#197 Déconstruire les croyances sur les introvertis avec Laurie Hawkes

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GRÉGORY : On va parler des introvertis, en fait, c’est un monde que je connais assez peu, parce que moi je suis plutôt extraverti. Évidemment, c’est marrant, c’est comme si c’était deux mondes de personnes qui cohabitaient, mais qui ne se comprenaient pas vraiment. J’ai découvert assez récemment, bizarrement, que des personnes n’avaient pas le même système de fonctionnement que le mien et que, par conséquent, on dit toujours j’essaye de la comprendre, j’essaye de le comprendre, sans vraiment être capable de le faire, parce qu’en réalité, on a un système de fonctionnement qui est simplement différent. Mais parfois, on peut juste ne pas comprendre des gens. On peut juste essayer de comprendre qu’ils ne fonctionnent pas comme nous. J’aimerais comprendre justement, c’est quoi les bases de fonctionnement d’un introverti et comment on peut même se reconnaitre ? Parce que parfois, il y a des gens qui sont introvertis, qui ne se reconnaissent pas.

LAURIE : Oui, une des racines du terme, c’est l’intérêt pour l’intérieur, alors qu’effectivement, l’extraverti s’intéresse à l’extérieur, le monde extérieur, ce qui se passe autour, ce qui se passe entre lui et l’autre, et l’introverti, a un grand intérêt pour ce qui se passe à l’intérieur de lui ou à l’intérieur des proches. Donc l’introverti typique, les vrais stéréotypes il y en a quand même pas beaucoup qui se baladent dans la rue, mais quand même, les conversations complètement légères à une soirée où il y a 100 personnes, on discute 2 minutes avec une personne, 3 minutes avec une autre, les introvertis n’aiment pas ça. Non seulement ils ne sont pas à l’aise, mais en plus, ça ne les intéresse pas, alors que ceux s’ils peuvent passer une heure ou deux avec quelqu’un de proche et échanger en profondeur, donc découvrir l’intérieur de l’autre, révéler son intérieur à soi, découvrir de plus en plus son propre intérieur en échangeant avec l’autre, là, c’est le bonheur. Je généralise, j’ai connu aussi des introvertis qui ne se passionnaient pas pour leur intérieur, ce qui est assez curieux et c’est assez rare. Mais bon, ça, ce sont des affaires de grandissage, je dirais. C’est-à-dire, j’allais dire éducation, mais pas dans le sens où les parents ont d’éduqué l’enfant à ne pas s’intéresser à soi, mais il n’a pas baigné dans un univers où on s’intéressait à l’intérieur, ou bien il a vécu des choses difficiles et il décide de plutôt pas aller voir ce qui se passe au fond. Ce n’est pas confortable parce qu’il continue d’avoir le fonctionnement introverti où il ne va pas beaucoup communiquer à l’extérieur. Et il n’aime pas passer trop de temps à s’intéresser à son intérieur. Là, c’est un introverti moins heureux que l’introverti qui s’intéresse bien à son intérieur.

GRÉGORY : Et on dit souvent d’ailleurs, enfin, moi, je constate qu’on me dit souvent que les introvertis, on a du mal à créer du lien avec eux au début, c’est-à-dire qu’ils sont plutôt très réservés. Et du coup, peut être un des poncifs ou une des images qu’on peut avoir des introvertis, c’est que s’ils sont comme ça, du coup, le monde leur passe à côté quelque part, c’est-à-dire qu’on est dans une société très performative qui me dit toujours d’aller de l’avant, qui sont a priori plutôt des valeurs qu’on va associer à l’extraversion. Est-ce que ça, c’est vrai ? Est-ce qu’on a raison de penser de cette manière-là ? Et sinon, est-ce que vous avez des exemples de personnes qui sont introvertis et qui réussissent tout à fait bien ?

LAURIE : Alors, des introvertis qui réussissent, il y en a plein. Mais il y a ce fonctionnement moderne du réseautage, notamment, où, justement, il faut il y aller aux soirées, il faut aller se montrer, dire comme on est intéressant ou montrer à autrui. Vraiment, la plupart des introvertis ont ça en horreur. Je me rappelle même personnellement, quand je commençais à m’installer comme psychothérapeute, d’aller me présenter à des médecins, dire “voila je suis intéressante, voilà tout ce que je fais”, bon, c’était un seul médecin à la fois, mais c’était quand même pénible. Où aller à des congrès pour dire “Ah voilà, ça y est, je m’installe voilà ma carte”. Alors que ça peut être tout à fait intéressant à faire pour un extraverti, non seulement il le fait bien et c’est nécessaire pour son travail, mais en plus, il a du plaisir. Alors, l’introverti, on peut être jaloux de se dire voilà celui-là, il se fait plaisir, et plus ça l’aide dans son métier. Donc, dans cette mesure-là, c’est vrai, mais quand même, ce n’est pas dans tous les métiers qu’on est obligé d’aller faire du réseautage comme ça. Et puis, il y a des environnements créés par des gens a assez forte composante introvertie et qui n’apprécient pas les extravertis. Ils ont l’impression qu’ils se mettent en avant, donc ils vont plutôt faire bon accueil à leurs éventuels collaborateurs introvertis. Je ne dirais pas qu’ils réussissent moins bien, mais dans un milieu où il faut se mettre en avant et jouer des coudes, s’ils y arrivent, ça leur coûte beaucoup.

GRÉGORY : Et en même temps, il y a des introvertis extrêmement connus, je pense à Barack Obama. Il a sans doute été en tout cas l’homme le plus puissant de la planète pendant une période assez longue, qui a dû jouer des coudes, j’imagine, je ne connais pas précisément sa carrière mais je n’imagine pas qu’on devient président des États-Unis sans jouer des coudes, qu’on voit faire des blagues, des vidéos en permanence hyper à l’aise et qui pourtant, et moi-même, j’étais surpris de lire ça qui est un introverti, est-ce que vous pouvez nous expliquer ça ? Et puis derrière, j’ai une autre question, mais je vous le poserai après.

LAURIE : Alors Obama, une des façons de voir qu’il est introverti, c’est quand on le compare à d’autres candidats plus extravertis. À l’époque, je crois que c’était de sa réélection quand il était contre Mitt Romney, qui s’est avéré être un type bien d’ailleurs depuis, il s’est opposé à quelqu’un que j’apprécie beaucoup moins, mais quand on voyait Mitt Romney, il était là avec ses yeux intenses qui brillaient. Pourtant, il paraît que c’est un introverti aussi. Mais il était moins introverti qu’Obama, où on voit un calme dans les yeux. D’ailleurs, ça m’intéresse depuis que nous parlons ensemble. Quand vous avez commencé à introduire notre sujet, je me disais, mais il a quand même un regard assez introverti, donc c’est intéressant. C’est ce côté de cette notion où, pour moi, on n’est pas introverti ou extraverti, soit l’un, soit l’autre. Il n’y a pas de dichotomie, pour moi, il y a un continuum. Les auteurs ne sont pas tous d’accord là-dessus, mais je trouve aussi qu’on a tous en soi un introverti, un extraverti. Il y a des gens qui ont un tout petit extraverti qui s’exprime parfois et de gens qui ont un tout petit introverti, mais même quelqu’un comme Stéphane Plaza. Un matin, je l’entendais à la radio et pour moi, celui-là, c’est l’extraverti. Il disait, il y a des fois à la fin de la semaine je n’en peux plus, il faut que je reste tout seul pendant je ne sais plus combien de temps il avait dit, 20 h un truc comme ça. Je dis “ah comme quoi il est en contact avec son introverti intérieur”. Et je crois que cette société, où on en fait toujours plus, a tendance à dévaloriser un peu notre part introvertie et nous donner l’impression qu’on devrait être tout le temps et faire la fête, être tout le temps content d’être avec des gens, s’éclater, dire des trucs, montrer qu’on est drôle, mais que c’est bon pour personne. En fait, c’est spécialement destructeur pour un introverti s’il s’y astreint. Mais même pour un extraverti, ça le coupe d’une partie importante de lui-même. Et il peut avoir l’impression, à la longue, qu’il ne sait pas être tout seul.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Laurie Hawkes est psychologue clinicienne, psychothérapeute et autrice de plusieurs ouvrages sur les introvertis.

Dans notre société du spectacle, on a tendance a privilégier la manière dont les personnes se mettent en scène et donc plutôt les extravertis ou, pour être plus exact, la partie extravertie que nous avons tous en nous même.
Depuis quelques années, je m’intéresse vraiment aux introvertis car ils fonctionnent de manière différente de moi mais aussi parce que je réalise que je ne suis pas si extraverti que je ne le pensais.
C’est vrai que j’ai toujours été porté par autrui, que les autres me donnent de l’énergie mais depuis 9 ans ou je suis indépendant, je réalise aussi que j’aime être seul, que j’introspecte beaucoup et finalement ce sont des caractéristiques plutôt d’introvertis.

Et justement, ce qui est intéressant, c’est de comprendre que nous sommes tous un peu extraverti et introverti, le monde (encore une fois) n’est pas binaire mais nuancé et cette notion est importante pour moi évidemment.
Oui oui, même quand on aime mettre rapidement les personnes que l’on rencontre dans des cases.
Avec Laurie, on essaie d’expliquer la différence entre introverti et extraverti mais surtout nous décousons beaucoup des préjugés sur les introvertis, discutons de beaucoup de personnalités connues qui se trouvent être des introvertis – comme quoi cela ne s’oppose pas du tout. Voire l’inverse car pas mal de capitaines d’industrie se trouvent être plutôt introvertis.

C’est intéressant de comprendre que de savoir être seul est en réalité essentiel, qu’il ne faut pas se confondre avec ses masques sociaux pour donner le change, juste savoir se respecter.

Bonne écoute 🙂

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler des introvertis, en fait, c’est un monde que je connais assez peu, parce que moi je suis plutôt extraverti. Évidemment, c’est marrant, c’est comme si c’était deux mondes de personnes qui cohabitaient, mais qui ne se comprenaient pas vraiment. J’ai découvert assez récemment, bizarrement, que des personnes n’avaient pas le même système de fonctionnement que le mien et que, par conséquent, on dit toujours j’essaye de la comprendre, j’essaye de le comprendre, sans vraiment être capable de le faire, parce qu’en réalité, on a un système de fonctionnement qui est simplement différent. Mais parfois, on peut juste ne pas comprendre des gens. On peut juste essayer de comprendre qu’ils ne fonctionnent pas comme nous. J’aimerais comprendre justement, c’est quoi les bases de fonctionnement d’un introverti et comment on peut même se reconnaitre ? Parce que parfois, il y a des gens qui sont introvertis, qui ne se reconnaissent pas.

LAURIE : Oui, une des racines du terme, c’est l’intérêt pour l’intérieur, alors qu’effectivement, l’extraverti s’intéresse à l’extérieur, le monde extérieur, ce qui se passe autour, ce qui se passe entre lui et l’autre, et l’introverti, a un grand intérêt pour ce qui se passe à l’intérieur de lui ou à l’intérieur des proches. Donc l’introverti typique, les vrais stéréotypes il y en a quand même pas beaucoup qui se baladent dans la rue, mais quand même, les conversations complètement légères à une soirée où il y a 100 personnes, on discute 2 minutes avec une personne, 3 minutes avec une autre, les introvertis n’aiment pas ça. Non seulement ils ne sont pas à l’aise, mais en plus, ça ne les intéresse pas, alors que ceux s’ils peuvent passer une heure ou deux avec quelqu’un de proche et échanger en profondeur, donc découvrir l’intérieur de l’autre, révéler son intérieur à soi, découvrir de plus en plus son propre intérieur en échangeant avec l’autre, là, c’est le bonheur. Je généralise, j’ai connu aussi des introvertis qui ne se passionnaient pas pour leur intérieur, ce qui est assez curieux et c’est assez rare. Mais bon, ça, ce sont des affaires de grandissage, je dirais. C’est-à-dire, j’allais dire éducation, mais pas dans le sens où les parents ont d’éduqué l’enfant à ne pas s’intéresser à soi, mais il n’a pas baigné dans un univers où on s’intéressait à l’intérieur, ou bien il a vécu des choses difficiles et il décide de plutôt pas aller voir ce qui se passe au fond. Ce n’est pas confortable parce qu’il continue d’avoir le fonctionnement introverti où il ne va pas beaucoup communiquer à l’extérieur. Et il n’aime pas passer trop de temps à s’intéresser à son intérieur. Là, c’est un introverti moins heureux que l’introverti qui s’intéresse bien à son intérieur.

GRÉGORY : Et on dit souvent d’ailleurs, enfin, moi, je constate qu’on me dit souvent que les introvertis, on a du mal à créer du lien avec eux au début, c’est-à-dire qu’ils sont plutôt très réservés. Et du coup, peut être un des poncifs ou une des images qu’on peut avoir des introvertis, c’est que s’ils sont comme ça, du coup, le monde leur passe à côté quelque part, c’est-à-dire qu’on est dans une société très performative qui me dit toujours d’aller de l’avant, qui sont a priori plutôt des valeurs qu’on va associer à l’extraversion. Est-ce que ça, c’est vrai ? Est-ce qu’on a raison de penser de cette manière-là ? Et sinon, est-ce que vous avez des exemples de personnes qui sont introvertis et qui réussissent tout à fait bien ?

LAURIE : Alors, des introvertis qui réussissent, il y en a plein. Mais il y a ce fonctionnement moderne du réseautage, notamment, où, justement, il faut il y aller aux soirées, il faut aller se montrer, dire comme on est intéressant ou montrer à autrui. Vraiment, la plupart des introvertis ont ça en horreur. Je me rappelle même personnellement, quand je commençais à m’installer comme psychothérapeute, d’aller me présenter à des médecins, dire “voila je suis intéressante, voilà tout ce que je fais”, bon, c’était un seul médecin à la fois, mais c’était quand même pénible. Où aller à des congrès pour dire “Ah voilà, ça y est, je m’installe voilà ma carte”. Alors que ça peut être tout à fait intéressant à faire pour un extraverti, non seulement il le fait bien et c’est nécessaire pour son travail, mais en plus, il a du plaisir. Alors, l’introverti, on peut être jaloux de se dire voilà celui-là, il se fait plaisir, et plus ça l’aide dans son métier. Donc, dans cette mesure-là, c’est vrai, mais quand même, ce n’est pas dans tous les métiers qu’on est obligé d’aller faire du réseautage comme ça. Et puis, il y a des environnements créés par des gens a assez forte composante introvertie et qui n’apprécient pas les extravertis. Ils ont l’impression qu’ils se mettent en avant, donc ils vont plutôt faire bon accueil à leurs éventuels collaborateurs introvertis. Je ne dirais pas qu’ils réussissent moins bien, mais dans un milieu où il faut se mettre en avant et jouer des coudes, s’ils y arrivent, ça leur coûte beaucoup.

GRÉGORY : Et en même temps, il y a des introvertis extrêmement connus, je pense à Barack Obama. Il a sans doute été en tout cas l’homme le plus puissant de la planète pendant une période assez longue, qui a dû jouer des coudes, j’imagine, je ne connais pas précisément sa carrière mais je n’imagine pas qu’on devient président des États-Unis sans jouer des coudes, qu’on voit faire des blagues, des vidéos en permanence hyper à l’aise et qui pourtant, et moi-même, j’étais surpris de lire ça qui est un introverti, est-ce que vous pouvez nous expliquer ça ? Et puis derrière, j’ai une autre question, mais je vous le poserai après.

LAURIE : Alors Obama, une des façons de voir qu’il est introverti, c’est quand on le compare à d’autres candidats plus extravertis. À l’époque, je crois que c’était de sa réélection quand il était contre Mitt Romney, qui s’est avéré être un type bien d’ailleurs depuis, il s’est opposé à quelqu’un que j’apprécie beaucoup moins, mais quand on voyait Mitt Romney, il était là avec ses yeux intenses qui brillaient. Pourtant, il paraît que c’est un introverti aussi. Mais il était moins introverti qu’Obama, où on voit un calme dans les yeux. D’ailleurs, ça m’intéresse depuis que nous parlons ensemble. Quand vous avez commencé à introduire notre sujet, je me disais, mais il a quand même un regard assez introverti, donc c’est intéressant. C’est ce côté de cette notion où, pour moi, on n’est pas introverti ou extraverti, soit l’un, soit l’autre. Il n’y a pas de dichotomie, pour moi, il y a un continuum. Les auteurs ne sont pas tous d’accord là-dessus, mais je trouve aussi qu’on a tous en soi un introverti, un extraverti. Il y a des gens qui ont un tout petit extraverti qui s’exprime parfois et de gens qui ont un tout petit introverti, mais même quelqu’un comme Stéphane Plaza. Un matin, je l’entendais à la radio et pour moi, celui-là, c’est l’extraverti. Il disait, il y a des fois à la fin de la semaine je n’en peux plus, il faut que je reste tout seul pendant je ne sais plus combien de temps il avait dit, 20 h un truc comme ça. Je dis “ah comme quoi il est en contact avec son introverti intérieur”. Et je crois que cette société, où on en fait toujours plus, a tendance à dévaloriser un peu notre part introvertie et nous donner l’impression qu’on devrait être tout le temps et faire la fête, être tout le temps content d’être avec des gens, s’éclater, dire des trucs, montrer qu’on est drôle, mais que c’est bon pour personne. En fait, c’est spécialement destructeur pour un introverti s’il s’y astreint. Mais même pour un extraverti, ça le coupe d’une partie importante de lui-même. Et il peut avoir l’impression, à la longue, qu’il ne sait pas être tout seul.

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