#221 Sommes nous égaux devant la bifurcation de carrière? avec Ludovic de Gromard

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#221 Sommes nous égaux devant la bifurcation de carrière? avec Ludovic de Gromard
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GRÉGORY : On va parler d’un sujet qui me touche, qui est l’égalité des chances. Je pense que peut être la première des questions, parce qu’en France, c’est dans le slogan entre guillemets Liberté, égalité, fraternité. Est-ce qu’on part avec des chances égales dans la vie ?

LUDOVIC : Est-ce qu’on part avec des chances égales probablement. À la naissance, et puis immédiatement après, non, je ne pense pas.

GRÉGORY : Pourquoi tu penses qu’on ne parle pas avec des chances égales dans ce cas-là?

LUDOVIC : D’abord, j’ai un chiffre pour prouver ce que je dis, c’est un chiffre qui est à mon avis un coup de massue, qui dit qu’aujourd’hui en France, si tu fais partie des 25% des Français et des Françaises aux salaires les moins élevés, il va falloir en moyenne six générations à ta descendance pour passer au-dessus du salaire médian. Les six générations, c’est deux siècles. Et pour donner un point de comparaison en Europe, au Danemark c’est deux et en Espagne c’est quatre. Donc en gros, il n’y a pas de mobilité sociale statistiquement parlant en France aujourd’hui.

GRÉGORY : Alors du coup j’ai une question. Moi j’ai ma réponse, mais j’aimerais bien avoir ta réponse. Qu’est-ce que tu penses de cette expression du self-made man ou de la self-made woman en France ?

LUDOVIC : Je pense que tu n’as pas de self made. En fait, tu n’es jamais complètement fait par toi-même, tu es complètement fait avec les personnes qui t’ont donné ta chance, avec des personnes qui t’ont ouvert la bonne porte, avec tes parents qui t’ont accompagné avec ton nom, etc. Alors le self made, c’est un mythe.

GRÉGORY : Je suis hyper d’accord, mais c’est vrai qu’il y a cette expression et il y a plein de gens que je rencontre parfois qui disent “je me suis construit tout seul, tu vois, c’est à la force de ma sueur, etc”. Tu ne l’es pas vraiment en fait, parce que ça dépend de la où tu es né, et ça dépend de plein de choses qui font que finalement ce sont les rencontres. Tu ne fais jamais rien tout seul. Tu as forcément des gens qui t’ont inspiré au fur et à mesure sur ta route et c’est hyper important pour moi de leur donner de la reconnaissance finalement, et pas juste de dire je me suis construit tout seul, ça n’a aucun sens et c’est pour ça que j’étais curieux d’avoir ta réponse sur le sujet.

LUDOVIC : En fait, je pense que ce que tu évoques, qu’est ce qui limite une personne dans sa croissance personnelle, professionnelle, dans la vie, tu as des barrières internes et tu as des barrières externes. Les barrières internes, c’est qui suis-je ? Quelles sont mes peurs ? Qu’est-ce qui me limite personnellement ? Quelle est ma place ? L’identification de ta place dans la société. Et ça, c’est tout ce qui est des barrières internes. Et ensuite, tu as toutes les barrières externes qui sont le profil que j’ai, la perception que la société a de moi peut me limiter et on peut en reparler dans le cadre du travail. Il y a énormément de barrières externes, évidemment toutes les discriminations légales que tu connais aussi bien que moi, mais en fait beaucoup d’autres qui sont en fait politiquement correctes, parfaitement acceptées aujourd’hui par la société.

GRÉGORY : Et puis il y a aussi les modèles, c’est-à-dire que si tu n’as pas de modèles, de rôles modèles entre guillemets, tu peux même pas te dire que potentiellement tu pourrais avoir ce job. Non, il n’y a pas ce truc ?

LUDOVIC : Bien sûr. Quand j’étais étudiant, j’ai étudié à Cergy que tu connais très bien, il y avait une association qui a été créée, qui s’appelle “une grande école pourquoi pas moi ?” qui sont des étudiants de grandes écoles qui viennent accompagner le mercredi après midi des jeunes sélectionnés dans les lycées de zones sensibles pour essayer de leur montrer qu’il n’y a pas une grande différence entre ce qu’est un étudiant de grande école que j’étais à ce moment-là et qui sont, eux, avec quatre ou cinq ans de moins, justement pour créer cette proximité et cette projection possible avec leur modèle. Donc tout à fait d’accord avec toi et je pense que c’est absolument fondamental.

GRÉGORY : Et du coup, c’était quoi leur réaction à l’époque des jeunes ?

LUDOVIC : Il y avait un flou, c’est-à-dire on était amis. Oui, on était amis. Comme il n’y avait aucune barrière pour le coup, extrêmement rapidement.

GRÉGORY : C’est clair, d’accord. Quand tu parlais des discriminations légales, tu faisais référence à quoi ?

LUDOVIC : Tu vois aujourd’hui, en France, si tu as un parcours qu’on pourrait appeler non-linéaire, c’est-à-dire que tu n’as pas fait exactement le même job avant ou que tu ne rentres pas exactement dans les cases, alors avoir les compétences ne suffit pas. C’est-à-dire qu’un recruteur ou une recruteuse ne va pas t’ouvrir la porte. Alors que tu as les compétences et potentiellement l’envie, voire beaucoup plus d’envie que les autres candidats autour. Ça, c’est une barrière externe majeure et donc un certain nombre d’entreprises d’ailleurs, si tu n’as pas fait exactement ce diplôme avant, tu peux toujours courir. Et c’est officiel, il n’y a rien de caché là-dedans. Il y a des entreprises parfaitement respectées dans la société qui d’ailleurs donnent des conseils sur l’inclusion au passage. Ça, c’est une barrière majeure. Mais tu vois l’appel à ouvrir son carnet d’adresses auquel tu as participé et je l’en remercie encore, ç’a été fait justement pour dépasser ces barrières externes.

GRÉGORY : Est-ce que tu peux m’expliquer comment ça se fait que toi, dans ta vie, tu t’es dit  je vais aller dans ce sens-là. Quand tu fais une école de commerce, tu peux aller créer des business, tu peux être salarié de je ne sais pas quelle boîte, etc. Pourquoi toi tu t’es dit je vais aider les gens à être plus fluides dans la révolution sociale ou pourquoi pas changer de métier. Qu’est-ce qui explique ce mouvement pour toi ?

LUDOVIC : Il y a 2 trucs. J’ai grandi à Beauvais, ma mère est égyptienne, sa famille italienne, libanaise, mon père est français et mon père était entrepreneur, ma mère était prof, donc j’ai eu tout ce dont j’avais besoin quand j’étais enfant pour avoir un cocon familial, un accompagnement pour comprendre le monde, un accès à une certaine culture, etc. Ce dont je me suis rendu compte à dix ans, à partir du démarrage du collège, en fait, mes parcours de vie avec mes potes ou une partie de mes potes ont commencé à diverger et je le voyais avec mon regard de préadolescent. Je me rendais compte qu’on commençait à avoir des vies qui, petit à petit, divergeaient, et c’est comme ça que je me suis dit, mais attends, mais c’est complètement injuste parce que ton passé dicte ton futur et ça n’a fait qu’être accentué. C’est comme ça que je me suis intéressé à, je ne savais pas que ça s’appelait comme ça à l’époque, mais la justice sociale. Pourquoi est-ce que les gens qui n’ont pas eu les mêmes chances que moi enfant, par leur passé, ne peuvent pas avoir les mêmes pour leur futur ? Et c’est comme ça que je me suis dit ado, attends Ludo, essaie dans ta vie de faire un truc pour être utile aux personnes qui n’ont pas eu les mêmes chances que toi socialement. 

La suite a écouté sur VLAN !

Description de l’épisode

Ludovic de Gromard est le fondateur de Chance mais avant cela c’est un humain qui depuis petit s’est décidé à permettre à tout à chacun.e de pouvoir bifurquer, de trouver la carrière dans laquelle chacun. e pourra s’épanouir dans un job si ce n’est une carrière.
Burn-out, Bore -out, beaucoup de personnes ont envie de bifurquer, de changer mais ce n’est pas simple, il faut d’abord le réaliser puis savoir comment faire et ensuite en avoir la possibilité.
En France nous pensons qu’il y a une égalité des chances mais c’est loin d’être le cas puisqu’il faut en moyenne 6 générations pour passer d’une classe sociale à une autre. En réalité l’ascenseur est cassé!
Une partie des personnes vont penser que “quand on veut on peut” mais la réalité est très différente de cette maxime car il y a beaucoup d’enjeux que nous couvrons avec Ludovic.
Et par ailleurs, même quand on en a les moyens ce n’est pas si simple.
Avec Ludovic nous expliquons que cette logique de donner du sens à sa carrière n’est pas seulement quelque chose réservé pour les cadres mais que tout le monde devrait pouvoir prendre du plaisir (au moins partiellement) dans son travail évidemment.
Beaucoup d’engagement, d’idées mais surtout Ludovic fait à travers Chance et rend concret cette transformation pour tout les personnes désireuses de changer de carrière.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler d’un sujet qui me touche, qui est l’égalité des chances. Je pense que peut être la première des questions, parce qu’en France, c’est dans le slogan entre guillemets Liberté, égalité, fraternité. Est-ce qu’on part avec des chances égales dans la vie ?

LUDOVIC : Est-ce qu’on part avec des chances égales probablement. À la naissance, et puis immédiatement après, non, je ne pense pas.

GRÉGORY : Pourquoi tu penses qu’on ne parle pas avec des chances égales dans ce cas-là?

LUDOVIC : D’abord, j’ai un chiffre pour prouver ce que je dis, c’est un chiffre qui est à mon avis un coup de massue, qui dit qu’aujourd’hui en France, si tu fais partie des 25% des Français et des Françaises aux salaires les moins élevés, il va falloir en moyenne six générations à ta descendance pour passer au-dessus du salaire médian. Les six générations, c’est deux siècles. Et pour donner un point de comparaison en Europe, au Danemark c’est deux et en Espagne c’est quatre. Donc en gros, il n’y a pas de mobilité sociale statistiquement parlant en France aujourd’hui.

GRÉGORY : Alors du coup j’ai une question. Moi j’ai ma réponse, mais j’aimerais bien avoir ta réponse. Qu’est-ce que tu penses de cette expression du self-made man ou de la self-made woman en France ?

LUDOVIC : Je pense que tu n’as pas de self made. En fait, tu n’es jamais complètement fait par toi-même, tu es complètement fait avec les personnes qui t’ont donné ta chance, avec des personnes qui t’ont ouvert la bonne porte, avec tes parents qui t’ont accompagné avec ton nom, etc. Alors le self made, c’est un mythe.

GRÉGORY : Je suis hyper d’accord, mais c’est vrai qu’il y a cette expression et il y a plein de gens que je rencontre parfois qui disent “je me suis construit tout seul, tu vois, c’est à la force de ma sueur, etc”. Tu ne l’es pas vraiment en fait, parce que ça dépend de la où tu es né, et ça dépend de plein de choses qui font que finalement ce sont les rencontres. Tu ne fais jamais rien tout seul. Tu as forcément des gens qui t’ont inspiré au fur et à mesure sur ta route et c’est hyper important pour moi de leur donner de la reconnaissance finalement, et pas juste de dire je me suis construit tout seul, ça n’a aucun sens et c’est pour ça que j’étais curieux d’avoir ta réponse sur le sujet.

LUDOVIC : En fait, je pense que ce que tu évoques, qu’est ce qui limite une personne dans sa croissance personnelle, professionnelle, dans la vie, tu as des barrières internes et tu as des barrières externes. Les barrières internes, c’est qui suis-je ? Quelles sont mes peurs ? Qu’est-ce qui me limite personnellement ? Quelle est ma place ? L’identification de ta place dans la société. Et ça, c’est tout ce qui est des barrières internes. Et ensuite, tu as toutes les barrières externes qui sont le profil que j’ai, la perception que la société a de moi peut me limiter et on peut en reparler dans le cadre du travail. Il y a énormément de barrières externes, évidemment toutes les discriminations légales que tu connais aussi bien que moi, mais en fait beaucoup d’autres qui sont en fait politiquement correctes, parfaitement acceptées aujourd’hui par la société.

GRÉGORY : Et puis il y a aussi les modèles, c’est-à-dire que si tu n’as pas de modèles, de rôles modèles entre guillemets, tu peux même pas te dire que potentiellement tu pourrais avoir ce job. Non, il n’y a pas ce truc ?

LUDOVIC : Bien sûr. Quand j’étais étudiant, j’ai étudié à Cergy que tu connais très bien, il y avait une association qui a été créée, qui s’appelle “une grande école pourquoi pas moi ?” qui sont des étudiants de grandes écoles qui viennent accompagner le mercredi après midi des jeunes sélectionnés dans les lycées de zones sensibles pour essayer de leur montrer qu’il n’y a pas une grande différence entre ce qu’est un étudiant de grande école que j’étais à ce moment-là et qui sont, eux, avec quatre ou cinq ans de moins, justement pour créer cette proximité et cette projection possible avec leur modèle. Donc tout à fait d’accord avec toi et je pense que c’est absolument fondamental.

GRÉGORY : Et du coup, c’était quoi leur réaction à l’époque des jeunes ?

LUDOVIC : Il y avait un flou, c’est-à-dire on était amis. Oui, on était amis. Comme il n’y avait aucune barrière pour le coup, extrêmement rapidement.

GRÉGORY : C’est clair, d’accord. Quand tu parlais des discriminations légales, tu faisais référence à quoi ?

LUDOVIC : Tu vois aujourd’hui, en France, si tu as un parcours qu’on pourrait appeler non-linéaire, c’est-à-dire que tu n’as pas fait exactement le même job avant ou que tu ne rentres pas exactement dans les cases, alors avoir les compétences ne suffit pas. C’est-à-dire qu’un recruteur ou une recruteuse ne va pas t’ouvrir la porte. Alors que tu as les compétences et potentiellement l’envie, voire beaucoup plus d’envie que les autres candidats autour. Ça, c’est une barrière externe majeure et donc un certain nombre d’entreprises d’ailleurs, si tu n’as pas fait exactement ce diplôme avant, tu peux toujours courir. Et c’est officiel, il n’y a rien de caché là-dedans. Il y a des entreprises parfaitement respectées dans la société qui d’ailleurs donnent des conseils sur l’inclusion au passage. Ça, c’est une barrière majeure. Mais tu vois l’appel à ouvrir son carnet d’adresses auquel tu as participé et je l’en remercie encore, ç’a été fait justement pour dépasser ces barrières externes.

GRÉGORY : Est-ce que tu peux m’expliquer comment ça se fait que toi, dans ta vie, tu t’es dit  je vais aller dans ce sens-là. Quand tu fais une école de commerce, tu peux aller créer des business, tu peux être salarié de je ne sais pas quelle boîte, etc. Pourquoi toi tu t’es dit je vais aider les gens à être plus fluides dans la révolution sociale ou pourquoi pas changer de métier. Qu’est-ce qui explique ce mouvement pour toi ?

LUDOVIC : Il y a 2 trucs. J’ai grandi à Beauvais, ma mère est égyptienne, sa famille italienne, libanaise, mon père est français et mon père était entrepreneur, ma mère était prof, donc j’ai eu tout ce dont j’avais besoin quand j’étais enfant pour avoir un cocon familial, un accompagnement pour comprendre le monde, un accès à une certaine culture, etc. Ce dont je me suis rendu compte à dix ans, à partir du démarrage du collège, en fait, mes parcours de vie avec mes potes ou une partie de mes potes ont commencé à diverger et je le voyais avec mon regard de préadolescent. Je me rendais compte qu’on commençait à avoir des vies qui, petit à petit, divergeaient, et c’est comme ça que je me suis dit, mais attends, mais c’est complètement injuste parce que ton passé dicte ton futur et ça n’a fait qu’être accentué. C’est comme ça que je me suis intéressé à, je ne savais pas que ça s’appelait comme ça à l’époque, mais la justice sociale. Pourquoi est-ce que les gens qui n’ont pas eu les mêmes chances que moi enfant, par leur passé, ne peuvent pas avoir les mêmes pour leur futur ? Et c’est comme ça que je me suis dit ado, attends Ludo, essaie dans ta vie de faire un truc pour être utile aux personnes qui n’ont pas eu les mêmes chances que toi socialement. 

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