#132 Ecologie, les entreprises peuvent-elles contribuer positivement? Avec Fabrice Bonnifet

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#132 Ecologie, les entreprises peuvent-elles contribuer positivement? Avec Fabrice Bonnifet
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GRÉGORY : Est-ce que tu peux te présenter ?

FABRICE : Je m’appelle Fabrice Bonnifet, je suis le directeur du développement durable du groupe Bouygues, président du collège des directeurs du développement durable, une association qui a été créée il y a 11 ans et qui regroupe les 160 directeurs RSE des fonds durables des grandes entreprises françaises. Je suis aussi administrateur de Chiffre Projects, qui a été fondé il y a 8 ans par Jean-Marc Jancovici sur les enjeux d’énergie, de climat. J’enseigne dans plusieurs écoles et universités, sur les sujets du management développement durable, mais aussi sur le thème de la construction et l’habitat durable qui est l’une de mes activités, notamment à Dauphine, à l’Institut Léonard de Vinci et le CTP à l’Ensam. Je suis aussi le cocréateur, avec Céline PUF, du blog Entreprise contributive dont on va parler.

GRÉGORY : Exactement, la question qui me vient est que je crois que, en particulier, les militants hyper écologistes, pensent que les entreprises sont un problème beaucoup plus qu’une solution. Moi, j’ai la sensation que dans le triptyque société civile/politique/entreprise, finalement l’entreprise, elle, a un rôle essentiel à jouer parce qu’elles font société. Bien sûr, pour toi, c’est quoi le rôle des entreprises dans ce challenge ? 

FABRICE : Je pense que si on cherche des responsables, qui est plus responsable du problème, on va tourner en rond et on ne va pas avancer beaucoup. Je pense qu’on n’a plus le temps aujourd’hui, compte tenu de ce que les scientifiques nous disent, d’aller chercher des boucs émissaires, même si je pense qu’on finira par en chercher, car c’est toujours comme ça que ça se passe quand il y a des crises. Hélas, les boucs émissaires qu’on choisit sont souvent innocents. Alors les entreprises ont une part de responsabilité dans le dérèglement climatique, c’est indéniable. Mais elles ont aussi possiblement le moyen de réparer un certains nombres d’erreurs en modifiant tout simplement leur modèle économique. La solution au changement climatique ne viendra pas que des entreprises, ça viendra aussi beaucoup des comportements individuels et la rencontre des bonnes volontés entre les comportements individuels des citoyens, la prise de conscience des entreprises et une bonne couche de régulation étatique sur des interdictions. Taxer ce qui est vraiment mal, pour détaxer ce qui est mieux. Si on arrive à aligner ce genre de choses, on va peut-être pouvoir y arriver. Mais il ne faut pas s’endormir.

GRÉGORY : Tu parlais des contributives, qu’est-ce qu’une entreprise contributive ? Comment ça prend un rôle chez Bouygues ? Parce que Bouygues, c’est beaucoup de choses, mais entre autres des immeubles d’immobilier. On va dire comment ça commence à prendre forme ?

FABRICE : Alors d’abord, le concept d’entreprise contributive, c’est un concept qui est récent qu’on a imaginé avec Céline il y a 3/4 ans. On s’est dit comment faire en sorte que l’entreprise prenne sa part et qu’elle prenne sa part en restant crédible. Il faut avoir un certain nombre de conditions à prendre en compte. Première condition si on veut être crédible, c’est considérer que la donnée d’entrée numéro 1 de la stratégie, c’est : l’effet scientifique. L’entreprise dit “voilà, je vais prendre en compte ce que dit la science et je vais l’intégrer comme premier article de ma stratégie”. La science a dit quoi ? La science a dit que si on veut préserver le climat, il ne faut pas émettre plus de x tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Si on veut rester en dessous de 2 degrés, donc si on n’est pas neutre en carbone, on déroge déjà à ce premier principe. La science dit aussi que les ressources ne sont pas infinies, ce n’est même pas de la science, c’est de l’arithmétique. Donc, si les ressources ne sont pas infinies, ça veut dire que je dois utiliser des ressources pour faire mon business, mais tout en les utilisant, je dois travailler à leur renouvellement, c’est-à-dire que je dois intégrer dans ma comptabilité la dépréciation de mes ressources, déplacer des ressources que j’utilise pour pouvoir continuer d’en avoir au fil du temps. Peu d’entreprises font ça aujourd’hui. Le capital naturel, c’est la base de toutes les entreprises pour faire du business, transformer des matières premières avec de l’énergie, de l’intelligence humaine, des machines, des moteurs, etc. Mais s’il n’y a plus de matières premières ou s’il y en a moins, il n’y a plus de business. Pour préserver ces matières premières, il faut les intégrer au bilan. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas et comme ce n’est pas le cas, on considère les matières premières comme des actifs, donc il n’y a aucun investissement, aucune provision financière pour les renouveler. Aujourd’hui, on pompe les ressources partout dans le monde, ce qui crée des désordres environnementaux colossaux et on commence à voir, et c’est un paradoxe, des pénuries énormes, mais ça ne nous empêche pas de continuer d’accélérer dans ce mécanisme là. L’entreprise contributive, c’est déjà dire que la science nous dit un certains nombres de choses pour la préservation des écosystèmes, pour le renouvellement des ressources renouvelables et non renouvelables. Quand ce n’est pas renouvelable, il faut faire de l’économie circulaire. Quand c’est renouvelable, il faut laisser le temps à la nature de le renouveler et ne pas aller plus vite que ce que la nature peut faire. Ça, c’est la base de l’entreprise contributive. Or, on est très très très très très loin de ça aujourd’hui dans 99 % des entreprises. 

La suite à écouter sur Vlan !

Description de l’épisode

Fabrice Bonnifet est le directeur du développement durable et QSE du groupe Bouygues, également le président du C3D (le collège des directeurs du développement durable) et l’auteur du blog autour de l’entreprise contributive.

Notre premier regard sur les entreprises c’est que par essence elle cherche à faire du profit sans se soucier des conséquences et qu’elle sont donc néfastes et donc incapable de contribuer de manière positive.

Si beaucoup d’entreprises sont effectivement à cet endroit là, certaines personnes au sein des entreprises essaient de les faire bouger positivement.

Vous entendrez que je ne ménage pas Fabrice sur toutes les questions que l’on se posent fondamentalement sur toute la mauvaise foi des entreprises dès qu’il s’agit d’écologie.

Dans le même temps, il est évident que nous n’allons pas pouvoir faire sans les entreprises non plus alors comment envisager la contribution qu’une société peut avoir sur ce combat que notre société doit mener?

Nous partageons avec Fabrice sur des éléments comptables mais aussi la redéfinition de ce qu’est la croissance, la performance ou encore la réalité physique d’un monde fini.

Un épisode qui s’inscrit dans la lignée de l’épisode précédent bien sur.

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Transcription partielle de l’épisode

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GRÉGORY : Est-ce que tu peux te présenter ?

FABRICE : Je m’appelle Fabrice Bonnifet, je suis le directeur du développement durable du groupe Bouygues, président du collège des directeurs du développement durable, une association qui a été créée il y a 11 ans et qui regroupe les 160 directeurs RSE des fonds durables des grandes entreprises françaises. Je suis aussi administrateur de Chiffre Projects, qui a été fondé il y a 8 ans par Jean-Marc Jancovici sur les enjeux d’énergie, de climat. J’enseigne dans plusieurs écoles et universités, sur les sujets du management développement durable, mais aussi sur le thème de la construction et l’habitat durable qui est l’une de mes activités, notamment à Dauphine, à l’Institut Léonard de Vinci et le CTP à l’Ensam. Je suis aussi le cocréateur, avec Céline PUF, du blog Entreprise contributive dont on va parler.

GRÉGORY : Exactement, la question qui me vient est que je crois que, en particulier, les militants hyper écologistes, pensent que les entreprises sont un problème beaucoup plus qu’une solution. Moi, j’ai la sensation que dans le triptyque société civile/politique/entreprise, finalement l’entreprise, elle, a un rôle essentiel à jouer parce qu’elles font société. Bien sûr, pour toi, c’est quoi le rôle des entreprises dans ce challenge ? 

FABRICE : Je pense que si on cherche des responsables, qui est plus responsable du problème, on va tourner en rond et on ne va pas avancer beaucoup. Je pense qu’on n’a plus le temps aujourd’hui, compte tenu de ce que les scientifiques nous disent, d’aller chercher des boucs émissaires, même si je pense qu’on finira par en chercher, car c’est toujours comme ça que ça se passe quand il y a des crises. Hélas, les boucs émissaires qu’on choisit sont souvent innocents. Alors les entreprises ont une part de responsabilité dans le dérèglement climatique, c’est indéniable. Mais elles ont aussi possiblement le moyen de réparer un certains nombres d’erreurs en modifiant tout simplement leur modèle économique. La solution au changement climatique ne viendra pas que des entreprises, ça viendra aussi beaucoup des comportements individuels et la rencontre des bonnes volontés entre les comportements individuels des citoyens, la prise de conscience des entreprises et une bonne couche de régulation étatique sur des interdictions. Taxer ce qui est vraiment mal, pour détaxer ce qui est mieux. Si on arrive à aligner ce genre de choses, on va peut-être pouvoir y arriver. Mais il ne faut pas s’endormir.

GRÉGORY : Tu parlais des contributives, qu’est-ce qu’une entreprise contributive ? Comment ça prend un rôle chez Bouygues ? Parce que Bouygues, c’est beaucoup de choses, mais entre autres des immeubles d’immobilier. On va dire comment ça commence à prendre forme ?

FABRICE : Alors d’abord, le concept d’entreprise contributive, c’est un concept qui est récent qu’on a imaginé avec Céline il y a 3/4 ans. On s’est dit comment faire en sorte que l’entreprise prenne sa part et qu’elle prenne sa part en restant crédible. Il faut avoir un certain nombre de conditions à prendre en compte. Première condition si on veut être crédible, c’est considérer que la donnée d’entrée numéro 1 de la stratégie, c’est : l’effet scientifique. L’entreprise dit “voilà, je vais prendre en compte ce que dit la science et je vais l’intégrer comme premier article de ma stratégie”. La science a dit quoi ? La science a dit que si on veut préserver le climat, il ne faut pas émettre plus de x tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Si on veut rester en dessous de 2 degrés, donc si on n’est pas neutre en carbone, on déroge déjà à ce premier principe. La science dit aussi que les ressources ne sont pas infinies, ce n’est même pas de la science, c’est de l’arithmétique. Donc, si les ressources ne sont pas infinies, ça veut dire que je dois utiliser des ressources pour faire mon business, mais tout en les utilisant, je dois travailler à leur renouvellement, c’est-à-dire que je dois intégrer dans ma comptabilité la dépréciation de mes ressources, déplacer des ressources que j’utilise pour pouvoir continuer d’en avoir au fil du temps. Peu d’entreprises font ça aujourd’hui. Le capital naturel, c’est la base de toutes les entreprises pour faire du business, transformer des matières premières avec de l’énergie, de l’intelligence humaine, des machines, des moteurs, etc. Mais s’il n’y a plus de matières premières ou s’il y en a moins, il n’y a plus de business. Pour préserver ces matières premières, il faut les intégrer au bilan. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas et comme ce n’est pas le cas, on considère les matières premières comme des actifs, donc il n’y a aucun investissement, aucune provision financière pour les renouveler. Aujourd’hui, on pompe les ressources partout dans le monde, ce qui crée des désordres environnementaux colossaux et on commence à voir, et c’est un paradoxe, des pénuries énormes, mais ça ne nous empêche pas de continuer d’accélérer dans ce mécanisme là. L’entreprise contributive, c’est déjà dire que la science nous dit un certains nombres de choses pour la préservation des écosystèmes, pour le renouvellement des ressources renouvelables et non renouvelables. Quand ce n’est pas renouvelable, il faut faire de l’économie circulaire. Quand c’est renouvelable, il faut laisser le temps à la nature de le renouveler et ne pas aller plus vite que ce que la nature peut faire. Ça, c’est la base de l’entreprise contributive. Or, on est très très très très très loin de ça aujourd’hui dans 99 % des entreprises. 

La suite à écouter sur Vlan !

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