#152 Comprendre les rouages du complotisme avec Marie Peltier

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GRÉGORY : On va parler d’un sujet dont on parle beaucoup en ce moment qui est le complotisme. Moi, ce que j’aimerais comprendre avant, c’est d’où ça vient le complotisme et comment ça fonctionne ? La question est large, mais on va pouvoir en parler pendant un petit moment.

MARIE : D’où ça vient, c’est toute la question historique. Il y a effectivement le complotisme, c’est un phénomène ancien qui date déjà de la fin du 18ᵉ siècle, en tout cas dans sa forme structurée idéologiquement et qui effectivement fait une sorte de résurgence depuis le début du 21e siècle, depuis l’entrée dans les années 2000 en fait. C’est une espèce de réactualisation d’un phénomène historique qui a des racines assez profondes. Par ailleurs, la manière dont ça fonctionne, c’est en fait un mécanisme qu’on connaît tous bien sur un plan humain, mais sauf que là, il est un peu systématisé. L’idée du complotisme, c’est de voir dans le récit qu’on fait des événements, les signes d’un mensonge qui serait en quelque sorte un mensonge au service d’une minorité mal agissante. L’imaginaire complotiste, c’est ça, c’est traquer tous les indices du mensonge, tous les indices du manque de vérité, et par définition, dans le complotisme, le mensonge est au service d’une petite minorité mal agissante. Cette petite minorité, elle a pris des couleurs différentes à travers le temps. Ça a été les juifs, bien évidemment, aujourd’hui, ça peut être aussi les homosexuels, les musulmans, etc, mais c’est toujours cette idée que c’est une minorité qui tire les ficelles en quelque sorte.

GRÉGORY : Vous vous êtes beaucoup intéressé aux événements du 11 septembre 2001, à ce moment-là, qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi vous vous êtes intéressé à cet événement en particulier ? C’est quoi le lien avec le complotisme ?

MARIE : Je ne me suis pas tant intéressé à l’événement en lui-même qu’au récit que certains en ont fait précisément. Le 11 septembre 2001, on peut dire que c’est un peu le mythe fondateur des conspirationnistes contemporains. Tous les conspirationnistes, à l’heure actuelle, font du 11 septembre, entre guillemets, la preuve ultime du soi-disant mensonge qu’on nous livre. C’est vrai que le 11 septembre 2001, il faut rappeler que ça a été un événement extrêmement traumatique, qui a généré énormément d’émotion dans le débat public, parce que c’était la première fois depuis plusieurs décennies que l’Occident, dans l’imaginaire collectif, que l’Occident était à nouveau attaqué en son cœur et dans un de ses symboles en plus. Donc, il y a eu un très gros choc, je pense que c’est important à rappeler parce que c’est souvent sûr des chocs que le conspirationnisme prospère. Puis, le 11 septembre 2001, il y a eu aussi toute la couleur civilisationnelle que les dirigeants politiques de l’époque ont donnée à l’événement. Nous, Occidentaux, nous sommes la civilisation, nous sommes attaqués par des barbares sanguinaires qui nous veulent du mal. C’est un schéma qu’on voit beaucoup à l’œuvre dans le débat public depuis plusieurs années. Sur ce récit-là, c’est ça qui est intéressant, c’est que ce récit-là, il a clivé énormément de nos sociétés, il a énormément polarisé le débat public. Alors, en face, en quelque sorte, il y a des acteurs politiques qui ont offert des contre récits sur l’événement. C’est-à-dire qui ont dit “non mais en fait cet événement, il sert de prétexte à une série de postures et de politiques injustes, et donc nous, on va vous livrer l’autre version de l’événement”. C’est pour ça que le conspirationnisme contemporain, il s’est d’abord rattaché au 11 septembre 2001, et je pense qu’on a tous entendu que les tours n’étaient pas tombés exactement de la bonne manière ou il n’y avait pas eu d’avion sur le Pentagone, ou toutes ces choses-là. C’était déjà l’idée que le pouvoir politique et médiatique nous livraient un récit mensonger. Je pense qu’on ne peut pas comprendre aujourd’hui l’imaginaire complotiste si on ne comprend pas toutes ces constructions de récits et de contre récits qu’il y a eus sur le 11 septembre 2001.

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Description de l’épisode

Marie Peltier est une chercheuse, historienne mais elle est surtout une experte de la question du complotisme. Avec 2 livres à son actif sur ce sujet, “l’ère du complotisme: la maladie d’une société fracturée” et “Obsession: dans les coulisses du complotisme”. Le complotisme n’est pas un phénomène nouveau, il date de la fin du 18ème siècle mais il fait une résurgence depuis l’entrée des années 2000 et en particulier avec les attentats du 11 septembre 2001.

Nous sommes toujours tenté de comprendre le “comment” répondre au complotisme mais ce qui est importe avant tout c’est le pourquoi il s’installe. Savoir le décrire, comprendre comment il fonctionne et comment on en arrive à un documentaire comme “hold-up” que tant de français semblent apprécier. L’épisode ne se concentre pas sur ce documentaire mais nous en parlons évidemment. Il s’agit de comprendre que le complotisme est avant tout une posture qui donne de la légitimité à des sentiments de peur, de colère ou encore de frustration. Et la réalité est que, selon Marie Peltier, nous avons tous en nous une base de questionnement qui permet au complotisme de proliférer. L’erreur serait de vouloir discréditer voire de ridiculiser les auteurs ou les personnes qui croient à ces thèses, tout au contraire, il est nécessaire d’apporter une réponse politique ferme. C’est de tout cela dont nous parlons avec Marie dans ces 50 minutes passionnantes.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler d’un sujet dont on parle beaucoup en ce moment qui est le complotisme. Moi, ce que j’aimerais comprendre avant, c’est d’où ça vient le complotisme et comment ça fonctionne ? La question est large, mais on va pouvoir en parler pendant un petit moment.

MARIE : D’où ça vient, c’est toute la question historique. Il y a effectivement le complotisme, c’est un phénomène ancien qui date déjà de la fin du 18ᵉ siècle, en tout cas dans sa forme structurée idéologiquement et qui effectivement fait une sorte de résurgence depuis le début du 21e siècle, depuis l’entrée dans les années 2000 en fait. C’est une espèce de réactualisation d’un phénomène historique qui a des racines assez profondes. Par ailleurs, la manière dont ça fonctionne, c’est en fait un mécanisme qu’on connaît tous bien sur un plan humain, mais sauf que là, il est un peu systématisé. L’idée du complotisme, c’est de voir dans le récit qu’on fait des événements, les signes d’un mensonge qui serait en quelque sorte un mensonge au service d’une minorité mal agissante. L’imaginaire complotiste, c’est ça, c’est traquer tous les indices du mensonge, tous les indices du manque de vérité, et par définition, dans le complotisme, le mensonge est au service d’une petite minorité mal agissante. Cette petite minorité, elle a pris des couleurs différentes à travers le temps. Ça a été les juifs, bien évidemment, aujourd’hui, ça peut être aussi les homosexuels, les musulmans, etc, mais c’est toujours cette idée que c’est une minorité qui tire les ficelles en quelque sorte.

GRÉGORY : Vous vous êtes beaucoup intéressé aux événements du 11 septembre 2001, à ce moment-là, qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi vous vous êtes intéressé à cet événement en particulier ? C’est quoi le lien avec le complotisme ?

MARIE : Je ne me suis pas tant intéressé à l’événement en lui-même qu’au récit que certains en ont fait précisément. Le 11 septembre 2001, on peut dire que c’est un peu le mythe fondateur des conspirationnistes contemporains. Tous les conspirationnistes, à l’heure actuelle, font du 11 septembre, entre guillemets, la preuve ultime du soi-disant mensonge qu’on nous livre. C’est vrai que le 11 septembre 2001, il faut rappeler que ça a été un événement extrêmement traumatique, qui a généré énormément d’émotion dans le débat public, parce que c’était la première fois depuis plusieurs décennies que l’Occident, dans l’imaginaire collectif, que l’Occident était à nouveau attaqué en son cœur et dans un de ses symboles en plus. Donc, il y a eu un très gros choc, je pense que c’est important à rappeler parce que c’est souvent sûr des chocs que le conspirationnisme prospère. Puis, le 11 septembre 2001, il y a eu aussi toute la couleur civilisationnelle que les dirigeants politiques de l’époque ont donnée à l’événement. Nous, Occidentaux, nous sommes la civilisation, nous sommes attaqués par des barbares sanguinaires qui nous veulent du mal. C’est un schéma qu’on voit beaucoup à l’œuvre dans le débat public depuis plusieurs années. Sur ce récit-là, c’est ça qui est intéressant, c’est que ce récit-là, il a clivé énormément de nos sociétés, il a énormément polarisé le débat public. Alors, en face, en quelque sorte, il y a des acteurs politiques qui ont offert des contre récits sur l’événement. C’est-à-dire qui ont dit “non mais en fait cet événement, il sert de prétexte à une série de postures et de politiques injustes, et donc nous, on va vous livrer l’autre version de l’événement”. C’est pour ça que le conspirationnisme contemporain, il s’est d’abord rattaché au 11 septembre 2001, et je pense qu’on a tous entendu que les tours n’étaient pas tombés exactement de la bonne manière ou il n’y avait pas eu d’avion sur le Pentagone, ou toutes ces choses-là. C’était déjà l’idée que le pouvoir politique et médiatique nous livraient un récit mensonger. Je pense qu’on ne peut pas comprendre aujourd’hui l’imaginaire complotiste si on ne comprend pas toutes ces constructions de récits et de contre récits qu’il y a eus sur le 11 septembre 2001.

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