#176 Votre confiance en soi ne vous appartient pas avec Emma Monsaingeon

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#176 Votre confiance en soi ne vous appartient pas avec Emma Monsaingeon
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GRÉGORY : On va parler de confiance en soi et des femmes en particulier. Je voudrais qu’on puisse commencer par comprendre ce que c’est que la confiance en soi, parce qu’a priori, c’est un concept qu’on arrive à comprendre, et ce qui ressort dans l’étude, c’est que ce n’est pas si clair que ça…

EMMA : Donc oui, nous, on a fait cette grande étude pour comprendre, mesurer et augmenter la confiance en elle chez les femmes dans le monde. On aimerait faire ça, donc on a commencé par faire beaucoup de recherches, donc ce qu’on a appelé la partie académique. On est allé chercher tout ce qui avait déjà été fait sur le sujet, donc philosophie, sociologie, anthropologie, tout ce qui finit par “gie”, non je rigole haha. C’est quand même un sujet qui a été pas mal documenté et on est arrivé à la conclusion, en fait de cette première partie académique, que la confiance en soi, ce n’est pas quelque chose d’inné, contrairement aux idées reçues, tu ne nais pas avec confiance ou pas confiance. Je pense qu’il n’y a aucune femme qu’on a interviewée où la première question, c’était “spontanément, qu’est-ce que c’est pour vous la confiance en soi ?”, et après, “est-ce que vous en avez ou non ?” Il n’y a aucune femme qui arrive avec une réponse très claire, et il n’y a aucune femme non plus qui nous a dit oui, j’ai toujours eu confiance en moi. Nous, on est arrivé à la conclusion, suite à cette première partie de recherches, qu’il y avait 14 sources dans lesquelles on pouvait aller puiser notre confiance. Ce qu’on a observé, c’est qu’on les a classées des sources de confiance qui sont les plus établies en toi, donc qui sont vraiment ancrées dans toi, qui sont limites, inconscientes, donc mettre un pied devant l’autre pour marcher, des choses comme ça, a des formes de confiance intérieure, à des formes de confiance plus normatives, donc là ce sont vraiment les normes imposées par la société, etc, à des sources qu’on a appelées mythique qui sont finalement les sources les plus extérieures. La confiance en soi, contrairement à son nom, le grand enseignement de l’étude, c’est que c’est quelque chose d’hyper collectif et non pas d’intérieur. Ce n’est pas individuel, ça ne se possède pas, ça se transmet, ça s’échange, ça se donne. Finalement, le mot ne correspond pas à la définition qu’on en a trouvée.

GRÉGORY : C’est hyper intéressant parce qu’on a tous et toutes en tête des personnes, on se dit “Ah, mais lui/elle, avait tellement confiance en lui/elle”. On a toujours ces modèles dans nos têtes et on se dit toujours “ah, mais moi je n’ai pas vraiment confiance en moi”, etc, et en fait que ce que tu dis, c’est quasiment renversant quelque part, c’est que la confiance en soi, ce n’est pas quelque chose qui t’appartient vraiment, c’est quelque chose que les autres ou que la société peut te donner. C’est assez incroyable finalement.

EMMA : Oui, en fait, parmi les 14 sources dont je te parlais, la source qui revient vraiment dans tous les pays, c’est ce qu’on a appelé “support de système”, c’est une forme, hétéronomie, pour le dire simplement, c’est la validation et l’approbation des autres et le soutien des autres. Ça se matérialise par plein de situations différentes, ça peut être tes managers, tes collègues, ça peut être aussi tout simplement la conformité, en fait des normes sociales, etc. La confiance en soi, c’est une attente d’attentes, donc ça va être ce que je pense que les gens attendent de moi et donc c’est un peu rentré dans les clous finalement, c’est un peu ne pas avoir l’air folle, etc. C’est vraiment se conformer à ce qu’on attend de nous.

GRÉGORY : Et alors ? Du coup, ça m’amène naturellement à cette question qui est pourquoi vous êtes intéressé plus aux femmes qu’aux hommes ? Est-ce que c’est parce que les attentes, justement, de la société auprès des femmes, sont plus fortes que les attentes qu’on a auprès des hommes ?

EMMA : Alors, du coup, je ne sais pas si c’est qu’elles sont plus fortes, c’est simplement que les attentes, comme beaucoup de choses dans la société, ont pris pour référent l’homme. Donc, par définition, ce n’est pas adapté, les femmes ont besoin de plus s’adapter, se conformer à des standards finalement qui ne leur correspondent pas.  Donc par exemple, si on prend des situations professionnelles parce qu’on passe quand même beaucoup de temps dans les entreprises etc, on sait que qu’il y a beaucoup moins de femmes dans les comités de direction, etc, mais par exemple que ce soit les émotions, même les blagues, la tenue vestimentaire, etc, tout ça, le comportement qu’on attend de quelqu’un qui est dans un comité de direction, c’est tous les standards masculins. Et donc du coup, par définition, une femme qui arrive à un poste très haut placé, et on en a rencontré beaucoup dans l’étude, ben, elle doit se conformer à ces codes masculins là pour pour grimper les échelons finalement. C’est pour ça qu’on s’est intéressé plus aux femmes, car c’est plus souvent plus difficile pour une femme de construire sa confiance dans ces conditions-là qui ne sont pas propices à elle.

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Description de l’épisode

Emma Monsaingeon est directrice de mission et, à ce titre, elle a , avec Eranos, dirigé la plus grande étude jamais réalisée sur la confiance en soi des femmes: 11 000 femmes, dans 11 pays sur 3 ans pour enfin comprendre comment fonctionne ce sentiment que l’on aimerait toutes et tous avoir un peu plus.
Cette étude est disponible gratuitement en ligne mais en anglais si vous souhaitez la lire dans le détail.
Vous allez comprendre pourquoi nous avons du mal à maitriser ce sentiment et pourquoi, notre société hyper individualiste fait totalement fausse route sur le sujet.
Mais d’un pays à l’autre vous verrez que la réalité est très différente bien sur, le Mexique n’est pas le Japon qui n’est pas la Corée et l’Europe et donc la France a encore une réalité très différente.
Nous abordons aussi évidemment pourquoi il est plus difficile pour les femmes de tous les pays d’avoir confiance en elles dans une société patriarcale.
C’est simplement passionnant! Mais surtout je pense que cela va remettre en question profondément un sentiment que vous pensiez connaître.
Je crois aussi, j’espère tout du moins, que cet épisode va générer pas mal de conversations avec vos amis, votre famille, vos collègues (si vous les voyez). C’est indispensable que l’on parle de ce sujet et que l’on se supporte les uns, les autres sur ce domaine.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler de confiance en soi et des femmes en particulier. Je voudrais qu’on puisse commencer par comprendre ce que c’est que la confiance en soi, parce qu’a priori, c’est un concept qu’on arrive à comprendre, et ce qui ressort dans l’étude, c’est que ce n’est pas si clair que ça…

EMMA : Donc oui, nous, on a fait cette grande étude pour comprendre, mesurer et augmenter la confiance en elle chez les femmes dans le monde. On aimerait faire ça, donc on a commencé par faire beaucoup de recherches, donc ce qu’on a appelé la partie académique. On est allé chercher tout ce qui avait déjà été fait sur le sujet, donc philosophie, sociologie, anthropologie, tout ce qui finit par “gie”, non je rigole haha. C’est quand même un sujet qui a été pas mal documenté et on est arrivé à la conclusion, en fait de cette première partie académique, que la confiance en soi, ce n’est pas quelque chose d’inné, contrairement aux idées reçues, tu ne nais pas avec confiance ou pas confiance. Je pense qu’il n’y a aucune femme qu’on a interviewée où la première question, c’était “spontanément, qu’est-ce que c’est pour vous la confiance en soi ?”, et après, “est-ce que vous en avez ou non ?” Il n’y a aucune femme qui arrive avec une réponse très claire, et il n’y a aucune femme non plus qui nous a dit oui, j’ai toujours eu confiance en moi. Nous, on est arrivé à la conclusion, suite à cette première partie de recherches, qu’il y avait 14 sources dans lesquelles on pouvait aller puiser notre confiance. Ce qu’on a observé, c’est qu’on les a classées des sources de confiance qui sont les plus établies en toi, donc qui sont vraiment ancrées dans toi, qui sont limites, inconscientes, donc mettre un pied devant l’autre pour marcher, des choses comme ça, a des formes de confiance intérieure, à des formes de confiance plus normatives, donc là ce sont vraiment les normes imposées par la société, etc, à des sources qu’on a appelées mythique qui sont finalement les sources les plus extérieures. La confiance en soi, contrairement à son nom, le grand enseignement de l’étude, c’est que c’est quelque chose d’hyper collectif et non pas d’intérieur. Ce n’est pas individuel, ça ne se possède pas, ça se transmet, ça s’échange, ça se donne. Finalement, le mot ne correspond pas à la définition qu’on en a trouvée.

GRÉGORY : C’est hyper intéressant parce qu’on a tous et toutes en tête des personnes, on se dit “Ah, mais lui/elle, avait tellement confiance en lui/elle”. On a toujours ces modèles dans nos têtes et on se dit toujours “ah, mais moi je n’ai pas vraiment confiance en moi”, etc, et en fait que ce que tu dis, c’est quasiment renversant quelque part, c’est que la confiance en soi, ce n’est pas quelque chose qui t’appartient vraiment, c’est quelque chose que les autres ou que la société peut te donner. C’est assez incroyable finalement.

EMMA : Oui, en fait, parmi les 14 sources dont je te parlais, la source qui revient vraiment dans tous les pays, c’est ce qu’on a appelé “support de système”, c’est une forme, hétéronomie, pour le dire simplement, c’est la validation et l’approbation des autres et le soutien des autres. Ça se matérialise par plein de situations différentes, ça peut être tes managers, tes collègues, ça peut être aussi tout simplement la conformité, en fait des normes sociales, etc. La confiance en soi, c’est une attente d’attentes, donc ça va être ce que je pense que les gens attendent de moi et donc c’est un peu rentré dans les clous finalement, c’est un peu ne pas avoir l’air folle, etc. C’est vraiment se conformer à ce qu’on attend de nous.

GRÉGORY : Et alors ? Du coup, ça m’amène naturellement à cette question qui est pourquoi vous êtes intéressé plus aux femmes qu’aux hommes ? Est-ce que c’est parce que les attentes, justement, de la société auprès des femmes, sont plus fortes que les attentes qu’on a auprès des hommes ?

EMMA : Alors, du coup, je ne sais pas si c’est qu’elles sont plus fortes, c’est simplement que les attentes, comme beaucoup de choses dans la société, ont pris pour référent l’homme. Donc, par définition, ce n’est pas adapté, les femmes ont besoin de plus s’adapter, se conformer à des standards finalement qui ne leur correspondent pas.  Donc par exemple, si on prend des situations professionnelles parce qu’on passe quand même beaucoup de temps dans les entreprises etc, on sait que qu’il y a beaucoup moins de femmes dans les comités de direction, etc, mais par exemple que ce soit les émotions, même les blagues, la tenue vestimentaire, etc, tout ça, le comportement qu’on attend de quelqu’un qui est dans un comité de direction, c’est tous les standards masculins. Et donc du coup, par définition, une femme qui arrive à un poste très haut placé, et on en a rencontré beaucoup dans l’étude, ben, elle doit se conformer à ces codes masculins là pour pour grimper les échelons finalement. C’est pour ça qu’on s’est intéressé plus aux femmes, car c’est plus souvent plus difficile pour une femme de construire sa confiance dans ces conditions-là qui ne sont pas propices à elle.

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