[BEST-OF] Comment prendre de meilleures décisions? Avec Olivier Sibony

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GRÉGORY : Aujourd’hui, on va parler d’erreur, du fait de se tromper, on se trompe plus souvent qu’on ne le pense, je crois. Dans le livre, vous décrivez qui il y a trois manières de se tromper. Est-ce que vous voyez revenir sur ces trois manières de se tromper ? Il y a les biais, il y a le bruit, il y a le bien et le bruit. Je serai hyper intéressé de déjà définir la différence entre le bien et le bruit.

OLIVIER : Alors, on va en parler. En fait, il y a deux manières de se tromper et si on les auditionne, ça en fait trois parce qu’en général on se trompe des deux manières à la fois. Mais les deux manières, c’est ce qu’on va appeler par analogie avec des termes statistiques que les statisticiens reconnaîtront le biais et le bruit. En fait, le meilleur moyen d’illustrer ça, c’est de penser à un exemple de mesure. Si vous vous pesez le matin en montant sur la balance de votre salle de bain et que vous savez que votre balance elle est un peu généreuse, elle vous donne toujours un demi kilo de moins que ce que vous ne pesez en vrai. Et que donc, si vous voulez savoir votre vrai poids, il faut que vous rajouter un demi kilo en moyenne, ça, c’est le biais de votre balance, c’est son erreur moyenne. C’est le fait que sur l’ensemble des mesures qu’elle fait, en moyenne, elle se trompe d’un demi kilo, toujours dans le même sens. Et donc, c’est une erreur connue, et une fois que vous la connaissez, prévisible et en moyenne régulière. Mais il y a un autre phénomène qui est que si vous montez trois fois de suite sur votre balance à trois secondes d’intervalle, vous n’allez pas lire exactement le même poids. Et ce n’est pas parce que vous avez maigri ou grossi, c’est parce que votre balance n’est pas parfaitement fiable, pas parfaitement régulière. Il y a une erreur aléatoire dans ce que vous lisez sur votre balance, c’est du bruit. Et donc, à chaque fois que vous vous posez une seule fois, vous allez avoir une erreur qui est la somme de l’erreur moyenne du biais et de l’erreur supplémentaire qui peut être positive ou négative que vous rajoutez à ce biais qui est une erreur de bruit. Et en fait, dans la mesure que vous allez prendre, il y a à la fois du bien et du bruit. Maintenant, le sujet du livre qu’on a écrit avec Daniel Kahneman et Cass R. Sunstein, ce ne sont pas les balances de salle de bain, c’est le jugement humain. Et en fait, dans le jugement humain, il se passe exactement la même chose, quand on fait une estimation, quand on fait une prévision, quand on fait un jugement de manière générale, il y a dans notre jugement des biais et on en a souvent entendu parler. Vous avez tel biais, etc. Ça, on le sait ou on croit le savoir. Mais il y a aussi eu une erreur plus difficile à cerner, plus difficile à comprendre, plus difficile et même quasiment impossible à prévoir, qui est une erreur quasiment aléatoire qu’on va appeler du bruit. Et c’est à ce sujet qu’on a voulu s’intéresser dans ce livre qui s’appelle Noise.

GRÉGORY : Le bruit, par exemple, dans le cadre d’un jugement, on peut prendre l’exemple d’un juge. Ça peut être intéressant, ça peut être si la personne a faim, si la personne a eu une mauvaise nouvelle, etc. Qu’est-ce que c’est que ce bruit, en fait ? Parce que les biais, je pense que les personnes savent à peu près ce que c’est qu’un biais. On n’en a pas tous conscience, mais on a la compréhension de ce que c’est. Le bruit, par contre, on n’en a pas nécessairement conscience.

OLIVIER : Alors, vous avez raison. Le biais, on n’en a pas forcément conscience, mais au moins, on a entendu parler du concept. Prenons l’exemple d’un juge puisque vous le proposez. Vous vous passez devant un juge, vous pouvez tomber sur un juge raciste ou vous pouvez tomber sur un juge qui est particulièrement sévère ou au contraire, un juge qui est particulièrement laxiste. Ça, ce sont les biais du juge. C’est la manière dont le juge va s’écarter de la moyenne des juges de manière prévisible. On pourrait appeler ça une erreur. Le problème, dans le cas des juges, c’est qu’une erreur suppose qu’on ait un point de référence. Or, il faudrait qu’on sache quelle est la juste peine. Donc, arbitrairement, on va dire que la juste peine, c’est celle que donnerait un très grand nombre de juges si on prenait la moyenne du jugement d’un très grand nombre de juges. C’est arbitraire, mais on pourrait prendre n’importe quoi, le raisonnement est le même. Donc, supposons que par rapport à ça, chaque juge a un biais particulier. Maintenant, ce à quoi vous faites allusion, c’est que chaque juge ne va pas non plus avec le même tous les jours. Le juge n’est pas le même le matin qu’il est l’après midi. On le sait parce qu’on a des mesures statistiques là-dessus que les juges vont être plus sévères, un peu, pas beaucoup, mais un peu plus sévère avant le déjeuner qu’après le déjeuner. On sait qu’ils vont être un peu plus sévères quand leur équipe de foot préférée a perdu le match du week-end que quand elle a gagné le match du week-end. On sait même qu’ils vont être un peu plus sévères quand il fait chaud, quand il fait froid. On sait qu’ils vont être un peu moins sévères quand c’est l’anniversaire de la personne qu’ils sont en train de juger. On sait que là, ce ne sont pas les juges, mais les policiers qui arrêtent un contrevenant sur la route, mais c’est la même idée, ils vont être un peu moins sévères quand ils portent le même prénom. Bref, il y a toutes sortes d’influences du contexte, qui en théorie, ne devrait pas avoir un impact sur le jugement qui en fait en ont une. Ça, ce sont des sources de bruit. C’est ce qu’on va appeler du bruit d’occasion et c’est celui qu’on comprend le plus facilement parce que je viens de vous en donner dix exemples. Et on se rend bien compte que chacun de ces exemples fait une petite différence. Mais en fait, ce n’est pas la seule source de bruit. La source principale de bruit dans mon exemple du juge, c’est quand vous tombez sur le juge Pierre plutôt que sur le juge Paul ou sur la juge Marie plutôt que la juge Anne, vous n’allez pas être face à la même juge. Et du point de vue du système judiciaire auquel vous avez affaire, le fait que vous tombiez sur la juge Anne plutôt que sur le juge Pierre est complètement aléatoire et cet aléa-là, encore bien plus que l’aléa qu’on soit le matin ou l’après midi ou avant ou après le déjeuner, va peser très, très lourd dans votre jugement. Donc, en fait, dans le bruit, il y a des bruits à l’intérieur, du bruit interpersonnel, du bruit à l’intérieur d’une même personne qui est le matin ou l’après midi. Et puis, il y a du bruit entre les personnes et ça, c’est évidemment une source bien plus importante de bruit dans un système où on voudrait qu’il y ait de l’uniformité.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Comme chaque été, je fais une sélection des meilleurs épisodes de la saison pour vous proposer de découvrir ou de redécouvrir des épisodes exceptionnels.
Olivier Sibony est professeur de stratégie à HEC, auteur de nombreux ouvrages et dernièrement de “Noise” (sortie en français cette semaine) qu’il a co-écrit avec le prix Nobel d’économie Daniel Kahneman, psychologue et Cass Rustein, sans doute l’un des juristes les plus connus des Etats-Unis.
Il fallait bien ces 3 personnes, ces 3 disciplines pour couvrir un sujet aussi complexe que celui de la prise de décisions car nous sommes toutes la journée confrontés à prendre des décisions ou à l’inverse soumis à la décision d’autrui.
Nous avons tous en tête les biais cognitifs bien sur, même si nous les conscientisons pas vraiment. Mais avez vous déjà réfléchi à l’impact du bruit dans vos décisions et celles des autres?
Le bruit, c’est un élément qui peut être intérieur ou extérieur mais qui est souvent accidentel et qui impacte, de manière beaucoup plus importante qu’on ne pourrait le penser, les décisions.
Comme l’indique le synopsis du livre, imaginez par exemple 2 médecins dans une même ville qui donne des diagnostics différents à des patients identiques.
Bien sur, des biais peuvent être en jeux mais aussi une équipe de foot qui perd, une chaleur inhabituelle, une faim qui tiraille le ventre…tous ces éléments ont des impacts importants et sont des variables dans des jugements qui devraient être similaires.
Mais alors qu’elle place pour l’intuition? Est-ce vrai pour tous les types de décisions?
Heureusement, il existe des manières d’éviter ces biais et ce bruit et Olivier nous raconte comment nous nous trompons mais aussi comment prendre de meilleures décisions.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Aujourd’hui, on va parler d’erreur, du fait de se tromper, on se trompe plus souvent qu’on ne le pense, je crois. Dans le livre, vous décrivez qui il y a trois manières de se tromper. Est-ce que vous voyez revenir sur ces trois manières de se tromper ? Il y a les biais, il y a le bruit, il y a le bien et le bruit. Je serai hyper intéressé de déjà définir la différence entre le bien et le bruit.

OLIVIER : Alors, on va en parler. En fait, il y a deux manières de se tromper et si on les auditionne, ça en fait trois parce qu’en général on se trompe des deux manières à la fois. Mais les deux manières, c’est ce qu’on va appeler par analogie avec des termes statistiques que les statisticiens reconnaîtront le biais et le bruit. En fait, le meilleur moyen d’illustrer ça, c’est de penser à un exemple de mesure. Si vous vous pesez le matin en montant sur la balance de votre salle de bain et que vous savez que votre balance elle est un peu généreuse, elle vous donne toujours un demi kilo de moins que ce que vous ne pesez en vrai. Et que donc, si vous voulez savoir votre vrai poids, il faut que vous rajouter un demi kilo en moyenne, ça, c’est le biais de votre balance, c’est son erreur moyenne. C’est le fait que sur l’ensemble des mesures qu’elle fait, en moyenne, elle se trompe d’un demi kilo, toujours dans le même sens. Et donc, c’est une erreur connue, et une fois que vous la connaissez, prévisible et en moyenne régulière. Mais il y a un autre phénomène qui est que si vous montez trois fois de suite sur votre balance à trois secondes d’intervalle, vous n’allez pas lire exactement le même poids. Et ce n’est pas parce que vous avez maigri ou grossi, c’est parce que votre balance n’est pas parfaitement fiable, pas parfaitement régulière. Il y a une erreur aléatoire dans ce que vous lisez sur votre balance, c’est du bruit. Et donc, à chaque fois que vous vous posez une seule fois, vous allez avoir une erreur qui est la somme de l’erreur moyenne du biais et de l’erreur supplémentaire qui peut être positive ou négative que vous rajoutez à ce biais qui est une erreur de bruit. Et en fait, dans la mesure que vous allez prendre, il y a à la fois du bien et du bruit. Maintenant, le sujet du livre qu’on a écrit avec Daniel Kahneman et Cass R. Sunstein, ce ne sont pas les balances de salle de bain, c’est le jugement humain. Et en fait, dans le jugement humain, il se passe exactement la même chose, quand on fait une estimation, quand on fait une prévision, quand on fait un jugement de manière générale, il y a dans notre jugement des biais et on en a souvent entendu parler. Vous avez tel biais, etc. Ça, on le sait ou on croit le savoir. Mais il y a aussi eu une erreur plus difficile à cerner, plus difficile à comprendre, plus difficile et même quasiment impossible à prévoir, qui est une erreur quasiment aléatoire qu’on va appeler du bruit. Et c’est à ce sujet qu’on a voulu s’intéresser dans ce livre qui s’appelle Noise.

GRÉGORY : Le bruit, par exemple, dans le cadre d’un jugement, on peut prendre l’exemple d’un juge. Ça peut être intéressant, ça peut être si la personne a faim, si la personne a eu une mauvaise nouvelle, etc. Qu’est-ce que c’est que ce bruit, en fait ? Parce que les biais, je pense que les personnes savent à peu près ce que c’est qu’un biais. On n’en a pas tous conscience, mais on a la compréhension de ce que c’est. Le bruit, par contre, on n’en a pas nécessairement conscience.

OLIVIER : Alors, vous avez raison. Le biais, on n’en a pas forcément conscience, mais au moins, on a entendu parler du concept. Prenons l’exemple d’un juge puisque vous le proposez. Vous vous passez devant un juge, vous pouvez tomber sur un juge raciste ou vous pouvez tomber sur un juge qui est particulièrement sévère ou au contraire, un juge qui est particulièrement laxiste. Ça, ce sont les biais du juge. C’est la manière dont le juge va s’écarter de la moyenne des juges de manière prévisible. On pourrait appeler ça une erreur. Le problème, dans le cas des juges, c’est qu’une erreur suppose qu’on ait un point de référence. Or, il faudrait qu’on sache quelle est la juste peine. Donc, arbitrairement, on va dire que la juste peine, c’est celle que donnerait un très grand nombre de juges si on prenait la moyenne du jugement d’un très grand nombre de juges. C’est arbitraire, mais on pourrait prendre n’importe quoi, le raisonnement est le même. Donc, supposons que par rapport à ça, chaque juge a un biais particulier. Maintenant, ce à quoi vous faites allusion, c’est que chaque juge ne va pas non plus avec le même tous les jours. Le juge n’est pas le même le matin qu’il est l’après midi. On le sait parce qu’on a des mesures statistiques là-dessus que les juges vont être plus sévères, un peu, pas beaucoup, mais un peu plus sévère avant le déjeuner qu’après le déjeuner. On sait qu’ils vont être un peu plus sévères quand leur équipe de foot préférée a perdu le match du week-end que quand elle a gagné le match du week-end. On sait même qu’ils vont être un peu plus sévères quand il fait chaud, quand il fait froid. On sait qu’ils vont être un peu moins sévères quand c’est l’anniversaire de la personne qu’ils sont en train de juger. On sait que là, ce ne sont pas les juges, mais les policiers qui arrêtent un contrevenant sur la route, mais c’est la même idée, ils vont être un peu moins sévères quand ils portent le même prénom. Bref, il y a toutes sortes d’influences du contexte, qui en théorie, ne devrait pas avoir un impact sur le jugement qui en fait en ont une. Ça, ce sont des sources de bruit. C’est ce qu’on va appeler du bruit d’occasion et c’est celui qu’on comprend le plus facilement parce que je viens de vous en donner dix exemples. Et on se rend bien compte que chacun de ces exemples fait une petite différence. Mais en fait, ce n’est pas la seule source de bruit. La source principale de bruit dans mon exemple du juge, c’est quand vous tombez sur le juge Pierre plutôt que sur le juge Paul ou sur la juge Marie plutôt que la juge Anne, vous n’allez pas être face à la même juge. Et du point de vue du système judiciaire auquel vous avez affaire, le fait que vous tombiez sur la juge Anne plutôt que sur le juge Pierre est complètement aléatoire et cet aléa-là, encore bien plus que l’aléa qu’on soit le matin ou l’après midi ou avant ou après le déjeuner, va peser très, très lourd dans votre jugement. Donc, en fait, dans le bruit, il y a des bruits à l’intérieur, du bruit interpersonnel, du bruit à l’intérieur d’une même personne qui est le matin ou l’après midi. Et puis, il y a du bruit entre les personnes et ça, c’est évidemment une source bien plus importante de bruit dans un système où on voudrait qu’il y ait de l’uniformité.

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