#239 Comment repenser le système de santé en France? Avec Jean Charles Samuelian

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#239 Comment repenser le système de santé en France? Avec Jean Charles Samuelian
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GREGORY : Donc. Bonjour à toutes et bonjour à tous. Bonjour Jean-Charles.
JC : Bonjour Greg.
GREGORY : Comment tu vas aujourd’hui?
JC : Très très bien.
GREGORY : Nickel. En fait cette question elle est à la fois anodine et en même temps essentielle. Souvent on ne dit pas forcément la vérité parce que la réponse ça serait beaucoup plus long. Mais on va parler du système de santé, en France. On est particulièrement fier de notre système de santé. On est très content parce qu’on dit que c’est le meilleur système de santé au monde. Je pense que la première question, c’est est-ce que c’est toujours le cas ? Et la seconde, c’est si ce n’est pas le cas, comment on fait pour y revenir ou comment on peut améliorer le système.
JC : Le premier élément de réponse, c’est que ce n’est plus vraiment le cas et qu’on a un peu vécu dans cette illusion de “on a le meilleur système de santé, donc on n’a pas besoin d’être réformé”. Ce qui se passe, c’est que les Français commencent à le voir, surtout après deux ans de pandémie. Donc il y a quelques statistiques, mais c’est plus de 80% des Français qui veulent améliorer le système de santé. C’est sept soignants sur dix qui sont en situation d’épuisement professionnel en 2021. Donc en fait, on voit qu’on arrive au point de rupture où les citoyens sont de plus en plus déçus du système, voudraient l’améliorer et voudraient que les politiques en parlent plus. Il y a 40% des Français qui ont fait un renoncement à un soin, pas nécessairement pour des raisons monétaires, mais pour des raisons d’accès aux soins de déserts médicaux qui sont en constante augmentation. Et en plus il y a les professionnels de santé de tous les niveaux, que ce soit les médecins, les infirmiers, les aidants qui sont à bout de souffle pour plein de raisons structurelles, qui sont encore une fois les déserts médicaux, les psychoses, urgences, et cetera. Et du coup, on est à un point de rupture où on a eu 60 ans de “Fordisme, Taylorisme de la santé” avec une industrialisation, la création de grands centres hospitaliers. Ça avait beaucoup de sens de faire ça dans les 30 Glorieuses et post-Seconde Guerre Mondiale pour créer une machine. Mais on a perdu la relation personnelle qu’on pouvait avoir avec la santé. On se retrouve un peu un patient caché derrière une maladie et le système se concentre seulement sur la maladie. Et je pense qu’aujourd’hui, la technologie doit nous permettre de répondre aux attentes des citoyens qui sont autour du “Care”, dont ont parlait justement avant. Avoir un système de santé qui soit centré sur eux et pas centré sur le système et si on ne le fait pas, en fait, on va arriver à une détérioration de la qualité pour les professionnels de santé et pour les citoyens. Donc, on est vraiment au moment où, après ces deux ans de pandémie où il ne faut pas lâcher la balle. Et c’est le moment où il faut innover, réformer pour préparer les 10 ou 20 prochaines années. Parce que l’innovation en santé, il n’y a pas de baguette magique. Ça va être la somme de plein de petites choses qui viennent des professionnels de santé, de la puissance publique, des entreprises privées, de l’innovation. Et moi, ma thèse, c’est qu’il faut une plateforme forte, créée par l’Etat et un écosystème, un terreau fertile d’innovation pour pouvoir innover partout en santé et en prévention.
GREGORY : Quand on dit ce n’est plus le meilleur système de santé en France, on a quand même cette chance de ne pas payer, ce qui est quand même assez unique. Je pense qu’en fait on s’en rend même plus compte. Mais la réalité, c’est quand même que dans beaucoup de pays, je pense à l’Angleterre ou aux États-Unis, mais parce qu’on n’est pas tout le système de santé. Mais c’est vrai que c’est hyper cher. Tu parlais du Covid, les tests dans plein de pays ont été payants. C’est très très très difficile et en même temps ce que tu décris. C’est marrant, j’ai fait un parallèle dans ma tête, tu me diras ce que tu en penses, mais sur un système centralisé, ça m’a fait beaucoup penser au réseau d’énergie en France. On a créé des centrales qui ne sont pas le meilleur système, mais qui, post-Seconde Guerre Mondiale était sans doute la meilleure décision à prendre de mettre des centrales nucléaires et cetera. Mais maintenant, on se rend compte qu’évidemment, idéalement il vaut mieux des petits réseaux qui sont là, qui peuvent s’adapter en fonction des besoins des villes et cetera.
JC : Il y a plein d’éléments de niveau de réponse dans ta question qui sera très intéressant et je pense qu’en effet la comparaison fait du sens. Il y a un point sur la gratuité des soins qui est un peu aussi une illusion. On dépense 11 à 12 % de notre PIB dans la santé, c’est 300 milliards par an. Et cet argent, il est pris quelque part. Il est pris via les impôts via les charges salariales et patronales.
JC : Mais il est redistribué et je pense que ça c’est une chose qu’il ne faut surtout pas lâcher. C’est les valeurs fondamentales de solidarité, redistribution, pas de sélection médicale pour avoir le droit d’être couvert, de pas utiliser l’historique médical pour tarifer les soins et l’accès aux soins, ça c’est ultra important et je ne pense pas qu’il faille changer ces valeurs qui font la force de la France et de quelques autres pays européens. En revanche, on ne dépense que 2 % en prévention, alors qu’on a une hausse constante des maladies chroniques et des affections de longue durée en France. Donc c’est le diabète, c’est tout type de maladies chroniques. Et si on continue comme ça avec une balance des âges qui fait que la population est vieillissante, en plus, si on n’arrive pas à créer des outils qui nous permettent de gérer avec beaucoup plus de prévention, avec un suivi plus continu la santé des gens de ce qu’ils veulent, mais le rend ça très facile. En fait, on va déséquilibrer le système et on va aller vers un effondrement parce que si on a deux fois plus de personnes en affections longue durée ou deux fois plus de maladies chroniques, il va falloir plus financer 300 milliards, il va falloir financer 600 milliards. En fait, c’est une hausse partout et qui n’est indolore pour la France !

Description de l’épisode

Jean-Charles Samuelian est le fondateur de Alan, une mutuelle en ligne mais il essaie finalement de faire évoluer le système de santé en France qui ne fonctionne plus vraiment.
Pourtant nous en sommes très fier de ce système dont nous avons cru pendant des décennies qu’il était le meilleur au monde.
Aujourd’hui, ce système broie de l’humain tant pour les personnes qui y travaillent que les personnes qui y vont.
Les déserts medicaux sont de plus en plus nombreux.
En réalité ce système de santé a été pensé à une période différente et la pandémie a mis en lumière les défaillances de ce dernier.
Avec Jean Charles, on parle de santé mentale, de personnes augmentée, de maladies chroniques, des données personnelles et de la manière dont les GAFA sont en train de s’immiscer dans notre santé.
La France est l’un des rares pays ou la santé est relativement gratuit ce qui reste assez exceptionnel même si techniquement il s’agit surtout d’une redistribution puisque le système est financé par nos impôts.
Par contre, alors que le système de santé représente 12% de notre PIB, seuls 2% sont investis dans les préventions et en particulier sur les maladies chroniques ce qui pourrait mener le système à sa perte.
Une discussion passionnante je crois (encore une fois oui je sais).

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Transcription partielle de l’épisode

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GREGORY : Donc. Bonjour à toutes et bonjour à tous. Bonjour Jean-Charles.
JC : Bonjour Greg.
GREGORY : Comment tu vas aujourd’hui?
JC : Très très bien.
GREGORY : Nickel. En fait cette question elle est à la fois anodine et en même temps essentielle. Souvent on ne dit pas forcément la vérité parce que la réponse ça serait beaucoup plus long. Mais on va parler du système de santé, en France. On est particulièrement fier de notre système de santé. On est très content parce qu’on dit que c’est le meilleur système de santé au monde. Je pense que la première question, c’est est-ce que c’est toujours le cas ? Et la seconde, c’est si ce n’est pas le cas, comment on fait pour y revenir ou comment on peut améliorer le système.
JC : Le premier élément de réponse, c’est que ce n’est plus vraiment le cas et qu’on a un peu vécu dans cette illusion de “on a le meilleur système de santé, donc on n’a pas besoin d’être réformé”. Ce qui se passe, c’est que les Français commencent à le voir, surtout après deux ans de pandémie. Donc il y a quelques statistiques, mais c’est plus de 80% des Français qui veulent améliorer le système de santé. C’est sept soignants sur dix qui sont en situation d’épuisement professionnel en 2021. Donc en fait, on voit qu’on arrive au point de rupture où les citoyens sont de plus en plus déçus du système, voudraient l’améliorer et voudraient que les politiques en parlent plus. Il y a 40% des Français qui ont fait un renoncement à un soin, pas nécessairement pour des raisons monétaires, mais pour des raisons d’accès aux soins de déserts médicaux qui sont en constante augmentation. Et en plus il y a les professionnels de santé de tous les niveaux, que ce soit les médecins, les infirmiers, les aidants qui sont à bout de souffle pour plein de raisons structurelles, qui sont encore une fois les déserts médicaux, les psychoses, urgences, et cetera. Et du coup, on est à un point de rupture où on a eu 60 ans de “Fordisme, Taylorisme de la santé” avec une industrialisation, la création de grands centres hospitaliers. Ça avait beaucoup de sens de faire ça dans les 30 Glorieuses et post-Seconde Guerre Mondiale pour créer une machine. Mais on a perdu la relation personnelle qu’on pouvait avoir avec la santé. On se retrouve un peu un patient caché derrière une maladie et le système se concentre seulement sur la maladie. Et je pense qu’aujourd’hui, la technologie doit nous permettre de répondre aux attentes des citoyens qui sont autour du “Care”, dont ont parlait justement avant. Avoir un système de santé qui soit centré sur eux et pas centré sur le système et si on ne le fait pas, en fait, on va arriver à une détérioration de la qualité pour les professionnels de santé et pour les citoyens. Donc, on est vraiment au moment où, après ces deux ans de pandémie où il ne faut pas lâcher la balle. Et c’est le moment où il faut innover, réformer pour préparer les 10 ou 20 prochaines années. Parce que l’innovation en santé, il n’y a pas de baguette magique. Ça va être la somme de plein de petites choses qui viennent des professionnels de santé, de la puissance publique, des entreprises privées, de l’innovation. Et moi, ma thèse, c’est qu’il faut une plateforme forte, créée par l’Etat et un écosystème, un terreau fertile d’innovation pour pouvoir innover partout en santé et en prévention.
GREGORY : Quand on dit ce n’est plus le meilleur système de santé en France, on a quand même cette chance de ne pas payer, ce qui est quand même assez unique. Je pense qu’en fait on s’en rend même plus compte. Mais la réalité, c’est quand même que dans beaucoup de pays, je pense à l’Angleterre ou aux États-Unis, mais parce qu’on n’est pas tout le système de santé. Mais c’est vrai que c’est hyper cher. Tu parlais du Covid, les tests dans plein de pays ont été payants. C’est très très très difficile et en même temps ce que tu décris. C’est marrant, j’ai fait un parallèle dans ma tête, tu me diras ce que tu en penses, mais sur un système centralisé, ça m’a fait beaucoup penser au réseau d’énergie en France. On a créé des centrales qui ne sont pas le meilleur système, mais qui, post-Seconde Guerre Mondiale était sans doute la meilleure décision à prendre de mettre des centrales nucléaires et cetera. Mais maintenant, on se rend compte qu’évidemment, idéalement il vaut mieux des petits réseaux qui sont là, qui peuvent s’adapter en fonction des besoins des villes et cetera.
JC : Il y a plein d’éléments de niveau de réponse dans ta question qui sera très intéressant et je pense qu’en effet la comparaison fait du sens. Il y a un point sur la gratuité des soins qui est un peu aussi une illusion. On dépense 11 à 12 % de notre PIB dans la santé, c’est 300 milliards par an. Et cet argent, il est pris quelque part. Il est pris via les impôts via les charges salariales et patronales.
JC : Mais il est redistribué et je pense que ça c’est une chose qu’il ne faut surtout pas lâcher. C’est les valeurs fondamentales de solidarité, redistribution, pas de sélection médicale pour avoir le droit d’être couvert, de pas utiliser l’historique médical pour tarifer les soins et l’accès aux soins, ça c’est ultra important et je ne pense pas qu’il faille changer ces valeurs qui font la force de la France et de quelques autres pays européens. En revanche, on ne dépense que 2 % en prévention, alors qu’on a une hausse constante des maladies chroniques et des affections de longue durée en France. Donc c’est le diabète, c’est tout type de maladies chroniques. Et si on continue comme ça avec une balance des âges qui fait que la population est vieillissante, en plus, si on n’arrive pas à créer des outils qui nous permettent de gérer avec beaucoup plus de prévention, avec un suivi plus continu la santé des gens de ce qu’ils veulent, mais le rend ça très facile. En fait, on va déséquilibrer le système et on va aller vers un effondrement parce que si on a deux fois plus de personnes en affections longue durée ou deux fois plus de maladies chroniques, il va falloir plus financer 300 milliards, il va falloir financer 600 milliards. En fait, c’est une hausse partout et qui n’est indolore pour la France !
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