Vlan #122 Les violences faîtes aux femmes sont l’affaire de tout.e.s

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Vlan #122 Les violences faîtes aux femmes sont l'affaire de tout.e.s
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GRÉGORY : Vous avez fondé la Maison des femmes qui aide les femmes qui ont souffert de violences, masculines principalement.

CHADA : Il y a des violences féminines, il y a des violences maternelles, mais on en reparlera.

GRÉGORY : Pour ceux qui ne connaissent pas, je ne sais pas s’ils sont nombreux, nombreuses. Vous pouvez réexpliquer ce que c’est que la maison des femmes ?

CHADA : Oui, bien sûr. Alors très succinctement, c’est un lieu de soin puisque nous sommes essentiellement des médecins, des sages-femmes, des psychologues. Notre postulat, c’est qu’une femme qui est victime de violences ou de choses extrêmement dures dans sa vie va probablement plus facilement parler à un personnel soignant et que c’est une très bonne façon d’entrer en interaction avec elle et de comprendre pourquoi elle va mal et de lui proposer un parcours de soins. Donc, la Maison des femmes propose ce parcours de soins aux femmes qui ont subi, ça peut être un viol, ça peut être un inceste dans l’enfance, ça peut être des violences conjugales actuelles, ça peut être des violences éducatives, ça peut être des violences à l’école, des cyberviolences, de la prostitution, etc, le nombre de problèmes est immense.

GRÉGORY : Comment vous arrivez à faire rompre le silence ? Parce que souvent, on l’a vu dernièrement, il y a beaucoup de femmes qui maintenant, avec le mouvement #MeeToo et autres, qui se permettent entre guillemets de prendre la parole, ce qui est largement souhaitable. Mais c’est vrai que du coup, on se rend compte que par défaut, il y avait une chape de plomb avant. Comment on libère cette chape ?

CHADA : Alors en tant que soignants, on a quand même accès à l’intimité différemment des médias ou du grand public. Il y a la loi du silence, on la connaît bien, c’est celle qui profite aux agresseurs puisque c’est en faisant régner cette loi qu’ils s’assurent de leur impunité. Donc plus vous réduisez votre victime au silence et plus, vous êtes tranquilles. Lorsque vous êtes avec votre médecin ou votre sage-femme et que vous parlez de choses intimes et de difficultés spécifiques, forcément, si la personne en face est quand même douée d’empathie, c’est un petit peu formé aux techniques d’écoute, on va pouvoir aller sur des sujets très personnels et la parole va se libérer. Après, ça ne veut pas dire que nous, chez une femme adulte, on va appeler les médias pour dire ma patiente, elle a été violée par son prof de tennis ou autre. Mais nous, il y a des choses qu’on sait et que les femmes n’ont pas dit, ni à leur entourage ni à personne. Aujourd’hui, évidemment, les femmes se sentent plus légitimes à parler parce que certaines ont osé crever cette chape du silence et se disent j’ai le droit de parler moi aussi. Mais nous, ça fait longtemps qu’elles nous parlent.

GRÉGORY : C’est une vision quasiment holistique de la médecine, finalement. Souvent, ce qu’on reproche à la médecine occidentale, c’est de prendre un problème et de le régler, mais sans réfléchir à l’origine du souci. Là, vous avez forcément une vision holistique, c’est-à-dire, vous repartez de l’origine du problème. Alors ça peut être très concret quand on a été violé et qu’on doit avorter, par exemple, mais ça peut être plus insidieux, comme des choses qui remontent à l’enfance.

CHADA : Il y a différentes façons d’exercer la médecine. Bien sûr, il y a la médecine d’organe. C’est-à-dire, je suis cancérologue et je suis spécialisée dans le cancer du sein. Bon, je vais soigner que des femmes qui ont des cancers du sein et je vais peut-être pas passer 1 h à me demander si leur maman était gentil avec elle ou si leur frère les a violées. Encore que ça aurait été intéressant parce que cette violence-là peut expliquer la survenue d’un cancer par exemple. Il y a une gynécologie plus sociale qui, elle, s’intéresse à cette femme, cet être humain qu’on a en face de nous et qui a une vie, qui a des antécédents familiaux, qui a une famille, qui a un métier, qui a un conjoint. Mais il faut aimer faire cette médecine-là. Il faut aimer les gens, il faut aimer aller un petit peu dans leur intimité pour mieux les comprendre. Vous avez raison, c’est compliqué. Je viens de voir une jeune fille qui vient me voir parce qu’elle a une sexualité pourrie qu’elle attribue à son excision. Mais en fait, cette gamine a fui son pays africain parce que ses parents ont été tués, elle est arrivée en France, elle n’avait pas de famille, elle a été élevée par l’aide sociale à l’enfance dans un foyer. Vous imaginez qu’est-ce que c’est comme enfance, on ne lui a jamais parlé de sexe, on ne l’a jamais parlé d’émotion, on ne l’a jamais pris dans ses bras. Évidemment qu’elle est en galère avec sa sexualité. Donc là, on part de l’excision et on arrive à la douleur de l’enfance et à l’accompagnement. Il va falloir un peu réparer tout ça, ça va être long et la réponse que je vais lui donner, ce n’est pas je vais te réparer ton clitoris parce que ça ne va rien changer, que je fasse ça. Il faut remonter, il faut reprendre tout, tout à zéro.

GRÉGORY : J’aimerais bien qu’on se pose deux minutes sur les violences faites aux femmes parce que je crois qu’il y a un certain nombre d’hommes qui, à force d’entendre parler des femmes, se disent, c’est bon, le problème est réglé, alors qu’en réalité ce n’est pas du tout le cas. Quels que soient les quartiers et quelles que soient les cultures, même si dans certaines cultures évidemment, c’est d’autant plus présent, j’aimerais que vous partagiez le concret de ce que vivent un certain nombre de femmes.

CHADA : Le tableau est plein de nuances. Il peut y avoir des difficultés liées à des violences conjugales dans des quartiers extrêmement huppés, avec des femmes qui ont fait des études, qui n’ont pas de problèmes financiers, mais qui se retrouvent dans une relation toxique, dans une relation d’emprise dont elles ont du mal à se défaire. Tout comme vous pouvez avoir contracté un mariage par Internet au fin fond de votre Maghreb et être arrivé en France et tomber sur un imposteur qui en fait avait juste envie d’une bonne et peut être une esclave sexuelle. Ce n’est pas tout à fait la même histoire, mais l’expression de la violence est la même, c’est-à-dire que c’est l’emprise d’un être humain sur un autre, et il est plus fréquemment en défaveur d’un homme sur une femme, c’est ce qui est le plus fréquent. Mais on le retrouve aussi dans toutes les situations ou il y a du pouvoir, puisqu’on voit aujourd’hui que dans tous les domaines ou il y a des enfants en situation d’emprise par des adultes, donc que ce soit le sport, que ce soit l’église, que ce soit le cinéma, que ce soit l’école, le processus est le même et il intervient aussi bien sur les petites filles que sur les petits garçons. Donc, dès qu’il y a pouvoir, emprise, toute puissance et sexualité, on se retrouve dans ce genre de dynamique.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Ghada Hatem Gantzer est une femme incroyable, gynécologue de profession, elle a créé la Maison des Femmes qui aide celles qui ont souffert de violences physiques ou morales.

Elle se donne corps et âme à son association et cet engagement est beau, exemplaire et tellement inspirant.

Avec ce qui s’est passé aux Césars cette année, cela me semblait indispensable de diffuser cet épisode maintenant à plusieurs titres.

D’abord pour dire que les violences faites aux femmes sont une réalité actuelle qu’il ne faut pas minimiser mais aussi que ces violences concernent tout le monde et pas seulement les femmes.

Il ne s’agit ni d’une mouvance, ni d’un parti ou encore d’un discours mais d’une réalité qui doit cesser.

Il ne doit pas y avoir de guerre des sexes car les violences faites aux femmes touchent tout le monde en particulier dans l’éducation.

Ghada nous expose ici ce qu’elle fait avec toute son équipe au quotidien pour aider les femmes, nous expliquent aussi que dans les beaux quartiers les problèmes existent aussi (au cas ou vous auriez un doute).

Heureusement la chape de silence tombe et beaucoup semblent surpris ou font semblant de ne pas être concernés.

C’est une mission importante que celle de la maison des femmes qui commence à faire des petits un peu partout en France.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Vous avez fondé la Maison des femmes qui aide les femmes qui ont souffert de violences, masculines principalement.

CHADA : Il y a des violences féminines, il y a des violences maternelles, mais on en reparlera.

GRÉGORY : Pour ceux qui ne connaissent pas, je ne sais pas s’ils sont nombreux, nombreuses. Vous pouvez réexpliquer ce que c’est que la maison des femmes ?

CHADA : Oui, bien sûr. Alors très succinctement, c’est un lieu de soin puisque nous sommes essentiellement des médecins, des sages-femmes, des psychologues. Notre postulat, c’est qu’une femme qui est victime de violences ou de choses extrêmement dures dans sa vie va probablement plus facilement parler à un personnel soignant et que c’est une très bonne façon d’entrer en interaction avec elle et de comprendre pourquoi elle va mal et de lui proposer un parcours de soins. Donc, la Maison des femmes propose ce parcours de soins aux femmes qui ont subi, ça peut être un viol, ça peut être un inceste dans l’enfance, ça peut être des violences conjugales actuelles, ça peut être des violences éducatives, ça peut être des violences à l’école, des cyberviolences, de la prostitution, etc, le nombre de problèmes est immense.

GRÉGORY : Comment vous arrivez à faire rompre le silence ? Parce que souvent, on l’a vu dernièrement, il y a beaucoup de femmes qui maintenant, avec le mouvement #MeeToo et autres, qui se permettent entre guillemets de prendre la parole, ce qui est largement souhaitable. Mais c’est vrai que du coup, on se rend compte que par défaut, il y avait une chape de plomb avant. Comment on libère cette chape ?

CHADA : Alors en tant que soignants, on a quand même accès à l’intimité différemment des médias ou du grand public. Il y a la loi du silence, on la connaît bien, c’est celle qui profite aux agresseurs puisque c’est en faisant régner cette loi qu’ils s’assurent de leur impunité. Donc plus vous réduisez votre victime au silence et plus, vous êtes tranquilles. Lorsque vous êtes avec votre médecin ou votre sage-femme et que vous parlez de choses intimes et de difficultés spécifiques, forcément, si la personne en face est quand même douée d’empathie, c’est un petit peu formé aux techniques d’écoute, on va pouvoir aller sur des sujets très personnels et la parole va se libérer. Après, ça ne veut pas dire que nous, chez une femme adulte, on va appeler les médias pour dire ma patiente, elle a été violée par son prof de tennis ou autre. Mais nous, il y a des choses qu’on sait et que les femmes n’ont pas dit, ni à leur entourage ni à personne. Aujourd’hui, évidemment, les femmes se sentent plus légitimes à parler parce que certaines ont osé crever cette chape du silence et se disent j’ai le droit de parler moi aussi. Mais nous, ça fait longtemps qu’elles nous parlent.

GRÉGORY : C’est une vision quasiment holistique de la médecine, finalement. Souvent, ce qu’on reproche à la médecine occidentale, c’est de prendre un problème et de le régler, mais sans réfléchir à l’origine du souci. Là, vous avez forcément une vision holistique, c’est-à-dire, vous repartez de l’origine du problème. Alors ça peut être très concret quand on a été violé et qu’on doit avorter, par exemple, mais ça peut être plus insidieux, comme des choses qui remontent à l’enfance.

CHADA : Il y a différentes façons d’exercer la médecine. Bien sûr, il y a la médecine d’organe. C’est-à-dire, je suis cancérologue et je suis spécialisée dans le cancer du sein. Bon, je vais soigner que des femmes qui ont des cancers du sein et je vais peut-être pas passer 1 h à me demander si leur maman était gentil avec elle ou si leur frère les a violées. Encore que ça aurait été intéressant parce que cette violence-là peut expliquer la survenue d’un cancer par exemple. Il y a une gynécologie plus sociale qui, elle, s’intéresse à cette femme, cet être humain qu’on a en face de nous et qui a une vie, qui a des antécédents familiaux, qui a une famille, qui a un métier, qui a un conjoint. Mais il faut aimer faire cette médecine-là. Il faut aimer les gens, il faut aimer aller un petit peu dans leur intimité pour mieux les comprendre. Vous avez raison, c’est compliqué. Je viens de voir une jeune fille qui vient me voir parce qu’elle a une sexualité pourrie qu’elle attribue à son excision. Mais en fait, cette gamine a fui son pays africain parce que ses parents ont été tués, elle est arrivée en France, elle n’avait pas de famille, elle a été élevée par l’aide sociale à l’enfance dans un foyer. Vous imaginez qu’est-ce que c’est comme enfance, on ne lui a jamais parlé de sexe, on ne l’a jamais parlé d’émotion, on ne l’a jamais pris dans ses bras. Évidemment qu’elle est en galère avec sa sexualité. Donc là, on part de l’excision et on arrive à la douleur de l’enfance et à l’accompagnement. Il va falloir un peu réparer tout ça, ça va être long et la réponse que je vais lui donner, ce n’est pas je vais te réparer ton clitoris parce que ça ne va rien changer, que je fasse ça. Il faut remonter, il faut reprendre tout, tout à zéro.

GRÉGORY : J’aimerais bien qu’on se pose deux minutes sur les violences faites aux femmes parce que je crois qu’il y a un certain nombre d’hommes qui, à force d’entendre parler des femmes, se disent, c’est bon, le problème est réglé, alors qu’en réalité ce n’est pas du tout le cas. Quels que soient les quartiers et quelles que soient les cultures, même si dans certaines cultures évidemment, c’est d’autant plus présent, j’aimerais que vous partagiez le concret de ce que vivent un certain nombre de femmes.

CHADA : Le tableau est plein de nuances. Il peut y avoir des difficultés liées à des violences conjugales dans des quartiers extrêmement huppés, avec des femmes qui ont fait des études, qui n’ont pas de problèmes financiers, mais qui se retrouvent dans une relation toxique, dans une relation d’emprise dont elles ont du mal à se défaire. Tout comme vous pouvez avoir contracté un mariage par Internet au fin fond de votre Maghreb et être arrivé en France et tomber sur un imposteur qui en fait avait juste envie d’une bonne et peut être une esclave sexuelle. Ce n’est pas tout à fait la même histoire, mais l’expression de la violence est la même, c’est-à-dire que c’est l’emprise d’un être humain sur un autre, et il est plus fréquemment en défaveur d’un homme sur une femme, c’est ce qui est le plus fréquent. Mais on le retrouve aussi dans toutes les situations ou il y a du pouvoir, puisqu’on voit aujourd’hui que dans tous les domaines ou il y a des enfants en situation d’emprise par des adultes, donc que ce soit le sport, que ce soit l’église, que ce soit le cinéma, que ce soit l’école, le processus est le même et il intervient aussi bien sur les petites filles que sur les petits garçons. Donc, dès qu’il y a pouvoir, emprise, toute puissance et sexualité, on se retrouve dans ce genre de dynamique.

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