#184 l’Afrique: un modèle de lutte contre le réchauffement climatique avec Inna Modja

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#184 l'Afrique: un modèle de lutte contre le réchauffement climatique avec Inna Modja
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GRÉGORY : Je suis tellement content de t’avoir aujourd’hui. D’abord, ça fait un petit moment qu’on ne s’est pas vu et puis parce qu’on se connaît depuis un moment et que je connais tout ton engagement. Et aujourd’hui, j’aimerais qu’on parle de ce projet qui s’appelle The Great Green Wall. Donc c’est un projet sur le continent Africain autour de l’écologie. Et c’est vrai qu’on a cette image, en tout cas, je crois qu’en France, on là, toujours, c’est que l’Afrique c’est limite la savane, avec des animaux sauvages, tu as de la forêt luxuriante partout. Alors, bien sûr, on a aussi en tête la sécheresse. Mais néanmoins, tu vois, on imagine le continent africain un peu comme ça et ce n’est pas nécessairement la réalité, c’est encore moins la réalité parce qu’il y a beaucoup de choses qui se sont produites pour l’Europe ou pour les pays occidentaux sur le continent Africain et du coup, ça a généré pas mal de problèmes. Est-ce que tu peux nous parler de l’origine du projet ?

INNA : C’est un projet qui a été créé par onze États Africains pour aider à lutter contre la désertification et lutter contre les conséquences du changement climatique. Et ce sont des États qui sont tout le long du Sahara, dans le Sahel, cette région qui est en bas du Sahara. Donc, c’est un projet qui part du Sénégal jusqu’à Djibouti, qui traverse l’Afrique. En fait, l’idée, c’est de créer un projet dans les communautés. C’est comme des mosaïques de projets qui se suivent et pour aider à restaurer les terres détériorées et créer des projets d’agriculture qui permettent de reverdir ces zones-là qui sont aujourd’hui complètement désertiques. Et au fur et à mesure que le désert avance, ce sont des régions où les populations doivent migrer. Ainsi, il y a tout un tas de problématiques autour de ça qui sont les raisons pour laquelle le projet a été créé. Et alors c’est parti d’une idée, une philosophie de Thomas Sankara, qui est le chef d’État révolutionnaire du Burkina Faso dans les années 80, qui a été assassiné et qui avait cette idée de planter des arbres pour prévenir l’avancée du désert, mais pas juste planter des arbres, aussi produire ce qu’on mange pour devenir autosuffisant. Et donc c’est une philosophie qu’ils ont essayé de mettre en place et c’est un projet qui est pharaonique, mais depuis douze ans qu’il a été créé, aujourd’hui on voit dans certains pays un début de changement et aujourd’hui entre 2020 et 2030, ils ont décidé de faire le gros du projet et d’achever au moins 90 % de ce projet. Donc il y a des pays ou rien n’a poussé depuis le début, comme au Mali, d’où je viens, parce que les zones dans laquelle le projet avait commencé sont les zones ou il y a beaucoup de terrorisme aujourd’hui. Il y a des endroits comme le Sénégal ou les Éthiopie ou c’est beaucoup avancé. Donc c’est un Work in Progress. Mais c’est un projet qui est très prometteur et qui pourrait vraiment changer la donne en Afrique. Parce que malheureusement, quand on voit la zone du Sahel, comment est ce qu’elle est touchée par le terrorisme, par la migration forcée, elle est touchée par tellement de problèmes. On se rend compte de l’impact du changement climatique, mais beaucoup de gens ne se posent pas de questions quand ils voient les réfugiés climatiques arriver en Europe, par exemple, quand on les appelle les migrants. Mais ça efface quelque part les raisons pour lesquelles ils sont là. Beaucoup pensent qu’ils sont là pour des raisons économiques, mais pour moi, ce sont des migrants écologiques parce que dans les zones rurales, 80 % des gens vivent d’une forme ou d’une autre d’agriculture. Et s’ils ne peuvent plus pratiquer l’agriculture, qu’ils ne peuvent plus gagner leur vie et s’occuper de leur famille, ils sont obligés de partir. Souvent, les capitales sont saturées, donc ils ont ce recours-là que de venir en Europe parce que c’est vu encore comme l’eldorado. Et pendant très longtemps, le rêve africain a été en dehors du continent. Donc ce projet de The Great Wall vise vraiment à ramener le rêve africain en Afrique, c’est-à-dire de donner des opportunités aux jeunes et les jeunes, c’est ce qui constitue l’Afrique, la moitié de l’Afrique a en dessous de 25 ans. Donc quand on voit que dans 20, 30 ou 40 ans, quand on voit le taux de natalité que l’Afrique va avoir, elle va presque doubler sa population d’ici à 2050. Donc pour ces jeunes-là, il faut aujourd’hui prendre des dispositions pour construire leur avenir. Donc c’est un projet qui est très vaste et qui répond à beaucoup, beaucoup de choses.

GRÉGORY : Et je ne savais pas du tout que, à l’origine de ce projet, il y avait ce président du Burkina Faso, qui si je ne me trompe pas et parce que je ne connais pas très bien malheureusement, je ne peux pas tout connaître, je ne suis pas très au courant, je sais que c’était quelqu’un emblématique si je ne me trompe pas, je pense que tu vas nous en parler deux minutes parce que c’était vraiment un personnage très particulier, quoi.

INNA : Oui, Thomas Sankara était un leader révolutionnaire du Burkina Faso et son idée, c’était vraiment tout ce qui était durable et autosuffisant. Parce qu’après et les diverses révolutions qu’il y a eues en Afrique pour obtenir l’indépendance, lui voulait qu’on devienne autonome. Et je dis “on”, parce que je suis africaine, et que les idées dans sa politique qu’il défendait aujourd’hui, je les comprends bien. Il voulait une autosuffisance pour le Burkina Faso parce qu’il se disait que si on arrivait à cultiver ce qu’on mange, ça nous rendait indépendants. Ce qu’il voulait éviter, c’était la dépendance à l’Ouest, il le voulait vraiment et en trois ans, il a réussi à l’obtenir. En trois ans, il a réussi à faire en sorte que le Burkina cultive ce qu’il mange et il y avait une vision qui aujourd’hui me semble complètement réalisable. Mais c’est un chef d’État qui a été assassiné pour diverses raisons et comme beaucoup de leaders africains comme Patrice Lumumba etc, qui avaient des visions un peu avant-gardistes pour l’Afrique. La philosophie de Thomas Sankara qui était de planter des arbres et de cultiver, aujourd’hui, c’est ce qu’on essaie de ramener dans The Great Wall, c’est-à-dire que les communautés deviennent vraiment acteurs de leur destin, acteurs de leur vie et sont des projets communautaires, où ils en sont les leaders, les acteurs et aussi les bénéficiaires. Et donc moi, j’ai voyagé le long de ce projet, du Sénégal jusqu’à l’Éthiopie. On n’a pas pu aller à Djibouti parce qu’on n’en a pas eu l’autorisation, parce que l’équipe était est assez vulnérable. Politiquement, c’était un peu difficile d’y aller au moment où on voulait aller. Par contre, on est allés en Éthiopie notamment. On a passé du temps dans la région du Tigré, qui est aujourd’hui une région assez vulnérable, avec des conflits. Et ce qu’on a vu à Tigré moi m’a vraiment particulièrement choqué parce que Tigré, c’était une des régions qui avait le plus souffert et des grandes famines en Éthiopie. J’ai rencontré un leader de communauté qui, avec toute sa communauté, ils ont travaillé ensemble, chaque adulte donnait jusqu’à 40 jours par an pour travailler la terre, travailler à restaurer les terres détériorées. Et j’ai rarement vu un endroit aussi vert.

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Description de l’épisode

Inna Modja est une artiste originaire du Mali, une personne particulièrement engagée en particulier sur le droit des femmes mais ici nous allons parler d’un projet autour de l’écologie sur le continent africain “the great green wall” pour lequel elle est également ambassadrice et qui a donné lieu à un documentaire du même nom.
Il s’agit sans doute du plus grand projet écologique au niveau mondial.
Inna est une très bonne amie et nous vous invitons dans cette conversation intime. Avec elle nous parlons des détails de ce projet qui est engagé depuis de nombreuses années.
Vous avez sans doute tous vu passer le rapport du GIEC et les catastrophes cet été: Russie, Grèce, Canada, Chine, Algérie, Allemagne, Belgique, France… mais vous n’avez peut être pas entendu parler de ce qui se passe sur le continent Africain et surtout la réponse à aborder.
Car si une chose est particulièrement injuste, c’est que le continent africain est l’un des premiers impacté par les dérèglements climatiques dus à nos modes de vie en occident.
Ce projet permet de reboiser une zone d’est en ouest de l’Afrique afin de limiter les catastrophes à venir. Cette grande barrière verte a beaucoup oeuvré de manière positive déjà mais il ne faut surtout pas baisser les bras.
Avec Inna nous parlons de la situation sur cette zone du Sahel en entrant dans des histoires personnelles, profondes et poignantes que ce soit d’écologie, de terrorisme, de féminisme et comment tout cela est intimement lié.
J’espère que vous apprécierez comme moi cette conversation.

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GRÉGORY : Je suis tellement content de t’avoir aujourd’hui. D’abord, ça fait un petit moment qu’on ne s’est pas vu et puis parce qu’on se connaît depuis un moment et que je connais tout ton engagement. Et aujourd’hui, j’aimerais qu’on parle de ce projet qui s’appelle The Great Green Wall. Donc c’est un projet sur le continent Africain autour de l’écologie. Et c’est vrai qu’on a cette image, en tout cas, je crois qu’en France, on là, toujours, c’est que l’Afrique c’est limite la savane, avec des animaux sauvages, tu as de la forêt luxuriante partout. Alors, bien sûr, on a aussi en tête la sécheresse. Mais néanmoins, tu vois, on imagine le continent africain un peu comme ça et ce n’est pas nécessairement la réalité, c’est encore moins la réalité parce qu’il y a beaucoup de choses qui se sont produites pour l’Europe ou pour les pays occidentaux sur le continent Africain et du coup, ça a généré pas mal de problèmes. Est-ce que tu peux nous parler de l’origine du projet ?

INNA : C’est un projet qui a été créé par onze États Africains pour aider à lutter contre la désertification et lutter contre les conséquences du changement climatique. Et ce sont des États qui sont tout le long du Sahara, dans le Sahel, cette région qui est en bas du Sahara. Donc, c’est un projet qui part du Sénégal jusqu’à Djibouti, qui traverse l’Afrique. En fait, l’idée, c’est de créer un projet dans les communautés. C’est comme des mosaïques de projets qui se suivent et pour aider à restaurer les terres détériorées et créer des projets d’agriculture qui permettent de reverdir ces zones-là qui sont aujourd’hui complètement désertiques. Et au fur et à mesure que le désert avance, ce sont des régions où les populations doivent migrer. Ainsi, il y a tout un tas de problématiques autour de ça qui sont les raisons pour laquelle le projet a été créé. Et alors c’est parti d’une idée, une philosophie de Thomas Sankara, qui est le chef d’État révolutionnaire du Burkina Faso dans les années 80, qui a été assassiné et qui avait cette idée de planter des arbres pour prévenir l’avancée du désert, mais pas juste planter des arbres, aussi produire ce qu’on mange pour devenir autosuffisant. Et donc c’est une philosophie qu’ils ont essayé de mettre en place et c’est un projet qui est pharaonique, mais depuis douze ans qu’il a été créé, aujourd’hui on voit dans certains pays un début de changement et aujourd’hui entre 2020 et 2030, ils ont décidé de faire le gros du projet et d’achever au moins 90 % de ce projet. Donc il y a des pays ou rien n’a poussé depuis le début, comme au Mali, d’où je viens, parce que les zones dans laquelle le projet avait commencé sont les zones ou il y a beaucoup de terrorisme aujourd’hui. Il y a des endroits comme le Sénégal ou les Éthiopie ou c’est beaucoup avancé. Donc c’est un Work in Progress. Mais c’est un projet qui est très prometteur et qui pourrait vraiment changer la donne en Afrique. Parce que malheureusement, quand on voit la zone du Sahel, comment est ce qu’elle est touchée par le terrorisme, par la migration forcée, elle est touchée par tellement de problèmes. On se rend compte de l’impact du changement climatique, mais beaucoup de gens ne se posent pas de questions quand ils voient les réfugiés climatiques arriver en Europe, par exemple, quand on les appelle les migrants. Mais ça efface quelque part les raisons pour lesquelles ils sont là. Beaucoup pensent qu’ils sont là pour des raisons économiques, mais pour moi, ce sont des migrants écologiques parce que dans les zones rurales, 80 % des gens vivent d’une forme ou d’une autre d’agriculture. Et s’ils ne peuvent plus pratiquer l’agriculture, qu’ils ne peuvent plus gagner leur vie et s’occuper de leur famille, ils sont obligés de partir. Souvent, les capitales sont saturées, donc ils ont ce recours-là que de venir en Europe parce que c’est vu encore comme l’eldorado. Et pendant très longtemps, le rêve africain a été en dehors du continent. Donc ce projet de The Great Wall vise vraiment à ramener le rêve africain en Afrique, c’est-à-dire de donner des opportunités aux jeunes et les jeunes, c’est ce qui constitue l’Afrique, la moitié de l’Afrique a en dessous de 25 ans. Donc quand on voit que dans 20, 30 ou 40 ans, quand on voit le taux de natalité que l’Afrique va avoir, elle va presque doubler sa population d’ici à 2050. Donc pour ces jeunes-là, il faut aujourd’hui prendre des dispositions pour construire leur avenir. Donc c’est un projet qui est très vaste et qui répond à beaucoup, beaucoup de choses.

GRÉGORY : Et je ne savais pas du tout que, à l’origine de ce projet, il y avait ce président du Burkina Faso, qui si je ne me trompe pas et parce que je ne connais pas très bien malheureusement, je ne peux pas tout connaître, je ne suis pas très au courant, je sais que c’était quelqu’un emblématique si je ne me trompe pas, je pense que tu vas nous en parler deux minutes parce que c’était vraiment un personnage très particulier, quoi.

INNA : Oui, Thomas Sankara était un leader révolutionnaire du Burkina Faso et son idée, c’était vraiment tout ce qui était durable et autosuffisant. Parce qu’après et les diverses révolutions qu’il y a eues en Afrique pour obtenir l’indépendance, lui voulait qu’on devienne autonome. Et je dis “on”, parce que je suis africaine, et que les idées dans sa politique qu’il défendait aujourd’hui, je les comprends bien. Il voulait une autosuffisance pour le Burkina Faso parce qu’il se disait que si on arrivait à cultiver ce qu’on mange, ça nous rendait indépendants. Ce qu’il voulait éviter, c’était la dépendance à l’Ouest, il le voulait vraiment et en trois ans, il a réussi à l’obtenir. En trois ans, il a réussi à faire en sorte que le Burkina cultive ce qu’il mange et il y avait une vision qui aujourd’hui me semble complètement réalisable. Mais c’est un chef d’État qui a été assassiné pour diverses raisons et comme beaucoup de leaders africains comme Patrice Lumumba etc, qui avaient des visions un peu avant-gardistes pour l’Afrique. La philosophie de Thomas Sankara qui était de planter des arbres et de cultiver, aujourd’hui, c’est ce qu’on essaie de ramener dans The Great Wall, c’est-à-dire que les communautés deviennent vraiment acteurs de leur destin, acteurs de leur vie et sont des projets communautaires, où ils en sont les leaders, les acteurs et aussi les bénéficiaires. Et donc moi, j’ai voyagé le long de ce projet, du Sénégal jusqu’à l’Éthiopie. On n’a pas pu aller à Djibouti parce qu’on n’en a pas eu l’autorisation, parce que l’équipe était est assez vulnérable. Politiquement, c’était un peu difficile d’y aller au moment où on voulait aller. Par contre, on est allés en Éthiopie notamment. On a passé du temps dans la région du Tigré, qui est aujourd’hui une région assez vulnérable, avec des conflits. Et ce qu’on a vu à Tigré moi m’a vraiment particulièrement choqué parce que Tigré, c’était une des régions qui avait le plus souffert et des grandes famines en Éthiopie. J’ai rencontré un leader de communauté qui, avec toute sa communauté, ils ont travaillé ensemble, chaque adulte donnait jusqu’à 40 jours par an pour travailler la terre, travailler à restaurer les terres détériorées. Et j’ai rarement vu un endroit aussi vert.

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