Vlan #110 Pourquoi les artistes peuvent changer le monde avec Abd Al Malik

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GRÉGORY : Sur ce podcast, j’essaie de parler de liens, de liens à soi, de liens aux autres et de liens à la nature. Mais surtout, j’essaie d’envisager de nouveaux récits. Pour moi, ce qui pose un problème dans cette société, c’est que les récits ne bougent pas et on attend des gens qu’ils bougent, c’est-à-dire qu’on leur dit que le bonheur, c’est l’argent, le pouvoir, les possessions et on attend d’eux qu’il soit par exemple écologique. Effectivement, ça ne fonctionne pas et à mon sens, les artistes ont un rôle primordial dans le changement de cette société. Parce qu’effectivement, si dans la musique, dans les films, au théâtre, etc, on continue à te raconter ce récit-là du bonheur, par exemple, naturellement, tu vas suivre ce modèle-là. Typiquement, si on te montre des films violents ou si on te montre un mec sur un yacht incroyable, sur une mer translucide, forcément, tu vas vouloir aller vers là, alors que si on raconte un autre récit, ça peut changer. J’ai la sensation que tu es un de ces artistes vraiment proéminent sur le sujet, qui positionne une nouvelle manière de faire société ou en tout cas qui essaye de d’envisager d’autres manières de faire société. Tu peux me dire toi comment tu envisages ton travail par rapport à cette question.

ABD : Moi, j’ai presque envie de dire que c’est le cœur de mon travail, tout ce que tu es en train de dire, c’est-à-dire comment écrire un autre récit. J’ai même envie de te dire que moi, mon idée, c’est d’écrire aussi, de réfléchir à un nouveau récit national qui intégrerait l’Europe et le monde, fatalement, puisqu’on vit avec l’Europe et le monde d’une certaine manière. Comment ça influe et comment rendre sexy l’intelligence ? D’une certaine manière, parce qu’en fait, la clé, c’est que si on fait que la promo d’une pensée binaire ou tu peux être heureux, il faut l’avoir et on vit dans une société, où l’avoir va compter plus que l’être. Enfin, toutes ces choses-là, ça fait que fondamentalement, on a la société qu’on mérite, on a le monde qu’on mérite et que la réalité, c’est qu’il faut revenir au commencement et revenir au commencement, c’est là où on se trouve, nous autres artistes, puisqu’on travaille directement sur les imaginaires. Précisément, tu as dit tout à l’heure que si on fait la promotion de telle valeur au cinéma, dans la musique, sur Instagram, les réseaux sociaux, etc, on fait la promo d’une certaine culture. Donc, il faut changer ça si tu veux. Si on ne veut pas une société violente, il ne faut pas faire la culture de la violence, il faut faire la culture de la non-violence si on veut un autre regard lié à la femme, etc. J’ai le sentiment que nous autres artistes, on est au cœur de ce processus, encore une fois, parce qu’on travaille sur les imaginaires. Donc forcément, on permet le changement des êtres d’une manière concrète et réelle et surtout profonde.

GRÉGORY : Comment tu définis un artiste ? 

ABD : Pour moi, un artiste, c’est un être qui a le courage d’être vraiment lui-même ou elle-même. C’est-à-dire qui pense que sa force, c’est sa singularité, son particularisme. D’une certaine manière, en disant ça, c’est faire la promotion de ce que chacun est légitime à être. D’une certaine manière, moi, je considère qu’on est un peu comme des chauffeurs de salle, on met l’ambiance, mais on la crée cette ambiance. On crée cette ambiance et elle devient réelle. Quand je te dis tout à l’heure que rendre sexy l’intelligence, ça veut dire qu’à un moment donné, ce qui sera cool, c’est de rendre cool. La réflexion, c’est de rendre cool la nuance, c’est de rendre cool la complexité, c’est de rendre cool la capacité, de prendre du recul, etc. Ce qui est l’inverse de ce qu’on vit actuellement. Pour moi, un artiste, c’est ça. Souvent, il y a une confusion, aujourd’hui en tout cas, entre artiste et businessman et homme d’affaires ou femme d’affaires. Il y a même des femmes d’affaires ou des hommes d’affaires qui se prennent véritablement pour des artistes et des artistes qui se prennent pour des hommes ou des femmes d’affaires. Mais in fine, quelque part dans la société idéale, à partir du moment où on aura réussi ce qu’on est en train d’essayer, et bien, on est tous des artistes et notre œuvre finalement, c’est notre vie en fait.

GRÉGORY : Mais alors du coup, comment tu fais cet équilibre entre il faut quand même manger et puis être engagé ? Parce que c’est vrai que typiquement pour un chanteur, c’est facile de faire ce qu’on appelle de la soupe, c’est-à-dire des trucs qui vont être très commerciaux. C’est autrement plus difficile d’avoir une position. Et en même temps, j’ai l’impression que les gens attendent ça, mais qu’ils n’achètent pas. C’est très particulier. 

ABD : Il y a besoin d’équilibre en toute chose. C’est Camus qui dit “un artiste, il est entre le refus et le consentement”. Le refus, j’ai envie de dire, c’est le fait d’être radical dans sa proposition artistique, véritablement être soi, aller jusqu’au bout, etc, ça, c’est le refus et le consentement, ça serait par exemple toi et moi en train de faire cette interview parce que je veux vendre. D’une certaine manière, ce sont mes tripes que je mets en avant, mais j’ai conscience que mes tripes, je dois bien les positionner sur un étal parce que les gens vont acheter si tu veux. C’est cet équilibre mais jusqu’à quel point on doit le trouver. J’ai envie de te dire, c’est que cet équilibre, c’est consubstantiel au fait d’être un être humain. On doit trouver un équilibre en toute chose. L’extrémisme, de toutes les manières, ce n’est jamais bon. Il y a un esprit de balance et d’équilibre. C’est en ce sens là où on peut avoir des valeurs. On peut être des femmes, des hommes de principe et en même temps gagner de l’argent, ce n’est pas paradoxal. Mais est-ce que le fait de gagner de l’argent est antinomique par rapport à des valeurs qui sont les nôtres ou soi-disant les nôtres ? Est-ce qu’on peut se regarder dans une glace ?

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Abd Al Malik est un artiste touche à tout, s’il a débuté par le rap, il est ensuite allé vers l’écriture puis les pièces de théâtre et le cinéma afin de changer le monde à son niveau. Car c’est surtout un artiste aux idées bien trempées et réfléchies au discours éloquent. Pour moi, il représente la nouvelle vague des poètes, de ces auteurs qui marqueront leur temps par leur exigence et leur volonté.

Il est convaincu que les artistes peuvent sauver le monde, car en travaillant directement sur les imaginaires, ils sont au cœur du processus.

Il défend l’idée « qu’un artiste est un être qui a le courage d’être vraiment lui-même. Il puise sa force dans la singularité et cela implique que chacun est légitime d’être qui il est. »

Si nous ne pouvons réécrire l’histoire, il faut pourtant se repositionner et changer de regard. Là est le rôle de l’artiste. En tant que raconteur d’histoire, il connait le passé tout en ayant conscience que de là où il se trouve, il créé du mythe. 

C’est de cela que nous parlons avec Abd Al Malik et de beaucoup d’autres choses que je vous laisse découvrir à l’écoute de cet épisode.

J’aimerais tant que tous les artistes puissent entendre ce discours car ils jouent un rôle décisif chacun à leur niveau comme nous jouons chacun un rôle à notre niveau également.

Comme le souligne Abd Al Malik, si on touche une âme, on touche le monde.

Bonne écoute!

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Sur ce podcast, j’essaie de parler de liens, de liens à soi, de liens aux autres et de liens à la nature. Mais surtout, j’essaie d’envisager de nouveaux récits. Pour moi, ce qui pose un problème dans cette société, c’est que les récits ne bougent pas et on attend des gens qu’ils bougent, c’est-à-dire qu’on leur dit que le bonheur, c’est l’argent, le pouvoir, les possessions et on attend d’eux qu’il soit par exemple écologique. Effectivement, ça ne fonctionne pas et à mon sens, les artistes ont un rôle primordial dans le changement de cette société. Parce qu’effectivement, si dans la musique, dans les films, au théâtre, etc, on continue à te raconter ce récit-là du bonheur, par exemple, naturellement, tu vas suivre ce modèle-là. Typiquement, si on te montre des films violents ou si on te montre un mec sur un yacht incroyable, sur une mer translucide, forcément, tu vas vouloir aller vers là, alors que si on raconte un autre récit, ça peut changer. J’ai la sensation que tu es un de ces artistes vraiment proéminent sur le sujet, qui positionne une nouvelle manière de faire société ou en tout cas qui essaye de d’envisager d’autres manières de faire société. Tu peux me dire toi comment tu envisages ton travail par rapport à cette question.

ABD : Moi, j’ai presque envie de dire que c’est le cœur de mon travail, tout ce que tu es en train de dire, c’est-à-dire comment écrire un autre récit. J’ai même envie de te dire que moi, mon idée, c’est d’écrire aussi, de réfléchir à un nouveau récit national qui intégrerait l’Europe et le monde, fatalement, puisqu’on vit avec l’Europe et le monde d’une certaine manière. Comment ça influe et comment rendre sexy l’intelligence ? D’une certaine manière, parce qu’en fait, la clé, c’est que si on fait que la promo d’une pensée binaire ou tu peux être heureux, il faut l’avoir et on vit dans une société, où l’avoir va compter plus que l’être. Enfin, toutes ces choses-là, ça fait que fondamentalement, on a la société qu’on mérite, on a le monde qu’on mérite et que la réalité, c’est qu’il faut revenir au commencement et revenir au commencement, c’est là où on se trouve, nous autres artistes, puisqu’on travaille directement sur les imaginaires. Précisément, tu as dit tout à l’heure que si on fait la promotion de telle valeur au cinéma, dans la musique, sur Instagram, les réseaux sociaux, etc, on fait la promo d’une certaine culture. Donc, il faut changer ça si tu veux. Si on ne veut pas une société violente, il ne faut pas faire la culture de la violence, il faut faire la culture de la non-violence si on veut un autre regard lié à la femme, etc. J’ai le sentiment que nous autres artistes, on est au cœur de ce processus, encore une fois, parce qu’on travaille sur les imaginaires. Donc forcément, on permet le changement des êtres d’une manière concrète et réelle et surtout profonde.

GRÉGORY : Comment tu définis un artiste ? 

ABD : Pour moi, un artiste, c’est un être qui a le courage d’être vraiment lui-même ou elle-même. C’est-à-dire qui pense que sa force, c’est sa singularité, son particularisme. D’une certaine manière, en disant ça, c’est faire la promotion de ce que chacun est légitime à être. D’une certaine manière, moi, je considère qu’on est un peu comme des chauffeurs de salle, on met l’ambiance, mais on la crée cette ambiance. On crée cette ambiance et elle devient réelle. Quand je te dis tout à l’heure que rendre sexy l’intelligence, ça veut dire qu’à un moment donné, ce qui sera cool, c’est de rendre cool. La réflexion, c’est de rendre cool la nuance, c’est de rendre cool la complexité, c’est de rendre cool la capacité, de prendre du recul, etc. Ce qui est l’inverse de ce qu’on vit actuellement. Pour moi, un artiste, c’est ça. Souvent, il y a une confusion, aujourd’hui en tout cas, entre artiste et businessman et homme d’affaires ou femme d’affaires. Il y a même des femmes d’affaires ou des hommes d’affaires qui se prennent véritablement pour des artistes et des artistes qui se prennent pour des hommes ou des femmes d’affaires. Mais in fine, quelque part dans la société idéale, à partir du moment où on aura réussi ce qu’on est en train d’essayer, et bien, on est tous des artistes et notre œuvre finalement, c’est notre vie en fait.

GRÉGORY : Mais alors du coup, comment tu fais cet équilibre entre il faut quand même manger et puis être engagé ? Parce que c’est vrai que typiquement pour un chanteur, c’est facile de faire ce qu’on appelle de la soupe, c’est-à-dire des trucs qui vont être très commerciaux. C’est autrement plus difficile d’avoir une position. Et en même temps, j’ai l’impression que les gens attendent ça, mais qu’ils n’achètent pas. C’est très particulier. 

ABD : Il y a besoin d’équilibre en toute chose. C’est Camus qui dit “un artiste, il est entre le refus et le consentement”. Le refus, j’ai envie de dire, c’est le fait d’être radical dans sa proposition artistique, véritablement être soi, aller jusqu’au bout, etc, ça, c’est le refus et le consentement, ça serait par exemple toi et moi en train de faire cette interview parce que je veux vendre. D’une certaine manière, ce sont mes tripes que je mets en avant, mais j’ai conscience que mes tripes, je dois bien les positionner sur un étal parce que les gens vont acheter si tu veux. C’est cet équilibre mais jusqu’à quel point on doit le trouver. J’ai envie de te dire, c’est que cet équilibre, c’est consubstantiel au fait d’être un être humain. On doit trouver un équilibre en toute chose. L’extrémisme, de toutes les manières, ce n’est jamais bon. Il y a un esprit de balance et d’équilibre. C’est en ce sens là où on peut avoir des valeurs. On peut être des femmes, des hommes de principe et en même temps gagner de l’argent, ce n’est pas paradoxal. Mais est-ce que le fait de gagner de l’argent est antinomique par rapport à des valeurs qui sont les nôtres ou soi-disant les nôtres ? Est-ce qu’on peut se regarder dans une glace ?

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