#151 Comment trouver du bonheur au coeur d’une pandémie? avec Alexandre Jost

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#151 Comment trouver du bonheur au coeur d'une pandémie? avec Alexandre Jost
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GRÉGORY : Tu es le fondateur de la Fabrique Spinoza. On parle beaucoup de Spinoza et de bonheur. Quelles sont les théories de Spinoza autour du bonheur ? Et pourquoi on en parle autant depuis quelque temps.

ALEXANDRE : Je ne sais plus qui c’est qui a dit qu’on a toujours de deux philosophes qu’on aime, son préféré et Spinoza. Spinoza, je pense que c’est l’un des premiers vrais modernes, c’est quand même l’un des premiers psychologues, dans son livre “L’éthique”, il a une partie entière qui est consacrée aux émotions, à l’analyse des émotions et comment elles découlent les unes des autres. Donc, il nous examine avec clémence et avec réalisme, comme des êtres d’émotions et sans les condamner. Je trouve qu’aujourd’hui, à une époque d’anxiété, mais aussi de joie, en tout cas d’ascenseur émotionnel, avoir un philosophe qui s’intéresse aux émotions, c’est inspirant. Pour aller un peu plus dans ce sens-là, c’est un philosophe de la joie, il dit que la joie est l’atteinte d’un plus haut degré de perfection de soi-même, je trouve ça aussi inspirant. On n’est pas uniquement dans le royaume de la morale ou de la vertu, bien sûr, il y a la question de la bonne vie qu’il aborde, mais il s’intéresse à une vie qui permet d’atteindre la béatitude et la joie. Un autre manière d’être moderne, c’est qu’il a quand même donné lieu à des livres qui croisent philosophie et neurosciences. Alors forcément, j’aime bien ces livres et dans ces livres-là, c’est Damasio qui fait un parallèle entre la pensée de Spinoza et ce qu’on a découvert en neurosciences. Donc c’est l’un des premiers, on pourrait dire neuroscientifique sans le savoir, et seulement 25 ans après Descartes, il a postulé une unité du corps et de l’esprit, en tout cas une non-dualité. Donc in fine, il avait un gros défaut, c’est qu’il était quand même un gosse, il était misogyne, il a dit “Les hommes règnent, les femmes sont régies et le monde est ainsi conforme à l’ordre naturel des choses”. Bon, ce n’est pas terrible, mais on est en 1650, donc finalement, en résumé, c’est un démocrate, il croit en la joie, il est clément avec nous, il équilibre raison et émotions. Pour toutes ces raisons-là, pour nous, la Fabrique Spinoza, justement, c’est une effigie et une inspiration.
GRÉGORY : Alors effectivement, sur le côté misogyne, on va perdre des gens. Mais on va essayer de mettre ça de côté, si tant est que ça soit possible. On est dans une période compliquée. On est censé rentrer chez nous à 21 h, on ne peut plus trop parler, on a des masques, ça coupe les émotions, justement. On a eu dernièrement un attentat. Comment on fait pour être heureux dans ce contexte ? Est-ce qu’on peut continuer à être heureux dans ce contexte ?
ALEXANDRE : Quand on a échangé avant l’émission, tu m’as dit que tu me poserais cette question et au moment où je l’entends, elle me paraît encore plus difficile. Je dirais que pour commencer, à défaut d’être heureux, il faut s’autoriser à l’envisager. L’objet social de la Fabrique Spinoza, le mouvement du bonheur citoyen. Il y a eu des moments sombres, c’était que 90 % des gens soient heureux en France et ça sent un peu le totalitarisme. Et aujourd’hui, on s’est dit qu’un objet social plus raisonnable, c’était de placer le bonheur au cœur de la société. Et le placer au cœur, ça veut dire en débattre comme on le fait aujourd’hui, s’interroger s’il est possible. Mais d’abord, poser la question de sa possibilité, de sa pertinence, et ce, auquel je crois profondément, à la fois en termes idéologiques, mais aussi en termes de vécu, c’est que quand on parle de bonheur, ça génère de la joie. C’est ça, il y a une forme de prophétie autoréalisatrice. Les gens aiment parler de ça. On aime parler de ce qui ne va pas, mais on aime aussi parler de bonheur. Tout ça pour dire que l’un des fondements de la Fabrique Spinoza, c’est de dire que le bonheur est un sujet inspirant, parce que c’est notre aspiration à chacun d’entre nous, conscient ou inconscient, d’être heureux. C’est un sujet qui est susceptible de nous guider, en tant que société, à s’interroger sur comment créer un cadre de vie collectif, de coexistence qui nous permet d’être heureux, qu’à s’interroger sur comment vaincre le terrorisme, l’islamisme, la fin du multilatéralisme, etc. Il y a autant de vertus à penser, à bâtir, qu’à penser, à défendre. Puis, troisièmement, le bonheur est un sujet inspirant et utile. Les philosophes disent qu’il a une valeur instrumentale en plus d’avoir une valeur finale, c’est-à-dire que je peux l’utiliser comme un outil, en plus de l’utiliser comme un endroit vers lequel aller. Par exemple, quand les biologistes parlent du bonheur, ils peuvent avoir des définitions peu poétiques et ils vont dire le bonheur est un état de fonctionnement optimal de l’organisme, optimal en termes émotionnels, en termes cognitifs, en termes intellectuels, etc, et vu ainsi, le bonheur permet peut-être de permettre à nos organisations de mieux fonctionner, à nos démocraties d’embarquer les gens à nouveau, aux entreprises d’être créatives, aux soignants d’avoir les bons protocoles, etc. Chaque fois qu’on pose une question de société, le bonheur apporte des nouvelles réponses.

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Alexandre Jost est le fondateur de la Fabrique Spinoza, à l’origine d’un mouvement autour du bonheur citoyen.

Ainsi, ils essaient de placer le bonheur au coeur de la société et donc en débattre. Ma culture philosophique étant limitée, je me demandais pourquoi j’entendais autant parler de Spinoza en ce moment. Je savais bien entendu que cela avait lien avec le bonheur mais je ne comprenais pas pourquoi. C’est la raison pour laquelle j’ai invité Alexandre pour nous parler de bonheur et en particulier durant cette période de crise sanitaire ou tout le monde est anxieux. Nous n’avons pas encore déterminé les impacts psychologiques de cette crise mais les études et en particulier l’institut Forrester s’accordent à dire que les maladies mentales vont représentées 1/3 des consultations à distance dans les prochaines années.

Spinoza, c’est l’un des premiers psychologues à s’intéresser aux émotions sans jamais les condamner. C’est un philosophe de la joie qui a comme principe que la joie est l’atteinte d’un plus degré de perfection de soi-même. Evidemment la question centrale en ce moment de troubles profonds, de privation de liberté (nous avons enregistré pendant le couvre feu), c’est de se poser la question du bonheur individuel Vs le bonheur collectif.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Tu es le fondateur de la Fabrique Spinoza. On parle beaucoup de Spinoza et de bonheur. Quelles sont les théories de Spinoza autour du bonheur ? Et pourquoi on en parle autant depuis quelque temps.

ALEXANDRE : Je ne sais plus qui c’est qui a dit qu’on a toujours de deux philosophes qu’on aime, son préféré et Spinoza. Spinoza, je pense que c’est l’un des premiers vrais modernes, c’est quand même l’un des premiers psychologues, dans son livre “L’éthique”, il a une partie entière qui est consacrée aux émotions, à l’analyse des émotions et comment elles découlent les unes des autres. Donc, il nous examine avec clémence et avec réalisme, comme des êtres d’émotions et sans les condamner. Je trouve qu’aujourd’hui, à une époque d’anxiété, mais aussi de joie, en tout cas d’ascenseur émotionnel, avoir un philosophe qui s’intéresse aux émotions, c’est inspirant. Pour aller un peu plus dans ce sens-là, c’est un philosophe de la joie, il dit que la joie est l’atteinte d’un plus haut degré de perfection de soi-même, je trouve ça aussi inspirant. On n’est pas uniquement dans le royaume de la morale ou de la vertu, bien sûr, il y a la question de la bonne vie qu’il aborde, mais il s’intéresse à une vie qui permet d’atteindre la béatitude et la joie. Un autre manière d’être moderne, c’est qu’il a quand même donné lieu à des livres qui croisent philosophie et neurosciences. Alors forcément, j’aime bien ces livres et dans ces livres-là, c’est Damasio qui fait un parallèle entre la pensée de Spinoza et ce qu’on a découvert en neurosciences. Donc c’est l’un des premiers, on pourrait dire neuroscientifique sans le savoir, et seulement 25 ans après Descartes, il a postulé une unité du corps et de l’esprit, en tout cas une non-dualité. Donc in fine, il avait un gros défaut, c’est qu’il était quand même un gosse, il était misogyne, il a dit “Les hommes règnent, les femmes sont régies et le monde est ainsi conforme à l’ordre naturel des choses”. Bon, ce n’est pas terrible, mais on est en 1650, donc finalement, en résumé, c’est un démocrate, il croit en la joie, il est clément avec nous, il équilibre raison et émotions. Pour toutes ces raisons-là, pour nous, la Fabrique Spinoza, justement, c’est une effigie et une inspiration.
GRÉGORY : Alors effectivement, sur le côté misogyne, on va perdre des gens. Mais on va essayer de mettre ça de côté, si tant est que ça soit possible. On est dans une période compliquée. On est censé rentrer chez nous à 21 h, on ne peut plus trop parler, on a des masques, ça coupe les émotions, justement. On a eu dernièrement un attentat. Comment on fait pour être heureux dans ce contexte ? Est-ce qu’on peut continuer à être heureux dans ce contexte ?
ALEXANDRE : Quand on a échangé avant l’émission, tu m’as dit que tu me poserais cette question et au moment où je l’entends, elle me paraît encore plus difficile. Je dirais que pour commencer, à défaut d’être heureux, il faut s’autoriser à l’envisager. L’objet social de la Fabrique Spinoza, le mouvement du bonheur citoyen. Il y a eu des moments sombres, c’était que 90 % des gens soient heureux en France et ça sent un peu le totalitarisme. Et aujourd’hui, on s’est dit qu’un objet social plus raisonnable, c’était de placer le bonheur au cœur de la société. Et le placer au cœur, ça veut dire en débattre comme on le fait aujourd’hui, s’interroger s’il est possible. Mais d’abord, poser la question de sa possibilité, de sa pertinence, et ce, auquel je crois profondément, à la fois en termes idéologiques, mais aussi en termes de vécu, c’est que quand on parle de bonheur, ça génère de la joie. C’est ça, il y a une forme de prophétie autoréalisatrice. Les gens aiment parler de ça. On aime parler de ce qui ne va pas, mais on aime aussi parler de bonheur. Tout ça pour dire que l’un des fondements de la Fabrique Spinoza, c’est de dire que le bonheur est un sujet inspirant, parce que c’est notre aspiration à chacun d’entre nous, conscient ou inconscient, d’être heureux. C’est un sujet qui est susceptible de nous guider, en tant que société, à s’interroger sur comment créer un cadre de vie collectif, de coexistence qui nous permet d’être heureux, qu’à s’interroger sur comment vaincre le terrorisme, l’islamisme, la fin du multilatéralisme, etc. Il y a autant de vertus à penser, à bâtir, qu’à penser, à défendre. Puis, troisièmement, le bonheur est un sujet inspirant et utile. Les philosophes disent qu’il a une valeur instrumentale en plus d’avoir une valeur finale, c’est-à-dire que je peux l’utiliser comme un outil, en plus de l’utiliser comme un endroit vers lequel aller. Par exemple, quand les biologistes parlent du bonheur, ils peuvent avoir des définitions peu poétiques et ils vont dire le bonheur est un état de fonctionnement optimal de l’organisme, optimal en termes émotionnels, en termes cognitifs, en termes intellectuels, etc, et vu ainsi, le bonheur permet peut-être de permettre à nos organisations de mieux fonctionner, à nos démocraties d’embarquer les gens à nouveau, aux entreprises d’être créatives, aux soignants d’avoir les bons protocoles, etc. Chaque fois qu’on pose une question de société, le bonheur apporte des nouvelles réponses.

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