#219 Mieux comprendre les secrets de l’univers avec David Elbaz

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#219 Mieux comprendre les secrets de l'univers avec David Elbaz
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GRÉGORY : J’ai une première question qui va sans doute donner de l’espoir à des parents. Comment on fait pour redoubler sa seconde, et être astrophysicien ?

DAVID : Effectivement, je m’y suis pris à deux fois. J’ai doublé la seconde et j’ai aussi doublé la terminale, et je me suis toujours demandé pourquoi je n’avais pas doublé la première, c’est parce qu’en fait, à l’époque, on ne pouvait pas. Pour moi, la leçon que j’ai tirée de ça, c’est le fait que j’étais un peu ce que les gens appelaient un rêveur. Mais c’est aussi le fait que lorsqu’on entend quelque chose, ça fait réfléchir et j’ai réalisé que ce n’était pas l’objectif de l’éducation. Ce qui peut paraître surprenant et qui peut avoir des implications, qu’on m’a beaucoup reproché, mais aussi je ne rêvais pas nécessairement de choses intelligentes. C’est vrai que si je tiens à partager cette expérience avec tout le monde, c’est pour dire que j’ai eu la chance d’avoir des parents qui avaient confiance, qui m’encourageaient et la passion qu’on peut avoir pour la connaissance, elle n’est pas forcément directement corrélée avec le succès qu’on peut avoir dans la capacité de reproduire ce qu’on attend de nous de manière assez mécanique, parfois dans les études scientifiques. C’est un peu péjoratif ce que je dis là, les professeurs font un travail exceptionnel, mais qui n’est pas adapté obligatoirement à tous les profils de tout le monde. Et par exemple, si on dit à un jeune que lorsqu’une pomme se décroche d’une branche, d’un arbre et qu’elle est attirée par la terre qui fait qu’elle tombe et qu’on écrit l’équation à quoi ça correspond, si le jeune dit “Moi, ça ne me parle pas, je ne suis pas fait pour ça”, c’est qu’il est sain d’esprit parce que c’est de la pure magie, c’est de la télékinésie. Et Newton, quand il a découvert ça, il était lui-même complètement troublé. Le révérend Bentley lui a envoyé une lettre en lui disant “Si vous dites qu’une pomme est attirée à distance par la terre, c’est la preuve de Dieu”. Parce qu’il n’y a aucune raison que la pomme tombe, comment elle sait qu’il faut aller dans la direction de la terre, ce qu’on appelle vers le bas, parce qu’elle est dans le vide ? Et donc, si elle le sait, c’est qu’il y a quelque chose qui remplit le vide et c’est la présence divine. Donc l’élève qui dit que pour lui, le discours qu’on lui donne n’est pas digeste et qu’il ne comprend pas, c’est sain quelque part. Donc, je pense que le premier message que j’aimerais donner, par exemple à quelqu’un qui s’interroge sur le fait qu’il se dit que la physique, la science, ce n’est pas pour lui, effectivement, quand on voit un grand yogi qui a une grande capacité de respiration, qui peut retenir sa respiration pendant plusieurs minutes, on peut se dire que la respiration, ce n’est pas pour moi, et pourtant, si on décide d’arrêter de respirer, on ne va pas vivre. La science, elle appartient à tout le monde. Elle n’appartient pas à la tour d’ivoire des scientifiques. Les questions que chacun se posent sont toutes aussi pertinentes que les questions que se pose le plus grand des savants. Mais effectivement, il faut être patient et j’ai eu la chance de pouvoir recommencer à une époque où on pouvait redoubler et quand même continuer et finir par exprimer ma passion pour la science après.

GRÉGORY : Vous faisiez référence à Dieu, il me semble que vous vous êtes intéressé à l’astrophysique parce que vous aviez, je ne sais pas si c’est, une peur de la mort, mais en tout cas, la mort vous intriguait. C’est quoi le lien entre la mort et l’astrophysique ?

DAVID : Oui, ça peut paraître bizarre. Quand j’étais jeune, avant de m’endormir, j’avais une peur bleue de m’endormir parce que j’avais l’impression que c’était un peu comme si je n’allais pas me réveiller. Et je pensais à la mort et la façon que j’avais de penser à la mort, je suis désolé de raconter ces histoires-là, je me disais finalement la mort, ça ne pourra pas m’arriver parce que je n’arrive pas à imaginer que ça m’arrive, et comme ce n’est pas imaginable, c’est impossible. Et le problème que j’ai rencontré assez rapidement, c’est qu’il existait quelque chose que je n’arrivais pas non plus à imaginer, mais qui semblait être possible, c’était l’existence d’un univers infini. Et donc je me suis dit là, j’ai un problème et donc j’ai essayé de visualiser l’univers infini et donc j’étais dans ma chambre, je le visualisais jusqu’à une certaine limite et j’essaie de repousser la limite, je le voyais de plus en plus loin et quand j’atteignais la limite de mon imagination, de l’espace que je pouvais visualiser intellectuellement, je me rendais compte que j’avais une capacité limitée et que, malgré tout, l’univers existait. Je savais que j’allais mourir et là, je filais dans le lit de mes parents. Et donc, je crois qu’inconsciemment, j’ai choisi l’astrophysique sans le savoir, pour essayer de comprendre l’infini et pour essayer de me dire que du coup, il reste plus que la mort, et comme je ne peux pas l’imaginer, donc ça n’existera pas. Depuis ce que j’ai trouvé, c’est autre chose, c’est que je me suis rendu compte que l’univers n’avait rien à voir avec ce que je pensais, qu’en réalité, lui-même a eu en quelque sorte un commencement, qu’il grandit, qu’il change, qu’il y a des étoiles qui naissent, d’autres qui meurent, etc et que finalement je n’avais pas besoin d’essayer de ressembler à un univers éternel et infini. Finalement, c’était lui qui nous ressemblait et que finalement le fait que notre vie soit éphémère, le fait que chacune de nos pensées, soit éphémère, que nos actions, soit limitées, que nous soyons des êtres limités, c’est quelque chose d’universel et qui participe à la beauté et à la force de la vie. De la même manière qu’un flocon de neige, finalement, c’est quelque chose d’évanescent et pourtant, ça peut faire une avalanche, ça peut faire la beauté d’une montagne enneigée, etc.

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Description de l’épisode

David Elbaz est astrophysicien, c’est aussi un directeur de recherche au CEA, auteur de nombreux ouvrages, mais aussi une personne décorée pour le travail monumental qu’il a accompli. Mais c’est également un être humain totalement accessible et facile d’accès !
Comme moi, vous avez sans doute regardé l’œil rêveur les étoiles et particulièrement les étoiles filantes, vous vous êtes demandés si une vie extra terrestre était possible, la place du hasard dans tout ça.
Mais aussi des questions plus concrètes: qu’est-ce qu’un trou noir ? Comment se créé les étoiles ? D’où provient la vie ? On parle aussi de mort, de talents, de chance, d’écologie évidemment.

À travers de nombreuses anecdoctes, David nous entraîne dans l’histoire de l’astrophysique, nous appelle à l’humilité mais aussi aux questions simples comme le ferait Socrates.
Ce sont à toutes ces questions que je soumets David qui y répond avec un plaisir non dissimulé et avec une accessibilité incroyable.

J’espère que vous allez apprécier cet épisode, car il est plus que probable que nous enregistrions à nouveau !

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : J’ai une première question qui va sans doute donner de l’espoir à des parents. Comment on fait pour redoubler sa seconde, et être astrophysicien ?

DAVID : Effectivement, je m’y suis pris à deux fois. J’ai doublé la seconde et j’ai aussi doublé la terminale, et je me suis toujours demandé pourquoi je n’avais pas doublé la première, c’est parce qu’en fait, à l’époque, on ne pouvait pas. Pour moi, la leçon que j’ai tirée de ça, c’est le fait que j’étais un peu ce que les gens appelaient un rêveur. Mais c’est aussi le fait que lorsqu’on entend quelque chose, ça fait réfléchir et j’ai réalisé que ce n’était pas l’objectif de l’éducation. Ce qui peut paraître surprenant et qui peut avoir des implications, qu’on m’a beaucoup reproché, mais aussi je ne rêvais pas nécessairement de choses intelligentes. C’est vrai que si je tiens à partager cette expérience avec tout le monde, c’est pour dire que j’ai eu la chance d’avoir des parents qui avaient confiance, qui m’encourageaient et la passion qu’on peut avoir pour la connaissance, elle n’est pas forcément directement corrélée avec le succès qu’on peut avoir dans la capacité de reproduire ce qu’on attend de nous de manière assez mécanique, parfois dans les études scientifiques. C’est un peu péjoratif ce que je dis là, les professeurs font un travail exceptionnel, mais qui n’est pas adapté obligatoirement à tous les profils de tout le monde. Et par exemple, si on dit à un jeune que lorsqu’une pomme se décroche d’une branche, d’un arbre et qu’elle est attirée par la terre qui fait qu’elle tombe et qu’on écrit l’équation à quoi ça correspond, si le jeune dit “Moi, ça ne me parle pas, je ne suis pas fait pour ça”, c’est qu’il est sain d’esprit parce que c’est de la pure magie, c’est de la télékinésie. Et Newton, quand il a découvert ça, il était lui-même complètement troublé. Le révérend Bentley lui a envoyé une lettre en lui disant “Si vous dites qu’une pomme est attirée à distance par la terre, c’est la preuve de Dieu”. Parce qu’il n’y a aucune raison que la pomme tombe, comment elle sait qu’il faut aller dans la direction de la terre, ce qu’on appelle vers le bas, parce qu’elle est dans le vide ? Et donc, si elle le sait, c’est qu’il y a quelque chose qui remplit le vide et c’est la présence divine. Donc l’élève qui dit que pour lui, le discours qu’on lui donne n’est pas digeste et qu’il ne comprend pas, c’est sain quelque part. Donc, je pense que le premier message que j’aimerais donner, par exemple à quelqu’un qui s’interroge sur le fait qu’il se dit que la physique, la science, ce n’est pas pour lui, effectivement, quand on voit un grand yogi qui a une grande capacité de respiration, qui peut retenir sa respiration pendant plusieurs minutes, on peut se dire que la respiration, ce n’est pas pour moi, et pourtant, si on décide d’arrêter de respirer, on ne va pas vivre. La science, elle appartient à tout le monde. Elle n’appartient pas à la tour d’ivoire des scientifiques. Les questions que chacun se posent sont toutes aussi pertinentes que les questions que se pose le plus grand des savants. Mais effectivement, il faut être patient et j’ai eu la chance de pouvoir recommencer à une époque où on pouvait redoubler et quand même continuer et finir par exprimer ma passion pour la science après.

GRÉGORY : Vous faisiez référence à Dieu, il me semble que vous vous êtes intéressé à l’astrophysique parce que vous aviez, je ne sais pas si c’est, une peur de la mort, mais en tout cas, la mort vous intriguait. C’est quoi le lien entre la mort et l’astrophysique ?

DAVID : Oui, ça peut paraître bizarre. Quand j’étais jeune, avant de m’endormir, j’avais une peur bleue de m’endormir parce que j’avais l’impression que c’était un peu comme si je n’allais pas me réveiller. Et je pensais à la mort et la façon que j’avais de penser à la mort, je suis désolé de raconter ces histoires-là, je me disais finalement la mort, ça ne pourra pas m’arriver parce que je n’arrive pas à imaginer que ça m’arrive, et comme ce n’est pas imaginable, c’est impossible. Et le problème que j’ai rencontré assez rapidement, c’est qu’il existait quelque chose que je n’arrivais pas non plus à imaginer, mais qui semblait être possible, c’était l’existence d’un univers infini. Et donc je me suis dit là, j’ai un problème et donc j’ai essayé de visualiser l’univers infini et donc j’étais dans ma chambre, je le visualisais jusqu’à une certaine limite et j’essaie de repousser la limite, je le voyais de plus en plus loin et quand j’atteignais la limite de mon imagination, de l’espace que je pouvais visualiser intellectuellement, je me rendais compte que j’avais une capacité limitée et que, malgré tout, l’univers existait. Je savais que j’allais mourir et là, je filais dans le lit de mes parents. Et donc, je crois qu’inconsciemment, j’ai choisi l’astrophysique sans le savoir, pour essayer de comprendre l’infini et pour essayer de me dire que du coup, il reste plus que la mort, et comme je ne peux pas l’imaginer, donc ça n’existera pas. Depuis ce que j’ai trouvé, c’est autre chose, c’est que je me suis rendu compte que l’univers n’avait rien à voir avec ce que je pensais, qu’en réalité, lui-même a eu en quelque sorte un commencement, qu’il grandit, qu’il change, qu’il y a des étoiles qui naissent, d’autres qui meurent, etc et que finalement je n’avais pas besoin d’essayer de ressembler à un univers éternel et infini. Finalement, c’était lui qui nous ressemblait et que finalement le fait que notre vie soit éphémère, le fait que chacune de nos pensées, soit éphémère, que nos actions, soit limitées, que nous soyons des êtres limités, c’est quelque chose d’universel et qui participe à la beauté et à la force de la vie. De la même manière qu’un flocon de neige, finalement, c’est quelque chose d’évanescent et pourtant, ça peut faire une avalanche, ça peut faire la beauté d’une montagne enneigée, etc.

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