#158 Que souhaitons-nous léguer aux générations futures avec Yann Arthus Bertrand

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#158 Que souhaitons-nous léguer aux générations futures avec Yann Arthus Bertrand
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GRÉGORY : On va parler de ce film qui s’appelle Legacy, qui est sans doute le film que tu as fait qui m’a le plus touché. Pas que les autres, ne m’ont pas touché, mais celui-là en particulier. Ce que j’aimerais comprendre, c’est pourquoi ce film, pourquoi maintenant ?

YANN : D’abord, j’avais fait Home il y a dix ans, qui était un film important. C’est un film dont on me parle tout le temps et j’avais l’impression que tout ce que j’avais dit dans Home, il fallait faire une mise à jour, tout l’espoir que je donnais dans Home. Tu vois, il est trop tard pour être pessimiste. En une journée, en 1 h, le soleil donne assez d’énergie pour l’humanité entière, donc il faut qu’on ait des panneaux solaires, il faut qu’on ait des éoliennes. Quand j’ai fait le film à ce moment-là, je croyais vraiment qu’on allait changer. J’étais persuadé d’ailleurs qu’on allait tous changer. En fin de compte, aujourd’hui, on n’a rien changé du tout. On consommait 90 millions de barils de pétrole il y a dix ans, on en consomme 100 millions aujourd’hui. Les énergies renouvelables, dont on parle énormément, se sont additionnées au reste, elles n’ont pas enlevé des énergies fossiles. Le charbon est encore la deuxième énergie consommée dans le monde. Je crois que le pétrole, c’est presque 50 % de l’énergie et le charbon, c’est presque 40 %. On est encore dans l’ère du charbon, ce qui est le pire chose pour l’environnement, le pétrole aussi d’ailleurs. Surtout moi je suis un fan de Jancovici, je dois reconnaître et cette histoire de l’énergie me taraudait, j’avais envie de raconter la belle histoire de l’énergie, l’énergie de l’animal, l’énergie de l’homme et  l’énergie des morts, parce qu’en fin de compte, notre énergie, c’est l’énergie de des animaux morts pendant des millions d’années qui ont stocké de l’énergie pour nous. L’histoire est fantastique, celle de l’énergie de l’homme, son intelligence, son entraide, son ouïe, sa façon de réussir,  je voulais faire un film et là-dessus. L’année dernière, on était sur mon film Woman, qui était un film important sur les femmes, donc je ne pouvais pas faire ce film, et c’est un film que j’ai eu du mal d’ailleurs à vendre parce que pratiquement aucune chaîne de télé ne voulait l’avoir, parce qu’il trouvait que j’étais trop pessimiste. Voilà, j’avais fait un petit draft expliquant ce que je viens de dire et en disant on veut de l’espoir, mais l’espoir nous cache la réalité quelque part, on est tous un peu comme ça, mais on veut tous de l’espoir, moi aussi je veux de l’espoir. C’est un film qui finit d’ailleurs sur l’espoir, mais aussi sur une réalité. C’est un film que j’ai beaucoup, beaucoup de mal à faire parce qu’on a passé un an de montage qui est énorme pour un documentaire, un travail des archives, un film qu’on a fait à l’économie, qui a coûté 12 fois moins cher que Home. On a acheté beaucoup d’images, pas énormément, mais surtout on a fait tourner des dronistes, par téléphone, on parlait aux dronistes, par exemple pour filmer l’incendie du Brésil, pour filmer les gaz de schiste, que ça soit les usines de cochons en Chine, le charbon en Pologne, etc. Ce n’est pas toujours vraiment ce que t’as envie parce que tu es habitué à faire de l’aérien et que le drone, ce n’est pas comme l’hélico, mais ça suffisait. On a essayé de faire un film le plus raisonnable. On a tendance, dans le cinéma, à dépenser beaucoup d’argent, là, on a essayé de faire l’économie. Mais c’était très émouvant de faire ce film, en l’écrivant avec Franck Courchamp. On a essayé de faire une fin qui me ressemble en parlant de bienveillance, c’est un film qui explique que tout ce qui arrive aujourd’hui, ce n’est pas la finalité, personne nous oblige à mettre du pétrole dans notre bagnole, personne nous oblige à manger de la viande industrielle, personne nous oblige à manger des légumes qui ont été traités, même s’il y a des gens qui ne peuvent pas faire autrement. Mais voilà, il y a beaucoup de choses qu’on peut changer, mais on n’est pas capable de changer parce qu’on a une espèce de banalité du mal. Ce n’est pas moi qui ai inventé le mot, c’est une célèbre philosophe israélienne, mais cette espèce de banalité dans laquelle on vit, où on dit “ce n’est pas grave”, mais à force, ces millions de “ce n’est pas grave’, font que ça devient grave.

GRÉGORY : Il y a deux choses sur lesquelles je vais rebondir. La première, c’est l’image que tu prends dans le film autour dès 24 h que je trouve extrêmement clair, et après quand on rentre effectivement dans le “ce n’est pas grave” et de l’action de tout à chacun.

YANN : Le tout à chacun, on ne rentre pas tellement dedans. On a mis une liste à la fin parce qu’on devait la mettre. On ne peut pas laisser les gens comme ça à poil devant ces conclusions, qu’est-ce que je vais faire ? Donc, on a mis des conclusions que je pense assez large en fin de compte, tout en parlant de politique. 

La suite a écouté sur VLAN !

Description de l’épisode

Est-ce nécessaire de présenter Yann Arthus Bertrand? Un être humain passionnant, photographe et vidéaste de talent, il s’engage depuis de très nombreuses années pour l’écologie et a créé une fondation:good planet.
On y parle de la terre vue du ciel, de l’Algérie vue du ciel, de Humans, de Women et évidemment de Legacy mais également de son lire sur les lions.

Cela fait longtemps que je souhaitais le recevoir sur Vlan! et l’occasion se présente avec la sortie de son dernier film sur M6 ce soir (le 26 janvier) puis en replay: Legacy.

Dans cet épisode à coeur ouvert, c’est un homme qui a beaucoup cheminé qui nous parle du haut de ses 74 ans, il va sans détour à l’essentiel, nous emmène avec lui en Afrique pour mieux nous faire comprendre l’impact des modes de vies occidentaux.

Il nous partage sa vulnérabilité, de bienveillance et nous offre de très beaux messages tout au long de cet épisode ou nous parlons tour à tour de climat, de la violence à animale, de son film à venir, des français, de bonté et surtout d’humanité.

Je crois que “humanisme” est le mot clef de cet épisode en réalité que j’ai adoré enregistré après un déjeuner chez Yann.
Vous entendrez que la fin est particulièrement intense!

Bonne écoute et faite moi vos retours bien sur.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler de ce film qui s’appelle Legacy, qui est sans doute le film que tu as fait qui m’a le plus touché. Pas que les autres, ne m’ont pas touché, mais celui-là en particulier. Ce que j’aimerais comprendre, c’est pourquoi ce film, pourquoi maintenant ?

YANN : D’abord, j’avais fait Home il y a dix ans, qui était un film important. C’est un film dont on me parle tout le temps et j’avais l’impression que tout ce que j’avais dit dans Home, il fallait faire une mise à jour, tout l’espoir que je donnais dans Home. Tu vois, il est trop tard pour être pessimiste. En une journée, en 1 h, le soleil donne assez d’énergie pour l’humanité entière, donc il faut qu’on ait des panneaux solaires, il faut qu’on ait des éoliennes. Quand j’ai fait le film à ce moment-là, je croyais vraiment qu’on allait changer. J’étais persuadé d’ailleurs qu’on allait tous changer. En fin de compte, aujourd’hui, on n’a rien changé du tout. On consommait 90 millions de barils de pétrole il y a dix ans, on en consomme 100 millions aujourd’hui. Les énergies renouvelables, dont on parle énormément, se sont additionnées au reste, elles n’ont pas enlevé des énergies fossiles. Le charbon est encore la deuxième énergie consommée dans le monde. Je crois que le pétrole, c’est presque 50 % de l’énergie et le charbon, c’est presque 40 %. On est encore dans l’ère du charbon, ce qui est le pire chose pour l’environnement, le pétrole aussi d’ailleurs. Surtout moi je suis un fan de Jancovici, je dois reconnaître et cette histoire de l’énergie me taraudait, j’avais envie de raconter la belle histoire de l’énergie, l’énergie de l’animal, l’énergie de l’homme et  l’énergie des morts, parce qu’en fin de compte, notre énergie, c’est l’énergie de des animaux morts pendant des millions d’années qui ont stocké de l’énergie pour nous. L’histoire est fantastique, celle de l’énergie de l’homme, son intelligence, son entraide, son ouïe, sa façon de réussir,  je voulais faire un film et là-dessus. L’année dernière, on était sur mon film Woman, qui était un film important sur les femmes, donc je ne pouvais pas faire ce film, et c’est un film que j’ai eu du mal d’ailleurs à vendre parce que pratiquement aucune chaîne de télé ne voulait l’avoir, parce qu’il trouvait que j’étais trop pessimiste. Voilà, j’avais fait un petit draft expliquant ce que je viens de dire et en disant on veut de l’espoir, mais l’espoir nous cache la réalité quelque part, on est tous un peu comme ça, mais on veut tous de l’espoir, moi aussi je veux de l’espoir. C’est un film qui finit d’ailleurs sur l’espoir, mais aussi sur une réalité. C’est un film que j’ai beaucoup, beaucoup de mal à faire parce qu’on a passé un an de montage qui est énorme pour un documentaire, un travail des archives, un film qu’on a fait à l’économie, qui a coûté 12 fois moins cher que Home. On a acheté beaucoup d’images, pas énormément, mais surtout on a fait tourner des dronistes, par téléphone, on parlait aux dronistes, par exemple pour filmer l’incendie du Brésil, pour filmer les gaz de schiste, que ça soit les usines de cochons en Chine, le charbon en Pologne, etc. Ce n’est pas toujours vraiment ce que t’as envie parce que tu es habitué à faire de l’aérien et que le drone, ce n’est pas comme l’hélico, mais ça suffisait. On a essayé de faire un film le plus raisonnable. On a tendance, dans le cinéma, à dépenser beaucoup d’argent, là, on a essayé de faire l’économie. Mais c’était très émouvant de faire ce film, en l’écrivant avec Franck Courchamp. On a essayé de faire une fin qui me ressemble en parlant de bienveillance, c’est un film qui explique que tout ce qui arrive aujourd’hui, ce n’est pas la finalité, personne nous oblige à mettre du pétrole dans notre bagnole, personne nous oblige à manger de la viande industrielle, personne nous oblige à manger des légumes qui ont été traités, même s’il y a des gens qui ne peuvent pas faire autrement. Mais voilà, il y a beaucoup de choses qu’on peut changer, mais on n’est pas capable de changer parce qu’on a une espèce de banalité du mal. Ce n’est pas moi qui ai inventé le mot, c’est une célèbre philosophe israélienne, mais cette espèce de banalité dans laquelle on vit, où on dit “ce n’est pas grave”, mais à force, ces millions de “ce n’est pas grave’, font que ça devient grave.

GRÉGORY : Il y a deux choses sur lesquelles je vais rebondir. La première, c’est l’image que tu prends dans le film autour dès 24 h que je trouve extrêmement clair, et après quand on rentre effectivement dans le “ce n’est pas grave” et de l’action de tout à chacun.

YANN : Le tout à chacun, on ne rentre pas tellement dedans. On a mis une liste à la fin parce qu’on devait la mettre. On ne peut pas laisser les gens comme ça à poil devant ces conclusions, qu’est-ce que je vais faire ? Donc, on a mis des conclusions que je pense assez large en fin de compte, tout en parlant de politique. 

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