#178 Les technologies vont-elles nous permettre de faire face au défi climatique? avec Philippe Bihouix

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#178 Les technologies vont-elles nous permettre de faire face au défi climatique? avec Philippe Bihouix
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GRÉGORY : J’aimerais comprendre parce qu’en fait on voit beaucoup dans les avenirs qu’on nous propose deux grandes voies. Il y en a une qui est une voie sans issue finalement, l’autoroute s’arrête. C’est tout ce qui concerne une écologie un petit peu radical et sans doute toutes les théories autour de l’effondrement. Et de l’autre côté, je vois des Elon Musk et autres startups qui sont sur une autoroute et donc sur une route qui va tout droit, tout droit, très très vite. Et j’ai la sensation que ces deux mondes n’ont rien à voir et en même temps on les vit en parallèle. J’aimerais comprendre dans un premier temps, vous, la manière dont vous envisagez les choses.

PHILIPPE : Moi, déjà, j’ai l’impression que chaque génération a un peu tendance à remettre le couvert ou que l’histoire repasse souvent les plats comme on veut. C’est-à-dire que finalement, ce débat qu’il y a aujourd’hui sur un état de la planète que tout le monde reconnaît, y compris je pense, les milliardaires vendeurs de rêves bon marché. Et bien en fait, face à ça, la vraie question, c’est la question du progrès technologique. Autrement dit, est-ce que finalement, grâce au progrès technologique, on va pouvoir faire face à la pénurie, voire même inventer des technologies vertes, réparer la planète ? Ou bien est ce que finalement, peine perdue, le coup est déjà parti et on va vivre un processus d’effondrement plus ou moins rapide et plus ou moins violent. Les termes de ce débat-là existent depuis au moins 70 ans, dès la sortie de la Seconde Guerre mondiale, en 1948, il y a deux écologistes qui vont publier chacun un bestseller dont William Vogt publie “Road to survival”, et les deux s’inquiètent déjà d’un risque de pénurie très grave de famine avant les années 70 ou 80. Et en face de ces perspectives extrêmement sombres, très vite vont se dresser des sociologues, des économistes, des futurologues qui, eux, vont dire bah non, au contraire, on va avoir tous des voitures volantes, des fusées hypersoniques, grâce en plus à une énergie gratuite et pas du tout polluante qui est évidemment l’énergie atomique puisqu’on sort juste de la seconde guerre mondiale. Et en fait, les termes du débat vont rester exactement les mêmes pendant plusieurs décennies. On va avoir d’un côté, ceux qui parlent de la corne d’abondance et de la complexité, mais finalement on adore la complexité, on adore la difficulté et on arrive toujours à la surmonter grâce à l’innovation. Et puis de l’autre, on va avoir les prophètes de l’Apocalypse qui eux vont au contraire expliquer que tout va aller de plus en plus mal. Et le débat va s’estomper dans les années 80-90 parce que finalement, il y a d’autres grands événements historiques, la chute de l’empire soviétique, etc. Et le débat ne va resurgir finalement qu’avec la croissance très forte de la Chine et de l’Inde. Avec la question climatique qui s’invite aussi au milieu des années 2000 avec la question du pic de pétrole, ce qui a fait resurgir finalement une pénurie sur une inquiétude sur la pénurie possible d’un certain nombre de ressources, parce qu’effectivement, juste avant l’été 2008, juste avant la chute, enfin les prémices de la grande crise économique mondiale, toutes les matières premières s’étaient envolés, le pétrole était à 140 et quelques dollars, le cuivre, etc, tout avait suivi. Donc voilà, en fait le débat reste toujours le même. Donc effectivement, il y a les partisans du progrès, c’est vrai aujourd’hui que les promesses ont un peu tendance à s’envoler parce que indéniablement, il y a eu des poussées tout à fait incroyables en termes de programmation de logiciels, en termes de miniaturisation des équipements électroniques, en termes de progrès de la chimie des batteries. Ce qui fait qu’aujourd’hui on nous refait le coup de la voiture volante. Cette fois, ce sera un drone autonome d’Uber qui nous servira de taxi et, mais finalement voilà, on avait déjà la voiture autonome en promesse dans les années 50 et même à la fin du XIXᵉ siècle, il y a des très belles gravures et des livres avec des calèches qui récupéraient les gens à la sortie du théâtre et qui étaient déjà volantes. Bon, mais finalement, aujourd’hui, il y a un tel progrès qu’on se dit Ah, mais oui, mais finalement tout est possible. Sky is limit, comme disent les Anglo-Saxons. Et malgré ça, on a cet incroyable état de la planète qui se dégrade, un effondrement de la biodiversité absolument clair. Il y a quand même plus beaucoup de gens qui contestent le changement climatique. Et puis, d’une manière ou d’une autre, on tape dans un stock pour tout ce qui est l’extraction des ressources, on ne dématérialise pas du tout l’économie. Au contraire, on extrait de plus en plus de ressources et la croissance de l’extraction est plus rapide que la croissance du PIB. Donc effectivement, ces éléments indéniables font penser à un certain nombre de personnes, plus ou moins radicales, peut-être qu’effectivement tout cela ne peut pas durer. Alors moi je suis un peu long, je ne vais pas dire entre les deux, parce que évidemment, je pense qu’on est dans une économie, dans un système industriel qui n’est pas soutenable par définition. La question, comment est-ce que les choses vont effectivement se stabiliser ou se réinscrire dans les limites planétaires ? C’est-à-dire que de manière absolument stupide, par exemple si on prend 2% de croissance par an qui est quelque chose d’assez modeste, mais bon, je pense qu’à peu près tout gouvernement de pays occidental et chefs d’entreprise s’en contenteraient, 2 % de croissance par an, c’est une multiplication par deux tous les 37 ans, ça s’appelle une courbe exponentielle. On a découvert la courbe exponentielle avec la crise sanitaire, c’est quand tout le nombre de malades est multiplié par deux tous les cinq jours, au début, ça ne fait pas trop mal, et puis après quelques semaines, il faut se confiner. Voilà, c’est la même chose, sauf que c’est 2x tous les 37 ans, ça veut dire que dans un millénaire, eh bien, il faudrait avoir multiplié l’économie mondiale ou la consommation d’énergie, je n’en sais rien, ou de ressources par 390 millions.

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Description de l’épisode

Philippe Bihouix est centralien, ingénieur, il a écrit plusieurs ouvrages traitant de la technologie et du défi climatique.

Quand on parle de crise climatique, on nous propose 2 grandes voies: celle de la technologie qui va nous permettre de continuer à vivre de la même manière et la collapsologie c’est à dire un arrêt de tout tout de suite et au plus tôt.

On a tous plutôt envie d’aller dans cette première voie évidemment car personne n’a envie de sacrifier quoique ce soit.

Pourtant, cette logique d’innovation et de croissance infinie n’a aucun sens. On le sait mais Philippe nous l’explique chiffres à l’appui.

La solution? Sans doute d’envisager la vie de manière différente mais aussi de s’intéresser aux Low tech.

Vous vous demandez sans doute ce que ca veut dire les low tech? Philippe va vous expliquer ca parfaitement bien dans cet épisode.

C’est un épisode qui aurait pu être technique mais Philippe démocratise hyper bien des concepts qui peuvent paraître compliqués.

Bonne écoute !

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : J’aimerais comprendre parce qu’en fait on voit beaucoup dans les avenirs qu’on nous propose deux grandes voies. Il y en a une qui est une voie sans issue finalement, l’autoroute s’arrête. C’est tout ce qui concerne une écologie un petit peu radical et sans doute toutes les théories autour de l’effondrement. Et de l’autre côté, je vois des Elon Musk et autres startups qui sont sur une autoroute et donc sur une route qui va tout droit, tout droit, très très vite. Et j’ai la sensation que ces deux mondes n’ont rien à voir et en même temps on les vit en parallèle. J’aimerais comprendre dans un premier temps, vous, la manière dont vous envisagez les choses.

PHILIPPE : Moi, déjà, j’ai l’impression que chaque génération a un peu tendance à remettre le couvert ou que l’histoire repasse souvent les plats comme on veut. C’est-à-dire que finalement, ce débat qu’il y a aujourd’hui sur un état de la planète que tout le monde reconnaît, y compris je pense, les milliardaires vendeurs de rêves bon marché. Et bien en fait, face à ça, la vraie question, c’est la question du progrès technologique. Autrement dit, est-ce que finalement, grâce au progrès technologique, on va pouvoir faire face à la pénurie, voire même inventer des technologies vertes, réparer la planète ? Ou bien est ce que finalement, peine perdue, le coup est déjà parti et on va vivre un processus d’effondrement plus ou moins rapide et plus ou moins violent. Les termes de ce débat-là existent depuis au moins 70 ans, dès la sortie de la Seconde Guerre mondiale, en 1948, il y a deux écologistes qui vont publier chacun un bestseller dont William Vogt publie “Road to survival”, et les deux s’inquiètent déjà d’un risque de pénurie très grave de famine avant les années 70 ou 80. Et en face de ces perspectives extrêmement sombres, très vite vont se dresser des sociologues, des économistes, des futurologues qui, eux, vont dire bah non, au contraire, on va avoir tous des voitures volantes, des fusées hypersoniques, grâce en plus à une énergie gratuite et pas du tout polluante qui est évidemment l’énergie atomique puisqu’on sort juste de la seconde guerre mondiale. Et en fait, les termes du débat vont rester exactement les mêmes pendant plusieurs décennies. On va avoir d’un côté, ceux qui parlent de la corne d’abondance et de la complexité, mais finalement on adore la complexité, on adore la difficulté et on arrive toujours à la surmonter grâce à l’innovation. Et puis de l’autre, on va avoir les prophètes de l’Apocalypse qui eux vont au contraire expliquer que tout va aller de plus en plus mal. Et le débat va s’estomper dans les années 80-90 parce que finalement, il y a d’autres grands événements historiques, la chute de l’empire soviétique, etc. Et le débat ne va resurgir finalement qu’avec la croissance très forte de la Chine et de l’Inde. Avec la question climatique qui s’invite aussi au milieu des années 2000 avec la question du pic de pétrole, ce qui a fait resurgir finalement une pénurie sur une inquiétude sur la pénurie possible d’un certain nombre de ressources, parce qu’effectivement, juste avant l’été 2008, juste avant la chute, enfin les prémices de la grande crise économique mondiale, toutes les matières premières s’étaient envolés, le pétrole était à 140 et quelques dollars, le cuivre, etc, tout avait suivi. Donc voilà, en fait le débat reste toujours le même. Donc effectivement, il y a les partisans du progrès, c’est vrai aujourd’hui que les promesses ont un peu tendance à s’envoler parce que indéniablement, il y a eu des poussées tout à fait incroyables en termes de programmation de logiciels, en termes de miniaturisation des équipements électroniques, en termes de progrès de la chimie des batteries. Ce qui fait qu’aujourd’hui on nous refait le coup de la voiture volante. Cette fois, ce sera un drone autonome d’Uber qui nous servira de taxi et, mais finalement voilà, on avait déjà la voiture autonome en promesse dans les années 50 et même à la fin du XIXᵉ siècle, il y a des très belles gravures et des livres avec des calèches qui récupéraient les gens à la sortie du théâtre et qui étaient déjà volantes. Bon, mais finalement, aujourd’hui, il y a un tel progrès qu’on se dit Ah, mais oui, mais finalement tout est possible. Sky is limit, comme disent les Anglo-Saxons. Et malgré ça, on a cet incroyable état de la planète qui se dégrade, un effondrement de la biodiversité absolument clair. Il y a quand même plus beaucoup de gens qui contestent le changement climatique. Et puis, d’une manière ou d’une autre, on tape dans un stock pour tout ce qui est l’extraction des ressources, on ne dématérialise pas du tout l’économie. Au contraire, on extrait de plus en plus de ressources et la croissance de l’extraction est plus rapide que la croissance du PIB. Donc effectivement, ces éléments indéniables font penser à un certain nombre de personnes, plus ou moins radicales, peut-être qu’effectivement tout cela ne peut pas durer. Alors moi je suis un peu long, je ne vais pas dire entre les deux, parce que évidemment, je pense qu’on est dans une économie, dans un système industriel qui n’est pas soutenable par définition. La question, comment est-ce que les choses vont effectivement se stabiliser ou se réinscrire dans les limites planétaires ? C’est-à-dire que de manière absolument stupide, par exemple si on prend 2% de croissance par an qui est quelque chose d’assez modeste, mais bon, je pense qu’à peu près tout gouvernement de pays occidental et chefs d’entreprise s’en contenteraient, 2 % de croissance par an, c’est une multiplication par deux tous les 37 ans, ça s’appelle une courbe exponentielle. On a découvert la courbe exponentielle avec la crise sanitaire, c’est quand tout le nombre de malades est multiplié par deux tous les cinq jours, au début, ça ne fait pas trop mal, et puis après quelques semaines, il faut se confiner. Voilà, c’est la même chose, sauf que c’est 2x tous les 37 ans, ça veut dire que dans un millénaire, eh bien, il faudrait avoir multiplié l’économie mondiale ou la consommation d’énergie, je n’en sais rien, ou de ressources par 390 millions.

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