Vlan #123 En finir avec l’injonction à l’engagement. Tout est question d’alignement avec Emmanuelle Duez

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Vlan #123 En finir avec l'injonction à l'engagement. Tout est question d'alignement avec Emmanuelle Duez
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GRÉGORY : On va parler d’engagement. Pour toi, c’est quoi l’engagement ?

EMMANUELLE : Pour moi, quand j’étais jeune, l’engagement, c’était une évidence. Je ne me suis pas vraiment posé la question de la définition. Mais c’était une façon d’exprimer ma personnalité. J’ai vraiment compris le sens du mot, la puissance du concept et ce que ce à quoi engage l’engagement, quand je suis devenu officier de réserve pour la Marine nationale, c’était il y a quatre ans maintenant. C’est arrivé totalement par hasard dans ma vie, j’étais à une conférence, je croise un amiral, on intervient ensemble dans la salle, il n’y a que des hommes, que des patrons, pas trop d’accord, avec ce que je suis en train de raconter et qui prennent à partie l’amiral en disant non mais elle est jeune et femme et donc elle dit forcément n’importe quoi, vous qui êtes un grand amiral, conforté nous. L’amiral les a tous défoncés. Donc l’amiral est devenu mon copain. Quand il a compris ce que j’essayais de fabriquer, il m’a demandé de rentrer dans la marine nationale pour essayer de faire rayonner mes sujets dans la marine et de faire rayonner la marine dans la société. J’ai dit non parce que j’étais déjà très engagé, en tout cas, c’est ce que je croyais et donc je n’avais pas de temps. Il m’a dit que ce n’étais pas grave, que je parte dans deux semaines, une semaine sur un porte-hélicoptères qui est un navire de guerre, il ne me demande rien et puis j’en sors et je lui dis si je suis toujours contre cette idée. En fait, sur ce bateau, j’ai été immergé au contact de gens qui s’engagent vraiment. Alors, au sens premier du terme, c’est-à-dire des hommes et des femmes, beaucoup d’hommes, très jeunes qui ont choisi de pratiquement tout donner pour une cause qui les dépasse, dans laquelle ils ne sont pas concernés et qui risque de tout perdre, que personne ne connaît et à qui personne ne dira jamais merci. Là, pour être tout à fait honnête, je me suis pris une une énorme baffe dans la figure parce que j’avais l’impression d’être engagé, en réalité, je n’avais pas compris que l’engagement, au-delà du fait de donner du sens à ces valeurs, c’est surtout prendre le risque de perdre quelque chose et que l’exposition médiatique, c’est un coussin qui est ultra confortable. Donc c’est ça pour moi, l’engagement, ce sont des hommes et des femmes de l’ombre qui servent une cause qui les dépasse et qui, pour la plupart d’entre eux, n’obtiendront jamais rien en retour.

GRÉGORY : Comment tu fais maintenant que tu as dit ça pour vendre aux personnes qui nous écoutent qu’il faut qu’elles s’engagent ? Parce qu’en réalité, quand tu dis ça à priori, tu te dis qu’il n’y a pas trop d’intérêt à s’engager. Moi, ma vie, elle est très sympa, pourquoi je vais m’engager alors que je n’ai rien à y gagner et que ça me dépasse ?

EMMANUELLE : C’est une excellente question. C’est la question que je traite au quotidien au sein de ce projet, puisqu’on essaie de faire en sorte que les hommes et les femmes dans l’entreprise s’engagent ou se réengage pour faire bouger les lignes, pour refondre l’entreprise, pour réinventer le capitalisme si on tire le fil très loin. Et alors, pourquoi? Parce que s’engager au sens, se mettre en mouvement, servir quelque chose qui nous dépasse, c’est extraordinairement porteur de sens d’un point de vue individuel. Donc oui, on est dans l’ombre, oui, ce n’est pas gratifiant parce que personne ne va vous dire merci à la fin du bal. C’est vrai pour les commandos marine, c’est vrai pour les collaborateurs qui font bouger les lignes. Mais en fait, cette mise en mouvement personnel, le fait de servir autre chose que soi, se décentrer, se poser des questions existentielles, mais surtout collectives, sur la différence entre les intérêts personnels, les intérêts collectifs, l’intérêt général, le monde que j’ai envie de léguer à mes enfants demain. C’est extraordinairement puissant en termes de boussoles dans la vie. Il y a des gens pour lesquels ça ne marche pas et ce n’est pas grave, on n’est pas obligé de s’engager, d’ailleurs, il y a plein de gens qui ne s’engagent pas. Mais pour ceux qui se posent la question et qui à un moment donné se disent mais il y a quelque chose qui vibre au fond de moi et je vais me mettre en mouvement. L’engagement, c’est une mise en mouvement, c’est un point de bascule. Ils se rendent compte qu’en fait, peu importe la destination, le chemin est extraordinairement vibrant. Ça rend vivant de s’engager, c’est aussi simple que ça. C’est pour ça que j’ai commencé en disant qu’avant la définition que je t’aurais donnée de l’engagement, c’est que c’était ma façon d’exprimer ma personnalité. Moi, j’ai besoin de me sentir vivante matin, midi et soir, de n’avoir aucun regret. L’engagement à titre très égoïste me permet ça, je me sens en mouvement et je vibre chaque seconde de ma vie.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Emmanuelle Duez est la fondatrice de Boson Project, et de Tchatche, c’est une femme engagée et que j’étais intéressé de recevoir sur Vlan.

Après avoir discuté avec Ghada qui nous a montré dans l’épisode 122 comment elle s’engageait au quotidien auprès de femmes avec la maison des femmes, il était intéressant de prendre un point de vue différent.

Emmanuelle s’engage pour transformer les entreprises de l’intérieur, elle s’engage aussi a rendre accessible et fun la complexité de notre monde, elle s’engage du coté des femmes mais également des militaires.

Pour elle s’engager, c’est se mettre en mouvement pour servir une cause qui nous dépasse et cela est extraordinairement porteur de sens d’un point de vue individuel. C’est ce qui la porte elle et son énergie durant ce podcast devrait vous porter aussi.

Elle explique, entre autre, comment l’ancrage mais aussi l’alignement personnel sont les premières étapes pour s’engager pleinement mais surtout sainement.

On parle également d’optimisme car pour Emmanuelle nous n’avons pas le temps du pessimisme.

Pour Emmanuelle, il est pire de nourrir l’économie de la peur pour vendre ou simplement générer des likes que de ne pas être engagé.e.

On peut tout à fait ne pas être engagé.e et simplement aspirer à vivre sa vie. C’est dans l’histoire humaine, c’est toujours une minorité qui entraine l’ensemble d’une société. Mais si, au fur et à mesure, les spectateurs inactifs ont envie, ils peuvent avancer doucement, à leur vitesse et c’est totalement ok.

Suite à cette enregistrement, Emmanuelle m’a proposé de participé au prochain Tchache qui a lieu le 31 mars au Bataclan.

Je vais donc “me foutre sur la gueule” avec une autre personne sur un sujet qui m’est cher d’ailleurs. Venez si vous le pouvez et si vous le souhaitez.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler d’engagement. Pour toi, c’est quoi l’engagement ?

EMMANUELLE : Pour moi, quand j’étais jeune, l’engagement, c’était une évidence. Je ne me suis pas vraiment posé la question de la définition. Mais c’était une façon d’exprimer ma personnalité. J’ai vraiment compris le sens du mot, la puissance du concept et ce que ce à quoi engage l’engagement, quand je suis devenu officier de réserve pour la Marine nationale, c’était il y a quatre ans maintenant. C’est arrivé totalement par hasard dans ma vie, j’étais à une conférence, je croise un amiral, on intervient ensemble dans la salle, il n’y a que des hommes, que des patrons, pas trop d’accord, avec ce que je suis en train de raconter et qui prennent à partie l’amiral en disant non mais elle est jeune et femme et donc elle dit forcément n’importe quoi, vous qui êtes un grand amiral, conforté nous. L’amiral les a tous défoncés. Donc l’amiral est devenu mon copain. Quand il a compris ce que j’essayais de fabriquer, il m’a demandé de rentrer dans la marine nationale pour essayer de faire rayonner mes sujets dans la marine et de faire rayonner la marine dans la société. J’ai dit non parce que j’étais déjà très engagé, en tout cas, c’est ce que je croyais et donc je n’avais pas de temps. Il m’a dit que ce n’étais pas grave, que je parte dans deux semaines, une semaine sur un porte-hélicoptères qui est un navire de guerre, il ne me demande rien et puis j’en sors et je lui dis si je suis toujours contre cette idée. En fait, sur ce bateau, j’ai été immergé au contact de gens qui s’engagent vraiment. Alors, au sens premier du terme, c’est-à-dire des hommes et des femmes, beaucoup d’hommes, très jeunes qui ont choisi de pratiquement tout donner pour une cause qui les dépasse, dans laquelle ils ne sont pas concernés et qui risque de tout perdre, que personne ne connaît et à qui personne ne dira jamais merci. Là, pour être tout à fait honnête, je me suis pris une une énorme baffe dans la figure parce que j’avais l’impression d’être engagé, en réalité, je n’avais pas compris que l’engagement, au-delà du fait de donner du sens à ces valeurs, c’est surtout prendre le risque de perdre quelque chose et que l’exposition médiatique, c’est un coussin qui est ultra confortable. Donc c’est ça pour moi, l’engagement, ce sont des hommes et des femmes de l’ombre qui servent une cause qui les dépasse et qui, pour la plupart d’entre eux, n’obtiendront jamais rien en retour.

GRÉGORY : Comment tu fais maintenant que tu as dit ça pour vendre aux personnes qui nous écoutent qu’il faut qu’elles s’engagent ? Parce qu’en réalité, quand tu dis ça à priori, tu te dis qu’il n’y a pas trop d’intérêt à s’engager. Moi, ma vie, elle est très sympa, pourquoi je vais m’engager alors que je n’ai rien à y gagner et que ça me dépasse ?

EMMANUELLE : C’est une excellente question. C’est la question que je traite au quotidien au sein de ce projet, puisqu’on essaie de faire en sorte que les hommes et les femmes dans l’entreprise s’engagent ou se réengage pour faire bouger les lignes, pour refondre l’entreprise, pour réinventer le capitalisme si on tire le fil très loin. Et alors, pourquoi? Parce que s’engager au sens, se mettre en mouvement, servir quelque chose qui nous dépasse, c’est extraordinairement porteur de sens d’un point de vue individuel. Donc oui, on est dans l’ombre, oui, ce n’est pas gratifiant parce que personne ne va vous dire merci à la fin du bal. C’est vrai pour les commandos marine, c’est vrai pour les collaborateurs qui font bouger les lignes. Mais en fait, cette mise en mouvement personnel, le fait de servir autre chose que soi, se décentrer, se poser des questions existentielles, mais surtout collectives, sur la différence entre les intérêts personnels, les intérêts collectifs, l’intérêt général, le monde que j’ai envie de léguer à mes enfants demain. C’est extraordinairement puissant en termes de boussoles dans la vie. Il y a des gens pour lesquels ça ne marche pas et ce n’est pas grave, on n’est pas obligé de s’engager, d’ailleurs, il y a plein de gens qui ne s’engagent pas. Mais pour ceux qui se posent la question et qui à un moment donné se disent mais il y a quelque chose qui vibre au fond de moi et je vais me mettre en mouvement. L’engagement, c’est une mise en mouvement, c’est un point de bascule. Ils se rendent compte qu’en fait, peu importe la destination, le chemin est extraordinairement vibrant. Ça rend vivant de s’engager, c’est aussi simple que ça. C’est pour ça que j’ai commencé en disant qu’avant la définition que je t’aurais donnée de l’engagement, c’est que c’était ma façon d’exprimer ma personnalité. Moi, j’ai besoin de me sentir vivante matin, midi et soir, de n’avoir aucun regret. L’engagement à titre très égoïste me permet ça, je me sens en mouvement et je vibre chaque seconde de ma vie.

La suite à écouter sur Vlan !

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