Vlan #109 Pouvons nous souhaiter rompre avec nos modes de vie? avec Alexandre Cadain

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Vlan #109 Pouvons nous souhaiter rompre avec nos modes de vie? avec Alexandre Cadain
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GRÉGORY : Tu travailles sur les questions de rupture, sur l’intelligence artificielle, mais pas seulement, ruptures de sociétés, ruptures d’entreprise aussi. La première question qui me vient, c’est une question que l’on se pose un peu tous et toutes. On sait qu’on ne va pas pour continuer à vivre comme on vit aujourd’hui, je pense que c’est enfin entré dans les pays occidentaux. On en est tous conscients, mais on ne fait pas grand-chose. Est-ce que pour toi, la rupture est une phase indispensable ? Dans le mot de rupture, il y a une notion de violence quand même, ce n’est pas qu’une transition.
ALEXANDRE : Très clairement, moi, c’est ce que je défends qui est que face à l’urgence et à la complexité des défis qui nous font face, innover, changer de manière linéaire, est absolument inefficace. La question de rupture, même de radicalité, je pense, est importante, c’est-à-dire essayer de revenir à la source des problèmes, d’avoir une approche de rupture, qu’elle soit dans le monde réel et aussi dans notre état d’esprit, d’être capable de reboot un petit peu notre propre état d’esprit pour faire face à ces défis dans l’urgence qui est la nôtre en fait.
GRÉGORY : Du coup, par exemple, tu accompagnes l’agence spatiale, qu’est-ce que ça veut dire pour l’agence spatiale d’être en rupture par rapport à ce qu’ils font aujourd’hui ? Ce n’est plus du tout aller dans l’espace.
ALEXANDRE : Avec ma société, on accompagne notamment le CNES qui est l’Agence spatiale française, pour réfléchir à l’horizon 2040, en se disant finalement comment l’industrie spatiale peut répondre aux grands défis de l’époque, notamment à partir de la maîtrise des grands défis de l’ONU et des 17 objectifs de développement durable. Comment, par delà l’exploration spatiale, finalement, leur savoir-faire, leur expertise peut participer à des transformations radicales sur Terre aussi. Donc, il y avait un peu le slogan de la Terre pour l’espace, et presque la question qu’on se pose, c’est comment l’espace peut aussi aider la Terre en rupture. On le voit aujourd’hui avec des applications très concrètes, qui est par exemple avec du traitement d’analyse d’images satellite, avec un système de computer vision assez simple qui permet d’identifier des zones de déforestation, d’identifier des zones d’inondations pour mieux agir. La question qu’on se pose ensemble avec le CNES, c’est comment est ce que ces technologies peuvent nous permettre de passer de l’observation climatique à l’action pour le climat. Forcément, ça demande de changer radicalement de manière de travailler, de méthodes, et on les accompagne notamment sur cette question.
GRÉGORY : Du coup, ils explorent la terre à travers l’univers, et puis on explore l’univers à travers la terre, c’est ça ?
ALEXANDRE : C’est une question de retournement de point de vue qui est hyper intéressant parce que surtout pour l’espace, pour nous, c’était un sujet fascinant à démarrer avec eux, à initier depuis quelques mois, parce que depuis l’espace, il y a cette expression que j’adore de Frank White qui dit que tous les astronautes sont frappés par cette capacité à prendre de la distance sur la Terre et à voir sa fragilité. De se rendre compte que du coup, depuis l’espace, on peut relativiser notre position et prendre la mesure de la fragilité de notre écosystème quand on ne voit même plus en réalité la très fine couche d’atmosphère qui nous maintient en vie. Pour nous, c’est très important de parvenir à réfléchir ensemble avec cette industrie qui fait rêver, mais qui fait rêver pour partie pour l’exploration, et au contraire essayer de voir avec eux comment, dans l’urgence actuelle, ils avaient une capacité d’action au niveau méta qui était très intéressante, notamment dans les défis du climat évidemment.
GRÉGORY : Mais alors comment on fait dans une société où tout le monde n’est pas heureux, mais où le mode de vie quand même, en tout cas occidental, capitaliste ou on te dit que le bonheur c’est de posséder, etc, c’est un peu remis en question en ce moment, mais enfin bon, on le remet en question, mais pas trop dans les faits. Puis, on voit bien comment les entreprises ont centré tout sur le capital, en réalité, qui est un des trois éléments entre le travail, la terre et l’économie. Du coup, comment on emmène, que ce soit une société ou de manière plus large, un peuple, une communauté ou l’Humanité, dans une rupture. J’ai la sensation qu’il y a certaines personnes qui sont plus ou moins prêtes à être en rupture. Moi, je ne suis pas sûr d’être très prêt à être en rupture. Mais il y en a d’autres qui sont même en train d’essayer de rejoindre la manière dont on vit aujourd’hui, donc qui ne sont pas du tout dans la rupture.
ALEXANDRE : C’est un défi qui est gigantesque et j’essaye là-dessus de ne pas être trop naïf à me dire, on va être capable du jour au lendemain, à 7 milliards, de reboots notre fameuse conscience planétaire, et se rendre compte qu’on peut tous vivre comme des sœurs et frères et partager ce que l’on a. Je pense que ce changement de mentalité, si on devait l’opérer de cette manière, serait tellement lent, que face à l’urgence et aux échéances qui s’accélèrent, qui se rapprochent, c’est assez inopérant. Je pense qu’il y a 2 niveaux pour moi dans cette question. La première, c’est que tu parlais tout à l’heure d’accumulation, de dire que finalement, c’est assez confortable finalement cette accumulation du capital.
GRÉGORY : Surtout quand on vit dans un pays occidental.
ALEXANDRE : C’est clair, et que beaucoup de pays à travers le monde sont justifiés à vouloir connaître ses phases de développement, et on aurait du mal à leur reprocher le rythme de vie que l’on a eu pendant un siècle. Donc ça, je ne peux pas être plus d’accord. Je pense qu’il y a un shift pourtant qui est intéressant, qui est d’observer le fait que l’accumulation peut passer de l’avoir à l’être. Il y a un bouquin génial de Erich Fromm, il y a quelques années, qui disait “être ou avoir ce dont dépendra l’avenir de l’Homme” et que finalement la société capitaliste néolibérale aurait insisté sur l’avoir comme moteur de consommation et de production, etc, mais qu’en réalité, on voit aujourd’hui émerger dans la jeunesse principalement, des questions de conscience, de supplément d’âme qui visent à penser que, au-delà de l’accumulation capitalistique et physique, plutôt que de chercher à l’envers la décroissance, revenir en arrière, il y a une voie qui consisterait à chercher à augmenter son être.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Alexandre Cadain est le cofondateur d’Anima, un cabinet de conseil en rupture pour les entreprises mais aussi pour des organisations comme l’agence spatiale. Il travaille aussi pour IA (intelligence artificielle) for Goods à l’ONU.

Avec Alexandre nous discutons donc de la nécessité de rentrer en rupture face au défi climatique qui est face à nous mais surtout comment nous allons faire tous ensemble pour réimaginer un avenir souhaitable. Car oui, la rupture de nos modes de vie peut être sexy.

Elle est évidemment inévitable et le plus rapidement le mieux. Alexandre ne croit pas trop à la stratégie des petits pas mais plutôt à une volonté forte de changer et de totalement réinventer.

Cela ne peut pas se faire sans une volonté de performance et c’est la raison pour laquelle nous redéfinissons ensemble ce terme.

Qu’est-ce que le R.O.I., qu’est ce que la croissance, la performance dans une économie qui doit totalement se réinventer.

Alexandre accompagne les plus grandes entreprises françaises et cette conversation devrait naturellement vous intéresser.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Tu travailles sur les questions de rupture, sur l’intelligence artificielle, mais pas seulement, ruptures de sociétés, ruptures d’entreprise aussi. La première question qui me vient, c’est une question que l’on se pose un peu tous et toutes. On sait qu’on ne va pas pour continuer à vivre comme on vit aujourd’hui, je pense que c’est enfin entré dans les pays occidentaux. On en est tous conscients, mais on ne fait pas grand-chose. Est-ce que pour toi, la rupture est une phase indispensable ? Dans le mot de rupture, il y a une notion de violence quand même, ce n’est pas qu’une transition.
ALEXANDRE : Très clairement, moi, c’est ce que je défends qui est que face à l’urgence et à la complexité des défis qui nous font face, innover, changer de manière linéaire, est absolument inefficace. La question de rupture, même de radicalité, je pense, est importante, c’est-à-dire essayer de revenir à la source des problèmes, d’avoir une approche de rupture, qu’elle soit dans le monde réel et aussi dans notre état d’esprit, d’être capable de reboot un petit peu notre propre état d’esprit pour faire face à ces défis dans l’urgence qui est la nôtre en fait.
GRÉGORY : Du coup, par exemple, tu accompagnes l’agence spatiale, qu’est-ce que ça veut dire pour l’agence spatiale d’être en rupture par rapport à ce qu’ils font aujourd’hui ? Ce n’est plus du tout aller dans l’espace.
ALEXANDRE : Avec ma société, on accompagne notamment le CNES qui est l’Agence spatiale française, pour réfléchir à l’horizon 2040, en se disant finalement comment l’industrie spatiale peut répondre aux grands défis de l’époque, notamment à partir de la maîtrise des grands défis de l’ONU et des 17 objectifs de développement durable. Comment, par delà l’exploration spatiale, finalement, leur savoir-faire, leur expertise peut participer à des transformations radicales sur Terre aussi. Donc, il y avait un peu le slogan de la Terre pour l’espace, et presque la question qu’on se pose, c’est comment l’espace peut aussi aider la Terre en rupture. On le voit aujourd’hui avec des applications très concrètes, qui est par exemple avec du traitement d’analyse d’images satellite, avec un système de computer vision assez simple qui permet d’identifier des zones de déforestation, d’identifier des zones d’inondations pour mieux agir. La question qu’on se pose ensemble avec le CNES, c’est comment est ce que ces technologies peuvent nous permettre de passer de l’observation climatique à l’action pour le climat. Forcément, ça demande de changer radicalement de manière de travailler, de méthodes, et on les accompagne notamment sur cette question.
GRÉGORY : Du coup, ils explorent la terre à travers l’univers, et puis on explore l’univers à travers la terre, c’est ça ?
ALEXANDRE : C’est une question de retournement de point de vue qui est hyper intéressant parce que surtout pour l’espace, pour nous, c’était un sujet fascinant à démarrer avec eux, à initier depuis quelques mois, parce que depuis l’espace, il y a cette expression que j’adore de Frank White qui dit que tous les astronautes sont frappés par cette capacité à prendre de la distance sur la Terre et à voir sa fragilité. De se rendre compte que du coup, depuis l’espace, on peut relativiser notre position et prendre la mesure de la fragilité de notre écosystème quand on ne voit même plus en réalité la très fine couche d’atmosphère qui nous maintient en vie. Pour nous, c’est très important de parvenir à réfléchir ensemble avec cette industrie qui fait rêver, mais qui fait rêver pour partie pour l’exploration, et au contraire essayer de voir avec eux comment, dans l’urgence actuelle, ils avaient une capacité d’action au niveau méta qui était très intéressante, notamment dans les défis du climat évidemment.
GRÉGORY : Mais alors comment on fait dans une société où tout le monde n’est pas heureux, mais où le mode de vie quand même, en tout cas occidental, capitaliste ou on te dit que le bonheur c’est de posséder, etc, c’est un peu remis en question en ce moment, mais enfin bon, on le remet en question, mais pas trop dans les faits. Puis, on voit bien comment les entreprises ont centré tout sur le capital, en réalité, qui est un des trois éléments entre le travail, la terre et l’économie. Du coup, comment on emmène, que ce soit une société ou de manière plus large, un peuple, une communauté ou l’Humanité, dans une rupture. J’ai la sensation qu’il y a certaines personnes qui sont plus ou moins prêtes à être en rupture. Moi, je ne suis pas sûr d’être très prêt à être en rupture. Mais il y en a d’autres qui sont même en train d’essayer de rejoindre la manière dont on vit aujourd’hui, donc qui ne sont pas du tout dans la rupture.
ALEXANDRE : C’est un défi qui est gigantesque et j’essaye là-dessus de ne pas être trop naïf à me dire, on va être capable du jour au lendemain, à 7 milliards, de reboots notre fameuse conscience planétaire, et se rendre compte qu’on peut tous vivre comme des sœurs et frères et partager ce que l’on a. Je pense que ce changement de mentalité, si on devait l’opérer de cette manière, serait tellement lent, que face à l’urgence et aux échéances qui s’accélèrent, qui se rapprochent, c’est assez inopérant. Je pense qu’il y a 2 niveaux pour moi dans cette question. La première, c’est que tu parlais tout à l’heure d’accumulation, de dire que finalement, c’est assez confortable finalement cette accumulation du capital.
GRÉGORY : Surtout quand on vit dans un pays occidental.
ALEXANDRE : C’est clair, et que beaucoup de pays à travers le monde sont justifiés à vouloir connaître ses phases de développement, et on aurait du mal à leur reprocher le rythme de vie que l’on a eu pendant un siècle. Donc ça, je ne peux pas être plus d’accord. Je pense qu’il y a un shift pourtant qui est intéressant, qui est d’observer le fait que l’accumulation peut passer de l’avoir à l’être. Il y a un bouquin génial de Erich Fromm, il y a quelques années, qui disait “être ou avoir ce dont dépendra l’avenir de l’Homme” et que finalement la société capitaliste néolibérale aurait insisté sur l’avoir comme moteur de consommation et de production, etc, mais qu’en réalité, on voit aujourd’hui émerger dans la jeunesse principalement, des questions de conscience, de supplément d’âme qui visent à penser que, au-delà de l’accumulation capitalistique et physique, plutôt que de chercher à l’envers la décroissance, revenir en arrière, il y a une voie qui consisterait à chercher à augmenter son être.

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