#237 Sans le soin, que sommes nous réellement? avec Xavier Emmanuelli

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#237 Sans le soin, que sommes nous réellement? avec Xavier Emmanuelli
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GREGORY : Bonjour à tous! Bonjour Xavier.
XAVIER : Bonjour.
GREGORY : Comment ça va aujourd’hui?
XAVIER : Ça va ! Oui, vraiment, ça va.
GREGORY : La question que je me pose quand je rencontre une personne comme vous, c’est qu’est ce que ça fait d’avoir changé la vie de millions de personnes?
XAVIER : De millions?
GREGORY : Centaines? Peut être des millions?
XAVIER : C’est quand vous vous trouvez au bon moment au bon endroit avec les personnes qui apportent qui sont des catalyseurs, et ça fait que vous êtes non seulement le témoin sans le vouloir, mais qui vous est donné et que la providence vous offre un rôle actif. Et c’est ce qui s’est passé lorsque je voulais absolument faire de l’urgence, voyez-vous? Mon père était un médecin généraliste, un médecin qui avait traversé des événements. Il venait de la Corse. Vous savez une île ? Oui, je sais bien, avec des coutumes latines. Une société traditionnelle et particularisme de l’île. Il y avait implicité, ce que j’appelle les “nobles de la montagne”, de dire des gens qui, en abord étaient faciles et qui avaient de l’intérêt pour autrui, vous savez une appétence pour l’autre, une curiosité, mais une curiosité bienfaisante. Il avait été instituteur, parce que en Corse, c’était une société un peu sous-dev, et à son époque. Je ne dis pas que c’est mieux maintenant, mais on pourra en parler.
La seule façon de s’en sortir, lui qui était fils de veuve de guerre, dont la mère, ma grand mère, avait été obligée de faire de la couture, des ménages et donc qui a été pupille de la nation. Et donc il y a conquis sa différence de statut social et avec une sorte d’entêtement de il voulait y arriver. Et donc, après ses études, il a fait l’Ecole Normale d’Instituteurs où il a rencontré ma maman qui faisait le même périple, mettre ordre. Et je suis là à cause de ça. Mais la Corse est à l’époque un pays patriarcal. Et puis il voulait bouger ces jeunes gens et ils ont fait et sont en quelque sorte exilés, ce sont des enfants de l’exil, dès sa venue à Paris où on avait un vague cousin. C’est toujours la même chose. Il y avait une diaspora. Chacun se sentait tenu d’aider l’autre et il est devenu à force médecin, fait des études de médecine. Puis c’était la guerre. Et puis il a été confronté à des choix qu’on ne connaît plus, pas beaucoup d’outillage, pas d’antibiotiques, donc beaucoup de compassion. Et un intérêt pour les gens. Donc j’ai eu cette cette formation en somme. Ce n’est pas une formation avec des mots, hein ? Parce que ça ne se passe rien avec des mots. Ils ont tous été jetés au vent mais avec des situations. Il était un médecin à Ormesson, ville semi-rurale semi-urbaine, et j’y ai grandi dans la campagne. Très librement comme on ne peut plus imaginer, les enfants lâchés comme ça jusqu’au soir et. Donc vous voyez, le monde a vraiment changé. Il y avait une liberté de pousser. Et puis j’ai été médecin, ça vous étonnera pas.
Et j’ai fait des remplacements de médecins. C’était une médecine de l’époque, c’est à dire que j’ai pu faire des accouchements à domicile. Si vous voulez, c’était un médecin encore puissant et très isolé. Ce n’est pas tant que ça et les gens attendaient quelque chose du médecin qui était de l’ordre magique. Quelqu’un qui a une puissance, qui a fait mourir et qui a fait naître des tas de gens. Il doit savoir quelque chose sur la nuit, sur la vie, sur la mort. Et puis en même temps, tout le monde n’a pas la Sécurité sociale. Comme disait ma maman, “mais enfin, tu ne l’as pas encore fait payer celui là”. Mais tu sais pas d’argent et donc une espèce de compréhension du statut du pauvre homme parce qu’il vient d’où il vient. De la pauvreté bien sûr. Et, compassion, intérêt pour autrui. Mais moi, donc j’ai fait cette médecine là. Vous êtes seul. Mais j’ai toujours voulu faire de l’urgence et donc la seule façon d’y arriver, c’est de faire une spécialité d’anesthésie réanimation. Mais je fais beaucoup de remplacements, 36 d’ailleurs. À la campagne. Et ça vous donne un certain point de vue, cette médecine de solitaire jour et nuit. Vous ne faites pas 35 heures, vous-êtes bien au-dessus. Mais il y a un espèce de devoir, on vous appelle faut y aller et vous essayez de négocier. Mais les gens avaient aussi du respect pour la fonction.

Description de l’épisode

Xavier Emmanuelli est le fondateur du SAMU social, l’un des cofondateur de médecins sans frontière mais aussi ancien secrétaire d’état et auteur de nombreux livres.
C’est un homme vieux (selon ses mots) et malade que j’ai rencontré, qui s’est totalement ouvert à moi en toute vulnérabilité.
C’était un entretien un peu particulier pour moi car c’est la première fois qu’un invité arrive à me faire pleurer au sortir d’une discussion.
J’y étais allé pour parler de soins, d’humanité et du futur de l’hôpital mais cet entretien est très différent de tout ce que j’ai pu faire sur Vlan
Il est plus long déjà mais aussi on ne traite pas d’un sujet en particulier.
A l’inverse de cela Xavier Emmanuelli s’est totalement ouvert et il ressort de cet entretien un profond humanisme, beaucoup de sincérité, de la pudeur, de l’humanité et un questionnement sur sa propre vie.
Pour un homme qui a toujours tant fait pour les autres, c’est vraiment exceptionnel de l’écouter pendant ces quelques minutes qui vous toucheront, je l’espère au plus profond de votre âme comme cela a été le cas pour moi.

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Transcription partielle de l’épisode

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GREGORY : Bonjour à tous! Bonjour Xavier.
XAVIER : Bonjour.
GREGORY : Comment ça va aujourd’hui?
XAVIER : Ça va ! Oui, vraiment, ça va.
GREGORY : La question que je me pose quand je rencontre une personne comme vous, c’est qu’est ce que ça fait d’avoir changé la vie de millions de personnes?
XAVIER : De millions?
GREGORY : Centaines? Peut être des millions?
XAVIER : C’est quand vous vous trouvez au bon moment au bon endroit avec les personnes qui apportent qui sont des catalyseurs, et ça fait que vous êtes non seulement le témoin sans le vouloir, mais qui vous est donné et que la providence vous offre un rôle actif. Et c’est ce qui s’est passé lorsque je voulais absolument faire de l’urgence, voyez-vous? Mon père était un médecin généraliste, un médecin qui avait traversé des événements. Il venait de la Corse. Vous savez une île ? Oui, je sais bien, avec des coutumes latines. Une société traditionnelle et particularisme de l’île. Il y avait implicité, ce que j’appelle les “nobles de la montagne”, de dire des gens qui, en abord étaient faciles et qui avaient de l’intérêt pour autrui, vous savez une appétence pour l’autre, une curiosité, mais une curiosité bienfaisante. Il avait été instituteur, parce que en Corse, c’était une société un peu sous-dev, et à son époque. Je ne dis pas que c’est mieux maintenant, mais on pourra en parler.
La seule façon de s’en sortir, lui qui était fils de veuve de guerre, dont la mère, ma grand mère, avait été obligée de faire de la couture, des ménages et donc qui a été pupille de la nation. Et donc il y a conquis sa différence de statut social et avec une sorte d’entêtement de il voulait y arriver. Et donc, après ses études, il a fait l’Ecole Normale d’Instituteurs où il a rencontré ma maman qui faisait le même périple, mettre ordre. Et je suis là à cause de ça. Mais la Corse est à l’époque un pays patriarcal. Et puis il voulait bouger ces jeunes gens et ils ont fait et sont en quelque sorte exilés, ce sont des enfants de l’exil, dès sa venue à Paris où on avait un vague cousin. C’est toujours la même chose. Il y avait une diaspora. Chacun se sentait tenu d’aider l’autre et il est devenu à force médecin, fait des études de médecine. Puis c’était la guerre. Et puis il a été confronté à des choix qu’on ne connaît plus, pas beaucoup d’outillage, pas d’antibiotiques, donc beaucoup de compassion. Et un intérêt pour les gens. Donc j’ai eu cette cette formation en somme. Ce n’est pas une formation avec des mots, hein ? Parce que ça ne se passe rien avec des mots. Ils ont tous été jetés au vent mais avec des situations. Il était un médecin à Ormesson, ville semi-rurale semi-urbaine, et j’y ai grandi dans la campagne. Très librement comme on ne peut plus imaginer, les enfants lâchés comme ça jusqu’au soir et. Donc vous voyez, le monde a vraiment changé. Il y avait une liberté de pousser. Et puis j’ai été médecin, ça vous étonnera pas.
Et j’ai fait des remplacements de médecins. C’était une médecine de l’époque, c’est à dire que j’ai pu faire des accouchements à domicile. Si vous voulez, c’était un médecin encore puissant et très isolé. Ce n’est pas tant que ça et les gens attendaient quelque chose du médecin qui était de l’ordre magique. Quelqu’un qui a une puissance, qui a fait mourir et qui a fait naître des tas de gens. Il doit savoir quelque chose sur la nuit, sur la vie, sur la mort. Et puis en même temps, tout le monde n’a pas la Sécurité sociale. Comme disait ma maman, “mais enfin, tu ne l’as pas encore fait payer celui là”. Mais tu sais pas d’argent et donc une espèce de compréhension du statut du pauvre homme parce qu’il vient d’où il vient. De la pauvreté bien sûr. Et, compassion, intérêt pour autrui. Mais moi, donc j’ai fait cette médecine là. Vous êtes seul. Mais j’ai toujours voulu faire de l’urgence et donc la seule façon d’y arriver, c’est de faire une spécialité d’anesthésie réanimation. Mais je fais beaucoup de remplacements, 36 d’ailleurs. À la campagne. Et ça vous donne un certain point de vue, cette médecine de solitaire jour et nuit. Vous ne faites pas 35 heures, vous-êtes bien au-dessus. Mais il y a un espèce de devoir, on vous appelle faut y aller et vous essayez de négocier. Mais les gens avaient aussi du respect pour la fonction.
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