avait très peu d’orateurs francophones sur ces sujets. Donc ça, c’est une première raison qui fait que les connaissances scientifiques ne sont pas du tout diffusées en France. La deuxième raison, c’est que le tabou est inscrit dans la loi française. La loi française interdit en principe toute présentation sous un jour favorable d’une substance illégale. Ce qui fait que, en principe, je dis bien en principe parce que la loi n’est pas appliquée, heureusement, sinon je n’aurais pas pu écrire mon livre. Mais en principe, on n’a pas le droit de parler des vertus thérapeutiques d’une substance illégale. C’est pour ça d’ailleurs que le débat sur le cannabis thérapeutique a pris un tel retard en France. Même si elle n’est pas appliquée, ça suscite une forme assez poussée d’autocensure. D’ailleurs, quand tu parlais des réactions qu’a suscité mon livre, en l’occurrence, c’était plutôt une vidéo que j’ai faite pour konbini qui a occasionné un déferlement de commentaires assez agressifs. Il y a eu parmi ces commentaires des gens qui font des rappels à la loi, qui disent Konbini, on peut vous faire un procès, Konbini n’oubliez pas que qu’il est illégal de parler d’une façon positive des substances illégales en France, etc. Donc ça, à mon avis, ce sont les deux raisons principales pour lesquelles le débat a pris un tel retard chez nous. Après, il y a aussi des raisons culturelles qui sont plus complexes et sur lesquelles on pourra revenir si tu veux.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Stéphanie Chayet est journaliste et vit à NYC, elle s’est intéressée de près aux psychotropes. 

Le titre de son livre, « Phantastica – ces substances interdisent qui guérissent » donne le ton, on sent bien que Stéphanie va totalement déconstruire toutes les croyances que l’on peut avoir sur les champignons, le LSD et plus généralement les psychédéliques.

Sujets facile de moquerie ou de critiques mais quand on s’intéresse très sérieusement au sujet, on réalise que des substances addictives et mortelles sont disponibles au grand public: l’alcool, le sucre, le tabac et d’autres, parfois moins dangereuse car sans dose mortelle sont interdites et qu’il faut différencier la cocaine, l’héroine et les psychotropes.

Stéphanie s’est intéressé au sujet pour un long papier qu’elle a produit par le magazine Le Monde il y a 5 ans mais aussi parce qu’elle a malheureusement eu un cancer et s’est posé des questions pour sa propre santé.

Stéphanie a particulièrement analysé les 4 principales substances psychédéliques « classiques »: le L.S.D, la Mescaline, la psilocybine et la D.M.T.

Elle nous fait état de tout ce qu’il nous est interdit d’entendre en France car il est interdit de parler des vertus de ces substances même si la loi n’est pas appliquée stricto sensu.

C’est intéressant que quand il s’agit de climat tout le monde s’accorde à penser que nous devons absolument écouter les scientifiques mais que ce n’est plus le cas quand il s’agit de ces substances. 

On parle beaucoup avec Stéphanie des vertus thérapeutiques de ces substances en particulier, la dépression, la détresse psychédélique lié à un diagnostique de cancer, la dépendance à l’alcool ou au tabac. D’autres maladies sont à l’étude comme l’anorexie mentale ou Alzheimer.

Je pense que cet épisode va remettre en question beaucoup de vos croyances et générer pas mal de conversations chez vous, en tous cas, c’est mon souhait: sortir de son propre cadre de croyances, être ouvert.e et se questionner.

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Transcription partielle de l’épisode

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STÉPHANIE : Je ne différencie pas tellement drogues et psychédéliques. Ce que je dis, c’est que le mot drogue n’est pas adapté pour aucune substance psychoactive parce qu’il n’y a pas de définition scientifique ni même consensuelle du mot drogue. On ne sait pas si c’est la toxicité qui fait la drogue, si c’est l’illégalité qui fait la drogue, si c’est le potentiel d’abus qui fait la drogue. En fait, c’est une désignation arbitraire qui stigmatise. On sait qu’il y a des substances légales qui sont extrêmement toxiques, dangereuses, addictives, et il y a des substances qui ne sont pas légales, qui ne sont ni toxiques, ni dangereuses, ni addictives. Donc moi, j’aimerais bien qu’on arrête d’employer le mot drogue. Je préfère qu’on parle de substances psychoactives ou de psychotropes. C’est une définition qui est pour le coup indiscutable et scientifique. Dans cette grande famille des substances psychoactives, les substances psychédéliques sont une petite famille qui compte quelques substances. Alors, je ne parle pas de leurs dérivés et de leurs analogues synthétiques parce qu’il y avait beaucoup de ce qu’on appelle des NPS, ce sont de nouveaux produits de synthèse qui sont des dérivés des molécules psychédéliques classiques et qui, elles, ont une toxicité bien supérieure. Donc moi, je m’en tiens aux 4 principales substances psychédéliques dites “classiques” que sont : le LSD, la mescaline, la psilocybine et la DMT.

GRÉGORY : On retrouve tout ça dans les champignons ?

STÉPHANIE : Alors la psilocybine effectivement, c’est le principal alcaloïde psychoactif des champignons hallucinogènes. Il y a environ 200 espèces qui en contiennent. La mescaline est plutôt dans les cactus, plusieurs variétés de cactus du continent américain. La DMT, on la trouve dans beaucoup d’espèces végétales sur toute la planète. Le LSD, c’est la seule des 4 qui est née en laboratoire. Elle est dérivée d’une molécule naturelle, de l’ergot du seigle, mais c’est une molécule synthétique. Elle est née avant la guerre, mais ses propriétés psychoactives ont été redécouvertes en 1943 par Albert Hofmann, un chimiste suisse qui travaillait pour un laboratoire qui s’appelait à l’époque Sandoz.

GRÉGORY : Alors ton livre, il a été repris dans certains médias français, ça a généré énormément de critiques. Ce qui est intéressant, c’est de comprendre, selon toi, pourquoi ça génère autant de critiques ? Pourquoi les gens n’arrivent pas à saisir la différence entre la cocaïne, l’héroïne, peut-être l’alcool, le sucre et ces substances-là ? Pourquoi ils ont fait un amalgame total ? Est-ce que la France est un peu en retard sur ces sujets-là ? J’aimerais qu’on touche ce sujet-là, et après, on pourra rentrer dans le détail de ce à quoi ça sert et comment ça peut effectivement te guérir ou en tout cas te permettre d’aller mieux. 

STÉPHANIE : Alors, les sondages indiquent effectivement que les Français perçoivent les psychédéliques à peu près aussi dangereux que la cocaïne. Alors que tous les classements qui ont été établis de substances psychoactives par dangerosité les classent parmi les substances les plus inoffensives pour l’individu et la société. Donc il y a vraiment un décalage énorme entre les perceptions et la réalité. Je pense que ça tient au fait qu’il y a un énorme retard de connaissances en France sur ces substances, qui est multifactoriel, mais l’une des raisons, c’est que la littérature scientifique qui s’est accumulée depuis 20 ans à l’étranger est en anglais et que la communauté scientifique en France ne lit pas tellement la littérature scientifique en anglais. D’ailleurs, quand je me suis étonné que le congrès de l’encéphale ne parle pas des travaux anglo-américains récents sur le sujet, son son patron, Raphaël Gaillard, m’a dit que lui était au courant de ses travaux, mais qu’il il y avait très peu d’orateurs francophones sur ces sujets. Donc ça, c’est une première raison qui fait que les connaissances scientifiques ne sont pas du tout diffusées en France. La deuxième raison, c’est que le tabou est inscrit dans la loi française. La loi française interdit en principe toute présentation sous un jour favorable d’une substance illégale. Ce qui fait que, en principe, je dis bien en principe parce que la loi n’est pas appliquée, heureusement, sinon je n’aurais pas pu écrire mon livre. Mais en principe, on n’a pas le droit de parler des vertus thérapeutiques d’une substance illégale. C’est pour ça d’ailleurs que le débat sur le cannabis thérapeutique a pris un tel retard en France. Même si elle n’est pas appliquée, ça suscite une forme assez poussée d’autocensure. D’ailleurs, quand tu parlais des réactions qu’a suscité mon livre, en l’occurrence, c’était plutôt une vidéo que j’ai faite pour konbini qui a occasionné un déferlement de commentaires assez agressifs. Il y a eu parmi ces commentaires des gens qui font des rappels à la loi, qui disent Konbini, on peut vous faire un procès, Konbini n’oubliez pas que qu’il est illégal de parler d’une façon positive des substances illégales en France, etc. Donc ça, à mon avis, ce sont les deux raisons principales pour lesquelles le débat a pris un tel retard chez nous. Après, il y a aussi des raisons culturelles qui sont plus complexes et sur lesquelles on pourra revenir si tu veux.

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