#223 Qu’allons nous manger demain? Avec Eugenia Carrara

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#223 Qu'allons nous manger demain? Avec Eugenia Carrara
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GRÉGORY : On va parler du système alimentaire et de la situation actuelle de l’alimentation. Est-ce que tu peux nous parler de la manière dont on a géré l’agriculture sur les 40/50 dernières années pour qu’on arrive à la situation aujourd’hui, qui est évidemment un peu complexe.
EUGENIA : Alors l’histoire de l’agriculture, c’est l’histoire aussi de développement de sociétés humaines. Donc, on a traversé énormément de défis, des croissances d’expansion, etc, qui ont fait en sorte qu’à un moment donné, et on les voit dans la littérature, l’autre jour, j’étais notamment en train de lire des textes sur le Maroc, et on voyait tout le temps revenir les mots famine, et famine, c’était quelque chose que pendant des millénaires, les sommes, ils connaissaient, rencontraient surtout ce qu’on appelle les sociétés des peuples non-nomades, donc des sédentaires, parce qu’on n’avait pas encore développé des techniques qui permet à l’homme de prévoir des quantités nécessaires ou des aléas climatiques qui faisait en sorte que parfois, il n’y avait pas de quantité nécessaire pour nourrir tout le monde. Donc, à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, bien évidemment, ils y avaient des sociétés qui étaient extrêmement fragilisées, pas seulement de point de vue économique, moral, social, mais aussi donc du point de vue de la sécurité alimentaire. Donc, on s’est mis à produire plus de nourriture et à créer aussi tout un système, donc pas seulement agricole, mais aussi à des distributions avec l’avènement de la grande distribution, pour pouvoir avoir quelque chose qu’aujourd’hui, on voit comme allant de soi, mais pendant très, très longtemps, un des enjeux centraux de la survie humaine, c’était l’alimentation. Donc aujourd’hui, on se retrouve face à un moment où cette question donc qui n’a pas été posée, en tout cas pour l’Occident, parce que aujourd’hui qu’on regarde au point de vue globale, il y a quand même 900 millions de personnes aujourd’hui qui souffrent de faim dans le monde, surtout dans les pays occidentaux où il y a une abondance, un hyper abondance d’accès à l’alimentation et aussi à des productions agricoles. Mais voilà, aujourd’hui, y compris dans nos pays, on voit quand même l’ombre d’une crise alimentaire à venir. On s’est posé beaucoup de questions sûres qu’elle va être les prochains mois en termes de distribution et si on va pouvoir finalement assurer quelque chose qui semble tellement allant de soi pour nous.
GRÉGORY : Est-ce que le problème, c’est de se dire qu’on est peut-être trop nombreux sur la planète ?
EUGENIA : Alors y a beaucoup de chercheurs qui parlent sur cette question, donc est-ce que la terre qu’on invite est faite pour avoir 7 milliards de personnes comme on l’est aujourd’hui ? Donc moi, je ne vais pas me positionner sur des questions tellement philosophiques, par contre, aujourd’hui, si on revient en fait, donc on a assez de nourriture pour nourrir 10 milliards de personnes et on 7. Donc ça veut dire qu’on a plus de nourriture, que ce qu’il en faut pour nourrir tout le monde. Alors là, la vraie question qui se pose, c’est une question de système alimentaire et de facteurs qui participent à ce système et qui font en sorte qu’aujourd’hui, malheureusement, il y a une certaine inefficacité qui fait en sorte que beaucoup de gens dans le monde ne puissent pas avoir accès à la nourriture pour différentes raisons. Il y en a bien évidemment le point de vue économique, pour revenir à ta question de l’alimentation et l’accessibilité à des produits agricoles, aujourd’hui l’ONU a sorti, il y a trois mois, des chiffres et plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à ce qu’on appelle des diètes. Donc voilà, là on voit un problème d’accessibilité, mais en tout cas, il n’y a pas un problème en termes de quantité pour nourrir tous les gens qu’il y a aujourd’hui dans la planète.
GRÉGORY : Ce que tu dis, c’est qu’on produit pour 10 milliards, on est 7 milliards et il y a en plus 1 milliard de personnes qui sont plutôt dans une situation de famine. Donc en fait il y a 6 milliards de personnes qui ont trop à manger entre guillemets, 1 milliard qui en a pas assez et 3 milliards qui sont jetés ?
EUGENIA : Alors 1/3 de ce qu’on produit aujourd’hui est perdu. Donc ça dépend, chaque pays va avoir une situation différente, dans l’Occident, dans des pays qu’on appelle des pays développés, par exemple en France aujourd’hui, on est à des taux assez haut de ce qu’on appelle les gaspillages alimentaires. Donc les normes les plus importantes se trouvent dans les gaspillages faits au sein des foyers, donc les consommateurs qui achètent trop et finalement tout ça part à la poubelle. Après bien évidemment, il y a des secteurs aussi qui créent du gaspillage et aussi des pertes, dans les autres pays du monde, on va entrer plus dans ce qu’on appelle les pertes alimentaires, qui arrivent au niveau de retail et au niveau de l’achat direct au consommateur. Donc en Inde ou même en Afrique, il y a des pays où on est vraiment à presque 45 % des pertes, parce que parfois les fermiers, il y a une volatilité des prix, du coup les prix, il y a une grosse baisse, donc il n’y a pas assez d’éléments d’un produit donc les fermiers se retrouvent avec toute sa production sur place qu’il ne peut plus vendre ou il n’y a pas accès à la logistique ou il n’a pas accès à la chaîne de froid, etc, donc il a la moitié qui perdu. Donc, on est face à une situation où vraiment une des plus grosses priorités aujourd’hui, c’est réduire les pertes et le gaspillage alimentaire.

 

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Description de l’épisode

Eugenia Carrara est la secrétaire générale de l’union des marchés de gros mondial. Souvent on se demande ce que sont les marchés de gros et en France le plus connus est Rungis.
Eugenia est une de ses personnes particulièrement brillante: anthropologue argentine, diplomée en France de Normal Sup et de l’ENA et évidemment elle parle parfaitement le français.
Depuis sa position très particulière, elle peut apporter une analyse économique, sociale et écologique de la manière dont fonctionne le système agro alimentaire mondial mais surtout de comment nous allons demain pouvoir nourrir les 8, peut être 10 milliards d’être humains correctement. En particulier lorsque l’on connait les désastres des engrais dans les terres cultivables.
On a tendance à opposer écologie et marché de gros dans nos esprits pourtant vous allez voir qu’ils nous sont indispensables et surtout que les sujets sont fondamentalement liés. Eugenia se bat chaque pour assurer une transition de la chaine de valeur de la nourriture organique vers un modèle régénératif en travaillant avec tous les partis engagés de l’O.N.U en passant par les associations, les agriculteurs mais aussi les chefs d’état.
L’idée est de rendre la nourriture fraiche et saine accessible au plus grand nombre sur la durée de manière durable.
Avec Eugénia nous parlons de notre système alimentaire actuel, du gaspillage alimentaire en occident et des famines pour de nombreux autres humains, de l’indépendance alimentaire de la France et de l’Europe mais aussi des villes.
Vous verrez que les choses qui nous semblent les plus logiques ne le sont pas nécessairement et que l’organisation de l’approvisionnement en nourriture pour qu’il fonctionne parfaitement est plus complexe et sera d’autant plus complexe avec le changement climatique.
Nous parlons également du rôle de l’Europe dans un contexte ou il y a une montée anti Europe en France mais aussi de souveraineté alimentaire et enfin d’une problématique dont on parle peu mais dont on va entendre de plus en plus parler: la disponibilité de l’eau potable.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler du système alimentaire et de la situation actuelle de l’alimentation. Est-ce que tu peux nous parler de la manière dont on a géré l’agriculture sur les 40/50 dernières années pour qu’on arrive à la situation aujourd’hui, qui est évidemment un peu complexe.
EUGENIA : Alors l’histoire de l’agriculture, c’est l’histoire aussi de développement de sociétés humaines. Donc, on a traversé énormément de défis, des croissances d’expansion, etc, qui ont fait en sorte qu’à un moment donné, et on les voit dans la littérature, l’autre jour, j’étais notamment en train de lire des textes sur le Maroc, et on voyait tout le temps revenir les mots famine, et famine, c’était quelque chose que pendant des millénaires, les sommes, ils connaissaient, rencontraient surtout ce qu’on appelle les sociétés des peuples non-nomades, donc des sédentaires, parce qu’on n’avait pas encore développé des techniques qui permet à l’homme de prévoir des quantités nécessaires ou des aléas climatiques qui faisait en sorte que parfois, il n’y avait pas de quantité nécessaire pour nourrir tout le monde. Donc, à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, bien évidemment, ils y avaient des sociétés qui étaient extrêmement fragilisées, pas seulement de point de vue économique, moral, social, mais aussi donc du point de vue de la sécurité alimentaire. Donc, on s’est mis à produire plus de nourriture et à créer aussi tout un système, donc pas seulement agricole, mais aussi à des distributions avec l’avènement de la grande distribution, pour pouvoir avoir quelque chose qu’aujourd’hui, on voit comme allant de soi, mais pendant très, très longtemps, un des enjeux centraux de la survie humaine, c’était l’alimentation. Donc aujourd’hui, on se retrouve face à un moment où cette question donc qui n’a pas été posée, en tout cas pour l’Occident, parce que aujourd’hui qu’on regarde au point de vue globale, il y a quand même 900 millions de personnes aujourd’hui qui souffrent de faim dans le monde, surtout dans les pays occidentaux où il y a une abondance, un hyper abondance d’accès à l’alimentation et aussi à des productions agricoles. Mais voilà, aujourd’hui, y compris dans nos pays, on voit quand même l’ombre d’une crise alimentaire à venir. On s’est posé beaucoup de questions sûres qu’elle va être les prochains mois en termes de distribution et si on va pouvoir finalement assurer quelque chose qui semble tellement allant de soi pour nous.
GRÉGORY : Est-ce que le problème, c’est de se dire qu’on est peut-être trop nombreux sur la planète ?
EUGENIA : Alors y a beaucoup de chercheurs qui parlent sur cette question, donc est-ce que la terre qu’on invite est faite pour avoir 7 milliards de personnes comme on l’est aujourd’hui ? Donc moi, je ne vais pas me positionner sur des questions tellement philosophiques, par contre, aujourd’hui, si on revient en fait, donc on a assez de nourriture pour nourrir 10 milliards de personnes et on 7. Donc ça veut dire qu’on a plus de nourriture, que ce qu’il en faut pour nourrir tout le monde. Alors là, la vraie question qui se pose, c’est une question de système alimentaire et de facteurs qui participent à ce système et qui font en sorte qu’aujourd’hui, malheureusement, il y a une certaine inefficacité qui fait en sorte que beaucoup de gens dans le monde ne puissent pas avoir accès à la nourriture pour différentes raisons. Il y en a bien évidemment le point de vue économique, pour revenir à ta question de l’alimentation et l’accessibilité à des produits agricoles, aujourd’hui l’ONU a sorti, il y a trois mois, des chiffres et plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à ce qu’on appelle des diètes. Donc voilà, là on voit un problème d’accessibilité, mais en tout cas, il n’y a pas un problème en termes de quantité pour nourrir tous les gens qu’il y a aujourd’hui dans la planète.
GRÉGORY : Ce que tu dis, c’est qu’on produit pour 10 milliards, on est 7 milliards et il y a en plus 1 milliard de personnes qui sont plutôt dans une situation de famine. Donc en fait il y a 6 milliards de personnes qui ont trop à manger entre guillemets, 1 milliard qui en a pas assez et 3 milliards qui sont jetés ?
EUGENIA : Alors 1/3 de ce qu’on produit aujourd’hui est perdu. Donc ça dépend, chaque pays va avoir une situation différente, dans l’Occident, dans des pays qu’on appelle des pays développés, par exemple en France aujourd’hui, on est à des taux assez haut de ce qu’on appelle les gaspillages alimentaires. Donc les normes les plus importantes se trouvent dans les gaspillages faits au sein des foyers, donc les consommateurs qui achètent trop et finalement tout ça part à la poubelle. Après bien évidemment, il y a des secteurs aussi qui créent du gaspillage et aussi des pertes, dans les autres pays du monde, on va entrer plus dans ce qu’on appelle les pertes alimentaires, qui arrivent au niveau de retail et au niveau de l’achat direct au consommateur. Donc en Inde ou même en Afrique, il y a des pays où on est vraiment à presque 45 % des pertes, parce que parfois les fermiers, il y a une volatilité des prix, du coup les prix, il y a une grosse baisse, donc il n’y a pas assez d’éléments d’un produit donc les fermiers se retrouvent avec toute sa production sur place qu’il ne peut plus vendre ou il n’y a pas accès à la logistique ou il n’a pas accès à la chaîne de froid, etc, donc il a la moitié qui perdu. Donc, on est face à une situation où vraiment une des plus grosses priorités aujourd’hui, c’est réduire les pertes et le gaspillage alimentaire.

 

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