#150 Pourquoi l’improvisation est-elle essentielle? avec André Manoukian

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#150 Pourquoi l'improvisation est-elle essentielle? avec André Manoukian
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GRÉGORY : On va parler d’un sujet qui est en ce moment un peu différent parce qu’on ne se rend pas compte à quel point on ne le fait pas, ou pas assez, c’est d’improviser. Finalement, on fonctionne tous plus ou moins comme des machines, c’est-à-dire qu’on a tendance à faire et à répéter les mêmes choses. Évidemment, le sujet ici, c’est la musique, donc on va parler de la musique prioritairement. Mais ce qui va être intéressant, c’est de voir comment on peut évidemment improviser. Ce que j’aimerais comprendre, c’est quoi le rôle de l’improvisation dans le jazz ?
ANDRÉ : Moi, je dirais que c’est le rôle premier dans le jazz, mais pas que dans la musique en général. Ce qu’on ne sait pas aujourd’hui, c’est qu’autrefois, dans l’apprentissage musical, il y avait l’improvisation. Mais quand je dis autrefois, je parle de Jean-Sébastien Bach, je parle de Marin Marais, celui qui jouait la Viole de Gambe au 17ᵉ siècle. À ce propos, je voudrais juste rappeler, si vous avez vu ce film, revoyez-le, tous les matins du monde, c’est le jeune Guillaume Depardieu qui représente un virtuose de la viole de gambe. La viole de gambe, c’est l’ancêtre du violoncelle, si vous voulez, c’est un son assez particulier avec des cordes en sympathiques, c’est magnifique. Jordi Savall l’a réintroduit puisque la mode du baroque est revenue depuis les années 60, on va dire. Bref, l’histoire de ce film, c’est quoi ? C’est un jeune garçon doué pour la musique, il y a un maître de musique de la viole de gambe, il va faire des kilomètres à pied, il va voyager pendant une semaine avec sa viole sur le dos pour le supplier de l’enseigner. Ce maître est joué par Jean-Pierre Marielle et Jean-Pierre le regarde de haut, ce gamin qui ose venir le déranger dans sa retraite. Et puis, au bout d’un moment, l’autre le supplie et à force de conviction, il finit par céder, il le regarde et lui dit Okay, sort ta viole de gambe et improvise. Quand j’ai entendu cette réplique à l’époque, ça m’a presque choqué. Il ne lui a pas dit joue. Il lui a dit improvise. On est au 17ᵉ siècle, on est dans en 1650, quelque chose comme ça. Ça voulait dire qu’on jugeait la qualité d’un musicien à la qualité de son improvisation. Jean-Sébastien Bach improvise. L’exemple le plus fameux, c’est le roi Frédéric II, le roi de Prusse, qui le convoque à Berlin parce que toute la musique était italienne, il supplie Bach de venir. À peine arrivé, Frédéric lui joue un thème à la flûte et lui dit Qu’est-ce que vous pensez de ça ? Il lui joue le thème le plus nase du monde. Bach s’asseyait au piano forte et lui dit “Majesté, comme ce thème est beau”, alors qu’en vrai, il est tout pourri. Il va improviser une fugue à six voix instantanément, et en disant à la fin “Majesté ce thème est trop beau, je vais le travailler un petit peu chez moi et ça va devenir l’offrande musicale”. Si on écoute l’offrande musicale, on entend ces petits thèmes un peu indigestes et la splendeur qu’il en a faite. Bach pour moi, c’est le plus bel exemple d’improvisation. On va aller un petit peu plus tard encore. Quand Beethoven rencontre Mozart, Beethoven à 17 ans, Mozart a 30 ans, c’est une superstar. Le jeune gamin Beethoven est présenté par un riche sponsor qui payait tous les musiciens. Donc Mozart était un peu obligé d’écouter le gamin, c’est une corvée pour lui. Beethoven a préparé son audition depuis plus de 2 mois et il joue devant Mozart et Mozart en a rien à foutre. Beethoven s’en rend compte et il dit à Mozart “Jouez-moi un petit thème et j’improviserai”. Alors Mozart se pique et il joue un petit thème et Beethoven prend le thème de Mozart, il va faire une impro pendant une demi-heure, il va exploser le thème de Mozart, Mozart va ouvrir la porte, il va dire à ses copains écouter ce nom Beethoven, le monde entier en entendra parler. Quand Beethoven apprend qu’il va être sourd, il se dit “Merde, je ne vais plus pouvoir faire de concours d’improvisation”. C’est avec ça qu’il gagnait beaucoup d’argent parce que c’était spectaculaire. Il y avait même des défis du public qui leur disait “jouez-moi un chagrin d’amour”, “jouez-moi une œillade à la nature”, Ils balançaient des thèmes comme ça et les gens jouaient. La musique était totalement libre et improvisé. Mais c’est quoi le principe d’une improvisation ? C’est que vous prenez un thème, une petite cellule, et puis vous brodez, vous le développez. Quand on entend la musique de Bach, on voit des lignes qui montent, on voit des dessins, c’est une musique qui est tellement architecturale, qui est tellement, je dirai presque, physique. On voit les lignes se courber, etc. À la base de tout geste musical, il y a toujours une improvisation.
La suite à écouté sur Vlan !

Description de l’épisode

André Manoukian ne se présente plus vraiment, pianiste, musicien génial mais aussi start-upper désormais au sein de match tunes.
Pour cet épisode 150 je voulais célébrer un petit peu et je suis vraiment ravi d’aborder avec André un sujet qui va nous être très utile à toutes et tous: l’improvisation.
Nous parlons évidemment beaucoup de musique et vous entendrez qu’il y a quelques surprises dans l’épisode, comme à son habitude André est un parfait raconteur d’histoire, il nous transporte chez Mozart, Bach, Beethoven sur fond de philosophie mais surtout il nous donne les clefs pour improviser et pour comprendre pourquoi l’improvisation est essentielle mais pas seulement qu’en musique évidemment.
Quand je l’ai rencontré, je n’avais pas encore réalisé encore à quel point 2021 et les années à venir allaient nous demander de justement improviser, c’est en lisant ce livre “Comment rester serein quand tout s’effondre” mais également en réécoutant l’épisode avec Marie Robert que je l’ai réalisé.
J’espère que vous êtes prêt.e à lâcher les amarres, c’est le challenge que nous allons devoir tout.e.s réaliser afin d’être fluide au maximum.
Bonne écoute!

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : On va parler d’un sujet qui est en ce moment un peu différent parce qu’on ne se rend pas compte à quel point on ne le fait pas, ou pas assez, c’est d’improviser. Finalement, on fonctionne tous plus ou moins comme des machines, c’est-à-dire qu’on a tendance à faire et à répéter les mêmes choses. Évidemment, le sujet ici, c’est la musique, donc on va parler de la musique prioritairement. Mais ce qui va être intéressant, c’est de voir comment on peut évidemment improviser. Ce que j’aimerais comprendre, c’est quoi le rôle de l’improvisation dans le jazz ?
ANDRÉ : Moi, je dirais que c’est le rôle premier dans le jazz, mais pas que dans la musique en général. Ce qu’on ne sait pas aujourd’hui, c’est qu’autrefois, dans l’apprentissage musical, il y avait l’improvisation. Mais quand je dis autrefois, je parle de Jean-Sébastien Bach, je parle de Marin Marais, celui qui jouait la Viole de Gambe au 17ᵉ siècle. À ce propos, je voudrais juste rappeler, si vous avez vu ce film, revoyez-le, tous les matins du monde, c’est le jeune Guillaume Depardieu qui représente un virtuose de la viole de gambe. La viole de gambe, c’est l’ancêtre du violoncelle, si vous voulez, c’est un son assez particulier avec des cordes en sympathiques, c’est magnifique. Jordi Savall l’a réintroduit puisque la mode du baroque est revenue depuis les années 60, on va dire. Bref, l’histoire de ce film, c’est quoi ? C’est un jeune garçon doué pour la musique, il y a un maître de musique de la viole de gambe, il va faire des kilomètres à pied, il va voyager pendant une semaine avec sa viole sur le dos pour le supplier de l’enseigner. Ce maître est joué par Jean-Pierre Marielle et Jean-Pierre le regarde de haut, ce gamin qui ose venir le déranger dans sa retraite. Et puis, au bout d’un moment, l’autre le supplie et à force de conviction, il finit par céder, il le regarde et lui dit Okay, sort ta viole de gambe et improvise. Quand j’ai entendu cette réplique à l’époque, ça m’a presque choqué. Il ne lui a pas dit joue. Il lui a dit improvise. On est au 17ᵉ siècle, on est dans en 1650, quelque chose comme ça. Ça voulait dire qu’on jugeait la qualité d’un musicien à la qualité de son improvisation. Jean-Sébastien Bach improvise. L’exemple le plus fameux, c’est le roi Frédéric II, le roi de Prusse, qui le convoque à Berlin parce que toute la musique était italienne, il supplie Bach de venir. À peine arrivé, Frédéric lui joue un thème à la flûte et lui dit Qu’est-ce que vous pensez de ça ? Il lui joue le thème le plus nase du monde. Bach s’asseyait au piano forte et lui dit “Majesté, comme ce thème est beau”, alors qu’en vrai, il est tout pourri. Il va improviser une fugue à six voix instantanément, et en disant à la fin “Majesté ce thème est trop beau, je vais le travailler un petit peu chez moi et ça va devenir l’offrande musicale”. Si on écoute l’offrande musicale, on entend ces petits thèmes un peu indigestes et la splendeur qu’il en a faite. Bach pour moi, c’est le plus bel exemple d’improvisation. On va aller un petit peu plus tard encore. Quand Beethoven rencontre Mozart, Beethoven à 17 ans, Mozart a 30 ans, c’est une superstar. Le jeune gamin Beethoven est présenté par un riche sponsor qui payait tous les musiciens. Donc Mozart était un peu obligé d’écouter le gamin, c’est une corvée pour lui. Beethoven a préparé son audition depuis plus de 2 mois et il joue devant Mozart et Mozart en a rien à foutre. Beethoven s’en rend compte et il dit à Mozart “Jouez-moi un petit thème et j’improviserai”. Alors Mozart se pique et il joue un petit thème et Beethoven prend le thème de Mozart, il va faire une impro pendant une demi-heure, il va exploser le thème de Mozart, Mozart va ouvrir la porte, il va dire à ses copains écouter ce nom Beethoven, le monde entier en entendra parler. Quand Beethoven apprend qu’il va être sourd, il se dit “Merde, je ne vais plus pouvoir faire de concours d’improvisation”. C’est avec ça qu’il gagnait beaucoup d’argent parce que c’était spectaculaire. Il y avait même des défis du public qui leur disait “jouez-moi un chagrin d’amour”, “jouez-moi une œillade à la nature”, Ils balançaient des thèmes comme ça et les gens jouaient. La musique était totalement libre et improvisé. Mais c’est quoi le principe d’une improvisation ? C’est que vous prenez un thème, une petite cellule, et puis vous brodez, vous le développez. Quand on entend la musique de Bach, on voit des lignes qui montent, on voit des dessins, c’est une musique qui est tellement architecturale, qui est tellement, je dirai presque, physique. On voit les lignes se courber, etc. À la base de tout geste musical, il y a toujours une improvisation.
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