#155 La Chine, un modèle pour la France? avec Laurence Lim Dally

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#155 La Chine, un modèle pour la France? avec Laurence Lim Dally
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GRÉGORY : Je suis ravi de faire cet épisode avec toi parce qu’on parle de plus en plus de la Chine, depuis l’Europe, depuis la France, on parle aussi beaucoup des États-Unis. On voit bien que culturellement, la Chine est en train de prendre de la place et le modèle chinois est en train de prendre de la place par rapport au modèle occidental. On peut penser à TikTok, entre autres, mais je vois Alibaba et pleins d’autres. Enfin, la manière dont la Chine envisage le business, mais aussi l’écologie, etc, on se rend compte qu’il y a des différences culturelles qui sont majeures et que nous, Européens, on ne les comprend pas nécessairement, par exemple dans le rapport homme femme, mais ça peut être à plein de niveaux. Je voudrais qu’on parle ensemble de ce sujet des différences culturelles. La première question qui touche un peu tout le monde naturellement, c’est justement ce rapport entre les hommes et les femmes et le rapport au féminisme en Chine.

LAURENCE : Ouais alors si c’est tout à fait vrai qu’il y a encore une grande, je trouve méconnaissance de la Chine et ce qui est un paradoxe parce que aujourd’hui pour plein d’entreprises, la Chine devient leur premier marché. Si on prend l’industrie du luxe, c’est 90 % de la croissance du luxe ou des boites comme L’Oréal qui font quasiment toute leur croissance en Chine. Pourtant, la Chine, ça reste un peu ce continent noir où les entreprises et puis même les gens, je pense les Français et les Américains en particulier, ont du mal à comprendre les Chinois, parce qu’il y a très peu de soft power. Il n’y a pas beaucoup de soft power en Chine, donc je dirais qu’on n’a pas tellement accès à pas la musique chinoise. Je ne connais personne autour de moi qui regarde des séries télé chinoises. Puis je pense que c’est un continent qui est resté fermé à l’Occident quasiment jusqu’au 19ᵉ siècle et qui aujourd’hui reste très fermé. Il y a un écosystème Internet proprement chinois, il y a la barrière de la langue, etc et ces différences culturelles sont un peu au carré. On a besoin de plus en plus de décoder la Chine pour adresser la Chine. Je parle du point de vue des entreprises.

GRÉGORY : Bien sûr. Je crois que même en tant qu’individu, on va avoir en France, en Occident de manière générale, un impact de la culture chinoise sur nos vies. Quelque part, je ne suis pas sûr que tout le monde est bien conscience de ça, mais aujourd’hui, il n’y a plus vraiment de leaders mondiaux, comme on a pu le voir avec l’impérialisme américain qui est en train de s’effondrer sur lui-même. Mais on voit du coup des zones, et la Chine évidemment est en position prioritaire pour ça, qui sont en train de sans doute de reprendre ce leadership mondial et donc ça va avoir des conséquences sur nos vies potentiellement.

LAURENCE : Ouais, c’est vrai qu’on parle beaucoup du choc des civilisations et du fait que : est-ce que la Chine va devenir le nouveau modèle civilisationnel ? On en parle beaucoup depuis la gestion de la crise, de la Covid, etc. Franchement, je ne sais pas. Moi, je ne suis pas politologue, je ne sais pas quelles sont les ambitions de la Chine à ce niveau-là. Moi, je me place plutôt du point de vue des entreprises et de comment aujourd’hui, à l’heure où les marques deviennent un peu des ambassadeurs culturels, comment décoder ? Tu parlais tout à l’heure du féminisme et de la question des femmes. C’est vrai que c’est intéressant de voir aujourd’hui que les différentes problématiques et comment des enjeux sociétaux se posent différemment en Chine, aux États-Unis, en France. Sur la question des femmes par exemple, en France, aux États-Unis, c’est un sujet qui n’est plus tellement sur le devant de la scène, moi j’ai l’impression. En France, c’était pas mal sur les inégalités salariales aux États-Unis, c’était MeeToo et la masculinité toxique. En Chine, c’est intéressant de voir qu’on n’en est pas encore là, on en est encore à des questions d’indépendance de la femme. Il y a un énorme regain de féminisme en Chine et le sujet, c’est le droit pour la femme de se marier plus tard, de prolonger ses études, de faire carrière, etc, et ça, c’est important de tenir compte de ces écarts parce qu’on n’en est pas du tout au même niveau dans le combat féministe en Chine. C’est assez flagrant, si on regarde les séries télé chinoises, de voir la femme sûre d’elle qui va assez carriériste, l’homme est vraiment en fonction support, alors qu’en France, si on regarde les séries télé, c’est plutôt la femme, elle n’en est pas là à la femme, elle veut le work/life balance, elle veut avoir un métier qui a du sens, etc. C’est intéressant de voir comment les marques comprennent, résonnent ou au contraire ne comprennent pas du tout ses valeurs sociétales.

GRÉGORY : Mais en fait, d’un côté tu dis que dans les séries, ou alors je n’ai pas compris, mais que dans les séries chinoises l’homme est fonction support, la femme est super sûr d’elle, etc, mais dans la réalité en fait on est encore dans une situation où la femme se bat pour pouvoir se marier plus tard, alors qu’en France le sujet il est complètement encore ouvert. On a eu dernièrement tout cas tout un débat autour du crop top entre autres. Des séries où la femme est beaucoup plus dans une recherche de trouver un équilibre, alors qu’en réalité elle est beaucoup plus libérée de ce que je comprends de ce que tu dis, qu’en Chine.

LAURENCE : Alors non, il y a bien sûr un écart entre les représentations et les réalités sociales. La Chine, si tu regardes l’index parité hommes femmes, sur la condition de la femme, la Chine est très mal classée par rapport à la France qui est dans les premiers dans le top 10 je crois. Donc non. En revanche, ce qui est intéressant, c’est de voir la dynamique. Je pense qu’en Chine, il y a un rapport à la femme très particulier, parce que la politique de l’enfant unique. Donc c’est vrai que les femmes ont été relativement investies par rapport à d’autres pays asiatiques comme le Japon ou la Corée, là où la condition des femmes est vraiment en arrière. Puis surtout, il y a eu la Révolution culturelle, donc la Révolution culturelle, c’est la femme égale de l’homme, ce sont toutes ces représentations pendant la période maoïste, de femme aux combats, de femmes qui conduisent des tracteurs, qui réparent les pylônes électriques et surtout qui s’habillent comme l’homme. Il y avait déjà une espèce de androgynisation de la femme et je pense que la femme en Chine a mis beaucoup de temps. Aujourd’hui, la femme n’est pas du tout libérée en Chine.

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Description de l’épisode

Laurence Lim Dally est une femme inspirante, entrepreneure, elle est experte de la diversité et des différences interculturelles. Elle a travaillé au bureau du 1er ministre sur les questions de diversités et d’égalité des chances avant de partir à Honk Kong.

Avec Laurence on envisage un sujet qui dérange…la pensée universaliste française sur tous les sujets de société mais surtout la manière dont les Chinois et plus généralement l’Asie envisagent des questions importantes de société: le rapport femme/homme, l’écologie, de la gestion des données, de la vie privée, la beauté, la réussite….

C’est d’autant plus important que la Chine est en train d’influencer par les plateformes digitales (je pense à Tik Tok entre autre) notre manière de voir le monde. La Chine est sur le point de prendre un leadership mondial et cela aura nécessairement des conséquences sur nos modes de vie.
Dès lors, envisager nos biais culturels cognitifs est essentiel.
J’avais déjà abordé le sujet en parlant d’intelligence artificielle avec Aurélie Jean mais la morale que l’on considère comme universelle est totalement culturelle.
Nous y revenons avec Laurence dans le détail.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Je suis ravi de faire cet épisode avec toi parce qu’on parle de plus en plus de la Chine, depuis l’Europe, depuis la France, on parle aussi beaucoup des États-Unis. On voit bien que culturellement, la Chine est en train de prendre de la place et le modèle chinois est en train de prendre de la place par rapport au modèle occidental. On peut penser à TikTok, entre autres, mais je vois Alibaba et pleins d’autres. Enfin, la manière dont la Chine envisage le business, mais aussi l’écologie, etc, on se rend compte qu’il y a des différences culturelles qui sont majeures et que nous, Européens, on ne les comprend pas nécessairement, par exemple dans le rapport homme femme, mais ça peut être à plein de niveaux. Je voudrais qu’on parle ensemble de ce sujet des différences culturelles. La première question qui touche un peu tout le monde naturellement, c’est justement ce rapport entre les hommes et les femmes et le rapport au féminisme en Chine.

LAURENCE : Ouais alors si c’est tout à fait vrai qu’il y a encore une grande, je trouve méconnaissance de la Chine et ce qui est un paradoxe parce que aujourd’hui pour plein d’entreprises, la Chine devient leur premier marché. Si on prend l’industrie du luxe, c’est 90 % de la croissance du luxe ou des boites comme L’Oréal qui font quasiment toute leur croissance en Chine. Pourtant, la Chine, ça reste un peu ce continent noir où les entreprises et puis même les gens, je pense les Français et les Américains en particulier, ont du mal à comprendre les Chinois, parce qu’il y a très peu de soft power. Il n’y a pas beaucoup de soft power en Chine, donc je dirais qu’on n’a pas tellement accès à pas la musique chinoise. Je ne connais personne autour de moi qui regarde des séries télé chinoises. Puis je pense que c’est un continent qui est resté fermé à l’Occident quasiment jusqu’au 19ᵉ siècle et qui aujourd’hui reste très fermé. Il y a un écosystème Internet proprement chinois, il y a la barrière de la langue, etc et ces différences culturelles sont un peu au carré. On a besoin de plus en plus de décoder la Chine pour adresser la Chine. Je parle du point de vue des entreprises.

GRÉGORY : Bien sûr. Je crois que même en tant qu’individu, on va avoir en France, en Occident de manière générale, un impact de la culture chinoise sur nos vies. Quelque part, je ne suis pas sûr que tout le monde est bien conscience de ça, mais aujourd’hui, il n’y a plus vraiment de leaders mondiaux, comme on a pu le voir avec l’impérialisme américain qui est en train de s’effondrer sur lui-même. Mais on voit du coup des zones, et la Chine évidemment est en position prioritaire pour ça, qui sont en train de sans doute de reprendre ce leadership mondial et donc ça va avoir des conséquences sur nos vies potentiellement.

LAURENCE : Ouais, c’est vrai qu’on parle beaucoup du choc des civilisations et du fait que : est-ce que la Chine va devenir le nouveau modèle civilisationnel ? On en parle beaucoup depuis la gestion de la crise, de la Covid, etc. Franchement, je ne sais pas. Moi, je ne suis pas politologue, je ne sais pas quelles sont les ambitions de la Chine à ce niveau-là. Moi, je me place plutôt du point de vue des entreprises et de comment aujourd’hui, à l’heure où les marques deviennent un peu des ambassadeurs culturels, comment décoder ? Tu parlais tout à l’heure du féminisme et de la question des femmes. C’est vrai que c’est intéressant de voir aujourd’hui que les différentes problématiques et comment des enjeux sociétaux se posent différemment en Chine, aux États-Unis, en France. Sur la question des femmes par exemple, en France, aux États-Unis, c’est un sujet qui n’est plus tellement sur le devant de la scène, moi j’ai l’impression. En France, c’était pas mal sur les inégalités salariales aux États-Unis, c’était MeeToo et la masculinité toxique. En Chine, c’est intéressant de voir qu’on n’en est pas encore là, on en est encore à des questions d’indépendance de la femme. Il y a un énorme regain de féminisme en Chine et le sujet, c’est le droit pour la femme de se marier plus tard, de prolonger ses études, de faire carrière, etc, et ça, c’est important de tenir compte de ces écarts parce qu’on n’en est pas du tout au même niveau dans le combat féministe en Chine. C’est assez flagrant, si on regarde les séries télé chinoises, de voir la femme sûre d’elle qui va assez carriériste, l’homme est vraiment en fonction support, alors qu’en France, si on regarde les séries télé, c’est plutôt la femme, elle n’en est pas là à la femme, elle veut le work/life balance, elle veut avoir un métier qui a du sens, etc. C’est intéressant de voir comment les marques comprennent, résonnent ou au contraire ne comprennent pas du tout ses valeurs sociétales.

GRÉGORY : Mais en fait, d’un côté tu dis que dans les séries, ou alors je n’ai pas compris, mais que dans les séries chinoises l’homme est fonction support, la femme est super sûr d’elle, etc, mais dans la réalité en fait on est encore dans une situation où la femme se bat pour pouvoir se marier plus tard, alors qu’en France le sujet il est complètement encore ouvert. On a eu dernièrement tout cas tout un débat autour du crop top entre autres. Des séries où la femme est beaucoup plus dans une recherche de trouver un équilibre, alors qu’en réalité elle est beaucoup plus libérée de ce que je comprends de ce que tu dis, qu’en Chine.

LAURENCE : Alors non, il y a bien sûr un écart entre les représentations et les réalités sociales. La Chine, si tu regardes l’index parité hommes femmes, sur la condition de la femme, la Chine est très mal classée par rapport à la France qui est dans les premiers dans le top 10 je crois. Donc non. En revanche, ce qui est intéressant, c’est de voir la dynamique. Je pense qu’en Chine, il y a un rapport à la femme très particulier, parce que la politique de l’enfant unique. Donc c’est vrai que les femmes ont été relativement investies par rapport à d’autres pays asiatiques comme le Japon ou la Corée, là où la condition des femmes est vraiment en arrière. Puis surtout, il y a eu la Révolution culturelle, donc la Révolution culturelle, c’est la femme égale de l’homme, ce sont toutes ces représentations pendant la période maoïste, de femme aux combats, de femmes qui conduisent des tracteurs, qui réparent les pylônes électriques et surtout qui s’habillent comme l’homme. Il y avait déjà une espèce de androgynisation de la femme et je pense que la femme en Chine a mis beaucoup de temps. Aujourd’hui, la femme n’est pas du tout libérée en Chine.

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