[BEST-OF] Transformer une crise en opportunité avec Marie Robert

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GRÉGORY : On va parler de la crise et de la crise comme aussi un moment de chrysalide, c’est-à-dire de transformation. Ce qui est intéressant, c’est qu’on est dans une période en tant que société de transformation totale, et du coup, ça génère plein de petites chrysalides au niveau individuel. Pour toi la crise, comment elle arrive ? Qu’est-ce qu’elle implique ?  Qu’est-ce que ça veut dire derrière ?

MARIE : Alors, en fait, ce qui est intéressant dans le phénomène de la crise, c’est que d’abord un courant s’installe, est plutôt anonyme, puis devient de plus en plus populaire, de plus en plus répandu. Et puis, tout d’un coup, on commence à apercevoir les premières failles. Et à ce moment-là, c’est comme si la crise, c’étaient des petits points de friction. On se rend compte que ce n’est pas tout à fait ça, qu’on a peut-être envie d’autre chose ou que le système ne fonctionne plus. Et puis, peu à peu, ça gronde de plus en plus jusqu’à ce qu’il y ait un point de rupture. Et en fait, la crise, c’est le moment clé de basculement, où on se dit non pas, on est déjà en train de transformer, mais on se dit c’est plus possible, on ne peut plus fonctionner de cette façon-là, on ne peut plus faire la même chose. Et que ce soit à l’échelle individuelle, à l’échelle d’une société ou même à l’échelle de l’histoire de la pensée, c’est vraiment la formulation du “ce n’est plus que je veux”.

GRÉGORY : Et les philosophes, sur ce sujet-là, parce que c’est un sujet éminemment humain, ils ont évidemment pensé la crise, c’est quoi les grands courants de pensée sur ce sujet ?

MARIE : Alors ce qui est intéressant, c’est que plus encore que les grands courants de pensée sur le sujet, c’est que la philo est un système de crise. En fait, quand j’enseigne l’histoire de la philosophie, et c’est assez amusant parce qu’en France on ne transmet la philo plutôt par notion et moins chronologiquement, alors que si on le faisait chronologiquement, on se rendrait bien compte que ça ne fonctionne que comme ça. Par crise, comme par exemple, on passe de l’Antiquité et de l’idéalisme à la scolastique du Moyen Âge, ou on va se mettre à étudier les textes, à vraiment essayer d’aller chercher et d’aller comprendre, d’être vraiment dans l’étude et dans l’interprétation. Et puis, au bout d’un moment, on en a marre de la scolastique, donc on va passer à la Renaissance. S’ouvrir, faire autrement, faire d’autres systèmes. Donc on est vraiment toujours dans cette articulation-là. En fait, c’est comme si la crise était intégrée dans la philosophie. Le fonctionnement est comme ça, toujours penser le système d’avant, ça ne veut pas dire d’ailleurs uniquement le critiquer, ça veut dire inventer méthodologiquement autre chose.

GRÉGORY : Là, on est en train de changer de tête, donc on est dans une période moderne. On est en train de passer à une période postmoderne.

MARIE : Encore une fois, on a déjà été plusieurs fois postmoderne, donc on va bien finir par arriver quelque part. *rire*

GRÉGORY : Pour toi, qu’y a-t-il dans ce mouvement qu’on est en train de vivre ? Comment tu le vis, toi, d’un point de vue peut être de philosophe ? Comment tu vis ce mouvement, en fait ?

MARIE : En fait, je ne sais pas si je vais te répondre d’un point de vue de philosophe, mais plutôt d’un point de vue de prof. Et notamment en voyant tous les jours quasiment, j’ai à la fois des élèves qui sont adolescents et j’ai à la fois des jeunes enfants. Donc j’ai vraiment l’impression d’avoir une espèce de connexion avec le monde à venir. Et en fait, je me rends compte qu’il réinterroge toutes les notions qu’on croyait nous plus ancrer, notamment le travail et l’amour. Je crois que c’est principalement le travail, l’amour et peut être la santé. Ce sont vraiment les trois points où il y a une volonté de faire autrement. Donc la considération pour le travail n’est pas du tout la même. Moi, j’ai plein d’ados pour qui la question même de l’orientation, avec ce qu’elle a de figé, avec ce qu’elle a d’obligatoire, leur paraît totalement désuète. C’est-à-dire que c’est complètement, ok on s’intéresse à des trucs, ok on va sans doute faire des études, mais ok, il va se passer plein de choses. Et puis, c’est important de voir sa famille, de voir ses amis. Et puis peut-être que gagner de l’argent, en fait, qu’est-ce que ça signifie ? Donc en fait, c’est tout un tas de questionnements. Et je crois que la crise, c’est aussi ce moment-là. C’est-à-dire, c’est ce moment où, selon les différentes sphères, parce qu’on peut être en crise généralisée ou en crise dans des sphères particulières de sa vie. C’est observer, qu’est-ce qui, tout d’un coup, ressort ? Quel est ce point de tension qui ressort ? Et quand je disais tout à l’heure, la crise, c’est le moment où on dit “non là ça ne peut plus fonctionner comme ça” et ça ne peut plus fonctionner comme ça, quoi ? Est-ce que ce sont mes horaires de travail qui ne me laisse pas le temps de ceci ou cela, est ce que c’est le fonctionnement de mon couple, peu importe. Mais tout d’un coup, la crise est cet immense révélateur, c’est toujours l’image qui est un peu caricaturale, mais de la vague qu’est-ce qu’elle laisse sur la plage en faite ? Et qu’est-ce qu’on trouve dans le sable ?

GRÉGORY : Et alors ? Les personnes qui écoutent vont forcément se poser une question assez cruciale qui est, comment je reconnais une crise ? Je pense qu’on peut tous la reconnaître. Mais comment je la transforme ? En fait, la question après, ce sont aussi des questions de caractère. Mais une crise, ça peut être une opportunité comme ça peut être la fin de tout. Comment je la transforme en opportunité ? 

MARIE : Il y a une image que j’aime beaucoup et je vais te raconter de Descartes qui parle d’un voyageur qui est perdu dans la forêt. J’aime beaucoup quand on parle de forêt et de voyage, il est perdu dans la forêt et en fait Descartes identifie assez bien 2 temps. Quand on pense à Descartes, on pense souvent au doute, alors qu’en fait il y a plusieurs temps. D’abord il y a ce moment, on est complètement paumé et je crois qu’il faut se laisser ce temps de la perte. Ce temps de dire c’est douloureux, c’est difficile et d’observer comme je le disais, qu’est-ce qui ressort ? Qu’est-ce que je vois ? Pourquoi ? Est-ce que j’ai raison de douter ? Est-ce que c’est juste une crise passagère ? Est-ce que c’est plus profond ? Donc ce temps vraiment d’introspection profonde qui est à la fois commune d’ailleurs, à la psychologie, à la psychanalyse, à la philosophie, peu importe le fil qu’on va tirer. Mais ce moment, on regarde. Mais ensuite, Descartes nous dit quelque chose d’intéressant, dit le problème du voyageur perdu dans la forêt, c’est qu’il doute, il regarde autour de lui, est-ce que ce chemin broussailleux est pas mal, ou est-ce que c’est l’autre ? Et puis, au bout d’un moment, il faut en choisir un. Et en fait, comment on rend la crise une opportunité, c’est aussi après ce moment d’introspection, en mettant en place des actions et ça ne veut pas dire, et c’est là où je crois qu’il faut être vigilant, ça ne veut pas dire que les actions vont être parfaites, ça ne veut pas dire que les actions ne vont pas conduire à une seconde crise, mais qu’en fait la meilleure chose pour sortir de la crise et pour en tirer l’opportunité, c’est ok qu’est-ce que je peux mettre en place dans un premier temps, comment je peux être ce voyageur qui, tout d’un coup, va se dire peut-être que le chemin va être un peu galère, mais si je reste au point mort, c’est sûr que dans tous les cas, je ne vais pas sortir.

La suite a écouté sur VLAN !

Description de l’épisode

Marie Robert est professeur de philosophie, autrice de nombreux ouvrages, créatrice du compte Instagram @Philosophyissexy et créatrice de plusieurs écoles Montessori.

Marie est avant tout un être souriant qui respire le bonheur (le plus souvent possible) et avec elle on se pose une question de circonstance: comment transformer une crise?

Nous sommes collectivement tou.te.s en train de traverser une crise sociétale et certain.e.s plus que d’autres traversent des crises individuelles.

Parfois elle sont liées à la pandémie, parfois au confinement, parfois c’est simplement un concours de circonstances.

Elles représente toujours un moment suspendu, un moment où on se dit que ce n’est plus possible, qu’il faut que ça s’arrête.

C’est un moment douloureux et c’est important de prendre soin de ce temps d’introspection, ce temps d’observation. La question est bien entendu de savoir quelle porte ouvrir et comment mettre en place les bonnes actions, comment savoir que c’est la bonne solution que l’on est en train de choisir.

C’est de tout cela dont nous parlons avec Marie et je ne vous donne pas les clefs dans ce résumé mais vous invite à vraiment écouter cet épisode si vous sentez une crise ou si vos proches sont en train de traverser ce genre de moment.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler de la crise et de la crise comme aussi un moment de chrysalide, c’est-à-dire de transformation. Ce qui est intéressant, c’est qu’on est dans une période en tant que société de transformation totale, et du coup, ça génère plein de petites chrysalides au niveau individuel. Pour toi la crise, comment elle arrive ? Qu’est-ce qu’elle implique ?  Qu’est-ce que ça veut dire derrière ?

MARIE : Alors, en fait, ce qui est intéressant dans le phénomène de la crise, c’est que d’abord un courant s’installe, est plutôt anonyme, puis devient de plus en plus populaire, de plus en plus répandu. Et puis, tout d’un coup, on commence à apercevoir les premières failles. Et à ce moment-là, c’est comme si la crise, c’étaient des petits points de friction. On se rend compte que ce n’est pas tout à fait ça, qu’on a peut-être envie d’autre chose ou que le système ne fonctionne plus. Et puis, peu à peu, ça gronde de plus en plus jusqu’à ce qu’il y ait un point de rupture. Et en fait, la crise, c’est le moment clé de basculement, où on se dit non pas, on est déjà en train de transformer, mais on se dit c’est plus possible, on ne peut plus fonctionner de cette façon-là, on ne peut plus faire la même chose. Et que ce soit à l’échelle individuelle, à l’échelle d’une société ou même à l’échelle de l’histoire de la pensée, c’est vraiment la formulation du “ce n’est plus que je veux”.

GRÉGORY : Et les philosophes, sur ce sujet-là, parce que c’est un sujet éminemment humain, ils ont évidemment pensé la crise, c’est quoi les grands courants de pensée sur ce sujet ?

MARIE : Alors ce qui est intéressant, c’est que plus encore que les grands courants de pensée sur le sujet, c’est que la philo est un système de crise. En fait, quand j’enseigne l’histoire de la philosophie, et c’est assez amusant parce qu’en France on ne transmet la philo plutôt par notion et moins chronologiquement, alors que si on le faisait chronologiquement, on se rendrait bien compte que ça ne fonctionne que comme ça. Par crise, comme par exemple, on passe de l’Antiquité et de l’idéalisme à la scolastique du Moyen Âge, ou on va se mettre à étudier les textes, à vraiment essayer d’aller chercher et d’aller comprendre, d’être vraiment dans l’étude et dans l’interprétation. Et puis, au bout d’un moment, on en a marre de la scolastique, donc on va passer à la Renaissance. S’ouvrir, faire autrement, faire d’autres systèmes. Donc on est vraiment toujours dans cette articulation-là. En fait, c’est comme si la crise était intégrée dans la philosophie. Le fonctionnement est comme ça, toujours penser le système d’avant, ça ne veut pas dire d’ailleurs uniquement le critiquer, ça veut dire inventer méthodologiquement autre chose.

GRÉGORY : Là, on est en train de changer de tête, donc on est dans une période moderne. On est en train de passer à une période postmoderne.

MARIE : Encore une fois, on a déjà été plusieurs fois postmoderne, donc on va bien finir par arriver quelque part. *rire*

GRÉGORY : Pour toi, qu’y a-t-il dans ce mouvement qu’on est en train de vivre ? Comment tu le vis, toi, d’un point de vue peut être de philosophe ? Comment tu vis ce mouvement, en fait ?

MARIE : En fait, je ne sais pas si je vais te répondre d’un point de vue de philosophe, mais plutôt d’un point de vue de prof. Et notamment en voyant tous les jours quasiment, j’ai à la fois des élèves qui sont adolescents et j’ai à la fois des jeunes enfants. Donc j’ai vraiment l’impression d’avoir une espèce de connexion avec le monde à venir. Et en fait, je me rends compte qu’il réinterroge toutes les notions qu’on croyait nous plus ancrer, notamment le travail et l’amour. Je crois que c’est principalement le travail, l’amour et peut être la santé. Ce sont vraiment les trois points où il y a une volonté de faire autrement. Donc la considération pour le travail n’est pas du tout la même. Moi, j’ai plein d’ados pour qui la question même de l’orientation, avec ce qu’elle a de figé, avec ce qu’elle a d’obligatoire, leur paraît totalement désuète. C’est-à-dire que c’est complètement, ok on s’intéresse à des trucs, ok on va sans doute faire des études, mais ok, il va se passer plein de choses. Et puis, c’est important de voir sa famille, de voir ses amis. Et puis peut-être que gagner de l’argent, en fait, qu’est-ce que ça signifie ? Donc en fait, c’est tout un tas de questionnements. Et je crois que la crise, c’est aussi ce moment-là. C’est-à-dire, c’est ce moment où, selon les différentes sphères, parce qu’on peut être en crise généralisée ou en crise dans des sphères particulières de sa vie. C’est observer, qu’est-ce qui, tout d’un coup, ressort ? Quel est ce point de tension qui ressort ? Et quand je disais tout à l’heure, la crise, c’est le moment où on dit “non là ça ne peut plus fonctionner comme ça” et ça ne peut plus fonctionner comme ça, quoi ? Est-ce que ce sont mes horaires de travail qui ne me laisse pas le temps de ceci ou cela, est ce que c’est le fonctionnement de mon couple, peu importe. Mais tout d’un coup, la crise est cet immense révélateur, c’est toujours l’image qui est un peu caricaturale, mais de la vague qu’est-ce qu’elle laisse sur la plage en faite ? Et qu’est-ce qu’on trouve dans le sable ?

GRÉGORY : Et alors ? Les personnes qui écoutent vont forcément se poser une question assez cruciale qui est, comment je reconnais une crise ? Je pense qu’on peut tous la reconnaître. Mais comment je la transforme ? En fait, la question après, ce sont aussi des questions de caractère. Mais une crise, ça peut être une opportunité comme ça peut être la fin de tout. Comment je la transforme en opportunité ? 

MARIE : Il y a une image que j’aime beaucoup et je vais te raconter de Descartes qui parle d’un voyageur qui est perdu dans la forêt. J’aime beaucoup quand on parle de forêt et de voyage, il est perdu dans la forêt et en fait Descartes identifie assez bien 2 temps. Quand on pense à Descartes, on pense souvent au doute, alors qu’en fait il y a plusieurs temps. D’abord il y a ce moment, on est complètement paumé et je crois qu’il faut se laisser ce temps de la perte. Ce temps de dire c’est douloureux, c’est difficile et d’observer comme je le disais, qu’est-ce qui ressort ? Qu’est-ce que je vois ? Pourquoi ? Est-ce que j’ai raison de douter ? Est-ce que c’est juste une crise passagère ? Est-ce que c’est plus profond ? Donc ce temps vraiment d’introspection profonde qui est à la fois commune d’ailleurs, à la psychologie, à la psychanalyse, à la philosophie, peu importe le fil qu’on va tirer. Mais ce moment, on regarde. Mais ensuite, Descartes nous dit quelque chose d’intéressant, dit le problème du voyageur perdu dans la forêt, c’est qu’il doute, il regarde autour de lui, est-ce que ce chemin broussailleux est pas mal, ou est-ce que c’est l’autre ? Et puis, au bout d’un moment, il faut en choisir un. Et en fait, comment on rend la crise une opportunité, c’est aussi après ce moment d’introspection, en mettant en place des actions et ça ne veut pas dire, et c’est là où je crois qu’il faut être vigilant, ça ne veut pas dire que les actions vont être parfaites, ça ne veut pas dire que les actions ne vont pas conduire à une seconde crise, mais qu’en fait la meilleure chose pour sortir de la crise et pour en tirer l’opportunité, c’est ok qu’est-ce que je peux mettre en place dans un premier temps, comment je peux être ce voyageur qui, tout d’un coup, va se dire peut-être que le chemin va être un peu galère, mais si je reste au point mort, c’est sûr que dans tous les cas, je ne vais pas sortir.

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