#220 Relier la conquête spatiale et l’écologie avec Christophe Lasseur

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#220 Relier la conquête spatiale et l'écologie avec Christophe Lasseur
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GRÉGORY : Je pense que l’aérospatial, ça fait rêver un peu tout le monde, tous les enfants. Et la première question, c’est sans doute de savoir comment on fait quand on vient d’un petit village pour arriver dans l’aérospatiale ? C’est quoi le chemin et comment on arrive à faire ce rêve ?

CHRISTOPHE : Je ne sais pas s’il y a un chemin prédéfini en ce qui me concerne, puisqu’il y a l’expérience des collègues et il y a la mienne. En ce qui me concerne, c’est plutôt de la chance et des opportunités, j’ai été poussé par des parents à faire des études, je me suis retrouvée en terminale scientifique et après j’étais plutôt passionné par la musique, mais j’ai choisi de faire une formation d’ingénieur électronicien parce que c’était sans doute ce qui était le plus proche, la musique instrumentale ne me refusait pas, mais je n’avais probablement pas le talent. Donc, je me suis dirigé vers une formation d’ingénieur pour essayer de me rapprocher un peu plus de ce qu’on appelait à l’époque la Hi-Fi. Et puis l’été, pour pouvoir contribuer à mes frais d’étudiant, je travaillais dans un CHU en province, où j’étais, en plaisantant, bran cardiologue, c’est-à-dire que je poussais les lits, les chariots des différents services, j’ai travaillé au Samu, entre autres, et en soins intensifs. Et j’ai trouvé que le lien entre l’électronique que j’avais appris et le malade qui espérait évidemment une chose, c’est qu’on le soulage et qu’on puisse le guérir, était assez sympathique. Il y avait un lien direct, notamment en soins intensifs, et je me suis dit que ça pourrait être peut-être sympathique de faire une spécialisation dans le domaine des technologies biologie/médicale, ce que j’ai fait à l’université de Compiègne. Et puis, de façon complètement anecdotique, je finissais mon stage au CHU d’Amiens, ma secrétaire du service est venue en me disant qu’il y avait un ingénieur de chez Matra, aujourd’hui Airbus, qui voulait me parler. Cet ingénieur m’a proposé de faire une thèse chez Airbus sur la problématique des systèmes circulaires, la croissance de plantes dans l’espace, sa microgravité et ainsi de suite, ce qui été vraiment pour moi un domaine entièrement nouveau auquel je n’avais jamais réfléchi, je savais à peine où était l’espace pour être franc avec vous. Il est arrivé avec le nom de Matra Espace qui était à l’époque tout à fait prestigieux, donc j’ai accepté d’en discuter. Et puis, chemin faisant, je me suis dit après tout, pourquoi pas ? Ils vont sûrement se rendre compte dans les premiers mois que je n’ai pas les capacités ni la hauteur de ce poste, et ils s’en sont pas rendus compte. Ainsi j’ai fait une thèse chez Airbus et Airbus m’a ensuite embauchée. Je me suis retrouvé responsable d’un échographe qui a volé sur la navette américaine. Et puis après, il fallait partir sur Toulouse. J’ai eu une autre opportunité à l’Agence spatiale européenne en post-doc. Donc, je suis parti pour deux ans, et 32 ans plus tard, j’y suis encore. C’est assez fou parce qu’en fin de compte, quand je suis arrivée à l’Agence spatiale européenne, je dirais qu’il n’y avait presque rien sur ce domaine, sur l’économie circulaire, les systèmes de recyclage et ainsi de suite. Donc il y avait tout à faire, ça, c’était génial et ça l’est toujours. Voilà le chemin maintenant, je dirais s’il fallait en tirer une leçon, rester ouvert, rester ouvert et écouter les opportunités.

GRÉGORY : Souvent, on dit avoir de la chance, c’est une compétence parce que ça veut dire s’ouvrir aux opportunités, effectivement. Donc, on va parler d’Aérospatiale, on va parler de spatial, je me souviens que la station spatiale de mémoire, elle fait la taille d’un stade de foot, c’est ça ?

CHRISTOPHE : Un terrain de foot à peu près, en surface, en comptant les panneaux solaires. Voilà, c’est ça. 

GRÉGORY : D’accord. Et du coup, c’est quoi les contraintes pour un humain ? Parce qu’un humain, il est fait pour vivre sur terre, à priori dans un écosystème. C’est quoi les contraintes pour vivre dans une station spatiale ? 

CHRISTOPHE : Alors, il y en a plusieurs. La première, vous êtes dans un environnement, vous êtes dans le vide. Donc il faut absolument que le bidon dans lequel vous allez tenter de vivre soit totalement étanche. S’il y a des fuites, effectivement, tout l’oxygène va partir et vous n’allez pas pouvoir survivre. Donc la première difficulté, c’est d’avoir un bidon, c’est un peu brutal comme vocabulaire, mais un bidon étanche. Ensuite, effectivement, il faut maintenir une température relativement acceptable pour l’équipage, c’est-à-dire qu’il ne faut pas que ce soit à -50 ou à plus de 100. Donc il faut maintenir les températures correctement et il faut essayer de maintenir une pression aux alentours d’un bar, c’est-à-dire en fin de compte, des conditions presque terrestres. Après, il va falloir fournir de l’oxygène, fournir de l’eau, fournir de la nourriture, de façon à ce que l’astronaute puisse à tout moment avoir cette capacité de vie. Il va falloir effectivement en plus gérer ces déchets qui vont s’accumuler assez rapidement, à commencer par le CO2. Alors tout ça semble assez facile si on imagine le bidon sur terre. À partir du moment où vous le mettez en microgravité, c’est-à-dire il n’y a plus cet effet naturel de séparation ou de convection, eh bien, ça devient beaucoup plus complexe. Par exemple, aujourd’hui le CO2 que je produis, qui est un poison pour l’homme, va tomber sur le sol à cause de la gravité, en microgravité il va rester devant la bouche de l’astronaute, si l’astronaute ne se déplace pas et il va s’autoempoisonner. Il va falloir avoir une ventilation extrêmement forte s’il n’y a pas de convection naturelle. On va retomber évidemment sur la même problématique pour la température. Et puis après, quand vous respirez, vous produisez de l’humidité, cette humidité, on ne peut pas la laisser s’accumuler dans le véhicule parce qu’on a de l’électronique, des ordinateurs et tout. Donc, on imagine difficilement des surfaces humides sur les ordinateurs, il va donc falloir la piéger. Quand vous parlez, ça, on le sait bien, on l’a vécu pendant deux ans, vous produisez des micro-organismes. Ces micro-organismes sont expulsés par la bouche principalement et vont s’accumuler aussi dans le véhicule, donc, il faut réussir à les piéger. Donc là aussi, on a toute une batterie de matériel de façon à piéger ces contaminants microbiologiques qui sont non seulement un risque pour l’astronaute s’ils s’accumulaient. Donc, vous pouvez avoir des déséquilibres du microbiote de l’astronaute, mais aussi un risque pour l’équipement, parce que si on a des biofilms ou des cultures de champignons, là, on peut avoir aussi des problèmes avec l’électronique et d’autres composants. Il faut absolument réussir à les piéger aussi. Après, vous avez aussi comment vous fournissez de l’eau, comment vous la récupérer, est ce que vous pouvez la transporter, etc, et puis la même chose pour la nourriture. Voilà.

La suite a écouté sur VLAN !

Description de l’épisode

Christophe dirige a l’agence spatiale Européenne l’un des projets les plus passionnants qui soit: MELISSA. En plus d’être ingénieur, il est également docteur en philosophie ce qui lui procure une profondeur particulière que vous entendrez sans doute dans cet épisode.
Melissa ( en anglais “Micro-Ecological Life Support System Alternative”) est un projet qui a plus de 30 ans et comme le décrit parfaitement Wikipedia, c’est un projet ayant pour objectif de développer un système de support de vie régénératif permettant de reproduire les fonctions principales de l’écosystème terrestre (production en eau, oxygène), dans une masse et un volume réduits et avec une sécurité extrême. Les missions vers la planète Mars (et toutes les étapes entre la Terre et Mars) sont visées. On parle d’écologie fonctionnelle car il s’agit d’un mini écosystème en autonomie.
On y pense pas assez mais partir pour un si long voyage nécessite de comprendre comment gérer les déchets, comment se nourrir en autonomie, comment gérer les maladies, s’alimenter en oxygène…et bien sur on ne pas tout prendre avec soi car autrement, la navette ne décollerait pas (cela représente 5kg par jour et par astronaute sans compte l’oxygène…). On se parle à date de 30 tonnes à prendre avec soi pour un voyage vers Mars…autrement dire, impossible.
Mais alors quel lien avec l’écologie et la vie sur terre?
Comme Christophe l’explique très bien, ils se sont rapidement compte que les recherches qu’ils faisaient avait des applications directes pour améliorer la circularité, améliorer, les processus écologiques. C’est d’ailleurs, décrit comme le projet d’économie circulaire le plus aboutit et des tonnes de recherches de Melissa sont utilisées actuellement sur terre comme la méthode d’industrialisation du test PCR, mais aussi une méthode révolutionnaire pour l’azote (utiliser dans les fertilisants), la gestion des excréments etc…
Thomas Pesquet est évidemment le meilleur ambassadeur pour ce programme avec lequel il travaille évidemment.
Un épisode qui va vous faire voyage mais qui va aussi vous faire comprendre comment la recherche de manière générale peut faire avancer des sujets qui vous semblent être à l’exact opposé de certains sujets.
Et je trouve cela particulièrement passionnant!

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Je pense que l’aérospatial, ça fait rêver un peu tout le monde, tous les enfants. Et la première question, c’est sans doute de savoir comment on fait quand on vient d’un petit village pour arriver dans l’aérospatiale ? C’est quoi le chemin et comment on arrive à faire ce rêve ?

CHRISTOPHE : Je ne sais pas s’il y a un chemin prédéfini en ce qui me concerne, puisqu’il y a l’expérience des collègues et il y a la mienne. En ce qui me concerne, c’est plutôt de la chance et des opportunités, j’ai été poussé par des parents à faire des études, je me suis retrouvée en terminale scientifique et après j’étais plutôt passionné par la musique, mais j’ai choisi de faire une formation d’ingénieur électronicien parce que c’était sans doute ce qui était le plus proche, la musique instrumentale ne me refusait pas, mais je n’avais probablement pas le talent. Donc, je me suis dirigé vers une formation d’ingénieur pour essayer de me rapprocher un peu plus de ce qu’on appelait à l’époque la Hi-Fi. Et puis l’été, pour pouvoir contribuer à mes frais d’étudiant, je travaillais dans un CHU en province, où j’étais, en plaisantant, bran cardiologue, c’est-à-dire que je poussais les lits, les chariots des différents services, j’ai travaillé au Samu, entre autres, et en soins intensifs. Et j’ai trouvé que le lien entre l’électronique que j’avais appris et le malade qui espérait évidemment une chose, c’est qu’on le soulage et qu’on puisse le guérir, était assez sympathique. Il y avait un lien direct, notamment en soins intensifs, et je me suis dit que ça pourrait être peut-être sympathique de faire une spécialisation dans le domaine des technologies biologie/médicale, ce que j’ai fait à l’université de Compiègne. Et puis, de façon complètement anecdotique, je finissais mon stage au CHU d’Amiens, ma secrétaire du service est venue en me disant qu’il y avait un ingénieur de chez Matra, aujourd’hui Airbus, qui voulait me parler. Cet ingénieur m’a proposé de faire une thèse chez Airbus sur la problématique des systèmes circulaires, la croissance de plantes dans l’espace, sa microgravité et ainsi de suite, ce qui été vraiment pour moi un domaine entièrement nouveau auquel je n’avais jamais réfléchi, je savais à peine où était l’espace pour être franc avec vous. Il est arrivé avec le nom de Matra Espace qui était à l’époque tout à fait prestigieux, donc j’ai accepté d’en discuter. Et puis, chemin faisant, je me suis dit après tout, pourquoi pas ? Ils vont sûrement se rendre compte dans les premiers mois que je n’ai pas les capacités ni la hauteur de ce poste, et ils s’en sont pas rendus compte. Ainsi j’ai fait une thèse chez Airbus et Airbus m’a ensuite embauchée. Je me suis retrouvé responsable d’un échographe qui a volé sur la navette américaine. Et puis après, il fallait partir sur Toulouse. J’ai eu une autre opportunité à l’Agence spatiale européenne en post-doc. Donc, je suis parti pour deux ans, et 32 ans plus tard, j’y suis encore. C’est assez fou parce qu’en fin de compte, quand je suis arrivée à l’Agence spatiale européenne, je dirais qu’il n’y avait presque rien sur ce domaine, sur l’économie circulaire, les systèmes de recyclage et ainsi de suite. Donc il y avait tout à faire, ça, c’était génial et ça l’est toujours. Voilà le chemin maintenant, je dirais s’il fallait en tirer une leçon, rester ouvert, rester ouvert et écouter les opportunités.

GRÉGORY : Souvent, on dit avoir de la chance, c’est une compétence parce que ça veut dire s’ouvrir aux opportunités, effectivement. Donc, on va parler d’Aérospatiale, on va parler de spatial, je me souviens que la station spatiale de mémoire, elle fait la taille d’un stade de foot, c’est ça ?

CHRISTOPHE : Un terrain de foot à peu près, en surface, en comptant les panneaux solaires. Voilà, c’est ça. 

GRÉGORY : D’accord. Et du coup, c’est quoi les contraintes pour un humain ? Parce qu’un humain, il est fait pour vivre sur terre, à priori dans un écosystème. C’est quoi les contraintes pour vivre dans une station spatiale ? 

CHRISTOPHE : Alors, il y en a plusieurs. La première, vous êtes dans un environnement, vous êtes dans le vide. Donc il faut absolument que le bidon dans lequel vous allez tenter de vivre soit totalement étanche. S’il y a des fuites, effectivement, tout l’oxygène va partir et vous n’allez pas pouvoir survivre. Donc la première difficulté, c’est d’avoir un bidon, c’est un peu brutal comme vocabulaire, mais un bidon étanche. Ensuite, effectivement, il faut maintenir une température relativement acceptable pour l’équipage, c’est-à-dire qu’il ne faut pas que ce soit à -50 ou à plus de 100. Donc il faut maintenir les températures correctement et il faut essayer de maintenir une pression aux alentours d’un bar, c’est-à-dire en fin de compte, des conditions presque terrestres. Après, il va falloir fournir de l’oxygène, fournir de l’eau, fournir de la nourriture, de façon à ce que l’astronaute puisse à tout moment avoir cette capacité de vie. Il va falloir effectivement en plus gérer ces déchets qui vont s’accumuler assez rapidement, à commencer par le CO2. Alors tout ça semble assez facile si on imagine le bidon sur terre. À partir du moment où vous le mettez en microgravité, c’est-à-dire il n’y a plus cet effet naturel de séparation ou de convection, eh bien, ça devient beaucoup plus complexe. Par exemple, aujourd’hui le CO2 que je produis, qui est un poison pour l’homme, va tomber sur le sol à cause de la gravité, en microgravité il va rester devant la bouche de l’astronaute, si l’astronaute ne se déplace pas et il va s’autoempoisonner. Il va falloir avoir une ventilation extrêmement forte s’il n’y a pas de convection naturelle. On va retomber évidemment sur la même problématique pour la température. Et puis après, quand vous respirez, vous produisez de l’humidité, cette humidité, on ne peut pas la laisser s’accumuler dans le véhicule parce qu’on a de l’électronique, des ordinateurs et tout. Donc, on imagine difficilement des surfaces humides sur les ordinateurs, il va donc falloir la piéger. Quand vous parlez, ça, on le sait bien, on l’a vécu pendant deux ans, vous produisez des micro-organismes. Ces micro-organismes sont expulsés par la bouche principalement et vont s’accumuler aussi dans le véhicule, donc, il faut réussir à les piéger. Donc là aussi, on a toute une batterie de matériel de façon à piéger ces contaminants microbiologiques qui sont non seulement un risque pour l’astronaute s’ils s’accumulaient. Donc, vous pouvez avoir des déséquilibres du microbiote de l’astronaute, mais aussi un risque pour l’équipement, parce que si on a des biofilms ou des cultures de champignons, là, on peut avoir aussi des problèmes avec l’électronique et d’autres composants. Il faut absolument réussir à les piéger aussi. Après, vous avez aussi comment vous fournissez de l’eau, comment vous la récupérer, est ce que vous pouvez la transporter, etc, et puis la même chose pour la nourriture. Voilà.

La suite a écouté sur VLAN !

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