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#187 Energy Observer: envisager le futur de l'énergie avec Louis Noel Viviès
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GRÉGORY : Moi, j’ai une grande admiration pour les personnes qui sont dans la mer et qui peuvent faire face aux tempêtes, mais en fait, ce qui est intéressant avec votre profil, c’est que vous avez ce mix entre la navigation et en même temps l’analyse du mix énergétique et en particulier, on va y revenir, de l’hydrogène. Comment vous en êtes arrivé à créer ce bateau et pourquoi vous avez fait ça ?

LOUIS-NOËL : Ben, on a fait ça parce qu’on est des coureurs à la base. Au moins un tiers des équipes sont des gens qui font de la course et qui utilisent des technologies assez pointues en termes de composite, en termes d’énergie embarquée, etc. Donc, après avoir passé des années à aller chercher des sponsors pour gagner, un quart de nœuds, un dixième de nœuds, parfois pour améliorer la performance. On s’est dit que si on investissait la même somme d’argent dans le développement de solutions, qu’on utilise un peu sur les bateaux de course comme les panneaux solaires, comme les éoliennes, comme les hydroliennes. Mais si on investissait de manière un peu plus massive plutôt que d’essayer de gagner un quart de nœuds, qu’on essaye de gagner 10 kW, ça aurait peut-être des applications beaucoup plus universelles. Ainsi, le créateur du projet, Victorien Erussard, un jour, il est tombé en panne des générateurs diesel au milieu de l’Atlantique, parce que c’était pendant une course transatlantique, il avait un groupe diesel, comme beaucoup de coureurs, il avait bien sûr des panneaux solaires aussi, mais pas de très bonne qualité, pas très bien calibrés, etc. Il s’est retrouvé tout d’un coup alors qu’il était en tête de la course, avec impossibilité de gagner plus de pilote automatique, plus de radios, puis d’instruments de navigation, plus de météo, bref plus rien. Il a perdu la course. Tout ça parce qu’il avait un problème de segment sur son blog Diesel et son installation solaire n’était pas du tout adéquat. Donc il s’est dit, c’est quand même vraiment rageant, j’ai du soleil, du vent, de la vague, je suis entouré d’énergie et je suis planté là comme un idiot parce qu’on est toujours dépendant du fossile. Alors c’est là qu’il s’est dit j’arrête d’investir dans la course au large et je vais investir dans la course à l’énergie propre et à l’énergie naturelle et accessible et hyper fiable, parce que partout disponible et gratuitement, disponible en plus.

GRÉGORY : Donc Energy Observer, ça porte bien son nom. Vous observez aussi l’usage des énergies, comment on peut utiliser les différentes énergies entre elles ? Comment ça fonctionne ? Quelque part, moi, j’ai la sensation, mais peut-être que vous allez me dire l’inverse et qu’on était dans cette logique de performance, vous avez parlé de la performance, en particulier en navigation, d’arriver le premier, etc. Et quand on parle d’énergie, il s’agit moins d’arriver le premier ou d’être dans la performance au sens de ce que j’appelle la performance du 20ᵉ siècle, c’est-à-dire, oui, arriver le premier, aller le plus vite, etc. Mais plutôt de durer le plus longtemps. Il y a ça derrière ou je me trompe ?

LOUIS-NOËL : Oui, mais ça, c’est dû à notre culture. Quand vous voulez gagner une course, vous ne pouvez pas le faire contre les éléments, il faut le faire avec. Les grandes routes maritimes historiques, c’est toujours des routes qui sont avec les alizés dans le dos qui vous pousse. Vous n’allez pas contre la vague comme vous avez vraiment un front qui arrive avec beaucoup de mauvais temps, soit vous le fuyez, soit vous l’utilisez le mieux possible en essayant d’avoir un angle par rapport au vent et aux vagues qui va vous permettre de progresser. Donc, c’est quand même une école et même toute la stratégie météo que vous déployez sur une transat ou sur une course, ce n’est jamais qu’étudié les éléments et à quelle vitesse ça va se déplacer et comment je vais pouvoir les optimiser. Ainsi, en fait, on fait que ça dans la course, on fait qu’optimiser les éléments, le vent, l’eau, les courants pour essayer d’en optimiser l’apport. D’accord, c’est réellement ça la base de la course aujourd’hui. Alors, c’est pour ça que c’est vraiment notre culture et cette notion d’aller avec les éléments plutôt que contre eux parce que de toute façon, on ne peut pas tricher en mer, il n’y a pas de triche possible, les quelques rares qui ont essayé de tricher en falsifiant leur position dans les années 70, on en a fait des films dramatiques, mais il n’y a pas de solution dans la triche. Donc il faut faire avec et il faut même optimiser ses ressources, optimiser ces éléments qui sont souvent très forts, très violents, mais les utiliser pour pouvoir arriver à bon port. Alors bien sûr, arriver le premier quand on fait la course et nous aller le plus loin possible. Et nous, notre nouvel objectif, ce n’est pas d’être le plus rapide, c’est d’être le plus autonome possible et de prouver qu’en fait, on peut arriver à l’autonomie éternelle, c’est-à-dire à une espèce d’autonomie complète un peu le Waterworld du 21e siècle, si vous voulez, rien qu’en utilisant à bon escient et en intelligence, en mixant du solaire, de l’éolien et de l’hydrolien, et parce que ça, c’est applicable, même à terre. À terre, en plus, vous pouvez ajouter de la géothermie, de la mécanisation de vos déchets, etc. Mais nous, tout notre savoir-faire, toute notre science, c’est vraiment mixer ces énergies disponibles parce qu’elles sont toujours complémentaires. Et on a mis un gros focus et on a beaucoup travaillé sur l’hydrogène, pourquoi ? Parce que c’est pour nous, c’est la brique qui manquait pour pouvoir stocker, quand vous avez beaucoup de soleil pendant une période et qu’après vous en avez plus, ou plutôt plus de vent ou plus de courant. L’hydrogène vous permet de stocker ses énergies sur une très longue période. Si vous enterrez une bouteille d’hydrogène durant un mois ou deux et que vous la ressortez, vous aurez toujours la même quantité d’énergie dedans. Alors que si vous le stocker dans une batterie, une batterie, ça perd de la puissance, c’est lourd et puis, je ne parle pas des problèmes de recyclage. C’est cette culture qui est profondément en nous. Dans l’équipe, vous avez à peu près, comme vous disiez, il y a à peu près un tiers des gens qui sont qui viennent de la course, qu’ils soient architectes ou coureurs, skippeur, ingénieurs. Vous avez un tiers qui viennent de la marine marchande. Là, ce n’est pas tout à fait la même culture, ce sont des gens qui aiment bien partir à l’heure, arrivée à l’heure et qui ont besoin d’une fiabilité absolue et d’une certaine vitesse, une certaine performance. Quand vous prenez le canal de Kiel, par exemple, ou quand vous voulez aller à Hambourg et que vous remonter la rivière qui est très longue, vous êtes obligé de maintenir une vitesse minimum. C’est pour ça que le transport lourd à la voile, c’est vraiment bien sur les grandes traversées, mais sur tout ce qui est cabotage, qui représente quand même le gros de la navigation, c’est-à-dire d’aller de port en port en empruntant des estuaires, des rivières, etc. La voile pure n’est pas suffisante parce qu’il y a tellement de trafic qu’il faut pouvoir emprunter des voies maritimes qui sont extrêmement étroites, difficiles à une vitesse minimale. On a besoin de performance pour pouvoir convaincre les communautés maritimes que ce n’est pas parce qu’on est écolo qu’on est très lent, même si on est lent, mais qu’on peut tenir des moyennes qui sont aujourd’hui raisonnables pour du transport de fret, de passagers, etc.

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