#241 Peut-on “redesigner” la société actuelle? avec Dominique Sciamma

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GREGORY : Bonjour à toutes et bonjour à tous.

DOMINIQUE : Bonjour Dominique.

GREGORY : Bonjour.

DOMINIQUE : Comment tu vas?

GREGORY : Ça va bien?

DOMINIQUE : On a eu du mal à se rencontrer.

GREGORY : C’est vrai, c’est vrai, mais c’est ce qui est nécessaire advient. Voilà, ça arrive au bon moment.

DOMINIQUE : Tout arrive quand ça doit advenir. Comment toi, en tant que designer, tu envisages le XXIᵉ siècle et en particulier l’anthropocène, c’est à dire la toute puissance de de l’Homme ?

GREGORY : Bien, on peut l’appréhender de deux manières et ça va dépendre notre capacité à être à la hauteur des défis. Je pense que si on continue sur la manière qu’on a eue jusqu’à présent, je pense qu’on va à la catastrophe. On va véritablement à la catastrophe à tout point de vue, c’est à dire du point de vue des sociétés développées et qui vont se se déliter et du point de vue des sociétés qui espéraient y accéder et qui n’y accéderont pas. Et on s’aventure vers des drames potentiels drames humains, des guerres, des famines, des flux non maîtrisés, beaucoup de malheurs, beaucoup de morts, probablement aussi, des catastrophes. Ça, c’est le scénario noir. Mais c’est un scénario possible puisque ça dépend que de notre nos inactions ou de nos erreurs. Et l’autre scénario, et c’est ce qui fait que moi je reste un optimiste parce que sinon je ne serais pas enseignant, je ne créerais pas d’école de design pour essayer de former des designers pour. Pour ne pas faire en sorte que ce scénario advienne justement et qu’un autre scénario advienne. C’est de notre capacité à changer de manière à être à la hauteur des défis du monde et donc derrière de s’organiser différemment, de penser différemment, de dessiner différemment, de produire différemment, de partager différemment aussi. Et si on part sur ce chemin là, je pense qu’on peut avoir les scénarios moins noirs. Alors ça ne veut pas dire moins exigeants ou moins moins brutaux. Peut être qu’ils seront dramatiques aussi, mais probablement moins que dans le premier cas.

DOMINIQUE : Ok, c’est quoi ce que tu as dit? Donc tu as dirigé une ou tu dirige, pardon, une agence de design?

GREGORY : Une école de design, j’ai dit quoi? Une agence?

DOMINIQUE : Une agence? Pardon, une école, une école de design? Et quand on pense au design, on pense majoritairement aux produits, on pense aux designers. On peut éventuellement penser à la mode, mais on ne voit pas bien le rapport avec la marche du monde. Et j’aimerais comprendre comment tu fais le lien avec les deux.

GREGORY : D’accord, il faut déjà ce peut être revenir un petit peu en arrière. Si on regarde un petit peu l’histoire, c’est que le design, il apparaît au XIXᵉ siècle, il apparaît même pas comme terme, en tout cas comme posture et comme nécessité au XIXᵉ siècle, Le 19 ème siècle, c’est le siècle de la révolution industrielle, c’est à dire tout d’un coup, on a la capacité de transformer de la science en techno et la techno en process, les process en machines, tout ça dans un cadre industriel, donc des usines, etc. Et avec l’organisation sociale qui va avec, mais aussi avec les opportunités qui vont avec, tout d’un coup, les objets vont être produits par des machines. Les objets jusqu’à présent étaient produit par des artisans qui étaient en maîtrise totale de leur art du début à la fin, c’est à dire qu’ils avaient une connaissance des matériaux et connaissances des produits. Bon avec la révolution industrielle, tout d’un coup c’est les machines qui vont faire ça et donc la production des objets tout d’un coup est confiée à des machines. Et ces machines sont, je dirais, servies parce que c’est vraiment ça, c’est à dire que c’est servi par des gens qui n’ont pas de compétences, qui sont juste là pour les faire fonctionner. C’est la naissance des prolétaires, des gens dépourvus de leur savoir, qui n’ont plus de savoir. On n’a pas besoin de leur savoir pour produire tout ça. Donc la question de la beauté quand même s’invite, c’est à dire comment on fait en sorte que les produits restent beaux. Donc comment la beauté s’invite dans des objets qui sont produits par des machines. Et donc c’est tout l’objet du design du XIXᵉ siècle. C’est à dire est ce qu’on résiste de A à Z, on va casser les machines ou au contraire on accompagne ça et c’est l’accompagnement qui a été choisi. On est dans la promesse d’un progrès matériel, d’un progrès social parce que ça induit un progrès social. La révolution industrielle, elle a induit du progrès social. Il a fallu à un moment donné, que les gens apprennent à lire, à calculer parce que c’était nécessaire pour fonctionner, tout ça. Donc, l’instruction, elle est induite aussi par la révolution industrielle. Mais on est quand même dans cette idée d’une terre infinie de ressources infinies et d’une histoire qui va vers le plus. C’est à la fois peut être le rêve du capitalisme, c’est le rêve du communisme naissant, c’est à dire qu’il dit qu’on est capable d’avoir des jours meilleurs d’accord ? Pour peu qu’on s’organise comme il faut. On est quand même dans cette idée que nos savoirs peuvent se transformer en production. Une production peut se transformer en bonheur. Le XXᵉ siècle, il va continuer là dessus. C’est à dire qu’en passant à un autre type d’imaginaire, qui est celui non plus de la fabrication, mais qui est celui de la jouissance au travers des objets, évidemment. Pour accéder à une forme de vie qui est grosso modo “the american way of life”, c’est à dire une maison, des enfants, une tondeuse et une pelouse, une femme. Voilà. Bon. Et là, je rajoute exprès la femme, c’est comme une sorte “d’objet ménager” qui est là et qui contribue au bonheur familial.

Description de l’épisode

Dominique Sciamma est le directeur de CY, une école de désign mais également le président d’une association qui promeut le design, APCI.

“Designer” c’est “désigner” (montrer une destination). Ce terme que nous prenons pour anglicisme et que nous réduisons en général aux objets (mobilier, architecture, mode…) possède en réalité des racines plutôt italiennes.
C’est un terme qui date du 19eme siecle au moment de la révolution industrielle.
Il arrive pour générer des objets de beauté manière mécanique au 19ème siècle mais est utilisé au 20ème siècle pour susciter le désir.
La question centrale est donc le rôle du design au 21ème siècle dans une société.
En réalité le design a un rôle majeur selon Dominique Sciamma car avant même la production d’objet, il désigne l’endroit ou nous souhaitons aller.
Et selon lui, le rôle du design va être la production de sens.
Alors dans quel sens souhaitons nous aller?
Ou se trouve la dimension humaine dans la société que nous avons créé? Quelle est la place que nous devons lui donner dans la prochaine?
On a vu avec l’apogée de l’analyse, le pouvoir des modèles Vs de la réalité. Finalement, elle nous a un peu coupé des externalités positives ou négatives.
La manière dont on pose la question est essentielle avant même de définir les réponses que l’on peut apporter.

J’espère que vous apprécierez les miennes.

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Transcription partielle de l’épisode

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GREGORY : Bonjour à toutes et bonjour à tous.

DOMINIQUE : Bonjour Dominique.

GREGORY : Bonjour.

DOMINIQUE : Comment tu vas?

GREGORY : Ça va bien?

DOMINIQUE : On a eu du mal à se rencontrer.

GREGORY : C’est vrai, c’est vrai, mais c’est ce qui est nécessaire advient. Voilà, ça arrive au bon moment.

DOMINIQUE : Tout arrive quand ça doit advenir. Comment toi, en tant que designer, tu envisages le XXIᵉ siècle et en particulier l’anthropocène, c’est à dire la toute puissance de de l’Homme ?

GREGORY : Bien, on peut l’appréhender de deux manières et ça va dépendre notre capacité à être à la hauteur des défis. Je pense que si on continue sur la manière qu’on a eue jusqu’à présent, je pense qu’on va à la catastrophe. On va véritablement à la catastrophe à tout point de vue, c’est à dire du point de vue des sociétés développées et qui vont se se déliter et du point de vue des sociétés qui espéraient y accéder et qui n’y accéderont pas. Et on s’aventure vers des drames potentiels drames humains, des guerres, des famines, des flux non maîtrisés, beaucoup de malheurs, beaucoup de morts, probablement aussi, des catastrophes. Ça, c’est le scénario noir. Mais c’est un scénario possible puisque ça dépend que de notre nos inactions ou de nos erreurs. Et l’autre scénario, et c’est ce qui fait que moi je reste un optimiste parce que sinon je ne serais pas enseignant, je ne créerais pas d’école de design pour essayer de former des designers pour. Pour ne pas faire en sorte que ce scénario advienne justement et qu’un autre scénario advienne. C’est de notre capacité à changer de manière à être à la hauteur des défis du monde et donc derrière de s’organiser différemment, de penser différemment, de dessiner différemment, de produire différemment, de partager différemment aussi. Et si on part sur ce chemin là, je pense qu’on peut avoir les scénarios moins noirs. Alors ça ne veut pas dire moins exigeants ou moins moins brutaux. Peut être qu’ils seront dramatiques aussi, mais probablement moins que dans le premier cas.

DOMINIQUE : Ok, c’est quoi ce que tu as dit? Donc tu as dirigé une ou tu dirige, pardon, une agence de design?

GREGORY : Une école de design, j’ai dit quoi? Une agence?

DOMINIQUE : Une agence? Pardon, une école, une école de design? Et quand on pense au design, on pense majoritairement aux produits, on pense aux designers. On peut éventuellement penser à la mode, mais on ne voit pas bien le rapport avec la marche du monde. Et j’aimerais comprendre comment tu fais le lien avec les deux.

GREGORY : D’accord, il faut déjà ce peut être revenir un petit peu en arrière. Si on regarde un petit peu l’histoire, c’est que le design, il apparaît au XIXᵉ siècle, il apparaît même pas comme terme, en tout cas comme posture et comme nécessité au XIXᵉ siècle, Le 19 ème siècle, c’est le siècle de la révolution industrielle, c’est à dire tout d’un coup, on a la capacité de transformer de la science en techno et la techno en process, les process en machines, tout ça dans un cadre industriel, donc des usines, etc. Et avec l’organisation sociale qui va avec, mais aussi avec les opportunités qui vont avec, tout d’un coup, les objets vont être produits par des machines. Les objets jusqu’à présent étaient produit par des artisans qui étaient en maîtrise totale de leur art du début à la fin, c’est à dire qu’ils avaient une connaissance des matériaux et connaissances des produits. Bon avec la révolution industrielle, tout d’un coup c’est les machines qui vont faire ça et donc la production des objets tout d’un coup est confiée à des machines. Et ces machines sont, je dirais, servies parce que c’est vraiment ça, c’est à dire que c’est servi par des gens qui n’ont pas de compétences, qui sont juste là pour les faire fonctionner. C’est la naissance des prolétaires, des gens dépourvus de leur savoir, qui n’ont plus de savoir. On n’a pas besoin de leur savoir pour produire tout ça. Donc la question de la beauté quand même s’invite, c’est à dire comment on fait en sorte que les produits restent beaux. Donc comment la beauté s’invite dans des objets qui sont produits par des machines. Et donc c’est tout l’objet du design du XIXᵉ siècle. C’est à dire est ce qu’on résiste de A à Z, on va casser les machines ou au contraire on accompagne ça et c’est l’accompagnement qui a été choisi. On est dans la promesse d’un progrès matériel, d’un progrès social parce que ça induit un progrès social. La révolution industrielle, elle a induit du progrès social. Il a fallu à un moment donné, que les gens apprennent à lire, à calculer parce que c’était nécessaire pour fonctionner, tout ça. Donc, l’instruction, elle est induite aussi par la révolution industrielle. Mais on est quand même dans cette idée d’une terre infinie de ressources infinies et d’une histoire qui va vers le plus. C’est à la fois peut être le rêve du capitalisme, c’est le rêve du communisme naissant, c’est à dire qu’il dit qu’on est capable d’avoir des jours meilleurs d’accord ? Pour peu qu’on s’organise comme il faut. On est quand même dans cette idée que nos savoirs peuvent se transformer en production. Une production peut se transformer en bonheur. Le XXᵉ siècle, il va continuer là dessus. C’est à dire qu’en passant à un autre type d’imaginaire, qui est celui non plus de la fabrication, mais qui est celui de la jouissance au travers des objets, évidemment. Pour accéder à une forme de vie qui est grosso modo “the american way of life”, c’est à dire une maison, des enfants, une tondeuse et une pelouse, une femme. Voilà. Bon. Et là, je rajoute exprès la femme, c’est comme une sorte “d’objet ménager” qui est là et qui contribue au bonheur familial.

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