[REDIFF] Féminisation, sexualité, sacré: comprendre comment évolue notre société avec Michel Maffesoli

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GRÉGORY : Ce que je trouve intéressant en ce moment, c’est qu’on est dans des pensées un peu binaires, avec du prêt à penser surtout, avec de la pensée par tweet, etc. Ce que j’essaye de faire sur Vlan aussi, c’est d’avoir une pensée un peu complexe, intéressante. C’est là où j’essaye d’emmener ce podcast, en tout cas autant que je peux. Je reçois Michel Maffesoli, on va ensemble discuter, dit Dionysos, c’est marrant parce que tous les gens ne parlent pas ni grec, ni latin, ne connaissent pas toute l’histoire de ces dieux grecs, mais il se trouve qu’on peut regarder tous les bouleversements qu’on est en train de vivre en regardant ces dieux et ces mythes qui sont en train de bouger. J’aimerais bien que vous me parliez d’abord de Prométhée et de tout ce mythe de la modernité du 19ᵉ siècle et ce que ça implique et comment on le voit de manière très concrète aujourd’hui. Je pense par exemple à la relation aux femmes, je pense par exemple à la croissance, à la performance. Puis, qu’est-ce qui est en train de bouger avec ce mythe de Dionysos ? 

MICHEL : Encore une fois, gardons ces idées à la fois philosophique et fort simple qu’il y a ce qu’on appelle un esprit du temps. Un imaginaire dans lequel la vie sociale baigne. Moi, j’ai eu pour maitre le fondateur de la réflexion sur l’imaginaire, Gilbert Durand. Quand on lui demandait de dire ce qu’il en était, il disait tout simplement, c’est un climat, une atmosphère. En même temps, ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est tout comme il y a des changements climatiques stricto sensu, il y a aussi des changements climatiques dans la vie spirituelle, dans la manière d’être ensemble, etc. Quand on regarde sur la longue durée et les histoires humaines de 1000 ans, notre champ d’observation, il y a des balancements. Si on reprend d’ailleurs le terme qu’on utilise sans bien y faire attention, qui est le mot époque, qui veut dire parenthèse en grec. Une parenthèse, ça s’ouvre ou une parenthèse, ça se ferme tout simplement. Pour décrire cela, un prophète explique qu’il y avait des longues périodes, une époque, ça dure trois ou quatre siècles où va prédominer la figure à Apollinienne ou Prométhée. Alors Apollon, c’est un lieu dans la mythologie qui est un lieu que l’on appelle techniquement ouranien, c’est-à-dire tourné vers le ciel, c’est-à-dire le cerveau, la raison, et en pendant de cet Apollon, c’est Prométhée. Prométhée, c’est celui qui vole le feu aux dieux, qui introduit l’industrie, le travail sous ses diverses modulations et qui a des grandes époques pour lequel ce sont ces figures-là qui sont des figures dominantes. Puis, tout simplement par usure, par fatigue, ces valeurs laissent la place à autre chose, et il proposait la figure de Dionysos, Dionysos, qui est un peu le dieu dans l’Antiquité de l’hédonisme, le plaisir du corps, une sexualité assez débridée, toutes choses de cet ordre qui une fois qu’on est fatigué d’un modèle, on revient en quelque sorte vers l’autre. Ce qui a caractérisé le 19ᵉ, pour répondre exactement à votre question, pour moi, le 19ᵉ est l’apogée de la modernité. C’est là que se crée véritablement, dans la foulée du 18ᵉ, la philosophie des Lumières, dans la foulée du cartésianisme, les grands systèmes sociaux et un grand philosophe qui m’a beaucoup inspiré, auquel j’étais lié, Michel Foucault, rappelait que les grandes institutions sociales qui nous sont familières viennent en fait de contes du 19ᵉ siècle. Et là, c’était quoi, ça a été la valeur travail qui a prédominé, c’est-à-dire que tout le reste, le corps, n’était légitime que s’il produisait ou s’il reproduisait. Donc, même la sexualité n’était légitime que s’il y avait reproduction, par exemple. Et de fait, c’était une société assez machiste pour employer ce terme-là, où le masculin prédominait et le masculin adulte. C’est là-dessus que s’est élaboré, soyons clair, l’économie moderne, c’est-à-dire dans le fond, ne vaut que ce qui sert, l’utilitarisme, l’importance de l’argent, l’importance encore une fois d’un matérialisme qu’on peut dire vulgaire, mais qui était le fondement même de la vie sociale. Voilà un peu ce qu’était la modernité, en son sens, je dirais à l’apogée, c’est-à-dire au 19ᵉ siècle. Avec encore une fois, une vraie marginalisation de ce qui était le plaisir d’être, il ne faut pas oublier que c’est à ce moment-là que se fait la dichotomie entre le corps, l’esprit, la nature, la culture et autre dichotomie de cet ordre. Mon hypothèse, c’est que c’est en train de changer.

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Description de l’épisode

Michel Maffesoli est un sociologue émérite, parfois acide et donc tumultueux mais il a vu et décrit avant tout le monde les grandes tendances qui structurent notre vie aujourd’hui. En s’appuyant sur la mythologie grec et des références du 19eme et 20eme, il nous explique comment notre société bouge à une petite vitesse.

Nous abordons avec lui des sujets qui me semblent essentiels comme la féminisation du monde, l’homosexualité, la famille, mais aussi l’astrologie et plus généralement le sacré et l’esotérisme.

Nous parlons évidemment d’un sujet qui lui est cher autour de la deconnection des élites mais surtout sur la nouvelle d’une nouvelle élite.

Bref, un épisode très très riche, très référencé qui vous permettra, j’en suis sur de traverser les grèves avec le sourire.

Belle journée!

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Ce que je trouve intéressant en ce moment, c’est qu’on est dans des pensées un peu binaires, avec du prêt à penser surtout, avec de la pensée par tweet, etc. Ce que j’essaye de faire sur Vlan aussi, c’est d’avoir une pensée un peu complexe, intéressante. C’est là où j’essaye d’emmener ce podcast, en tout cas autant que je peux. Je reçois Michel Maffesoli, on va ensemble discuter, dit Dionysos, c’est marrant parce que tous les gens ne parlent pas ni grec, ni latin, ne connaissent pas toute l’histoire de ces dieux grecs, mais il se trouve qu’on peut regarder tous les bouleversements qu’on est en train de vivre en regardant ces dieux et ces mythes qui sont en train de bouger. J’aimerais bien que vous me parliez d’abord de Prométhée et de tout ce mythe de la modernité du 19ᵉ siècle et ce que ça implique et comment on le voit de manière très concrète aujourd’hui. Je pense par exemple à la relation aux femmes, je pense par exemple à la croissance, à la performance. Puis, qu’est-ce qui est en train de bouger avec ce mythe de Dionysos ? 

MICHEL : Encore une fois, gardons ces idées à la fois philosophique et fort simple qu’il y a ce qu’on appelle un esprit du temps. Un imaginaire dans lequel la vie sociale baigne. Moi, j’ai eu pour maitre le fondateur de la réflexion sur l’imaginaire, Gilbert Durand. Quand on lui demandait de dire ce qu’il en était, il disait tout simplement, c’est un climat, une atmosphère. En même temps, ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est tout comme il y a des changements climatiques stricto sensu, il y a aussi des changements climatiques dans la vie spirituelle, dans la manière d’être ensemble, etc. Quand on regarde sur la longue durée et les histoires humaines de 1000 ans, notre champ d’observation, il y a des balancements. Si on reprend d’ailleurs le terme qu’on utilise sans bien y faire attention, qui est le mot époque, qui veut dire parenthèse en grec. Une parenthèse, ça s’ouvre ou une parenthèse, ça se ferme tout simplement. Pour décrire cela, un prophète explique qu’il y avait des longues périodes, une époque, ça dure trois ou quatre siècles où va prédominer la figure à Apollinienne ou Prométhée. Alors Apollon, c’est un lieu dans la mythologie qui est un lieu que l’on appelle techniquement ouranien, c’est-à-dire tourné vers le ciel, c’est-à-dire le cerveau, la raison, et en pendant de cet Apollon, c’est Prométhée. Prométhée, c’est celui qui vole le feu aux dieux, qui introduit l’industrie, le travail sous ses diverses modulations et qui a des grandes époques pour lequel ce sont ces figures-là qui sont des figures dominantes. Puis, tout simplement par usure, par fatigue, ces valeurs laissent la place à autre chose, et il proposait la figure de Dionysos, Dionysos, qui est un peu le dieu dans l’Antiquité de l’hédonisme, le plaisir du corps, une sexualité assez débridée, toutes choses de cet ordre qui une fois qu’on est fatigué d’un modèle, on revient en quelque sorte vers l’autre. Ce qui a caractérisé le 19ᵉ, pour répondre exactement à votre question, pour moi, le 19ᵉ est l’apogée de la modernité. C’est là que se crée véritablement, dans la foulée du 18ᵉ, la philosophie des Lumières, dans la foulée du cartésianisme, les grands systèmes sociaux et un grand philosophe qui m’a beaucoup inspiré, auquel j’étais lié, Michel Foucault, rappelait que les grandes institutions sociales qui nous sont familières viennent en fait de contes du 19ᵉ siècle. Et là, c’était quoi, ça a été la valeur travail qui a prédominé, c’est-à-dire que tout le reste, le corps, n’était légitime que s’il produisait ou s’il reproduisait. Donc, même la sexualité n’était légitime que s’il y avait reproduction, par exemple. Et de fait, c’était une société assez machiste pour employer ce terme-là, où le masculin prédominait et le masculin adulte. C’est là-dessus que s’est élaboré, soyons clair, l’économie moderne, c’est-à-dire dans le fond, ne vaut que ce qui sert, l’utilitarisme, l’importance de l’argent, l’importance encore une fois d’un matérialisme qu’on peut dire vulgaire, mais qui était le fondement même de la vie sociale. Voilà un peu ce qu’était la modernité, en son sens, je dirais à l’apogée, c’est-à-dire au 19ᵉ siècle. Avec encore une fois, une vraie marginalisation de ce qui était le plaisir d’être, il ne faut pas oublier que c’est à ce moment-là que se fait la dichotomie entre le corps, l’esprit, la nature, la culture et autre dichotomie de cet ordre. Mon hypothèse, c’est que c’est en train de changer.

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