Vlan #125 Revaloriser le rôle de l’école en temps de crise avec Judith Grumbach

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Vlan #125 Revaloriser le rôle de l'école en temps de crise avec Judith Grumbach
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GRÉGORY : Tu as fait 2 documentaires sur l’école, il y a le deuxième qui va être diffusé ce soir sur France 2. C’est très étrange parce que je ne fais jamais vraiment d’épisode comme ça, au pied levé sur Vlan. Mais je suis ravi de le faire avec toi. Qu’est-ce qui t’a intéressé dans l’école pour que tu souhaites en faire un documentaire à l’origine ?

JUDITH : Je crois que c’est toujours un peu difficile de savoir pourquoi on est intéressé par l’école. Parce qu’à mon avis, il y a des sujets qui sont extrêmement personnels et assez psychanalytiques. En tout cas, quand j’ai débarqué dans les classes que j’ai eu la chance de visiter au départ, je me suis dit 2 choses. D’abord, moi qui avais quitté l’école en courant, je me suis dit là, dans une école comme ça, je veux bien y retourner demain. Je me suis aussi dit que si j’étais passé par ces écoles-là, j’aurais gagné 10 ans de vie, de chemin personnel, d’hésitation, etc, qui certes font partie du voyage, mais qui pour certains sont un peu douloureux. Je me suis vraiment dit que ces enseignants-là arrivaient à faire des choses avec les enfants, à les aider à se connaître eux-mêmes, à gérer leurs émotions, à interagir avec les autres d’une manière qui était constructive, etc, qui étaient des choses que j’avais apprises beaucoup plus tard dans ma vie. L’étincelle, elle est née à ce moment-là.

GRÉGORY : On est dans une période de confinement, donc nécessairement l’école est fermée. Ça pose énormément de questionnements aux parents, mais aussi aux professeurs, mais aussi, je pense de manière plus générale, à comment on organise l’éducation à distance. Je pense que c’est un sujet qui va vraiment beaucoup parler en ce moment aux personnes qui nous écoutent. Qu’est-ce que toi, tu as découvert et compris à travers ton documentaire ? Pourquoi tu fais un second documentaire par rapport au premier qui avait déjà eu un gros succès ?

JUDITH : Déjà, pour revenir sur ce que tu disais au début, sur la période qu’on est en train de vivre, qui est une période qui exige de tous les parents de recourir à des trésors d’inventivité pour occuper leurs enfants et leur permettre d’apprendre, c’est une période dans laquelle les enseignants sont en très grande difficulté parce qu’ils essayent de se débrouiller comme ils peuvent avec les outils numériques qu’ils ont qui ne fonctionnent globalement pas, et pour rester en contact avec leurs élèves qui ne sont pas équipés et qui sont les élèves qui ont le plus besoin d’être en lien avec l’école. Je pense que cette période, qui est extrêmement difficile et compliquée pour tout le monde, elle a une seule vertu, c’est de nous obliger à appuyer sur le bouton pause. Le débat sur l’éducation en France, c’est une dictature du temps court, il suit le temps du politique. Chaque nouveau ministre arrive et veut imposer sa réforme, veut tout changer, veut déconstruire ce qui a été fait juste avant lui, mais le temps de l’éducation, ce n’est pas le temps du politique, c’est un temps qui est long et le temps sur lequel on a besoin de se caler, c’est le temps du monde dans lequel vivront les enfants qui sont aujourd’hui à l’école. Ça, ça nécessite un débat de fond, une réflexion profonde et un débat de société qui inclut absolument tous les acteurs, que ce soit les enseignants, mais aussi tous les autres membres de la communauté éducative, les parents et les enfants, etc. Je pense qu’on a absolument besoin de prendre ce temps, de réfléchir ensemble et d’avoir ce débat pour construire l’école dont on a envie et surtout l’école dont on a besoin. Pourquoi un second documentaire ? Parce que le premier, il s’est fait à partir d’une commande au départ de 4 vidéos de 3 minutes grâce à l’association Ashoka. On l’a fait un petit peu avec des bouts de ficelle, c’est-à-dire qu’on a tourné des images qui, au départ, étaient destinées à des petites vidéos, et de tout ça, on a fait un film. Donc nécessairement, et aussi parce que c’était mon premier film, il y a plein de choses qui étaient améliorables, infiniment améliorables. Par ailleurs, à force aussi de faire des débats, parce qu’il y en a eu beaucoup autour du film, d’en parler, de faire des conférences, etc, ma réflexion sur le sujet, qui n’est pas une réflexion d’experte, elle a évolué. Par exemple, il y avait des écoles publiques et des écoles privées, je me suis rendu compte que même si je sais qu’il se passe des choses merveilleuses dans l’école privée et qu’il y a des gens formidables dans l’école privée, si on veut vraiment transformer le système éducatif et si on veut vraiment garantir une égalité réelle entre les enfants, c’est l’école publique qu’il faut transformer. Pour transformer l’école publique, il valait mieux montrer de l’école publique et encore plus, il valait mieux montrer les endroits où c’était finalement le plus compliqué. J’ai choisi de tourner pendant une année scolaire entière dans 3 classes de 3 régions différentes et de 3 niveaux différents. Il y a une classe de primaire en Gironde, une classe de collège à Perpignan et une classe de lycée au Bourget dans le 93, qui sont des classes qui sont finalement aussi ordinaires qu’extraordinaires. J’ai voulu montrer des enseignants et des élèves qui, malgré toutes les difficultés, cherchent, essayent, se trompent, recommencent. Je voulais montrer comment des enfants et des adultes grandissent ensemble dans une classe sur le temps long, alors que dans le premier film, on était sûr des temps plutôt courts. 

GRÉGORY : Effectivement, on a tendance à reprocher à toutes les écoles, que ce sont des écoles privées et que nécessairement, la majorité des gens n’y ont pas accès. Là, ce que tu as voulu faire, c’est exclusivement d’aller dans des écoles publiques.

JUDITH : C’est exclusivement de l’école publique et surtout, on ne se rend pas compte du nombre d’initiatives extraordinaires qui existent au sein de l’école publique. C’est un phénomène un peu médiatique autour du privé et Montessori particulièrement, alors que dans la plus petite école de quartier, il se passe des choses merveilleuses. Ce que je veux faire, c’est mettre en lumière finalement ces initiatives et ces enseignants qui sont très nombreux, qui sont partout sur le territoire et auxquels j’ai envie de rendre hommage parce qu’ils sont incroyablement engagés, ils sont extrêmement créatifs et ils sont très courageux. Il y a énormément d’enseignants en France aujourd’hui qui se sentent seuls, qui se sentent démunis et qui même parfois, se sentent souvent méprisés aussi bien par la société que par l’institution. Je pense que c’est très, très important de les mettre en valeur, de leur dire merci, et je crois que les parents en France en ce moment sont en train de se rendre compte à quel point c’est difficile de faire le métier qu’ils font.

GRÉGORY : J’ai vu une sorte de phrase rigolote comme ça qui disait après le confinement, finalement, je me rends compte que ce n’est peut-être pas le professeur le problème.

JUDITH : C’est ça. Je crois que ça invite tout le monde à une certaine humilité. Franchement, pour avoir passé pas mal de temps dans les écoles, pour les tournages etc. Moi, je sors d’une journée de tournage lessivée et ce n’est pas moi qui aie fait cours. Enfin, je veux dire être dans une salle de classe avec 30 enfants ou 30 adolescents d’ailleurs, et maintenir leur attention et les engager dans les apprentissages, etc, c’est vraiment un métier extrêmement difficile, et je trouve ça bien finalement que les gens s’en rendent compte aujourd’hui un petit peu plus qu’hier.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Judith Grumbach est réalisatrice. Elle avait réalisé un premier documentaire sur l’école “Une idée folle” qui avait connu un très large succès et généré de nombreuses conversations.

Judith est passionnée par l’école et porte très haut son estime pour ces personnes qui donne leur temps, leur énergie, leur ingéniosité et leur humanité pour faire grandir nos enfants.

“Devenir grand” c’est le nom de son nouveau documentaire diffusé ce soir (mardi 31 mars 2020 à 23h10) sur France 2 mais qui sera ensuite disponible en replay.

Cela fait très longtemps que nous discutons avec Judith de faire un épisode ensemble et la crise du covid19 que nous traversons permet de faire réaliser à tout ceux qui l’avait peut être oublié, le rôle essentiel que joue les instituteurs et autre professeurs des écoles.

Cette fois elle a suivi quelques professeurs de l’école publique à différents niveaux de classe pour montrer que l’école n’est pas qu’un lieu d’apprentissage mais aussi et surtout un lieu de socialisation.

Le confinement que nous vivons tous plus ou moins en ce moment nous montre bien à quel point cela est crucial et important.

J’espère que cet épisode vous touchera et vous donnera envie de regarder le documentaire de Judith qui me semble important pour une profession que nous avons trop délaissé alors que nous savons tout.e.s que l’éducation est au commencement de tout.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Tu as fait 2 documentaires sur l’école, il y a le deuxième qui va être diffusé ce soir sur France 2. C’est très étrange parce que je ne fais jamais vraiment d’épisode comme ça, au pied levé sur Vlan. Mais je suis ravi de le faire avec toi. Qu’est-ce qui t’a intéressé dans l’école pour que tu souhaites en faire un documentaire à l’origine ?

JUDITH : Je crois que c’est toujours un peu difficile de savoir pourquoi on est intéressé par l’école. Parce qu’à mon avis, il y a des sujets qui sont extrêmement personnels et assez psychanalytiques. En tout cas, quand j’ai débarqué dans les classes que j’ai eu la chance de visiter au départ, je me suis dit 2 choses. D’abord, moi qui avais quitté l’école en courant, je me suis dit là, dans une école comme ça, je veux bien y retourner demain. Je me suis aussi dit que si j’étais passé par ces écoles-là, j’aurais gagné 10 ans de vie, de chemin personnel, d’hésitation, etc, qui certes font partie du voyage, mais qui pour certains sont un peu douloureux. Je me suis vraiment dit que ces enseignants-là arrivaient à faire des choses avec les enfants, à les aider à se connaître eux-mêmes, à gérer leurs émotions, à interagir avec les autres d’une manière qui était constructive, etc, qui étaient des choses que j’avais apprises beaucoup plus tard dans ma vie. L’étincelle, elle est née à ce moment-là.

GRÉGORY : On est dans une période de confinement, donc nécessairement l’école est fermée. Ça pose énormément de questionnements aux parents, mais aussi aux professeurs, mais aussi, je pense de manière plus générale, à comment on organise l’éducation à distance. Je pense que c’est un sujet qui va vraiment beaucoup parler en ce moment aux personnes qui nous écoutent. Qu’est-ce que toi, tu as découvert et compris à travers ton documentaire ? Pourquoi tu fais un second documentaire par rapport au premier qui avait déjà eu un gros succès ?

JUDITH : Déjà, pour revenir sur ce que tu disais au début, sur la période qu’on est en train de vivre, qui est une période qui exige de tous les parents de recourir à des trésors d’inventivité pour occuper leurs enfants et leur permettre d’apprendre, c’est une période dans laquelle les enseignants sont en très grande difficulté parce qu’ils essayent de se débrouiller comme ils peuvent avec les outils numériques qu’ils ont qui ne fonctionnent globalement pas, et pour rester en contact avec leurs élèves qui ne sont pas équipés et qui sont les élèves qui ont le plus besoin d’être en lien avec l’école. Je pense que cette période, qui est extrêmement difficile et compliquée pour tout le monde, elle a une seule vertu, c’est de nous obliger à appuyer sur le bouton pause. Le débat sur l’éducation en France, c’est une dictature du temps court, il suit le temps du politique. Chaque nouveau ministre arrive et veut imposer sa réforme, veut tout changer, veut déconstruire ce qui a été fait juste avant lui, mais le temps de l’éducation, ce n’est pas le temps du politique, c’est un temps qui est long et le temps sur lequel on a besoin de se caler, c’est le temps du monde dans lequel vivront les enfants qui sont aujourd’hui à l’école. Ça, ça nécessite un débat de fond, une réflexion profonde et un débat de société qui inclut absolument tous les acteurs, que ce soit les enseignants, mais aussi tous les autres membres de la communauté éducative, les parents et les enfants, etc. Je pense qu’on a absolument besoin de prendre ce temps, de réfléchir ensemble et d’avoir ce débat pour construire l’école dont on a envie et surtout l’école dont on a besoin. Pourquoi un second documentaire ? Parce que le premier, il s’est fait à partir d’une commande au départ de 4 vidéos de 3 minutes grâce à l’association Ashoka. On l’a fait un petit peu avec des bouts de ficelle, c’est-à-dire qu’on a tourné des images qui, au départ, étaient destinées à des petites vidéos, et de tout ça, on a fait un film. Donc nécessairement, et aussi parce que c’était mon premier film, il y a plein de choses qui étaient améliorables, infiniment améliorables. Par ailleurs, à force aussi de faire des débats, parce qu’il y en a eu beaucoup autour du film, d’en parler, de faire des conférences, etc, ma réflexion sur le sujet, qui n’est pas une réflexion d’experte, elle a évolué. Par exemple, il y avait des écoles publiques et des écoles privées, je me suis rendu compte que même si je sais qu’il se passe des choses merveilleuses dans l’école privée et qu’il y a des gens formidables dans l’école privée, si on veut vraiment transformer le système éducatif et si on veut vraiment garantir une égalité réelle entre les enfants, c’est l’école publique qu’il faut transformer. Pour transformer l’école publique, il valait mieux montrer de l’école publique et encore plus, il valait mieux montrer les endroits où c’était finalement le plus compliqué. J’ai choisi de tourner pendant une année scolaire entière dans 3 classes de 3 régions différentes et de 3 niveaux différents. Il y a une classe de primaire en Gironde, une classe de collège à Perpignan et une classe de lycée au Bourget dans le 93, qui sont des classes qui sont finalement aussi ordinaires qu’extraordinaires. J’ai voulu montrer des enseignants et des élèves qui, malgré toutes les difficultés, cherchent, essayent, se trompent, recommencent. Je voulais montrer comment des enfants et des adultes grandissent ensemble dans une classe sur le temps long, alors que dans le premier film, on était sûr des temps plutôt courts. 

GRÉGORY : Effectivement, on a tendance à reprocher à toutes les écoles, que ce sont des écoles privées et que nécessairement, la majorité des gens n’y ont pas accès. Là, ce que tu as voulu faire, c’est exclusivement d’aller dans des écoles publiques.

JUDITH : C’est exclusivement de l’école publique et surtout, on ne se rend pas compte du nombre d’initiatives extraordinaires qui existent au sein de l’école publique. C’est un phénomène un peu médiatique autour du privé et Montessori particulièrement, alors que dans la plus petite école de quartier, il se passe des choses merveilleuses. Ce que je veux faire, c’est mettre en lumière finalement ces initiatives et ces enseignants qui sont très nombreux, qui sont partout sur le territoire et auxquels j’ai envie de rendre hommage parce qu’ils sont incroyablement engagés, ils sont extrêmement créatifs et ils sont très courageux. Il y a énormément d’enseignants en France aujourd’hui qui se sentent seuls, qui se sentent démunis et qui même parfois, se sentent souvent méprisés aussi bien par la société que par l’institution. Je pense que c’est très, très important de les mettre en valeur, de leur dire merci, et je crois que les parents en France en ce moment sont en train de se rendre compte à quel point c’est difficile de faire le métier qu’ils font.

GRÉGORY : J’ai vu une sorte de phrase rigolote comme ça qui disait après le confinement, finalement, je me rends compte que ce n’est peut-être pas le professeur le problème.

JUDITH : C’est ça. Je crois que ça invite tout le monde à une certaine humilité. Franchement, pour avoir passé pas mal de temps dans les écoles, pour les tournages etc. Moi, je sors d’une journée de tournage lessivée et ce n’est pas moi qui aie fait cours. Enfin, je veux dire être dans une salle de classe avec 30 enfants ou 30 adolescents d’ailleurs, et maintenir leur attention et les engager dans les apprentissages, etc, c’est vraiment un métier extrêmement difficile, et je trouve ça bien finalement que les gens s’en rendent compte aujourd’hui un petit peu plus qu’hier.

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