#164 Peut-on allier lutte contre la pauvreté et écologie? avec Elise Huillery

VLAN! Podcast
VLAN! Podcast
#164 Peut-on allier lutte contre la pauvreté et écologie? avec Elise Huillery
Loading
/

GRÉGORY : On va parler d’un sujet dont on entend beaucoup parler et en même temps qu’on maîtrise finalement assez peu qui est la pauvreté. Peut-être qu’une bonne question pour démarrer, je crois, c’est de comprendre précisément, c’est quoi la pauvreté ?

ELISE : Alors en termes de mesures, la pauvreté, en France en tout cas, c’est 1/4 par rapport au revenu médian, c’est-à-dire au revenu typique qui sépare la population en deux parties égales donc la pauvreté, c’est plus une mesure d’inégalité. Je vais expliquer pourquoi c’est une mesure d’inégalité, parce que le revenu médian en France, c’est 1 800€ par mois pour une personne seule. On va dire que quelqu’un est pauvre s’il a 60% de ce revenu médian, c’est-à-dire s’il a 1 000€ par mois pour une personne seule. Mais si jamais le revenu médian augmentait, par exemple s’il passait à 2 500€, dans ce cas-là, on aurait le seuil de pauvreté augmenterait également, c’est-à-dire qu’on ferait 60% de 2 500€, donc ça ferait à peu près 1 400€. Toutes les personnes qui gagnent en dessous de 1 400 € seraient pauvres. Si le revenu médian augmentait à 3 000 €, ce serait du coup 1 600 € qui deviendrait le seuil de pauvreté, donc le seuil de pauvreté il dépend du reste de la population, il dépend d’où est la moyenne. Donc il y a un truc qui peut paraître un peu absurde, mais en fait ce n’est pas absurde, c’est que imaginons que tout le monde gagne deux fois plus, ça ne changerait rien à la pauvreté. On aurait un revenu médian qui serait deux fois plus élevé, mais on aurait aussi un seuil de pauvreté qui serait deux fois plus élevé. Donc du coup, ça ne changerait pas du tout la proportion de personnes qui sont dites pauvres. Donc la pauvreté, c’est vraiment un écart par rapport au reste de la société. Ce n’est pas un niveau absolu de ressources, c’est un écart par rapport au reste de la société.

GRÉGORY : Donc ce que tu dis, c’est qu’on peut être pauvre et réussit à maintenir un niveau de vie qui permet de subsister quelque part ?

ELISE : Tout à fait. C’est-à-dire qu’imaginons un monde idéal ou comme je disais, tout le monde gagne deux fois plus d’argent sans changer les prix, c’est-à-dire qu’on pourrait tous acheter deux fois plus de choses. Ça voudrait dire que des personnes pauvres ont beaucoup plus de moyens qu’aujourd’hui, mais elles seraient pauvres par rapport au reste de la société dans laquelle elles vivent. Parce qu’en fait, ça veut dire que les standards de vie s’ajustent et que, par exemple, s’acheter un smartphone, ça paraît tout à fait basique. D’ailleurs, même les ménages qui sont justement sous le seuil de pauvreté ont des smartphones. Donc la pauvreté, elle va être définie par rapport à ce que les autres peuvent faire. Si ça devient complètement normal de faire quelque chose, eh bien même des personnes pauvres peuvent subvenir à ce genre de besoins. Mais si on est à moins de 60 % du revenu médian, ça veut dire que ce que la plupart des autres gens peuvent faire, quelqu’un qui est à 60 % de ce revenu ne peut pas le faire. Le smartphone, c’est devenu normal, même les ménages pauvres ont des smartphones plus ou moins de bonne qualité, mais on a quand même tous des téléphones portables, voire des smartphones. En revanche, partir en vacances ? Ben non. En revanche, aller au restaurant non plus. Ou en revanche, aller au cinéma non plus. Parce qu’effectivement, avec 60 % du revenu médian, ça fait encore partie des choses qu’on ne peut pas faire. 

GRÉGORY : Je comprends. Du coup, il existe un seuil en dessous pour qui dit se posent : comment je fais pour subvenir à mes besoins ? Typiquement, tu vois les trois quarts de l’humanité qui vivent avec 1 $ par jour, eux, ils sont quoi alors ? 

ELISE : Tout à fait. Là, je parlais de la définition qu’on retenait en France. Alors en France, on retient que la pauvreté, c’est 60 % du revenu médian. Mais on définit aussi extrêmement pauvres, très pauvres à 50% et à 40%. Là, on est dans des vraies difficultés de logement, de se nourrir, de se chauffer, de se nourrir surtout correctement, c’est-à-dire avec suffisamment de protéines, de vitamines, de légumes, de fruits, de viande, etc. Donc même en France on peut avoir à l’intérieur de cette catégorie de pauvreté, des sous catégories de grande pauvreté ou la question de subvenir à ses besoins de base comme se vêtir, se nourrir, se loger se pose. Pour ce qui est des pays en voie de développement, la question de la pauvreté relative fait moins de sens parce que justement, on est plus sûr des questions de subvenir à ses besoins et moins sur des questions d’inégalité par rapport au niveau de vie médian. Dans les pays en développement, en Afrique, en Asie du Sud, même en Amérique latine, on va appliquer une autre définition qui consiste à avoir un niveau de revenu dans l’absolu, qui permet de se nourrir, de se loger, de se vêtir. On ne va pas définir la pauvreté par rapport au reste de la société, on va la définir en des termes absolus.

La suite a écouté sur VLAN !

Description de l’épisode

Elise Huillery est professeur d’économie à Paris Dauphine, chercheuse affilée au laboratoire J-Pal (Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab), au LIEPP (Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques), et à l’EUDN (European Development Network). Ses recherches portent sur les déterminants de la pauvreté et des inégalités notamment en Afrique et en France, et sur les politiques publiques permettant de les réduire.
Et justement, c’est le sujet qui nous intéresse aujourd’hui: la pauvreté.
C’est un sujet dont tout le monde s’empare sans trop savoir ce qu’il y a derrière les termes “pauvre” ou “extrêmement pauvre”.
En France et plus largement dans les pays dits “développés”, la pauvreté est heureusement relative mais alors qu’en est-t’il du revenu universel? Peut on réussir à créer une société sans pauvreté? Est-ce que les pauvres profitent vraiment des aides auxquelles ils ont droit?
Et puis dès qu’il s’agit d’écologie, on entend la ritournelle (souvent par des personnes qui ne sont pas pauvres d’ailleurs) que ces personnes ne peuvent pas se soucier de l’écologie et que par conséquent, il faudra résoudre la problématique de la pauvreté avant de s’attaquer à la problématique écologique.
Bien sur, nous avons tous en tête le slogan “fin du monde Vs fin de mois” de l’épisode Gilets Jaunes de 2018-2019 alors qu’en est-il et comment pouvons nous allier les 2?
Ce sont toutes ces questions que nous abordons avec Elise.
Un épisode qui peut sembler difficile d’accès mais qui ne l’est pas du tout en réalité.

Vous aimerez aussi ces épisodes

Transcription partielle de l’épisode

VLAN! Podcast
VLAN! Podcast
#164 Peut-on allier lutte contre la pauvreté et écologie? avec Elise Huillery
Loading
/

GRÉGORY : On va parler d’un sujet dont on entend beaucoup parler et en même temps qu’on maîtrise finalement assez peu qui est la pauvreté. Peut-être qu’une bonne question pour démarrer, je crois, c’est de comprendre précisément, c’est quoi la pauvreté ?

ELISE : Alors en termes de mesures, la pauvreté, en France en tout cas, c’est 1/4 par rapport au revenu médian, c’est-à-dire au revenu typique qui sépare la population en deux parties égales donc la pauvreté, c’est plus une mesure d’inégalité. Je vais expliquer pourquoi c’est une mesure d’inégalité, parce que le revenu médian en France, c’est 1 800€ par mois pour une personne seule. On va dire que quelqu’un est pauvre s’il a 60% de ce revenu médian, c’est-à-dire s’il a 1 000€ par mois pour une personne seule. Mais si jamais le revenu médian augmentait, par exemple s’il passait à 2 500€, dans ce cas-là, on aurait le seuil de pauvreté augmenterait également, c’est-à-dire qu’on ferait 60% de 2 500€, donc ça ferait à peu près 1 400€. Toutes les personnes qui gagnent en dessous de 1 400 € seraient pauvres. Si le revenu médian augmentait à 3 000 €, ce serait du coup 1 600 € qui deviendrait le seuil de pauvreté, donc le seuil de pauvreté il dépend du reste de la population, il dépend d’où est la moyenne. Donc il y a un truc qui peut paraître un peu absurde, mais en fait ce n’est pas absurde, c’est que imaginons que tout le monde gagne deux fois plus, ça ne changerait rien à la pauvreté. On aurait un revenu médian qui serait deux fois plus élevé, mais on aurait aussi un seuil de pauvreté qui serait deux fois plus élevé. Donc du coup, ça ne changerait pas du tout la proportion de personnes qui sont dites pauvres. Donc la pauvreté, c’est vraiment un écart par rapport au reste de la société. Ce n’est pas un niveau absolu de ressources, c’est un écart par rapport au reste de la société.

GRÉGORY : Donc ce que tu dis, c’est qu’on peut être pauvre et réussit à maintenir un niveau de vie qui permet de subsister quelque part ?

ELISE : Tout à fait. C’est-à-dire qu’imaginons un monde idéal ou comme je disais, tout le monde gagne deux fois plus d’argent sans changer les prix, c’est-à-dire qu’on pourrait tous acheter deux fois plus de choses. Ça voudrait dire que des personnes pauvres ont beaucoup plus de moyens qu’aujourd’hui, mais elles seraient pauvres par rapport au reste de la société dans laquelle elles vivent. Parce qu’en fait, ça veut dire que les standards de vie s’ajustent et que, par exemple, s’acheter un smartphone, ça paraît tout à fait basique. D’ailleurs, même les ménages qui sont justement sous le seuil de pauvreté ont des smartphones. Donc la pauvreté, elle va être définie par rapport à ce que les autres peuvent faire. Si ça devient complètement normal de faire quelque chose, eh bien même des personnes pauvres peuvent subvenir à ce genre de besoins. Mais si on est à moins de 60 % du revenu médian, ça veut dire que ce que la plupart des autres gens peuvent faire, quelqu’un qui est à 60 % de ce revenu ne peut pas le faire. Le smartphone, c’est devenu normal, même les ménages pauvres ont des smartphones plus ou moins de bonne qualité, mais on a quand même tous des téléphones portables, voire des smartphones. En revanche, partir en vacances ? Ben non. En revanche, aller au restaurant non plus. Ou en revanche, aller au cinéma non plus. Parce qu’effectivement, avec 60 % du revenu médian, ça fait encore partie des choses qu’on ne peut pas faire. 

GRÉGORY : Je comprends. Du coup, il existe un seuil en dessous pour qui dit se posent : comment je fais pour subvenir à mes besoins ? Typiquement, tu vois les trois quarts de l’humanité qui vivent avec 1 $ par jour, eux, ils sont quoi alors ? 

ELISE : Tout à fait. Là, je parlais de la définition qu’on retenait en France. Alors en France, on retient que la pauvreté, c’est 60 % du revenu médian. Mais on définit aussi extrêmement pauvres, très pauvres à 50% et à 40%. Là, on est dans des vraies difficultés de logement, de se nourrir, de se chauffer, de se nourrir surtout correctement, c’est-à-dire avec suffisamment de protéines, de vitamines, de légumes, de fruits, de viande, etc. Donc même en France on peut avoir à l’intérieur de cette catégorie de pauvreté, des sous catégories de grande pauvreté ou la question de subvenir à ses besoins de base comme se vêtir, se nourrir, se loger se pose. Pour ce qui est des pays en voie de développement, la question de la pauvreté relative fait moins de sens parce que justement, on est plus sûr des questions de subvenir à ses besoins et moins sur des questions d’inégalité par rapport au niveau de vie médian. Dans les pays en développement, en Afrique, en Asie du Sud, même en Amérique latine, on va appliquer une autre définition qui consiste à avoir un niveau de revenu dans l’absolu, qui permet de se nourrir, de se loger, de se vêtir. On ne va pas définir la pauvreté par rapport au reste de la société, on va la définir en des termes absolus.

La suite a écouté sur VLAN !

Menu